Chap. 7 LA DECOLONISATION DU CAMEROUN

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Chap. 7 LA DECOLONISATION DU CAMEROUN
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Présenter les causes de la décolonisation au Cameroun.
Décrire les étapes de la décolonisation au Cameroun.
Présenter les principaux mouvements nationalistes et leurs leaders.
INTRODUCTION
En vertu du traité du 12 juillet 1884, les rois Akwa et Bell cédèrent les droits de souveraineté,
de législation et d’administration sur le territoire « Cameroun » aux firmes privées
allemandes. Cet acte marqua le point de départ de l’occupation et de la domination allemande
sur le Cameroun. A l’issue de la première guerre mondiale, la Grande-Bretagne et la France
occupèrent le Cameroun. L’article 119 du traité de Versailles du 28 Juin 1919 fit du
Cameroun une possession de la SDN cependant que l’article 22 du pacte de cette organisation
plaçait ledit territoire sous le régime du mandat B dont l’administration fut confiée
conjointement à la France et à la Grande-Bretagne. Le statut juridique international du
Cameroun sera à nouveau changé le 13 décembre 1946 à la faveur de la signature par la
France et la Grande-Bretagne des accords de tutelle. Dès lors, le Cameroun était appelé à
terme à accéder à l’indépendance, c’est-à-dire connaitre la décolonisation.
I- LES FACTEURS DE LA DECOLONISATION DU CAMEROUN
Le Cameroun a accédé à l’indépendance grâce à une multitude de facteurs. Certains sont
externes alors que d’autres sont internes.
A- Les facteurs externes de la décolonisation du Cameroun
- La finalité du régime de tutelle. En accédant au régime de tutelle le 13 décembre 1946, le
Cameroun était voué à accéder à l’indépendance. Selon l’article 76 (b) de la Charte de l’ONU,
la finalité de la tutelle était de faire évoluer le territoire y soumis vers l’autonomie interne ou
l’indépendance.
Le Conseil de tutelle, qui fut l'un des principaux organes des Nations Unies, a été créé en
vertu du Chapitre XIII de la Charte pour surveiller l'administration des territoires sous tutelle
et faire en sorte que les gouvernements chargés de leur administration prennent les mesures
nécessaires pour préparer ces territoires à la réalisation des buts énoncés dans la Charte.
La Charte autorise le Conseil de tutelle à examiner les rapports soumis par l'autorité chargée
de l'administration sur les progrès des habitants des différents territoires sous tutelle dans les
domaines politique, économique, social et de l'instruction ; à recevoir des pétitions émanant
des territoires; et à faire procéder à des visites périodiques dans ces derniers.
C’est ainsi qu’en décembre 1952, la Ive commission de l’ONU a notamment reçu une adresse
de Ruben Um Nyobe de l’UPC dans laquelle ce leader nationaliste appelait à la réunification
des Cameroun sous tutelles française et britannique, à l’indépendance immédiate et à la
fixation d’une date butoire pour l’accession à l’indépendance des deux Cameroun. En octobre
1955, une mission de visite de l’ONU arriva au Cameroun afin d’examiner les progrès
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obtenus en matière politique. En décembre 1958, une autre mission de visite de l’ONU se
rendit au Cameroun. La tutelle a donc fait naître envers la France des obligations vis-à-vis de
l’ONU.
- L’agonie de l’armée française en Indochine.
- L’escalade de la guerre d’Algérie.
- La posture anticoloniale adoptée par la conférence de Bandoeng.
- L’indépendance des protectorats français du Maroc (1956) et de Tunisie (1956).
- La victoire électorale du Convention People’s Party (CPP) de Nkrumah en Gold Coast.
- L’impopularité, à partir de 1954, du régime de l’Union française créée en 1946.
- La seconde guerre mondiale qui a stimulé la création des mouvements politiques visant
l’émancipation.
- L’impact de la décolonisation en Afrique Noire anglophone, en particulier dans les
territoires sous tutelle anglaise.
- La conférence de Brazzaville et l’Union française qui ont permis une vitalité politique au
Cameroun.
