Bonne lecture - Infocom Réunion

Varangue
n° 287
Journal-école du 30 avril 2014
ENTRE HISTOIRE ET LEGENDE
«Sur la piste des trésors perdus»
Niché dans le coin d’une ravine, Le busard, cherche ses trésors. Un
chapeau d’aventurier en guise de couvre-chef, chaque weekend, le digne
héritier de Bibique arpente les berges rocailleuses de l’île, en quête de
richesses cachées.
jamais, lâche-t-il en sortant de sa
poche une petite masse, suspendue
à un fil. Je lui pose des questions.
Il me répond par oui en tournant
dans le sens des aiguilles d’une
montre et par non dans le sens
inverse ». Les observations qu’il
fait sur le terrain sont « autant
d’indices » venant confirmer qu’il
est bien sur la piste de son trésor.
« Contre la falaise il y avait un
monticule de roches, comme posé
là... pour cacher quelque chose,
ajoute-t-il le regard pétillant. Il
y avait aussi deux trous de 30 cm
de diamètre dans la paroi ; dont
l’un fait près de deux mètres de
profondeur ».
Peut-être les vestiges d’un campement, d’un support de toiture
Des objets du quotidien
Pour Le busard, le pendule est un outil précieux et fiable. (Photo C.A)
Tout commence à la manière d’une
histoire de pirates : par une promesse d’aventure. « Une voyante
m’a mis sur la trace d’un trésor,
raconte Le busard*. Selon elle, il
s’agissait du butin d’un capitaine
de frégate ». Accompagné d’un
ami, il se rend dans « une ravine
de l’ouest » ; il n’en dira pas
plus. Mais les ravines regorgent
de grottes, certains endroits sont
très difficiles d’accès, escarpés
et les indications de la voyante
ne permettent pas de localiser les
pièces d’or avec précision, comme
le ferait une croix sur une carte.
Pour réduire le périmètre de prospection, le chercheur de trésor se
fie alors à son pendule. « Un compagnon de route qui ne me quitte
installé le long de la ravine ? Et de
signaler une composition rocheuse
« ressemblant fort à un mortier artisanal ». Ce qui, selon Le busard,
aurait pu permettre de sceller l’entrée d’une cavité susceptible d’accueillir un trésor…
Pour savoir où donner le premier
coup de pioche, le chercheur s’est
construit un détecteur de métal
artisanal à l’aide d’une simple tige
de cuivre torsadée, glissée dans un
tube en plastique. « En se positionnant dos au nord, la tige va se diriger vers l’or », assure-t-il.
Le premier coup de pioche, donné
il y a maintenant plusieurs années,
s’est transformé en marteau piqueur, alimenté par un groupe électrogène. Un matériel nécessaire
dès que l’on s’enfonce à près de dix
mètres sous terre. « Je pense que
je suis allé trop profond», estime
Le busard. Il est facile de passer à côté du
trésor, d’autant plus que, selon
certaines légendes, un matelot
était tué et enterré avec l’or pour
le protéger des pilleurs. « Il y a des
gardiens qui font tout pour que tu
ne le trouves pas. Tu vas creuser
juste à droite, ou juste à gauche
mais jamais dessus ». Par respect
pour les esprits, l’aventurier
allume une bougie avant chaque
fouille, mais n’a encore rien trouvé
de vraiment précieux.
Un peu découragé ? Cela fait maintenant six mois que le site est laissé
à l’abandon. Assis sur le bord du
cours d’eau longeant sa propriété,
Le busard dit désormais préférer
« fouiller dans les environs ». Il
poursuit : « Il n’y avait pas que des
gros trésors à l’époque. Les matelots, quand ils recevaient leur part
des butins, ne pouvaient pas faire
un dépôt à la banque. Ils devaient
très certainement en cacher une
partie sur l’île ». Après vingt années passer à investir des dizaines de ravines et le littoral, de Saint Paul à Sainte-Rose,
en passant par SaintPierre, il a mis
à jour des objets du quotidiens,
oubliés tout au long de l’histoire
de la Réunion : un fragment de
marmite découvert deux mètres
sous les fondations d’une « case »,
construite il y a un siècle ; ce qui
ressemble à « un canon de pistolet»
et une pipe en grès, trouvée dans
une grotte obstruée le long d’une
ravine. De quoi le faire patienter
jusqu’au trésor, le vrai : « J’espère
bien finir par en trouver un, même
si je suis heureux comme ça avec
mes petites fouilles. »
Une carte dans le cryptogramme
de la Buse ?
