22 Les maladies provoquées par les rickettsies L'ophtalmie contagieuse L'ophtalmie contagieuse est une maladie du mouton et de la chèvre, caractérisée par de la conjonctivite et de la kératite. Fréquence La maladie est largement répandue chez le mouton dans la plupart des pays, y compris l'Afrique, l'Australie, les Etats-Unis, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et l'Europe. Elle entraîne simplement une gêne mineure dans la préhension de l'herbe au pâturage pendant quelques jours. La maladie évolue certaines années sous la forme d'épizooties, elle peut alors provoquer des pertes sensibles sur le gain de poids vif. Les épizooties au moment de la lutte peuvent entraîner une diminution du nombre des jumeaux. Le taux de morbidité varie largement selon les conditions atmosphériques; il est ordinairement voisin de 10 à 15 pour 100, mais peut monter à 50 pour 100. Etiologie Rickettsia (Colesiota) conjunctivae peut être isolé dans les yeux atteints et peut reproduire la maladie chez le mouton et la chèvre. On discute encore pour connaître l'importance de l'ophtalmie à rickettsies chez les bovins, car la grande majorité des cas d'ophtalmie dans cette espèce, sont dus à Moraxella bovis. Une rickettsie isolée de cas de kérato-conjonctivite chez des porcs de moins de deux mois et capable d'induire la maladie chez des porcelets a pu être transmise par passages en série chez l'embryon de poulet et la souris. Chez les ovins, une bactérie Neisseria catarrhalis (avis) est couramment découverte dans les yeux malades, mais sa valeur étiologique reste douteuse. Elle peut engendrer la maladie lorsque la résistance locale est affaiblie par une autre cause. Toutes les races ovines sont pareillement sensibles, mais la maladie est moins grave chez l'agneau que chez l'adulte, les sujets récemment sevrés sont tout particulièrement sensibles. On découvre souvent des mycoplasmes dans les yeux des brebis atteintes de kératite et, dans bien des cas, on les considère comme étant l'agent étiologique de l'affection (1, 2). Diverses espèces de mycoplasmes ont été retrouvées dans la kérato-conjonctivite de la chèvre (3). La maladie n'est pas transmissible expérimentalement aux bovins, au cobaye ou au lapin. Après une infection clinique, la récidive est rare avant l'été suivant, probablement parce que persiste jusqu ' à cette époque une infection de l'oeil qui prémunit contre la maladie. La résistance à l'infection semble abaissée par des maladies intercurrentes, par une alimentation défectueuse ou par le mauvais temps. Transmission La maladie est propagée indirectement par les mouches, les grandes herbes et la poussière contaminées par les larmes d ' un sujet atteint; elle se répand également par des moyens directs : les gouttelettes atmosphériques et les objets contaminés. La maladie est plus fréquente au cours des mois chauds de l'été lorsqu'il fait sec et poussiéreux et que Ies mouches sont nombreuses. Sur le plan expérimental, la maladie peut être transmise par instillations de larmes infectées dans les culsde-sac conjonctivaux, mais non par injection parentérale. L'infection persiste dans l'oeil jusqu'à 250 jours et les sujets porteurs sont une source de réinfection au cours des années qui suivent (5). Un certain niveau d'immunité collective apparaît dans l'effectif après infection, cette immunité peut suffire à prévenir les récidives aiguës pendant 2 ou 3 ans. Pathogénie L'ophtalmie contagieuse débute comme une conjonctivite, mais la cornée est souvent envahie. Symptômes On note d'abord chez le mouton le larmoiement 64 2 et un blépharospasme, suivis de kératite avec opacification de la cornée et augmentation de sa vascularisation. L'écouIement aqueux devient purulent, mais la guérison débute 3 à 4 jours après et elle est achevée en 10 jours environ. Chez certains animaux l'opacification de la cornée peut durer plusieurs semaines ou demeurer définitive. L'ulcération de la cornée peut provoquer l'ouverture du globe oculaire. Bien