Chap 16 : La stratégie de développement du réseau I. Les objectifs stratégiques A. Au niveau quantitatif 1. En termes de résultat Le développement du réseau vise essentiellement à générer un chiffre d’affaires, un profit et une rentabilité des capitaux investis plus importants. Cet objectif implique une implantation sur des zones géographiques où il existe un nombre conséquent de ménages demandeurs des produits ou services proposés par l’unité commerciale, disposant d’un certain niveau de pouvoir d’achat et où la concurrence est faible. 2. En termes de parts de marché Le déploiement d’une chaîne de points de vente permet d’accroître la part de marché du réseau tout en faisant contrepoids à la concurrence locale. Quand le réseau fixe la part de marché à atteindre, il définit, par là même, la place qu’il souhaite occuper sur le marché, à savoir leader, challenger, suiveur ou encore spécialiste sur un créneau. Sa position concurrentielle conditionnera également sa notoriété et son image. B. Au niveau géographique 1. Une couverture territoriale équilibrée En général, le but d’un réseau est de couvrir au maximum un territoire. Une présence équilibrée sur une zone géographique donnée, qu’elle soit régionale, nationale ou internationale, a deux conséquences. Elle permet tout d’abord d’accéder aux grands médias, car le réseau dispose ainsi d’un poids suffisant pour généraliser sa communication. La seconde conséquence d’une couverture homogène est d’éviter les surcoûts logistiques. 2. Une ouverture vers de nouveaux marchés En France, l’équipement commercial est pratiquement saturé. Pour prospérer, de nombreuses chaînes doivent exporter leur concept. Les enjeux sont internationaux, autant pour les groupes bancaires ou d’assurances que pour les grandes surfaces et les franchises. C. Au niveau du concept de l’unité commerciale 1. Le format Parmi les objectifs stratégiques, le réseau doit choisir le format des unités commerciales, c’est-à-dire définir la forme de commerce à laquelle l’unité commerciale appartient. Cette forme peut être le succursalisme ou la franchise, par exemple. Pour assurer leur développement, certains réseaux n’optent pas pour une formule unique mais adoptent des statuts mixtes, afin de mieux saisir les opportunités d’implantation locales. Outre la forme de commerce, il faut ensuite opter pour une méthode de vente qui peut être assistée ou en libre-service. 1. La taille La deuxième composante du concept est la taille de l’unité commerciale. La surface en mètres carrés du magasin va en effet conditionner la largeur et la profondeur de l’assortiment proposé et, par voie de conséquence, agir sur l’image et le positionnement du point de vente. 2. Un concept adapté aux besoins des consommateurs Il s’agit aussi de décider la façon dont le réseau va répondre aux attentes actuelles de la clientèle, dont on sait qu’elle privilégie de plus en plus l’achat plaisir au détriment de l’achat corvée, et va anticiper les besoins futurs auxquels seul un concept évolutif pourra s’adapter. C’est à ce niveau que le savoir-faire et la compétence distinctive de l’entreprise s’exercent. II. Les contraintes A. Les contraintes financières Les coûts seront fonction du format du réseau et de sa couverture territoriale. Dans tous les cas, il est possible de lister une série de frais inhérents à l’ouverture d’une unité commerciale comprenant : – les frais d’implantation : pour la création de l’unité commerciale, il faut tenir compte des coûts du terrain, de la construction des bâtiments, de l’agencement du magasin et d’investissements divers – les frais de fonctionnement : on prend en compte les frais de recrutement du personnel, les salaires, les frais de gestion et de logistique, compte tenu d’un fonds de roulement adapté à l’unité commerciale – les frais commerciaux : ils comprennent l’aménagement du point de vente et le marchandisage, les prix d’achat des produits, les frais de communication et la mise en place éventuelle d’opérations commerciales pour l’ouverture B. Les contraintes légales 1. Des lois d’urbanisme commerciale de plus en plus contraignantes Les lois sur l’urbanisme commercial consistent, pour les pouvoirs publics, à maîtriser le développement des unités commerciales et à contrôler l’implantation des grandes surfaces de vente dans le but de protéger les plus petites unités et d’équilibrer la répartition entre centreville et périphérie. Entre 1973 et 1996, les lois se sont durcies dans le sens d’un abaissement de la surface à partir de laquelle l’autorisation est obligatoire. La LME (Loi de Modernisation de l’Economie) de 2008 tend à assouplir les réglementations précédentes. 