De tous les trésors enfouis à la Réunion celui d’Olivier de Levasseur, dit la Buse, est sans contexte le plus célèbre. Alors que ce
dernier est pendu haut et court, pour faits de piraterie, le 7 juillet
1730, il lance un dernier message à la foule. Un petit morceau de
papier, comportant des caractères étranges. Le texte déchiffré reste
flou : avec des phrase pourvues de fautes d’orthographe et de mots
incompréhensibles. Nombre de chasseur de trésors cherchent dans
le cryptogramme des coordonnées, une carte peut être ? Ainsi, en
reliant les points constituants certains caractères du code, apparaissent plusieurs vecteurs. Des lignes correspondant étrangement
au tracé de la ravine à malheur et à celui du chemin des anglais : la
plus vieille route de l’île, que la buse foula pour se rendre à l’échafaud. La légende veut qu’en s’aventurant sur un pont de fortune,
reliant les deux versants de la ravine, Olivier de Levasseur lâcha ces
quelques mots à ces gardiens : « Avec ce que j’ai caché ici, je pourrais m’acheter l’île ».
RECYCLAGE DU PLASTIQUE
Des bouchons pour les handicapés
L’association Handi Bouchon Réunion collecte les
bouchons plastiques pour les revendre à l’entreprise
Cycléa. Les recettes servent à financer des actions
pour les personnes handicapées.
« Non seulement, c’est un geste
de solidarité des valides envers
les invalides mais cela permet
aussi de préserver l’environnement ». Iris Chane-Kée, agent
administratif au conseil général,
a installé une boîte de collecte
sur le coin de son bureau afin de
récupérer les bouchons plastiques
de ses collègues. La sexagénaire
relaie ainsi l’action de l’association les Bouchons d’amour dont
l’humoriste Jean-Marie Bigard est
le parrain national.
Sur l’île, l’initiative a été reprise
par l’association Handi Bou-
chon Réunion. Depuis 2006, elle
finance des actions en faveur
des handicapés comme l’achat
de matériel sportif. Récemment,
elle a accordé 500 euros à un club
pour des footballeurs aveugles.
Les bouchons sont récupérés dans
les quatre points de collectes de
l’île. Deux dans le sud, au Tampon
et à Saint-Pierre, un à Saint-Paul
à l’Eperon et un à Saint-Denis, au
gymnase du Moufia où les particuliers sont invités à rapporter
leurs capsules. Ils ne peuvent
eux-mêmes les vendre à l’entreprise de recyclage Cycléa, au
Corentin ARNAUD
Port. « Nous avons l’exclusivité
de la collecte et de la vente »,
explique Noël Thomas, membre
de l’association.
Par tonne de plastique, l’association touche 150 euros net. Ses
recettes atteignent 1500 euros
environ par an. Pas de quoi sabrer
le champagne, mais les bouchons
font au moins sauter l’indifférence des consommateurs.
Alyssa MARIAPIN
Iris Chane-kée sensibilise ses collègues (Photo A.M)
DIX NUITS CONTRE LA POLLUTION LUMINEUSE
Le pétrel de Barau échappe à la lumière
Durant l’opération « 10 nuits sans lumières », les éclairages publics ont été réduits de façon à éviter aux jeunes pétrels
de prendre leur envol sans se perdre. Attirés et éblouis par les lumières artificielles, les oiseaux échouent sinon sur le sol.
Il est des lumières qui mènent à la
perte. Au cours du mois de mars
et d’avril, les jeunes pétrels de
Barau qui prennent leur premier
envol vers la mer sont trompés
par les éclairages urbains, qu’ils
prennent pour le reflet de la lune
sur l’océan. Ils percutent violemment les poteaux lumineux et
terminent leur migration au sol,
dans un piteux état. Blessés, les
oiseaux périssent généralement
de déshydratation, de prédation,
ou écrasés sous les roues des
véhicules. « On trouve des pétrels
là où la ville est la plus fortement
éclairée : les stades, les parkings,
les zones industrielles…», indique
Annie-Claude Gonnaud, membre de
la société d’études ornithologiques
de la Réunion (Séor).