B- Les facteurs internes de la décolonisation du Cameroun
1- Le protonationalisme des Douala (1919-1934)
Suite à la défaite de l’Allemagne au Cameroun, les Français ont éprouvé des difficultés à faire
accepter leur autorité par les douala. De fait, avant cette défaite allemande, les Douala avaient
acquis un haut niveau d’alphabétisme, ce qui leur a permis de formuler leurs demandes de
manière éloquente, avec insistance et sans peur aucune. C’est l’élite Douala qui était à
l’avant-poste des protestations des Douala contre l’administration française à Douala entre
1919 et 1934. Le rejet de l’administration française par les Douala avait plusieurs causes dont
les principales étaient :
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Pour les Douala, la défaite allemande mettait fin au traité de 1884. Ils attendaient de la
France la renégociation d’un autre traité.
Les pouvoirs et l’influence des principaux chefs Douala avaient été réduits par les
français lorsqu’ils ont pris en main l’administration de cette ville. Le but des Français
étant l’assimilation, ils décidèrent de nommer les chefs qui s’accommodaient des
politiques de l’administration française et de déposer les récalcitrants. Très souvent les
chefs Douala étaient molestés par les autorités. Par exemple, le chef Akwa, Betola
Akwa, fut emprisonné après avoir été accusé et jugé pour torture.
Plusieurs Douala voulaient l’autodétermination et l’autonomie interne. A titre de
rappel, très tôt en 1919, les Douala se sont exprimés contre le fait d’être gouvernés par
les Français. En décembre 1929, ils demandèrent à la SDN de mettre fin au mandat
français sur le Cameroun français. Ils sollicitaient pour leur territoire soit une
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autonomie interne, soit qu’il soit déclaré territoire neutre sous le contrôle de la SDN.
Heureusement pour les Français que cette pétition n’était pas partagée par tous en
dehors de Douala dans la mesure où certains chefs, tel que Charles Atangana,
éprouvaient des ressentiments contre l’appel des Douala à l’autodétermination.
Les Douala voulaient prendre part à l’avenir post conflit de leur territoire. A cet effet,
ils adressèrent une lettre à la conférence de paix de Paris le 18 août 1918 où ils
réclamaient que le Cameroun fût un pays neutre ; que les Douala puissent avoir la
possibilité de choisir la puissance qui devra les gouverner en cas de rejet de la
première doléance ; la fin de l’expropriation ; la révision du procès de Rudolph
Douala Manga et de Ngoso Din ; que la désignation ou le dépôt des chefs soient faits
par les Douala eux-mêmes et non le gouvernement, etc.
2- Le pangermanisme qui a sévi au Cameroun avant la seconde guerre mondiale
En 1936, Hitler soutint officiellement la campagne pour le retour des colonies allemandes
lorsqu’il déclara à Munich que la taille de la population allemande rendait nécessaire
l’acquisition des colonies qui devaient absorber le surplus des habitants. Cet appel d’Hitler en
faveur du retour des colonies allemandes fut réitéré en 1938 et cet appel a attisé les sentiments
progermaniques dans certaines colonies allemandes y compris au Cameroun sous tutelle de la
France.
Au Cameroun, les Allemands lancèrent une campagne de propagande orchestrée par le
ministère allemand des colonies. Cette propagande produisit d’importants résultats durant la
campagne dans le Cameroun français où une association progermanique, appelée association
des indigènes camerounais germanophiles, fut créée pour permettre l’atteinte des objectifs des
Allemands. Les Camerounais progermaniques étaient pour l’essentiel :
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Ceux qui ont subi l’éducation allemande et ont bénéficié de certains privilèges dans
l’administration allemande.
Les chefs traditionnels qui ont jouit des avantages dans l’administration coloniale
allemande.
Ceux qui ont combattu aux côtés des Allemands pendant la première guerre mondiale
Et certains travailleurs des plantations allemandes ainsi que ceux qui n’aimaient pas
l’administration française à cause de sa politique rude, en particulier les corvées et
l’indigénat.
