Article PKAUC MMF V3

UTILISATION EN PRATIQUE CLINIQUE DU CALCUL D’AUC DU
MYCOPHÉNOLATE MOFÉTIL DANS LE SUIVI THÉRAPEUTIQUE DES PATIENTS
GREFFÉS RÉNAUX AUX HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG.
Guillaume BECKER1, Rachid OUBAASSINE1, Susanna RUIZ CORONAS1, Claudia
ROIG NAVARRO1, Sophie OHLMANN-CAILLARD2, Bénédicte GOURIEUX1,
Geneviève UBEAUD-SÉQUIER1
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Pharmacie-stérilisation, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, 1 Place de l´hôpital,
67000 Strasbourg, Université de Strasbourg
2
Néphrologie-transplantation, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, 1 Place de
l´hôpital, 67000 Strasbourg
Contact : [email protected] / [email protected]
Résumé :
L’estimation de l’aire sous courbe (AUC) de l’acide mycophénolique est un outil
couramment utilisé pour l’adaptation posologique de mycophénolate mofétil (MMF).
Au CHU de Strasbourg, son utilisation est en augmentation constante. Face à cette
hausse d’activité, nous avons souhaité connaître l’intérêt de l’estimation de l’AUC
pour les néphrologues et la place qu’avait cet élément dans leur algorithme
décisionnel d’adaptation de la posologie de MMF chez leurs patients. Par une étude
prospective de 12 mois, nous avons recueilli 222 prélèvements chez 127 patients.
Nos résultats montrent notamment que l’AUC est davantage prise en compte pour
des valeurs supérieures à l’intervalle cible recommandé par les pharmacologues et
que les bornes supérieures de cet intervalle sont abaissées par les cliniciens.
Mots clés :
Mycophénolate mofétil, Suivi thérapeutique, Adaptation posologique, AUC, Greffe
rénale
Introduction :
Au CHU de Strasbourg, l’AUC de l’acide mycophénolique est utilisée en pratique
clinique dans le suivi thérapeutique des patients greffés rénaux (Van Gelder, et al.,
1999). Cette AUC est calculée par estimation bayesienne par le laboratoire de
pharmacologie du CHU de Limoges (Le Meur Y, 2007). Face à une augmentation
constante du nombre de demandes traitées et du temps nécessaire à la réalisation
de cette activité multidisciplinaire (impliquant néphrologues, biologistes et
pharmaciens), nous avons voulu connaître l’intérêt réel du calcul d’AUC dans
l’adaptation de posologie en pratique quotidienne dans le service de néphrologietransplantation des hôpitaux universitaires de Strasbourg ainsi que le niveau
d’intégration de ce paramètre dans l’algorithme décisionnel d’adaptation posologique
des patients transplantés rénaux.
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Matériels & Méthode :
L’étude prospective sur une durée de 12 mois (du 19janvier 2012_au27 février/2013)
a été réalisée chez des patients greffés rénaux. Les éléments ont été recueillis au
moyen d’une grille validée par le pharmacien et le néphrologue comprenant :
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Les données générales des patients greffés,
les immunosuppresseurs associés (anticalcineurines, glucocorticoïdes),
la présence d’un traitement anti-infectieux (valaciclovir, cotrimoxazole),
l’AUC calculée,
la posologie de MMF au moment du prélèvement,
l’adaptation de la posologie de MMF :
- Comparaison de l’AUC à l’intervalle recommandé dans la littérature
(Van Gelder, et al., 1999),
- posologie prescrite suite à la transmission du résultat à l’équipe de
néphrologues,
- présence concomitante de données cliniques pouvant influencer
l’adaptation posologique du MMF tels que leucopénie, rejet humoral ou
cellulaire, infection bactérienne, virale (CMV, EBV ou BK virus) et
parasitaire ou troubles digestifs.
Résultats et Discussion:
Nous avons ainsi pu étudier 222 prélèvements et calculs d’AUC effectués chez 127
patients. Tous délais post-greffe et traitements immunosuppresseurs associés
confondus, 54.06% (n= 120) des valeurs d’AUC sont dans l’intervalle cible défini par
les pharmacologues [30-60 h.mg/L] (Kuypers DR, et al., 2010). 40,09% (n=89) des
AUC se situent en dessous de l’intervalle tandis que 5.86% (n=13) des valeurs sont
supérieures à 60 h.mg/L (figure 1).
Figure 1 Répartition des valeurs d’AUC estimées (h.mg/L)
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Chez 75,28 % des patients présentant une AUC inférieure à 30h.mg/L, il n’y a pas eu
d’adaptation de la posologie de MMF. Une modification de la posologie prescrite a
été effectuée chez 69,23% des patients dont l’AUC était supérieure à 60 h.mg/L. Par
ailleurs, chez 80,65% (n=25) des patients dont l’AUC était supérieure à 50 h.mg/L,
une adaptation posologique a été effectuée dès cette valeur atteinte (Figure 2).
