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Les maladies provoquées par les rickettsies
L'ophtalmie contagieuse
L'ophtalmie contagieuse est une maladie du
mouton et de la chèvre, caractérisée par de la
conjonctivite et de la kératite.
Fréquence
La maladie est largement répandue chez le mouton dans la plupart des pays, y compris l'Afrique,
l'Australie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et l'Europe. Elle entraîne simplement une gêne mineure dans la préhension de
l'herbe au pâturage pendant quelques jours. La
maladie évolue certaines années sous la forme
d'épizooties, elle peut alors provoquer des pertes
sensibles sur le gain de poids vif. Les épizooties
au moment de la lutte peuvent entraîner une diminution du nombre des jumeaux. Le taux de morbidité varie largement selon les conditions atmosphériques; il est ordinairement voisin de 10 à
15 pour 100, mais peut monter à 50 pour 100.
Etiologie
Rickettsia (Colesiota) conjunctivae peut être
isolé dans les yeux atteints et peut reproduire la
maladie chez le mouton et la chèvre. On discute
encore pour connaître l'importance de l'ophtalmie
à rickettsies chez les bovins, car la grande majorité des cas d'ophtalmie dans cette espèce, sont
dus à Moraxella bovis. Une rickettsie isolée de cas
de kérato-conjonctivite chez des porcs de moins
de deux mois et capable d'induire la maladie chez
des porcelets a pu être transmise par passages en
série chez l'embryon de poulet et la souris.
Chez les ovins, une bactérie Neisseria catarrhalis (avis) est couramment découverte dans les yeux
malades, mais sa valeur étiologique reste douteuse.
Elle peut engendrer la maladie lorsque la résistance locale est affaiblie par une autre cause.
Toutes les races ovines sont pareillement sensibles,
mais la maladie est moins grave chez l'agneau que
chez l'adulte, les sujets récemment sevrés sont tout
particulièrement sensibles. On découvre souvent
des mycoplasmes dans les yeux des brebis atteintes
de kératite et, dans bien des cas, on les considère
comme étant l'agent étiologique de l'affection
(1, 2). Diverses espèces de mycoplasmes ont été
retrouvées dans la kérato-conjonctivite de la chèvre (3). La maladie n'est pas transmissible expérimentalement aux bovins, au cobaye ou au lapin.
Après une infection clinique, la récidive est rare
avant l'été suivant, probablement parce que persiste jusqu ' à cette époque une infection de l'oeil
qui prémunit contre la maladie. La résistance à
l'infection semble abaissée par des maladies intercurrentes, par une alimentation défectueuse ou par
le mauvais temps.
Transmission
La maladie est propagée indirectement par les
mouches, les grandes herbes et la poussière contaminées par les larmes d ' un sujet atteint; elle se
répand également par des moyens directs : les
gouttelettes atmosphériques et les objets contaminés. La maladie est plus fréquente au cours des
mois chauds de l'été lorsqu'il fait sec et poussiéreux et que Ies mouches sont nombreuses. Sur le
plan expérimental, la maladie peut être transmise
par instillations de larmes infectées dans les culsde-sac conjonctivaux, mais non par injection
parentérale. L'infection persiste dans l'oeil jusqu'à
250 jours et les sujets porteurs sont une source de
réinfection au cours des années qui suivent (5).
Un certain niveau d'immunité collective apparaît
dans l'effectif après infection, cette immunité peut
suffire à prévenir les récidives aiguës pendant
2 ou 3 ans.
Pathogénie
L'ophtalmie contagieuse débute comme une
conjonctivite, mais la cornée est souvent envahie.
Symptômes
On note d'abord chez le mouton le larmoiement
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et un blépharospasme, suivis de kératite avec opacification de la cornée et augmentation de sa vascularisation. L'écouIement aqueux devient purulent, mais la guérison débute 3 à 4 jours après et
elle est achevée en 10 jours environ. Chez certains
animaux l'opacification de la cornée peut durer
plusieurs semaines ou demeurer définitive. L'ulcération de la cornée peut provoquer l'ouverture du
globe oculaire. Bien souvent les deux yeux sont
touchés, la contagion est rapide dans le troupeau.
Chez la chèvre la maladie est plus bénigne, elle
provoque peu d'ophtalmie ou de kératite. La conjonctivite est suivie de la formation de lésions
granuleuses sur la conjonctive palpébrale.