Plusieurs lettres furent écrites par des Camerounais sous administration française à plusieurs
personnalités allemandes à l’instar du chef Jean Nyap de Ndgobessol, Eséka. Ces lettres
perturbèrent les autorités coloniales françaises qui réagirent vigoureusement en arrêtant les
personnes suspectées de sentiments progermaniques et en les envoyant en prison à Mokolo.
Pour éviter tout ralliement possible des populations camerounaises germanophiles, la France
tolère la création de l'Union Camerounaise en 1937 à Paris, association qui lutte pour
l'émancipation de la colonie et dirigée par Jean Mandessi Bell et Léopold Moumé-Etia. Tous
deux d'origine douala. Le programme de cette association portait sur deux points :
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Le passage du Cameroun français du régime de mandat B au régime de mandat A
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L’opposition au retour du Cameroun français à l’Allemagne.
Tout en tolérant cette association, les colons vont piloter en 1938 la création de la Jeunesse
Camerounaise Française (JEUCAFRA). Dirigée par Paul Soppo Priso, cette association avait
son siège à Douala. La JEUCAFRA était constituée de trois groupes aux idées totalement
opposées quant à l’avenir du Cameroun français :
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Les autorités coloniales françaises qui voulaient utiliser la JEUCAFRA pour
combattre la demande de retour du Cameroun français à l’Allemagne ;
Les milieux d’affaires français au Cameroun qui supportaient la Jeucafra non
seulement parce qu’ils voulaient garder le Cameroun français pour la France, mais
surtout parce qu’ils voulaient soustraire le Cameroun du contrôle de la SDN et le
placer sous contrôle de la France comme les autres colonies.
Le troisième groupe qui voyait en la JEUCAFRA un instrument pour exprimer les
sentiments antigermaniques et comme un forum pour formuler des griefs politiques,
économiques et sociaux contre l’administration coloniale française.
3- La vitalité politique au Cameroun
Suite aux demandes de changement social, économique et administratif formulées par les
africains à la conférence de Brazzaville en 1944, l’administration leur fut ouverte, le travail
forcé supprimé, les syndicats autorisés, etc. Aussi, De Gaulle va crisper les colons par ses
déclarations et ses promesses d'autonomie. En Mai 1944, le Parti Communiste s'installa à
Douala et Yaoundé et créa des cercles d'études marxistes.
Les syndicats (acquisition par les Camerounais de la capacité de revendication)
Autorisés par décret dès le 8 Août 1944, les syndicats vont se multiplier1. Ils vont s'unir
finalement en 1945 sous le nom d'Union des Syndicats Confédérés du Cameroun (affilié à la
C.G.T française) ayant son siège à Douala. Ce syndicat fut fondé par un syndicat français
d’obédience communiste. Ruben Um Nyobe et Charles Assalé en étaient les secrétaires.
Parmi ses objectifs figuraient la demande de meilleurs salaires, de meilleures conditions de
travail pour ses membres. La première activité majeure de l’USCC eu lieu le 24 septembre
1945 à Douala quand il a demandé une hausse des salaires. Il appela à une grève générale qui
dégénéra en confrontation entre miliciens et membres et sympathisants de l’USCC. En effet,
Les colons s'inquiétèrent de ces syndicats qui menaçaient leurs plantations. Ils s'unirent aussi
et se rapprochèrent des leurs confrères situés en Afrique Equatoriale Française et de la Côte
d'Ivoire. Jean Rose qui dirigeait les colons de Côte d'Ivoire entendait bien décider du futur de
l'Afrique et empêcher toutes tentatives d'indépendance. Du 24 Septembre au 9 Octobre 1945,
Jean Rose réunit les états généraux de la colonisation à Douala afin de faire condamner les
propos de Brazzaville. L'U.S.C.C. manifesta, les colons aussi. Ce fut l'affrontement entre les
1
Les facteurs qui ont favorisé la formation des syndicats sont les suivants : la rareté de certains biens pendant la
guerre a créé l’esprit de militantisme chez certains travailleurs ; l’inflation galopante a forcé certains travailleurs
de voir aux syndicats le seul moyen de forcer les employeurs et l’administration à résoudre leur problème
économique ; le soutien que l’administration a apporté au droit de former des organisations de travail a conduit à
la montée des syndicats ; la conférence de Brazzaville qui a soutenu le syndicalisme.