2. De la loi Royer à la loi Raffarin a. La loi Royer La loi Royer de 1973 soumet à autorisation l’implantation de toute surface de vente supérieure ou égale à 1 000 m² dans les villes de moins de 40 000 habitants, et supérieure ou égale à 1 500 m² dans les villes de plus de 40 000 habitants. Une Commission départementale d’urbanisme commercial (CDUC), composée d’hommes politiques locaux et de représentants de consommateurs, prend les décisions d’autorisation ou de refus d’implantation. Les hard discounters (maxi discomptes), dont la surface de vente moyenne est de 700 m², échappaient à la loi Royer et commençaient à s’étendre de façon exponentielle. C’est l’une des raisons du remplacement de la loi Royer par la loi Raffarin. b. La loi Raffarin La loi Raffarin de 1996 impose une demande d’autorisation d’implantation pour toute surface de vente supérieure ou égale à 300 m². Par ailleurs, les CDUC ont été changées en Commissions départementales d’équipement commercial (CDEC). Grâce à leur nouvelle composition, les décisions des Commissions sont beaucoup plus transparentes. En ce qui concerne ces deux lois, un dossier refusé devant la Commission départementale peut être réexaminé par la Commission nationale (CNUC dans la loi Royer, CNEC dans la loi Raffarin). c. La LME de 2008 (la réforme Charié) Le rapporteur Jean-Paul Charié, Député du Loiret, est mandaté par le Premier ministre, à l’automne 2008, pour mener à bien la réforme de l’urbanisme commercial, dont la législation française avait été attaquée par la commission européenne. Le seuil d’autorisation repasse de 300 m² à 1 000 m². La CDEC est remplacée par la CDAC (Commission départementale d’aménagement commercial). Pour ces 3 lois, un dossier refusé par une Commission départementale peut être réexaminé par la Commission nationale (CNUC, CNEC, CNAC). 3. La réaction des réseaux Au 4 août 2008, date de sa promulgation, le gouvernement assurait que la loi permettrait au commerce d'accroître la croissance de 0,3 point par an et de créer 50 000 emplois, surtout dans la grande distribution. Un an plus tard, ces prévisions sont remisées, crise oblige, mais Bercy (ministère des Finances) assure que la LME accompagnera la reprise en rendant l'économie plus flexible, plus concurrentielle et plus efficace. En 2009, les projets d’implantation de surfaces de proximité ont doublé. C. Les contraintes administratives 1. Le dossier d’implantation Afin de respecter les contraintes légales, le réseau doit constituer un dossier qui fera l’objet d’un examen par la CDEC. Ce dossier comprend des informations relatives au demandeur, les conditions de réalisation du projet, la présentation du projet, les renseignements économiques, une étude d’impact (pour les seuls projets supérieurs ou égaux à 1 000 m² de vente). 1. Sur le plan international Les formalités administratives sont plus complexes, car il faut rechercher les pays cibles, établir un dossier de prospection, ainsi que tous les documents répertoriant les adaptations éventuelles à prévoir, en fonction des lois, des normes et autres aspects culturels du pays. III. Les stratégies de développement des enseignes A. La méthode d’implantation Le point de vente est l’équivalent d’un produit pour une entreprise en réseau. Son lieu d’implantation est primordial. Le territoire concerné peut être une ou plusieurs villes, une ou plusieurs régions, un ou plusieurs pays. 1. Le choix du lieu d’implantation L’unité commerciale peut choisir de s’implanter en centre-ville ou en périphérie. Classiquement, dans le système succursaliste, les grands magasins et magasins populaires sont en centre-ville et les hypermarchés en périphérie. Les tentatives de création de grands magasins en périphérie ont échoué. Leur avenir est, du reste, fortement compromis, même dans les centres-villes. Quant aux hypermarchés en périphérie, la situation est actuellement bloquée par un manque d’espace et une couverture nationale qui avoisine les 100 %. 2. Le choix des cibles concernées Il faut définir le type de clientèle visée, qui peut être une clientèle de proximité résidant près de l’unité commerciale ou une clientèle de passage. Concernant cette dernière, on peut remarquer que les consommateurs français ont tendance à se déplacer de plus en plus souvent et de plus en plus loin de leur zone de chalandise primaire. Enfin, les clients dits « nomades », dans les gares, les aéroports ou certains centres commerciaux, se développent. 