Examens de laboratoire
Des produits obtenus par frottement ou par
grattage de la conjonctive peuvent permettre de
détecter la présence de rickettsies dans les cellules
épithéliales.
Diagnostic
C'est la seule ophtalmie contagieuse que l'on
connaisse chez le mouton. Chez la chèvre, R.
conjonctivae ne provoque qu'une conjonctivite
bénigne.
Il existe chez la chèvre une conjonctivite avec
kératite plus grave, mais son étiologie est mal
établie (8). Tous Ies groupes d'âges sont atteints,
la morbidité se situe aux environs de 10 à 20
pour 100, mais elle peut aller jusqu'à 50 pour 100.
Le contact direct entre animaux semble nécessaire
à la contagion, mais la maladie n'a pas été transmise expérimentalement. La conjonctivite, l'opacité, la vascularisation et parfois l'ulcération de la
cornée sont accompagnées par un écoulement
oculaire et un blépharospasme. La guérison commence à se manifester au bout de 4 à 7 jours,
mais dans les cas graves la guérison peut n'être pas
complète au bout de 2 à 4 semaines.
Chez les bovins, Moraxella bovis est la cause
de la grande majorité des épizooties d'infections
oculaires. La phénothiazine peut également amener la photosensibilisation de la cornée, mais l'opacité qui lui fait suite se limite à la moitié latérale
de la cornée.
Traitement
Une irrigation Iocale avec un collyre astringent,
tel que la solution à 2,5 pour 100 de sulfate de
zinc, est généralement faite pour soulager le malade, mais, par rapport aux sujets témoins non
traités, les sujets traités sont ceux qui rechutent
le plus volontiers ou sont à nouveau réinfectés. Le
MEDECINE VETERINAIRE
chloramphénicol a semblé posséder un certain
effet bénéfique dans la pratique (8), mais dans
des essais expérimentaux, l'auréomycine (en collyre à 0,5 pour 100) a été beaucoup plus efficace,
bien que des récidives se soient produites plus
rapidement avec cet antibiotique. Le bromure
d'éthidium (pommade à 0,5 pour 100 ou lotion
à 0,5 à 1 pour 100, une ou deux fois par jour
pendant 3 à 4 jours) et l'oxytétracycline (4) sont
également efficaces. Aucune de ces substances ne
paraît empêcher l'apparition de l'immunité après
l'infection naturelle, mais elles diminuent la gravité des lésions oculaires Iorsqu'on les emploie.
Les sujets cliniquement touchés peuvent avoir
besoin d'une nourriture supplémentaire si leur vue
est diminuée.
Prophylaxie
L'éradication de la maladie n'est pas l'objectif
recherché; on se contente, pour réduire la fréquence de l'affection, d'isoler les ovins atteints et
de placer le troupeau sur un pâturage plus herbeux
et moins poussiéreux. La mise en bergerie des
malades doit aussi être évitée.
BIBLIOGRAPHIE
(1) Surman, P. (1968). Aust. J. biol. Sei., 21, 447.
(2) Langford, E. V. (1971). Canad. J. camp. Med., 35, 8.
(3) McCauley, E. H. et al. (1971). Amer. J. vet. Res., 32,
861.
(4) Hofland, G. et al. (1969). T. Diergeneesk., 94, 353.
(5) Beveridge, W.1. B. (1942). Aust. vet. 1., 18, 155.
La fièvre à tiques
(Tick-Borne Fever)
La fièvre à tiques est une maladie des bovins et
des ovins provoquée par une rickettsie, caractérisée cliniquement par une fièvre modérée et une
courte durée.
Fréquence
La maladie qui a été signalée en Grande-Bretagne, en Scandinavie (1) et aux Indes (sur le
mouton seulement) est de peu d'importance du
fait de sa nature très bénigne. Elle provoque une
certaine perte de poids chez l'agneau. Elle peut
revenir chaque année dans les fermes atteintes.
L'un des effets indirects de la maladie est d ' augmenter la sensibilité des agneaux à la pyémie staphylococcique (2), à la pneumonie due au même
germe, au louping ill et probablement à d'autres
maladies. Le taux de mortalité est négligeable chez
les bovins, mais il peut être plus élevé chez les
ovins.
