Le plus beau troupeau de cloches du Jura

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LA PAGE DU FRONTALIER
ROMAINMÔTIER
La Presse Pontissalienne n° 178 - Août 2014
Une partie de la
collection est
consacrée aux
fondeurs comtois.
Une bourse aux sonnailles
Le plus beau troupeau
de cloches du Jura
Olivier Grandjean collectionne les cloches de bétail.
Il en possède près de 800 dont une bonne partie provient du
massif jurassien. Une mélodie champêtre.
a passion ne se commande pas. Le virus
des cloches lui a été inoculé à cinq ans quand
son grand-père lui a
offert sa première pièce. Cette
petite cloche en bronze figure
toujours dans la grange où Olivier Grandjean expose toutes
ses pièces. “La cloche de bétail
n’est pas une spécificité jurassienne puisqu’on en retrouve
dans la plupart des zones montagneuses dédiées à l’élevage”
indique ce spécialiste. La belle
aubaine pour ce collectionneur
qui prospecte de l’Italie du Nord
au Jura en passant par les Alpes.
Avec son passé métallurgique,
ses races laitières, ses alpages,
le massif jurassien est une terre bénie des sonnailles. Et la
frontière, par les échanges qu’elle
génère au gré des soubresauts
de l’histoire, n’a fait qu’accentuer
ce trait de caractère. “On partage par exemple la même souche
génétique sur le bétail entre la
simmenthal et la montbéliarde.
Le pacage franco-suisse reste
une tradition toujours vivace.
On pourrait parler de rôle des
fromagers suisses dans la fabrication du gruyère à l’origine du
comté. En prenant les commandes de la Franche-Comté,
Louis XIV a vite compris l’intérêt
du gruyère. Comme ce fromage
de garde voyage très bien et longtemps, il représentait un aliment
idéal pour la marine. D’où la
volonté royale de développer
l’économie fromagère en encou-
L
O
rageant la migration des fromagers suisses” poursuit-il. Olivier Grandjean qui travaille
dans la finance a donné une
vraie dimension historique et
culturelle à sa passion. C’est un
expert. On le sollicite parfois
pour des évaluations dans le
cadre des successions. “Dans les
familles, le partage des perches
de cloches se fait souvent en dernier car l’ancien, celui qui en a
la propriété, les conserve jusqu’au bout.” La culture métallurgique sur le massif jurassien
participe aussi à l’ancrage de
fondeurs de cloches dans la
région. Certains comme les Bournez fabriquaient aussi des
cloches monumentales. On peut
citer Jacquin à Foncine, Cote à
Entre-les-Fourgs, Charnaux aux
Hôpitaux-Vieux. Sans oublier
les fondeurs d’origine piémontaise qui se sont installés de
part et d’autre de la frontière.
Les Obertino de Morteau et de
Labergement sont toujours cousins avec les Albertano de la
Sarraz.
L’attrait pour les cloches ne
semble pas en perte de vitesse.
Pour s’en convaincre, il suffit
de voir avec quel engouement
les jeunes agriculteurs entretiennent ou reprennent le rituel
de la montée à l’alpage. Pour
cet événement, on sort une
perche de cloches d’apparat qui
seront remplacées par les
cloches d’estive une fois arrivées sur la montagne.
“L’agriculteur ou le berger a tou-
jours le souci d’harmoniser ses
perches. Il utilise des cloches
métalliques pour le rythme et
des cloches en bronze pour la
mélodie. Chaque troupeau a sa
signature sonore.”
Au-delà du plaisir, la cloche de
bétail permet de situer le troupeau, la vache égarée. Elle renseigne aussi sur le comportement des bêtes, indique une
suspicion de chaleur, un stress
particulier, un manque d’herbe.
À cela s’ajoute la symbolique
de la montée à l’alpage.
La lecture des éléments décoratifs d’une cloche est parfois
chargée de symbolique. Chaque
cloche a son histoire. Certaines
arborent des animaux, des
images bibliques au gré de
l’humeur des propriétaires. Le
goût des cloches se transmet
parfois sur plusieurs générations notamment dans les
fermes qui sont attachées à un
alpage en particulier. Olivier
Grandjean prend un malin plaisir à fréquenter les comices du
Haut-Doubs où chaque éleveur
sort ses plus belles sonnailles.
C’est l’occasion de repérer
quelques pièces voire de faire
affaire. Car le marché de la
cloche reste encore une affaire
qui se négocie sur le terrain.
Difficile d’entendre le tintement
d’une cloche sur Internet et de
vérifier un défaut sonore.
La valeur des cloches ? Certaines pièces par leur rareté
coûteraient le prix d’une voiture d’occasion mais on reste
volontiers discret sur la question. “La cloche ne peut pas être
considérée comme un placement
car c’est un objet dont il est très
difficile de se séparer.” Après
l’amour vache, l’amour cloche. I
F.C.
Les cloches
Charnaux, fondeur
aux Hôpitaux-Vieux,
sont très
recherchées des
collectionneurs.
Petits-fils
d’agriculteurs
helvètes, Olivier
Grandjean possède
des centaines
de cloches du
monde entier.
Bourse aux sonnailles
livier Grandjean a lancé en 1998 la Foire dʼautomne et
Bourse aux sonnailles qui se déroule chaque automne
à Romainmôtier. Ce rendez-vous attire 10 000 à 12 000
visiteurs chaque année. La prochaine édition se tiendra du
10 au 12 octobre. (www.swissisland.ch) I
VALLORBE
Un nouveau produit
Des fromages vieillis en grotte
Vallgrotte, c’est le nom d’un nouveau produit fabriqué par la fromagerie
de Lignerolle et affiné à l’intérieur des grottes de Vallorbe. Ambiance.
idée est séduisante et
s’inspire probablement de
l’exemple des fromages de
garde comme le comté ou
le gruyère affinés à l’intérieur
d’anciens forts militaires ou en
tunnel. Serge Audemars, le président des grottes de Vallorbe, était
à la recherche d’un produit typé,
susceptible de valoriser encore
davantage le site. Sa démarche a
trouvé un écho favorable auprès
de Steve Berger. Ce dernier, fromager à Lignerolle, prospectait
aussi un milieu naturel où il puisse expérimenter l’affinage d’un
nouveau fromage. De leurs
L’
Serge Audemars, le président de la société des grottes, a trouvé matière
à affiner auprès de Steve Berger, fromager à Lignerolle.
échanges est né le Vallgrotte.
Après s’être assurés de la fiabilité du challenge, les deux entrepreneurs ont accompli les
démarches nécessaires pour mettre
en conformité un
Sa
local à l’intérieur des
production grottes qui servira
de cave. La producannuelle
tion du Vallgrotte a
devrait
commencé en janatteindre
vier dernier à la fro5 tonnes. magerie de Lignerolle. Le lait est
caillé à 31 °C, puis
chauffé à 52,5 °C
pour être transformé en fromage
à pâte mi-dure qui sera ensuite
affiné dans les grottes à un taux
d’humidité de 92 % et à une température de 11 °C.
Frotté une fois par semaine, le
Vallgrotte arrive à maturité dès
quatre mois d’affinage. “Sa structure souple et sa saveur légèrement
salée sont les gages d’un produit
de qualité”, indique Steve Berger.
Sa production annuelle devrait
atteindre 5 tonnes, soit 625 pièces
de fromage. Le Vallgrotte est vendu au kiosque des grottes et dans
plusieurs commerces de Vallorbe
et des environs. I