Cet animal, endémique de La
Réunion et probablement présent
sur l’île bien avant l’Homme, est
aujourd’hui en danger. Pour tenter de le sauver, la Séor, le conseil
de la culture, de l’éducation et
de l’environnement (CCEE) et le
Parc National ont organisé cette
année l’opération « 10 nuits sans
lumières », du 18 au 27 avril, et ce
sur toute l’île. « Les années précédentes, on n’organisait que deux à
trois nuits sans lumière, mais on
ne recueillait pas beaucoup de pétrels. On a donc décidé d’étendre
la durée », explique un autre
membre de la Séor, André Fleurence. EDF a également encouragé
la réduction des éclairages dans les
communes via son programme «
pétrels protégés », une opération
initiée en 2009. Des éclairages
non polluants dont EDF lui-même
va généraliser l’installation dans
l’ensemble de ses agences de l’île.
La liberté retrouvée
A mi-parcours de l’opération, Annie-Claude Gonnaud dressait un bilan mitigé : « Il y a moins de pétrels
par rapport à l’année dernière
dans le secteur sud. Dimanche,
nous en avons récupéré une dizaine
au Tampon, et lundi, 9 sur SaintPierre ». Les oiseaux sont déposés
par des particuliers chez les pompiers, à la gendarmerie, ou encore
chez le vétérinaire.
Une fois entre les mains des bénévoles de la SEOR, les volatiles sont
Annie-Claude Gonnaud relâche un pétrel de Barau sur le front de mer de La Pointe du Diable. (Photo:G.H)
soignés, pesés, mesurés et dotés
d’une bague solaire, pour être
repérés au cours de leur voyage.
Une fois prêts pour l’aventure,
ils sont relâchés. Pour redonner à
un jeune pétrel sa liberté, AnnieClaude Gonnaud, accompagnée de
deux autres bénévoles, s’est ren-
due sur le front de mer de la Pointe
du Diable à Saint-Pierre, vendredi
dernier. Transporté dans un carton
percé de petits trous, depuis le
Tampon, l’animal était tout agité
au moment où ils l’ont sorti de sa
cage. La bénévole a pris délicatement entre ses mains l’animal et
l’a enfin relâché. Après avoir touché les flots, le pétrel de Barau a
repris son envol, sous les timides
applaudissements des quelques
personnes présentes, et s’est éloigné peu à peu vers l’horizon.
Mélissa PERCIOT
GRAND RAID 2014
RECONNAISSANCE D’UN TROISIÈME GENRE
Parmi les 1398 postulants réunionnais à la Diagonale
des fous, 1100 ont été retenus par tirage au sort. Les
298 malchanceux peuvent se faire repêcher par les
partenaires. Une course hasardeuse à laquelle a dû se
livrer Joël Grouffaud.
Le 15 avril, la Cour Suprême de l’Inde a reconnu et légalisé l’existence d’un troisième
genre. Une avancée politique et sociale qui concerne environ un million de transsexuels sur une population d’un milliard. Que pensent les transsexuels réunionnais de
cette loi ?
La course aux dossards
Avec 1500 places prévues pour la
22ème édition du Grand Raid et
1398 candidats locaux, on aurait
pu croire que tous les coureurs
allaient se lancer sur les sentiers
de l’île. Eh bien non : 400 dossards
sont réservés aux partenaires, aux
institutionnels et aux membres
du comité. Des partenaires qui
participent au financement et à
l’organisation du Grand Raid et
qui, en retour, disposent d’un
quota de places, distribuées à leurs
employés, aux VIP, aux familles... Il
n’y a donc que 1100 places de disponibles pour les coureurs réunionnais anonymes. Soit 298 candidats
sur le carreau. Joël Grouffaud, qui
en fait partie, ne s’est pas résigné. Ce professeur de mathématiques de 43 ans s’est tourné vers
ces fameux partenaires. « C’est
rageant, car certains gardent leurs
dossards inutilisés, au lieu de les
redistribuer ».
Il contacte le Grand Raid mais....
« Ils n’ont pas voulu me mettre
en relation avec les partenaires, à
moi de me débrouiller ! » Débute
un véritable jeu de piste. Trouver
un numéro de téléphone, un email,
la bonne personne qui gère le repêchage. « Je me suis fais balader
de poste en poste en essuyant les
refus, il faut être persévérant »,
décrit Joël, qui avait déjà participé au semi Raid en 2010, dans
la catégorie vétéran. Finalement,
les cassoulets de Renald et Reynold et le réseau de transport Civis
consentent à lui accorder une de
leurs places.