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deux mouvements. Il y aura 70 morts dont un européen2, des maisons brûlées. Moumé-Etia,
un des leaders camerounais de l’USCC, fut arrêté et jugé. La Colonie fut sous le choc, elle
sera mise sous tutelle par les Nations Unies. La JEUCAFRA tomba en désuétude.
Après la grève, d’autres syndicats furent fondés. Charles Assalé et Joseph Amougou
quittèrent l’USCC pour créer Force Ouvrière d’obédience socialiste et Louis-Paul Aujoulat
fonda la Confédération Française des Travailleurs Croyants (CFTC). Les autres syndicats
étaient : la Confédération Camerounaise des Travailleurs Croyants (UCTC) et l’Union des
Syndicats Autonomes du Cameroun (USAC). Ces syndicats étaient essentiellement basés à
Yaoundé et Douala. Grâce aux syndicats, les Camerounais se sont initiés au mouvement
revendicatif. Cette capacité sera renforcée dans les groupes de pression et les partis politiques.
Les Groupes de pression3
A l’exception de la Jeucafra, les autres groupes de pression politiques au Cameroun français
furent formés durant ou après la seconde guerre mondiale. Certains furent formés avec la
bénédiction de l’administration coloniale, qui voulait contrer l’influence et l’expansion de
l’UPC créée en 1948. Parmi ceux-ci, on peut citer :
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L’Union Bamiléké créée en 1948 pour freiner l’expansion de l’idéologie de l’UPC ;
L’Evolution Sociale Camerounaise (ESOCAM), fondée en 1949 par Pierre Dimlia et
dont le but d’améliorer le niveau de vie des populations et la lutte contre le
communisme
La Renaissance Camerounaise.
Les autres groupes de pression politiques soit soutenaient les objectifs politiques de l’UPC,
soit étaient disposés à tolérer certaines de ses idées. On citera :
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Le Cercle Culturel camerounais dirigé par Dr. Bebey-Eyidi
L’Union Sociale Camerounaise de Charles Okala qui soutenait certaines de ses idées.
Les autres groupes de pression politiques étaient : le Mouvement Démocratique Camerounais
(MDC) et le Rassemblement du Peuple Camerounais (RPC).
Les partis politiques
C’est à partir de 1945 que les partis politiques commencent à se former au Cameroun. La
création des partis politiques et groupes de pression s’explique par un certain nombre de
facteurs :
2
Les activités des partis politiques français au Cameroun français ;
Les souffrances et difficultés causées par la participation du Cameroun français à la
guerre ;
La circulation des journaux qui ont aidé à la politisation des populations indigènes ;
Il s’agit du secrétaire de la chambre de commerce, Olivier
Groupement organisé pour influencer les pouvoirs publics dans un sens favorable aux intérêts de ses membres
ou à une cause d’intérêt général.
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La concentration des travailleurs indigènes aux ports et gares routières a favorisé le
mouvement des travailleurs.
Les syndicats français ont établi des branches locales au Cameroun français.
La création des partis politiques au Cameroun Français s’est faite en deux étapes : de 1945 à
1957 et de 1957 à 1960.
Au cours de la première période, la plupart des partis politiques, à l’exception notable de
l’UPC, étaient des démembrements locaux des partis politiques français. Ils n’ont pas appelés
à l’indépendance. Les partis politiques issus de la seconde période ont pour la plupart appelé à
l’indépendance du Cameroun français et sa réunification avec le Cameroun britannique.
Faisait exception le parti Démocrates Camerounais d’André-Marie Mbida qui était opposé à
l’indépendance immédiate et à la réunification. Après les élections législatives de juin 1951,
le Bloc Démocratique Camerounais (BDC) fut fondé par Louis-Paul Aujoulat, qui a été
membre du Mouvement Républicain Populaire (MRP). Son président était Philémon Sakouma
avec Benoît Bindzi comme secrétaire général. Aujoulat était le président-général. L’objectif
du BDC était de permettre l’évolution sociale des indigènes et la promotion et la protection de
leurs intérêts. Parmi ses membres, on avait : Ahmadou Ahidjo, André Marie Mbida et André
Fouda. Ses principaux centres d’action étaient Douala, Yaoundé et Ebolowa. Il était
initialement opposé au programme politique de l’UPC.