LES MALADIES PROVOQUEES PAR LES RICKETTSIES
Etiologie
Les germes en cause, Rickettsia bovina et R.
avina, connus également sous le nom de Cytoecetes phagocytophyla, se ressemblent entre eux très
étroitement, d'ailleurs la maladie provoquée expéri mentalement chez le boeuf par la souche ovine
est presque identique à celle produite par la souche
bovine, bien que légèrement moins grave. Il existe
une immunité croisée importante entre les deux
souches. On a plus de difficultés pour inoculer
avec succès la souche bovine aux ovins (et vice
versa) que lorsqu'on s'adresse à la souche homologue; c'est là la seule différence entre les deux
souches. Les tentatives de multiplication des
rickettsies sur l'oeuf de poule ont été infructueuses.
Les bovins, la chèvre et le mouton sont réceptifs,
le veau et l'agneau le sont beaucoup moins que
les adultes. On a réussi à faire se multiplier les
rickettsies sur la souris et le cobaye, elles restent
infectantes pour le mouton après 90 passages en
série. On possède peu de renseignements sur l'immunité, mais on sait que dans les conditions naturelles la maladie se reproduit chez un même animal
dans l'année ou les années suivantes. Un état de
prémunition assez faible, dû à la présence de
rickettsies dans le sang, apparaît après l'infection
et procure une résistance partielle aux infections
ultérieures, la maladie se manifeste alors sous une
forme moins intense. L'inoculation virulente à un
mouton guéri ne provoque aucune réaction si
elle est pratiquée au cours des trois mois suivant
la maladie. La congélation du sang à - 74° conserve son infectivité pendant 8 mois (4).
Les lésions autopsiques chez le boeuf mort de
fièvre des tiques sont très semblables à celles de
la fièvre pétéchiale bovine (maladie d'Ondin) qui
n'existe qu'au Kenya et est due à une rickettsie
très apparentée à celle de la fièvre des tiques (5).
Transmission
La maladie est transmise par les tiques, Ixodes
ricinus en Grande-Bretagne et Rhipicephalus haemaphysaloides en Inde. On a établi que les rickettsies persistaient dans les tiques au travers de leurs
divers stades de développement, mais on ne sait
pas encore si l'infection se transmet de génération en génération. Les rickettsies restent dans le
courant sanguin pendant un temps considérable,
jusqu'à 2 ans chez le mouton, ce qui représente la
source principale du contage dans les zones d'enmaties.
Pathogénie
La présence de rickettsies dans les leucocytes
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et les dépôts de lymphoïdes qui sont les caractéristiques de la maladie, montrent que cette affection est d'abord leucolytique. La leucopénie combinée à la thrombocytopénie indique qu'il doit
s'être produit une inhibition myéloïde, un peu
comme dans les maladies radio-mimétiques telles
que l'intoxication par les fougères (6). Cette similitude est encore augmentée par l'apparition, chez
le mouton adulte d'un syndrome hémorragique
particulièrement visible sur les muqueuses digestives. On n'a pas déterminé si l'avortement qui se
produit chez la brebis et moins souvent chez la
vache, était dû à la fièvre ou à l'effet spécifique
des rickettsies (5).
Symptômes
Chez les bovins il y a une période d'incubation
de 6 à 7 jours après inoculation expérimentale,
suivie d'une élévation thermique jusqu'à 40°5,
température qui persiste 2 à 8 jours. La température descend par degrés, puis survient une période
fébrile secondaire; dans certains cas d'autres périodes de pyrexie se produisent encore. Au cours
de chaque épisode d'hyperthermie, la lactation
chute, on a de la léthargie et de la polypnée; dans
les cas expérimentaux on a de la toux (4). Les
bovins atteints au cours des deux derniers mois de
la gestation avortent et parfois des sujets meurent
subitement. Les avortements surviennent peu après
la maladie générale.
Chez le mouton, le syndrome est identique, sauf
qu'on n'y voit pas de gêne respiratoire. La réaction chez le jeune agneau est très légère, elle ne se
traduit que par une élévation modérée de la température. Les brebis exposées à la maladie pour
la première fois font en général des avortements
et les béliers sont passagèrement inféconds. Un
syndrome hémorragique de la muqueuse intestinale a été observé sur le mouton adulte inoculé
expérimentalement (6).