Aujourd’hui, Joël peut se préparer
sereinement et ne remet pas en
cause le système du tirage au sort,
malgré les déceptions qu’il peut
générer. « Bien d’autres courses,
comme le Trail du Mont Blanc, procèdent de la même manière. C’est
plus démocratique, tout le monde
peut participer. Ce n’est pas la loi
du plus performant ou de celui qui
a le plus d’expérience qui prime ».
En revanche, mieux vaut être persévérant…
Laura HOAREAU
Cette année encore Joël pourra participer au grand Raid (Photo: DR)
« Une reconnaissance de leur identité »
Selon lui, avant de promulguer une
loi comme celle-ci, le gouvernement français devrait demander
l’avis aux personnes concernées.
Et il faut, avant tout, faciliter les
démarches administratives pour les
transsexuels souhaitant changer
leur identité. Ils sont nombreux à
ne pas supporter les délais d’attente, des mois voire des années.
Emile se sent bien dans sa peau (Photo: Y.B.A)
Hijras désigne dans la culture
indienne un individu considéré
comme n’étant ni un homme, ni
une femme. Ils inspirent le respect
mais aussi la crainte car ils jetteraient le « mauvais œil ». Nées
pour l’essentiel de sexe masculin,
la plupart des Hijras ont fait le
choix de devenir femme pour résoudre leur crise d’identité.
«Il était temps»
Depuis le 15 avril, le pays a mis un
terme à leur situation marginalisée en reconnaissant le troisième
genre. « La reconnaissance des
transgenres comme un troisième
genre n’est pas une question
sociale ou médicale, mais une
question de droits de l’homme »,
a déclaré le juge K. S. Radhakrishnan. Ce dernier réclame que
les transgenres bénéficient des
mêmes aides sociales et droits que
les autres citoyens indiens tels que
l’éducation, l’emploi ou encore les
soins médicaux. Désormais, sur les
papiers administratifs, la mention
« autre » est inscrite à côté de la
case « sexe ». C’est un progrès
pour le pays où l’homosexualité
est encore considérée comme un
crime. Qu’en pense la population
transsexuelle réunionnaise ?
Dès l’âge de 8 ans, Emile, le prénom qu’il a choisi aujourd’hui,
affirme ne pas être une fille. Il a
le sentiment de ne pas être dans
le bon corps. Les jeux de filles ne
l’intéressent pas et en présence
des garçons, il a l’impression d’être
un imposteur. Aujourd’hui, Emile a
25 ans et se considère comme un
homme, même s’il n’a pas encore
franchi le pas de l’opération. Avec
le temps, il a réussi à mettre des
mots sur ce qu’il est. A la question
sur la loi indienne, il répond dans
un profond soupir : « Il était temps.
C’est une culture qu’ils possèdent,
elle fait partie de leurs mœurs.
Cette loi est une reconnaissance
de leur identité ». Emile a un avis
bien tranché sur la mise en place
d’une telle loi en France. « Il faudrait complètement supprimer la
donnée « sexe » sur les documents
administratifs car cette mention
crée des a priori, explique-t-il.
C’est avec la photo qu’on identifie
quelqu’un, pas avec son sexe ! »
Stéphane Ducamp, président de
l’association Le Refuge à Saint-Denis, affirme que l’application de la
loi indienne en France est impossible : « D’un point de vue culturel, notre société n’est pas prête
à comprendre le troisième genre.
Elle repose sur une culture patriarcale. Le statut de la femme est
déjà particulier, alors reconnaître
un troisième genre me paraît très
compliqué ».
La reconnaissance d’un troisième
genre est rare dans le monde.
Début avril, l’Australie reconnaît
le genre neutre, en plus des genres
féminin et masculin. L’Allemagne
et le Népal autorisent leurs ressortissants à inscrire un X dans la case
« sexe » du passeport. En novembre
dernier, l’Allemagne a effectué un
pas supplémentaire en autorisant
les bébés nés avec les deux sexes
à être enregistrés sans indication.
Yelen BONHOMME-ALLARD
OURS
Directeur de publication : Bernard IDELSON
Rédacteur en chef : Laurent
DECLOITRE
Secrétaires de rédaction :
Corentin ARNAUD; Yelen Bonhomme-Allard