Graine de chercheurs Cet espace est dédié aux étudiants en master souhaitant partager un sujet de psychologie. Alexis Ruffault et Nelly Erichot abordent la notion de pleine conscience. La pleine conscience pour la santé physique et psychologique À l'origine issue de la culture bouddhiste, la pleine conscience a été définie en 1990 par Jon Kabat-Zinn1 comme 'orientation de l'attention sur le moment présent, et ce sans porter de jugement sur les pensées, émotions, sensations qui peuvent y survenir. La pleine conscience est donc bel et bien une capacité naturelle, innée2, mais qui peut être développée à l'aide de programmes d'entrainement comprenant, notamment, de la méditation de pleine conscience3. La pleine conscience (ou Mindfulness) est depuis quelques années le sujet de nombreuses recherches. L'entrainement à la pleine conscience a effectivement montré des résultats prometteurs dans le milieu médical, notamment en termes de prise en charge des patients atteints de maladies chroniques comme le cancer, les maladies cardiovasculaires, le diabète ou encore la douleur chronique. Les techniques pour optimiser la disposition à la pleine conscience Les thérapies basées sur la pleine conscience durent généralement 8 semaines, à raison de 2 heures 30 par semaine en séance et 45 minutes d'exercices à faire chez soi six jours dans la semaine, à l'aide de CD. La plupart des exercices sont des séances de méditation, pendant lesquels les patients sont guidés afin de prendre activement conscience de leur environnement sans porter de jugement sur ce qui s'y passe. À la méditation s'ajoutent des exercices de concentration sur la respiration, ainsi que des balayages corporels (body-scans). Ces derniers consistent en une exploration de des sensations par les cinq sens et à une prise de conscience des émotions et des pensées qui s'y rapportent. Cette prise de conscience permet de construire une relation nouvelle à son environnement interne, en se positionnant tel un observateur curieux et bienveillant de ses propres pensées, émotions et sensations4. Pour le bien-être psychologique _a pleine conscience a été introduite en Occident par le biais des thérapies cognitivo-com- portementales, en premier lieu dans l'optique d'améliorer la régulation émotionnelle et la gestion du stress de patients présentant des troubles anxieux et/ou dépressifs. Par la suite, des études ont pu mettre en évidence qu'une meilleure disposition à la pleine conscience, même chez des individus sains, améliore la régulation émotionnelle et la gestion du stress, et a, en quelques sortes, un effet protecteur vis-à-vis de l'anxiété et de 'humeur dépressive. L'une des principales hypothèses soutenues pour expliquer ses résultats est que les entraînements à la pleine conscience permettraient de se désengager plus facilement des processus cognitifs liés à la dépression, tels que les ruminations autour des pensées négatives. Pour la santé physique Pour David Ludwig et Jon Kabat-Zinn5, la méditation de pleine conscience, dans la culture bouddhiste, a pour but de réduire la souffrance et de cultiver la compassion. Les auteurs précisent que l'un des objectifs de la pratique de la pleine conscience chez des patients atteints de maladies somatiques chroniques est d'adopter un style de vie plus sain, en prenant des décisions plus responsables au quotidien. S'inscrivant dans cette lignée, de nombreux chercheurs se sont intéressés aux effets de la disposition et de l'entraînement à la pleine conscience sur différentes problématiques auxquelles sont confrontés ce type de patients, comme 'observance thérapeutique, l'alimentation, l'activité physique, le sommeil, les comportements addictifs ou encore les comorbidités psychopathologiques. Ces études ont obtenus des résultats qui vont, pour la plupart, dans le sens des prédictions de D. Ludwig et J. Kabat-Zinn. Cependant, elles s'accordent toutes sur le fait que si les programmes d'entrainement à la pleine conscience sont, à juste titre, susceptibles de s'intégrer à la prise en charge des maladies chroniques, ils ne constituent pas un traitement à part entière. Conclusion Malgré 'intérêt de ces résultats et de leur implication clinique, il faut relever que les études sur les effets de la pleine conscience dans le cadre de la maladie somatique chronique comptent d'importantes limites : des échantillons de faible effectif, peu de groupes contrôles, l'absence de mesures de la disposition à la pleine conscience des participants avant et après l'intervention, le défaut de données sur les effets à long terme (plus de six mois), mais également le manque de consensus et de communication concernant les interventions pratiquées et les définitions de la pleine conscience. Il reste donc encore à apporter bien plus de rigueur scientifique à ce domaine de recherche. Aujourd'hui, il semble, tout de même, pertinent de compléter la prise en charge des patients atteints de maladie somatique avec des programmes basés sur la pratique de la pleine conscience, afin d'améliorer leur santé physique et psychologique. De plus, les individus même sains, ont tout intérêt à suivre ce type de programme pour cultiver leur bien-être au quotidien. Andy Puddicombe, moine bouddhiste et consultant en méditation de pleine conscience, précise qu'il suffit de dix minutes de méditation de pleine conscience par jour pour lutter contre le mal-être psychologique environnant. Alexis Ruffault & Nelly Erichot Université Paris Descartes Institut dePsychologie 1 - Jon Kabat-Zinn, professeur émérite en médecine, a été le premier à introduire la pleine conscience en Occident dans une optique thérapeutique avec son premier ouvrage Full catastrophe living: using thé wisdom of your body and mind to face stress, pain, and illness, paru en 1990 (New York: Delta Trade Paperbacks). Il est également à l'origine du programme MBSR (Mindfulness Based Réduction Stress). Williams, J.M.G., & Kabat-Zinn, J., (2013) Mindfulness: diverse perspectives on its meanings, origins and applications. London: Routledge. 2 - Brown, K.W., & Ryan, R.M., (2003) The benefits of being présent: Mindfulness and its rôle in psychological well-being. Journal of Personality and Social Psychology, 84(4): 822-848. 3 - Baer, R.A, (2003) Mindfulness Training as a Clinical Intervention: A Conceptual and Empirical Review. Clinical Psychology: Science and Practice, 10(2): 125-143. 4 - Dutton, G.R., (2008) The rôle of mindfulness in health behavior change. ACSM's Health & Fitness Journal, 72(4): 7-12. 5 - Ludwig, D.S., & Kabat-Zinn, J., (2008) Mindfulness in Medicine. Journal of American Médical Association: 1350-1352. PSYCHO média N° 45 - JANVIÊR/FÉVRICR 2OI4
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