L’UPC fut créée le 10 avril 1948 à Douala par Leonard Bouly et non par Ruben Um Nyobe
qui était hospitalisé à ce moment à Sakbayémé. Ce fut le premier parti politique indigène du
Cameroun français. Il fut rejoint plus tard par Um Nyobe, Ernest Ouandié, Abel Kingue et Dr.
Félix-Roland Moumié. Son programme comportait trois principaux points :
-
Politique. L’UPC appelait à la réunification des deux Cameroun et à l’indépendance
immédiate.
Social. Il militait pour la lutte contre la ségrégation raciale et à l’extension du système
d’éducation secondaire sans discrimination.
Economique. Il appelait à combattre la discrimination dans les prix des matières
premières.
L’UPC s’allia des organisations traditionnelles telles que le Ngondo des Douala, le Kumze
des Bamiléké, l’Union tribale Bantou des Boulou.
4- L’activisme4 de l’UPC
L’UPC a tout mis en œuvre pour la réalisation de son programme. C’est ainsi qu’en décembre
1952, la IVe commission de l’ONU a reçu des pétitions de certains partis politiques
camerounais par les voix d’Um Nyobe pour l’UPC, de Charles Okala pour le parti socialiste
et d’Alexandre Douala Manga Bell pour le BDC. Um Nyobe appela à la réunification des
Cameroun occidental et Oriental et l’indépendance immédiate. Pour Charles Okala, l’idée
d’indépendance était prématurée pour le Cameroun français alors qu’Alexandre Manga Bell
4
Attitude politique qui préconise l’action directe. Attitude morale qui insiste sur les nécessités de la vie et de
l’action, plus que sur les principes.
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militait pour la continuité de la tutelle sur le Cameroun français. La position de l’UPC devant
l’ONU irrita vivement la France.
Le succès grandissant de l’UPC inquiétait tellement les autorités coloniales françaises
qu’elles décidèrent d’adopter des mesures pour frustrer ce parti. En 1955, Roland Pré, HautCommissaire de la France au Cameroun, décida de transférer Moumié et Ouandié à Douala
afin de mieux contenir leur influence et celle de l’UPC. Cette politique mit le feu à la poudre.
En avril 1955, les évêques catholiques du Cameroun français publièrent une lettre pastorale
pascale anti-UPC. Ils y mettaient en garde les fidèles catholiques contre les méthodes prônées
par l’UPC pour réaliser son objectif d’indépendance. A ce moment, la tension était croissante
entre les militants de l’UPC et les autorités coloniales. Entre le 22 et le 26 Mai 1955, l’UPC
organisa des émeutes5. La cause immédiate de celles-ci fut la hausse de 100% des taxes
journalières sur l’occupation des comptoirs et étales du marché central de Yaoundé. Les
protestations, qui naquirent à Yaoundé, se répandirent à Obala, Edéa, Mbanga, Loum et
Nkongsamba avec de violents affrontements entre les manifestants et les troupes
gouvernementales.