souvent les deux yeux sont touchés, la contagion est rapide dans le troupeau. Chez la chèvre la maladie est plus bénigne, elle provoque peu d'ophtalmie ou de kératite. La conjonctivite est suivie de la formation de lésions granuleuses sur la conjonctive palpébrale. Examens de laboratoire Des produits obtenus par frottement ou par grattage de la conjonctive peuvent permettre de détecter la présence de rickettsies dans les cellules épithéliales. Diagnostic C'est la seule ophtalmie contagieuse que l'on connaisse chez le mouton. Chez la chèvre, R. conjonctivae ne provoque qu'une conjonctivite bénigne. Il existe chez la chèvre une conjonctivite avec kératite plus grave, mais son étiologie est mal établie (8). Tous Ies groupes d'âges sont atteints, la morbidité se situe aux environs de 10 à 20 pour 100, mais elle peut aller jusqu'à 50 pour 100. Le contact direct entre animaux semble nécessaire à la contagion, mais la maladie n'a pas été transmise expérimentalement. La conjonctivite, l'opacité, la vascularisation et parfois l'ulcération de la cornée sont accompagnées par un écoulement oculaire et un blépharospasme. La guérison commence à se manifester au bout de 4 à 7 jours, mais dans les cas graves la guérison peut n'être pas complète au bout de 2 à 4 semaines. Chez les bovins, Moraxella bovis est la cause de la grande majorité des épizooties d'infections oculaires. La phénothiazine peut également amener la photosensibilisation de la cornée, mais l'opacité qui lui fait suite se limite à la moitié latérale de la cornée. Traitement Une irrigation Iocale avec un collyre astringent, tel que la solution à 2,5 pour 100 de sulfate de zinc, est généralement faite pour soulager le malade, mais, par rapport aux sujets témoins non traités, les sujets traités sont ceux qui rechutent le plus volontiers ou sont à nouveau réinfectés. Le MEDECINE VETERINAIRE chloramphénicol a semblé posséder un certain effet bénéfique dans la pratique (8), mais dans des essais expérimentaux, l'auréomycine (en collyre à 0,5 pour 100) a été beaucoup plus efficace, bien que des récidives se soient produites plus rapidement avec cet antibiotique. Le bromure d'éthidium (pommade à 0,5 pour 100 ou lotion à 0,5 à 1 pour 100, une ou deux fois par jour pendant 3 à 4 jours) et l'oxytétracycline (4) sont également efficaces. Aucune de ces substances ne paraît empêcher l'apparition de l'immunité après l'infection naturelle, mais elles diminuent la gravité des lésions oculaires Iorsqu'on les emploie. Les sujets cliniquement touchés peuvent avoir besoin d'une nourriture supplémentaire si leur vue est diminuée. Prophylaxie L'éradication de la maladie n'est pas l'objectif recherché; on se contente, pour réduire la fréquence de l'affection, d'isoler les ovins atteints et de placer le troupeau sur un pâturage plus herbeux et moins poussiéreux. La mise en bergerie des malades doit aussi être évitée. BIBLIOGRAPHIE (1) Surman, P. (1968). Aust. J. biol. Sei., 21, 447. (2) Langford, E. V. (1971). Canad. J. camp. Med., 35, 8. (3) McCauley, E. H. et al. (1971). Amer. J. vet. Res., 32, 861. (4) Hofland, G. et al. (1969). T. Diergeneesk., 94, 353. (5) Beveridge, W.1. B. (1942). Aust. vet. 1., 18, 155. La fièvre à tiques (Tick-Borne Fever) La fièvre à tiques est une maladie des bovins et des ovins provoquée par une rickettsie, caractérisée cliniquement par une fièvre modérée et une courte durée. Fréquence La maladie qui a été signalée en Grande-Bretagne, en Scandinavie (1) et aux Indes (sur le mouton seulement) est de peu d'importance du fait de sa nature très bénigne. Elle provoque une certaine perte de poids chez l'agneau. Elle peut revenir chaque année dans les fermes atteintes. L'un des effets indirects de la maladie est d ' augmenter la sensibilité des agneaux à la pyémie staphylococcique (2), à la pneumonie due au même germe, au louping ill et probablement à d'autres maladies. Le taux de mortalité est négligeable chez les bovins, mais il peut être plus élevé chez les