Rencontre Yuichi Ono Depuis sa venue en France, il y a plus de vingt ans, l’artiste japonais Yuichi Ono peint les fleurs avec le même ravissement. Il travaille toujours d’après nature, pour mieux saisir l’universelle beauté de ses modèles végétaux. Ses bouquets à l’élégance classique offrent au regard une parenthèse de douceur et de sérénité. Éphémères beautés Texte : Valérie Auriel Photos : Yuichi Ono (œuvres), Valérie Auriel (atelier) L ’ a r t i s t e j a p o n a i s Yuichi Ono a posé ses bagages en France il y a vingttrois ans, après avoir vécu dans différentes parties du monde. Il se souvient : « J’ai commencé à peindre des fleurs lorsque je suis arrivé à Paris et je n’ai pas arrêté depuis. Je travaillais alors comme baby-sitter. Pendant mes temps libres, très tôt le matin, j’allais dessiner au Jardin des Plantes. » Pour Yuichi Ono, peindre des fleurs est loin d’être futile. « Les fleurs symbolisent la beauté et la fragilité de la vie. On n’y prête pas toujours attention, mais leur beauté éphémère est universelle. Elles constituent également un sujet très intéressant pour le peintre grâce à la subtilité et la richesse de leurs couleurs. » Dans ses toiles, les bouquets jouent les premiers rôles. Le plus souvent au 38 u Arum et 3 pommes, huile sur toile, 162 x 130 cm centre de la composition, ils emplissent l’espace de leur présence. Les dimensions parfois importantes des œuvres (jusqu’à 100 Figure) accentuent l’effet théâtral. Yuichi Ono travaille uniquement d’après nature. « À partir d’une photographie, on peut donner libre cours à son imagination. Mais je préfère le contact avec la réalité. Les choses prennent plus d’intensité lorsqu’elles sont sous nos yeux. Quand je rentre dans l’atelier, le bouquet est là. Sa présence me guide et m’inspire. » Comme il n’a pas de jardin, l’artiste se fournit chez les commerçants de son quartier. « Je connais certains fleuristes, je passe les voir et leur demande s’ils ont reçu des fleurs intéressantes. En début de saison, on trouve aussi de très belles fleurs sur les marchés. » Il ajoute, l’air ravi : « Comme je viens de déménager dans une maison avec un petit jardin, je vais bientôt pouvoir faire pousser mes propres plantes. » Pour ses bouquets, le peintre prend le parti de la sobriété : il préfère ne pas associer trop de variétés. « Plus c’est simple, mieux c’est ! Je n’aime pas les bouquets maniérés. » La beauté idéale Les roses et les pivoines, deux fleurs de la fin du printemps, ont la préférence de Yuichi Ono. Mais il ne se limite pas à ces seules plantes. Il peint avec un plaisir gourmand aussi bien cerisiers, pommiers que lilas, primevères, tulipes… « Toutes les fleurs m’intéressent. Je peins une fleur Dessins & Peintures Thématique n° 34 u Bouquet de printemps, huile sur toile, 41 x 33 cm u Bouquet de pivoine, huile sur toile, 130 x 97 cm lorsque je la trouve belle. Mais je peux être difficile, il faut qu’il y ait une rencontre entre elle et moi qui déclenche l’envie. J’ai toujours l’œil aux aguets, je peux passer du temps à trouver une très belle pivoine ou une très belle rose. » Pour composer ses bouquets, Yuichi Ono est guidé par la couleur. Il assemble les fleurs dans de délicats camaïeux où dominent souvent les blancs et les crèmes. « Je n’aime pas trop les couleurs vives, je préfère les teintes nuancées. » Il choisit aussi avec soin les vases de ses tableaux, qui ont été chinés dans les brocantes et chez les antiquaires. Les fragiles vases Yuichi Ono place ses bouquets sur une petite table à hauteur de regard à proximité du chevalet. La lumière du jour, produite par une verrière au plafond, éclaire les bouquets avec homogénéité. Pour isoler la composition de l’arrière-plan de l’atelier qui est très vaste, l’artiste dresse un panneau coloré derrière le bouquet. Ce fond décline des nuances de gris