Les conséquences de ces émeutes furent profondes :
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5
Le 13 juillet 1955, l’UPC fut interdite ;
Cette interdiction fit régner une atmosphère d’insécurité dans le Cameroun français
dans la mesure où l’UPC entra dans la clandestinité et devint un parti terroriste ;
Certains militants de l’UPC fuirent vers le Cameroun Occidental ;
Les émeutes coûtèrent la vie à 21 personnes et 114 furent blessés ; des villages et
propriétés furent brûlés ;
L’administration coloniale française pris des reformes dans l’optique de satisfaire les
aspirations des populations et d’affaiblir l’UPC ;
L’UPC fut divisée en deux factions : la faction légale dirigée par Théodore Mayi
Matip et la faction en exil ou « terroriste » dirigée par Um Nyobe et, plus tard, par
Ouandié, Kingue et Moumié ;
Les causes de ces émeutes étaient politiques, économiques et sociales. Sur le plan politique, l’administration
coloniale française signa, en avril 1955, un décret instituant des conseils de village sous le contrôle des autorités
traditionnelles. Le but était d’impliquer les communautés locales dans les projets économiques, sociaux et
administratifs. Plus tard, Roland Pré visita le territoire et à la fin des résolutions furent prises qui, pour la plupart,
étaient anti-UPC. Par exemple, le transfert des militants UPC vers des régions impopulaires. Le 22 avril 1955,
l’UPC fit une proclamation appelant : à la fin de la tutelle sur le Cameroun ; à l’établissement d’une assemblée
nationale constituante avant le 1er décembre 1955 ; et l’institution d’un comité exécutif devant faire office de
gouvernement provisoire. La France vit cela comme une provocation et une déclaration indirecte
d’indépendance. Sur le plan social, l’UPC s’est opposée aux organisations telles qu’Ad Lucem d’ Aujoulat. ; Ce
qui contribua à accroître l’hostilité entre les catholiques et l’UPC. Sur le plan économique, une crise économique
frappa le Cameroun français en 1955 avec la chute des prix des principales matières premières sur le marché
mondial. Les principaux projets d’investissement furent arrêtés, ce qui créa un grand chômage. Les travailleurs et
leurs syndicats demandèrent des augmentations de salaires et le respect des droits des syndicats. L’USCC
organisa des grèves sporadiques de janvier à mai 1955 à l’appui de leurs demandes. Ce malaise économique fut
accentué par une hausse des impôts en mai 1955. La cause immédiate des émeutes de 1955 fut la hausse de
100% des taxes journalières sur l’occupation des comptoirs et étales du marché central de Yaoundé. Les
protestations, qui naquirent à Yaoundé, se répandirent à Obala, Edéa, Mbanga, Loum et Nkongsamba avec de
violents affrontements entre les manifestants et les troupes gouvernementales.
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Les Colons demandèrent l'intervention des troupes françaises afin de protéger leurs
biens. Ils craignaient que les marxistes ne détruisent les plantations. Mbida réclama en
vain l'amnistie pour les opposants en prison ;
Le gouvernement français promulgua la Loi-cadre en 1956.
II- ETAPES ET ACTEURS DE L’INDEPENDANCE
La France s’opposa pendant longtemps à l’idée de décolonisation qui faisait déjà son chemin
dans ses possessions coloniales au lendemain de la seconde guerre mondiale. Elle estimait que
l’accession à l’indépendance des colonies françaises conduirait au déclin du prestige, du
pouvoir et de l’influence de la France. Pour cela, elle s’opposa à la Charte de l’Atlantique. Le
Cameroun, bien qu’ayant vocation à l’indépendance en tant que territoire sous tutelle, fut
victime de cette opposition. Mais, en février 1958, le gouvernement français se déclara
favorable à l’indépendance du Cameroun français. Dès lors s’ouvrirent des négociations sur la
question et se mirent en place des institutions devant permettre l’atteinte de cet objectif.
A- Le Cameroun français, membre de l'Union française
1- Le refus de l’émancipation du Cameroun hors du cadre français par son intégration dans
l’Union Française
Après la seconde guerre mondiale, l’ONU changea le statut des territoires encore sous
mandat. Le 13 décembre 1946, la France et la Grande-Bretagne signèrent les accords de
tutelle sur le Cameroun. Dès lors, le Cameroun français devint un territoire sous tutelle.
Toutefois, la France va saisir le vide juridique entre la fin de la guerre et la signature des
accords pour faire du Cameroun une partie du vaste empire français. Pour cela, elle l’intègre
dans l’Union Française, comme les autres colonies6. Cette union est créée par la constitution
du 27 octobre 1946 et comprenait d'une part, la République française et, d'autre part, les
territoires et État associés à celle-ci. Le Cameroun y occupait le statut de « territoire associé ».