Figure 2 Modifications de posologie de MMF après transmission des résultats
et de l'interprétation au service
Par ailleurs, concernant les corrélations entre les valeurs des AUC hors intervalle et
les manifestations cliniques chez les patients transplantés, nous observons que pour
les patients dont l’AUC était inférieure à 30 h.mg/L, 86,52% (n=77) ne présentaient
pas de rejet de greffe (figure 3). 25,81% (n=8) des patients dont l’AUC était
supérieures à 50 h.mg/L présentaient une infection virale au moment du prélèvement
contre 38,46% (n=5) des patients dont l’AUC était supérieure à 60 h.mg/L (figure 4).
13,48% Rejet (n=12) Pas de rejet (n=77) 86,52% Figure 3- Rejet du greffon chez les patients dont AUC < 30 h.mg/L
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Figure 4- Survenues d’infections virales pour les valeurs hautes d’AUC du MPA
La proportion de patients présentant une AUC inférieure à l’intervalle recommandé
nous a interpellés. Ces résultats sont d’ailleurs très peu pris en compte par les
néphrologues (peu d’adaptations posologiques) et d’autres éléments semblent donc
primer (état clinique du patient, survenue d’infections, modification du traitement
associé). La répartition de ces patients par délai post-greffe n’a pas permis de faire
ressortir une sous classe de patients prépondérante parmi les patients présentant
une AUC inférieure à 30 h.mg/L (28 patients dont délai inférieur ou égal à 1 mois, 17
patients dont délai compris entre 1 et 3 mois, 29 patients dont délai compris entre 3
mois et 1 an, 15 patients dont délai supérieur à 1 an). Ces résultats nous incitent à
entamer une réflexion sur la modélisation et l’interprétation des valeurs basse d’AUC
du MPA. Nous souhaiterions notamment étudier la prévalence d’éléments pouvant
diminuer l’estimation de l’AUC (taux de protéines plasmatiques, temps de
prélèvement etc.) ainsi que la répartition des AUC en fonction du délai post-greffe
(avec des effectifs pour chaque sous classe, supérieurs à cette étude). Concernant
les valeurs d’AUC supérieures à l’intervalle recommandé, nos résultats montrent que
l’AUC est prise en compte par les praticiens pour le suivi thérapeutique de leurs
patients. Les néphrologues choisissent de diminuer la posologie de MMF dès que la
valeur de 50 h.mg/L est atteinte. Il a été montré récemment qu’à 3 mois post-greffe,
une AUC du MPA supérieure à 50 h.mg/L peut être prédictive d’infections à BK virus
(sensibilité : 46%, spécificité 83%) (Borni-Duval, et al., 2013).
Conclusion :
Ce travail nous permet de confirmer l’intérêt du paramètre pharmacocinétique de
l’AUC pour aider à optimiser la prise en charge thérapeutique des patients
transplantés rénaux et nous encourage à le développer davantage (chez d’autres
types d’organes transplantés) et pérenniser les échanges entre pharmaciens et
néphrologues (et autres cliniciens transplanteurs). Mais cela nous amène également
à entamer une réflexion sur la modélisation et l’interprétation des valeurs basses
d’AUC.
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Références
1. Van Gelder T, Hilbrands LB, Vanrenterghem Y, Weimar W, de Fijter JW, Squifflet
JP, Hené RJ, Verpooten GA, Navarro MT, Hale MD, Nicholls AJ.
A randomized double-blind, multicenter plasma concentration controlled study of the
safety and efficacy of oral mycophenolate mofetil for the prevention of acute rejection
after kidney transplantation. Transplantation. 1999; 68 : 261-266.
2. Borni-Duval C, Caillard S, Olagne J, Perrin P, Braun-Parvez L, Heibel F, Moulin B.
Risk factors for BK virus infection in the era of therapeutic drug monitoring.
Transplantation. 2013; 95: 1498-505.
3. Kuypers DR, Le Meur Y, Cantarovich M, Tredger MJ, Tett SE, Cattaneo D,
Tönshoff B, Holt DW, Chapman J, Gelder Tv; Transplantation Society (TTS)
Consensus Group on TDM of MPA.
Consensus report on therapeutic drug monitoring of mycophenolic acid in solid organ
transplantation. Clin.J.Am. Soc. Nephrol. 2010; 5 : 341-358.
4. Le Meur Y, Büchler M, Thierry A, Caillard S, Villemain F, Lavaud S, Etienne I,
Westeel PF, Hurault de Ligny B, Rostaing L, Thervet E, Szelag JC, Rérolle JP,
Rousseau A, Touchard G, Marquet P.
Individualized mycophenolate mofetil dosing based on drug exposure significantly
improves patient outcomes after renal transplantation. Am J Transplant. 2007; 7 :
2496-2503.
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