chauds, mais il peut être parfois d’un noir profond ou d’un rouge écarlate. L’artiste aime ajouter également des fruits dans sa composition. Leurs couleurs font écho avec celles des bouquets, leurs formes rondes et pleines contrastent avec la délicatesse et la complexité des fleurs. Dessins & Peintures Thématique n° 34 u Mimosa, huile sur toile, 41 x 33 cm La mise en place des bouquets 39 u Pivoine et lilas, huile sur toile, 92 x 73 cm u Pivoines et roses, huile sur toile, 81 x 65 cm Rencontre de cristal ont pour intérêt de laisser visibles les tiges ; la porcelaine immaculée réfléchit la lumière et met en valeur les multiples nuances des fleurs. Toutefois, contenant et bouquet doivent dialoguer sans que le premier ne prenne l’ascendant. « Il ne faut pas que le vase soit trop beau, sinon il attirerait trop l’attention. Le sujet principal c’est le bouquet. » Dans ses peintures, l’artiste aime également peindre deux ou trois pétales solitaires qui flétrissent sur la table. Il glisse ainsi une allusion au temps qui passe. Encore quelques heures et la rose sera fanée. Il faut se hâter de saisir sa délicate beauté ! Spontanéité et concentration u Roses et lilas, huile sur toile, 162 x 130 cm Yuichi Ono Yuichi Ono peint à l’huile. Cet autodidacte a appris la technique auprès des artistes chez lesquels il était assistant durant sa jeunesse. Il commence par brosser le fond dans des tonalités gris neutre. « Le gris est une bonne base de départ pour travailler ensuite les sombres ou les clairs. » 40 Dans le frais, avec un pinceau, il dessine les grandes lignes de sa composition. Il ébauche au pinceau et au couteau la structure principale des fleurs. Après ce premier jet, l’artiste passe souvent un glacis destiné, tel un filtre, à unifier les couleurs. Il s’agit d’un mélange de vernis à retoucher, d’essence de térébenthine et de peinture. Toujours dans le frais, il continue sa toile en ajoutant des teintes de plus en plus intenses. Dessins & Peintures Thématique n° 34 u Tulipes et lilas, huile sur toile, 46 x 38 cm. fond gris, puis sur un fond noir. Il observe comme ces modifications peuvent changer l’atmosphère d’une peinture, le rapport des couleurs. Yuichi Ono arrête de travailler quand il arrive à un certain équilibre. « Quand je pose la signature ! » s’exclame-t-il en boutade. « Dans mes œuvres, je recherche avant tout la simplicité. Cette simplicité n’est pas si facile à atteindre, il faut du temps à un artiste pour y arriver. Le principal dans un bouquet est de transmettre un sentiment. Il faut peindre l’âme de la fleur ! » n Contacts : reportez-vous à notre carnet d’adresses p.52 u Bouquet de roses, huile sur toile, 22 x 27 cm u Arum et 3 pommes, huile sur toile, 116 x 89 cm Comme Yuichi Ono ne peint que d’après nature, il doit travailler en une ou deux séances. Les fleurs peuvent en effet se flétrir très rapidement et le bouquet changer d’apparence… « Trainer en peinture n’est jamais bon, il faut être spontané. Je suis très concentré quand je peins. Je travaille petits et grands formats avec la même énergie, mais les grands formats sont plus physiques. Peindre des bouquets révèle parfois des difficultés inédites. Je peux trouver une fleur très belle et éprouver de grandes difficultés à la représenter à l’atelier. À la fin d’une séance, je suis épuisé. » L’artiste, toujours en quête de perfection, effectue souvent des variations à partir de compositions presque identiques. Il peut placer un bouquet sur un Dessins & Peintures Thématique n° 34 L’artiste Yuichi Ono est sociétaire du Salon d’Automne, de la Fondation Taylor, de la Société Nationale des Beaux-Arts. On peut voir ses œuvres à la galerie Philippe Fregnac à paris, la galerie Roland Charton à Avignon, la galerie Art du Temps à Cléon d’Andran dans la Drôme. 41
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