ovins. LES MALADIES PROVOQUEES PAR LES RICKETTSIES Etiologie Les germes en cause, Rickettsia bovina et R. avina, connus également sous le nom de Cytoecetes phagocytophyla, se ressemblent entre eux très étroitement, d'ailleurs la maladie provoquée expéri mentalement chez le boeuf par la souche ovine est presque identique à celle produite par la souche bovine, bien que légèrement moins grave. Il existe une immunité croisée importante entre les deux souches. On a plus de difficultés pour inoculer avec succès la souche bovine aux ovins (et vice versa) que lorsqu'on s'adresse à la souche homologue; c'est là la seule différence entre les deux souches. Les tentatives de multiplication des rickettsies sur l'oeuf de poule ont été infructueuses. Les bovins, la chèvre et le mouton sont réceptifs, le veau et l'agneau le sont beaucoup moins que les adultes. On a réussi à faire se multiplier les rickettsies sur la souris et le cobaye, elles restent infectantes pour le mouton après 90 passages en série. On possède peu de renseignements sur l'immunité, mais on sait que dans les conditions naturelles la maladie se reproduit chez un même animal dans l'année ou les années suivantes. Un état de prémunition assez faible, dû à la présence de rickettsies dans le sang, apparaît après l'infection et procure une résistance partielle aux infections ultérieures, la maladie se manifeste alors sous une forme moins intense. L'inoculation virulente à un mouton guéri ne provoque aucune réaction si elle est pratiquée au cours des trois mois suivant la maladie. La congélation du sang à - 74° conserve son infectivité pendant 8 mois (4). Les lésions autopsiques chez le boeuf mort de fièvre des tiques sont très semblables à celles de la fièvre pétéchiale bovine (maladie d'Ondin) qui n'existe qu'au Kenya et est due à une rickettsie très apparentée à celle de la fièvre des tiques (5). Transmission La maladie est transmise par les tiques, Ixodes ricinus en Grande-Bretagne et Rhipicephalus haemaphysaloides en Inde. On a établi que les rickettsies persistaient dans les tiques au travers de leurs divers stades de développement, mais on ne sait pas encore si l'infection se transmet de génération en génération. Les rickettsies restent dans le courant sanguin pendant un temps considérable, jusqu'à 2 ans chez le mouton, ce qui représente la source principale du contage dans les zones d'enmaties. Pathogénie La présence de rickettsies dans les leucocytes 643 et les dépôts de lymphoïdes qui sont les caractéristiques de la maladie, montrent que cette affection est d'abord leucolytique. La leucopénie combinée à la thrombocytopénie indique qu'il doit s'être produit une inhibition myéloïde, un peu comme dans les maladies radio-mimétiques telles que l'intoxication par les fougères (6). Cette similitude est encore augmentée par l'apparition, chez le mouton adulte d'un syndrome hémorragique particulièrement visible sur les muqueuses digestives. On n'a pas déterminé si l'avortement qui se produit chez la brebis et moins souvent chez la vache, était dû à la fièvre ou à l'effet spécifique des rickettsies (5). Symptômes Chez les bovins il y a une période d'incubation de 6 à 7 jours après inoculation expérimentale, suivie d'une élévation thermique jusqu'à 40°5, température qui persiste 2 à 8 jours. La température descend par degrés, puis survient une période fébrile secondaire; dans certains cas d'autres périodes de pyrexie se produisent encore. Au cours de chaque épisode d'hyperthermie, la lactation chute, on a de la léthargie et de la polypnée; dans les cas expérimentaux on a de la toux (4). Les bovins atteints au cours des deux derniers mois de la gestation avortent et parfois des sujets meurent subitement. Les avortements surviennent peu après la maladie générale. Chez le mouton, le syndrome est identique, sauf qu'on n'y voit pas de gêne respiratoire. La réaction chez le jeune agneau est très légère, elle ne se traduit que par une élévation modérée de la température. Les