3. Le calcul de la zone de chalandise En fonction des revenus des ménages ciblés et de leurs dépenses dans le poste budgétaire concerné, l’unité commerciale évalue son chiffre d’affaires potentiel en tenant compte des disparités et habitudes de consommation locales. B. La diversité des stratégies 1. La stratégie hiérarchique par contagion L’enseigne commence par implanter des « têtes de pont » ou unités pilotes qui vont permettre de tester le concept avant de le généraliser. Deux stratégies sont possibles : commencer par implanter les têtes de pont dans les grandes villes, puis développer le réseau ; ou commencer par les petites et moyennes villes avant la contagion à d’autres zones géographiques. Une variante de cette stratégie est l’effet de grappe, qui consiste à créer plusieurs points de vente simultanément, dont l’objectif est d’augmenter rapidement la part de marché du réseau, mais avec pour inconvénient majeur un effet possible de « cannibalisation » entre les magasins. 2. La stratégie d’écrémage L’objectif de cette stratégie est de cibler les segments de clientèle les plus rentables, quelle que soit leur situation géographique. Cette stratégie est l’apanage essentiel des magasins de luxe. 3. La stratégie d’acquisition C’est la stratégie la plus simple pour se développer rapidement, puisqu’elle repose sur le rachat de points de vente existants. C. Les spécificités des stratégies à l’international 1. Exporter un concept Le marché étant saturé en France, les unités commerciales cherchent de nouvelles sources de croissance. Les réseaux disposant de la capacité indispensable à l’internationalisation tentent d’exporter leur concept. Le pionnier est Carrefour en 1969 en Belgique. Les différents modes d’implantation qui s’offrent aux réseaux sont l’ouverture de nouveaux points de vente, l’acquisition de chaînes existantes ou la coopération avec des chaînes locales. Parmi les opportunités, quatre grands continents offrent des possibilités de développement pour les réseaux. Pour s’imposer à l’étranger, il faut arriver avec un concept innovant répondant aux besoins locaux ou développer une niche. Le choix du pays est fonction de l’influence de l’État, de la réglementation, du comportement d’achat, du niveau de la concurrence, du marché potentiel et de la culture des consommateurs. 1. Les différents modes d’entrée possibles à l’étranger 2. Le plan de marchéage international À l’international, l’entreprise choisit entre globalisation et adaptation du plan de marchéage. Globaliser consiste, pour l’entreprise (ex. : Yves Rocher, Benetton, Vuitton), à proposer les mêmes concepts de magasins, de produits, de prix, de services et de communication dans tous les pays où elle est présente. C’est le cas des grands groupes. Les plus petites structures privilégient l’adaptation pour mieux cadrer avec les habitudes du pays et prendre en compte les spécificités du commerce local. D. Les autres types de stratégies de développement 1. Le réseau ne réalise aucune nouvelle acquisition Le réseau cherche à se développer sans créer de nouvelles structures. a. Des modifications au niveau des magasins Le réseau peut appliquer une stratégie de repositionnement en modifiant les unités existantes pour attirer une nouvelle cible. C’est le cas de Monoprix, magasin populaire qui s’est transformé en supermarché en ajoutant un rayon alimentaire. L’autre stratégie possible est l’amélioration des performances, qui consiste à adopter de nouvelles formes de management des équipes ou encore à moderniser les points de vente pour les rendre plus attractifs dans le but d’augmenter les profits. La première option possible est le rachat, où une enseigne en rachète une autre, ce qui lui permet d’étendre son réseau en échappant aux formalités de nouvelles implantations. Il se peut que certains points de vente non rentables soient fermés. Il est impératif d’allier leurs forces respectives pour créer des synergies, privilégier l’enseigne la plus performante, et ainsi représenter un poids plus important par rapport à la concurrence. 2. Le réseau réalise de nouvelles acquisitions Il existe différents types de stratégies basées sur trois critères : – l’expansion ou pénétration : le réseau implante de nouveaux points de vente destinés à des segments de clientèle connus sur des territoires où existent déjà des magasins appartenant au réseau pour occuper le terrain et empêcher la concurrence de se développer – l’intensification ou concentration : la chaîne crée de nouveaux points de vente, cible de nouveaux segments sur des aires de marché identiques – la différenciation ou diversification : cette stratégie propose de nouveaux points de vente sur de nouveaux espaces à destination de nouveaux segments. C’est une stratégie très risquée, car l’ensemble des critères est inconnu
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