Examens de laboratoire
Un diagnostic sérologique est possible grâce à
la déviation du complément, épreuve spécifique
et précise (7).
Les rickettsies sont présentes dans les neutrophiles et les monocytes au cours de chaque période
de fièvre et pendant quelques jours ensuite chez
le boeuf, pendant plusieurs semaines ensuite chez
le mouton. Elles peuvent être vues grâce à des
frottis sanguins colorés. Au maximum de la fièvre,
la leucopénie est intense (4.000 à 5.000 par mm3),
elle est principalement due à la baisse du nombre
des neutrophiles. Elle est rapidement suivie d ' une
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MEDECINE VETERINAIRE
leucocytose avec augmentation très nette des neutrophiles immatures. Dans la maladie expérimentale on a au début de la fièvre une thrombocytopénie intense mais passagère (6). La transmission
de la maladie peut se faire par injection intraveineuse de sang prélevé à l'acmé de la fièvre.
Lésions
En dehors de la splénomégalie chez le mouton
il n'y a pas de lésions macroscopiques. Sur le plan
histologique, la seule lésion caractéristique est
l'absence des lymphocytes dans les tissus lymphoïdes.
Diagnostic
Le diagnostic n'est pas difficile, si du moins la
maladie est suspectée, parce que les rickettsies sont
aisément mises en évidence dans les leucocytes.
L'aire géographique restreinte de cette maladie
et sa relation avec une infestation par les tiques
sont également des caractères diagnostiques. La
maladie des bovins a quelque relation avec la
fièvre pétéchiale bovine (maladie d'Ondiri) qui
n'est connue qu'au Kenya (8).
Traitement
La sulfadimérazine est indiquée comme étant
efficace si le traitement est poursuivi quelques
jours durant. Cependant les rickettsies persistent
chez les animaux traités qui, en conséquence, peuvent rechuter. Les tétracyclines sont efficaces contre les autres rickettsies, on en recommande donc
l'essai dans cette maladie.
Prophylaxie
La prophyalxie de cette fièvre des tiques repose
sur la lutte contre les tiques.
BIBLIOGRAPHIE
(1)
Bool, P. H. & Reinders, J. S. (1964). Tijdschr. Diergeneesk., 89, 1519.
(2) Foster, W. N. M. & Cameron, A. E. (1970). J. comp.
Path., 80, 429.
(3) Foggie, A. et al. (1966). I. comp. Path., 76, 413.
(4) Ticomi, J. (1967). Acta path. microb. scand., 70, 429.
(5) Wilson, J. C. et al. (1964). Vet. Rec., 76, 1081.
(6) Foster, W. N. M. & Cameron, A. E. (1968). J. comp.
Path., 78, 251, 255.
(7) Snodgrass, D. R. & Ramachandran, S. (1971). Brit.
vet. J., 127, xliv.
(8) Danskin, D. & Bundin, M. L. (1963). Vet. Rec., 75,
391.
L'erlichose
L'erlichose du cheval a été signalée aux EtatsUnis (1, 2). Elle est due à une rickettsie et elle
peut être transmise expérimentalement par inoculation de sang prélevé sur un sujet malade au
maximum de la réaction fébrile. Il existe des
rickettsies spécifiques pour chaque espèce animale. L'identification formelle de la maladie
repose sur la constatation de corps d'inclusion
dans les leucocytes neutrophiles. Sur le plan clinique on a une fièvre élevée (40 à 42°) suivie de
pâleur des muqueuses, d'anorexie, d'abattement,
d'augmentation d'amplitude des mouvements respiratoires d'incoordination et de refus de se mouvoir; après 3 à 4 jours apparaissent l'oedème et
la chaleur des extrémités. Cet oedème persiste
7 à 10 jours. Au laboratoire on constate une légère
anémie due à une hémolyse intravasculaire; il y a
également une leucopénie marquée mais transitoire. A l'autopsie on a des pétéchies et de
l'oedèm es membres; l'examen histopathologique révèd
le de la vasculite. La maladie doit être distinguée
de l'anémie infectieuse du cheval.
BIBLIOGRAPHIE
(1) Stannard, A. A. et al. (1969). Vet. Rec., 84, 149.
(2) Gribble, D. H. (1969). J. Amer. vet. med. Ass,, 155,
462.