brebis exposées à la maladie pour la première fois font en général des avortements et les béliers sont passagèrement inféconds. Un syndrome hémorragique de la muqueuse intestinale a été observé sur le mouton adulte inoculé expérimentalement (6). Examens de laboratoire Un diagnostic sérologique est possible grâce à la déviation du complément, épreuve spécifique et précise (7). Les rickettsies sont présentes dans les neutrophiles et les monocytes au cours de chaque période de fièvre et pendant quelques jours ensuite chez le boeuf, pendant plusieurs semaines ensuite chez le mouton. Elles peuvent être vues grâce à des frottis sanguins colorés. Au maximum de la fièvre, la leucopénie est intense (4.000 à 5.000 par mm3), elle est principalement due à la baisse du nombre des neutrophiles. Elle est rapidement suivie d ' une 644 MEDECINE VETERINAIRE leucocytose avec augmentation très nette des neutrophiles immatures. Dans la maladie expérimentale on a au début de la fièvre une thrombocytopénie intense mais passagère (6). La transmission de la maladie peut se faire par injection intraveineuse de sang prélevé à l'acmé de la fièvre. Lésions En dehors de la splénomégalie chez le mouton il n'y a pas de lésions macroscopiques. Sur le plan histologique, la seule lésion caractéristique est l'absence des lymphocytes dans les tissus lymphoïdes. Diagnostic Le diagnostic n'est pas difficile, si du moins la maladie est suspectée, parce que les rickettsies sont aisément mises en évidence dans les leucocytes. L'aire géographique restreinte de cette maladie et sa relation avec une infestation par les tiques sont également des caractères diagnostiques. La maladie des bovins a quelque relation avec la fièvre pétéchiale bovine (maladie d'Ondiri) qui n'est connue qu'au Kenya (8). Traitement La sulfadimérazine est indiquée comme étant efficace si le traitement est poursuivi quelques jours durant. Cependant les rickettsies persistent chez les animaux traités qui, en conséquence, peuvent rechuter. Les tétracyclines sont efficaces contre les autres rickettsies, on en recommande donc l'essai dans cette maladie. Prophylaxie La prophyalxie de cette fièvre des tiques repose sur la lutte contre les tiques. BIBLIOGRAPHIE (1) Bool, P. H. & Reinders, J. S. (1964). Tijdschr. Diergeneesk., 89, 1519. (2) Foster, W. N. M. & Cameron, A. E. (1970). J. comp. Path., 80, 429. (3) Foggie, A. et al. (1966). I. comp. Path., 76, 413. (4) Ticomi, J. (1967). Acta path. microb. scand., 70, 429. (5) Wilson, J. C. et al. (1964). Vet. Rec., 76, 1081. (6) Foster, W. N. M. & Cameron, A. E. (1968). J. comp. Path., 78, 251, 255. (7) Snodgrass, D. R. & Ramachandran, S. (1971). Brit. vet. J., 127, xliv. (8) Danskin, D. & Bundin, M. L. (1963). Vet. Rec., 75, 391. L'erlichose L'erlichose du cheval a été signalée aux EtatsUnis (1, 2). Elle est due à une rickettsie et elle peut être transmise expérimentalement par inoculation de sang prélevé sur un sujet malade au maximum de la réaction fébrile. Il existe des rickettsies spécifiques pour chaque espèce animale. L'identification formelle de la maladie repose sur la constatation de corps d'inclusion dans les leucocytes neutrophiles. Sur le plan clinique on a une fièvre élevée (40 à 42°) suivie de pâleur des muqueuses, d'anorexie, d'abattement, d'augmentation d'amplitude des mouvements respiratoires d'incoordination et de refus de se mouvoir; après 3 à 4 jours apparaissent l'oedème et la chaleur des extrémités. Cet oedème persiste 7 à 10 jours. Au laboratoire on constate une légère anémie due à une hémolyse intravasculaire; il y a également une leucopénie marquée mais transitoire. A l'autopsie on a des pétéchies et de l'oedèm es membres; l'examen histopathologique révèd le de la vasculite. La maladie doit être distinguée de l'anémie infectieuse du cheval. BIBLIOGRAPHIE (1) Stannard, A. A. et al. (1969). Vet. Rec., 84, 149. (2) Gribble, D. H. (1969). J. Amer. vet. med. Ass,, 155, 462.
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