La qualité de « territoire associé » plaçait le Cameroun français dans une situation
intermédiaire à celle des « territoires d'outre-mer » de la République française, d'une part, et
des « États associés » à celle-ci, d'autre part.
Comme les « territoires d'outre-mer », mais au contraire des « États associés », le Cameroun
français n'était pas un État. Il en résultait qu'il n'était pas représenté au Haut-Conseil de
l'Union française : aux termes du premier alinéa de l'article 65 de la Constitution du 27
octobre 1946, celui-ci était « composé, sous la présidence du président de l'Union, d'une
délégation du gouvernement français et de la représentation que chacun des États associés a la
faculté de désigner auprès du président de l'Union ». Il en résulta, d'autre part, que le
Cameroun français fut représenté au Parlement de la République française. La loi n° 46-2383
du 27 octobre 1946, sur la composition et l'élection du Conseil de la République, prévit sa
représentation au Conseil.
6
Auparavant, en 1945, les Etats généraux de la colonisation, à Douala, confirmèrent l'attachement des colons
français au système colonial traditionnel
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En revanche, comme les « États associés », mais au contraire des « territoires d'outre-mer », le
Cameroun français n'était pas une collectivité territoriale de la République française et était
membre de l'Union française. Il en résulta qu'il fut représenté à l'Assemblée de l'Union
française. La Constitution du 27 octobre 1947 ne prévoyait pas la représentation des «
territoires associés » à l'Assemblée de l'Union française : son article 66 disposait que «
L'Assemblée de l'Union française est composée, par moitié, de membres représentant la
France métropolitaine et, par moitié, de membres représentant les départements et territoires
d'outre-mer et les États associés ». Mais la loi n°46-2385 du 27 octobre 1946, sur la
composition et l'élection de l'Assemblée de l'Union française, prévit sa représentation à
l'Assemblée de l'Union française.
Au total, sur les 624 députés que compte l'Assemblée nationale de Paris, 4 députés sont élus
par le Cameroun, dont 1 par les Français du Cameroun et 3 par les autochtones. Quelle
majorité 3 députés peuvent-ils remporter sur 624 votants. En admettant même que la moitié
des députés soit absente, que signifieraient 3 voix devant 312 votants ? Le Sénat français
compte 320 membres, 3 sont élus par le Cameroun dont 1 par les Français du Cameroun et 2
par les autochtones. L'Assemblée de l'Union française est une assemblée de consultation qui
n'a aucun pouvoir législatif. Là aussi les autochtones du Cameroun sont représentés par 3
conseillers.
2- Apport de l’Union Française à l’essor de la vie politique au Cameroun français : ARCAM,
les élections législatives et création de nouveaux partis politiques
En application de la loi française du 7 Octobre 1946 instituant des Assembles Représentatives
dans les ex-colonies françaises, l’Assemblée Représentative du Cameroun (ARCAM) vit le
jour le 22 Décembre 19467. Cette Assemblée-mère l’ARCAM, composée de 40 Membres
dont 24 Camerounais et 16 Français, n’était qu’une assemblée administrative ne pouvant pas
aborder des questions directement politiques (organisation des pouvoirs publics, choix des
régimes politiques, etc.).
Dans l’Assemblée constituante française de 1945, les territoires d’outre-mer français
désignèrent 64 représentants sur les 586. Les citoyens français du premier collège électoral
élirent 36 des 64 représentants. Les sujets français (les colonisés), du second collège électoral,
élirent 24 alors que 4 furent élus sur la base d’une liste électorale commune. L’Afrique
Equatoriale Française et le Cameroun français désignèrent 6 des 64 représentants.
Les élections de 1945 pour la désignation des représentants à l’assemblée nationale française
furent organisées sur la base de personnalités individuelles plutôt que sur la base de partis
politiques. Néanmoins, deux tendances dominèrent les élections : la tendance évolutionniste et
celle révolutionnaire. Dans la première, on retrouvait des Camerounais qui n’étaient pas
satisfaits des progrès politiques issus de la politique d’assimilation, mais voulaient y
travailler. La tendance révolutionnaire, de l’autre côté, comprenait ceux qui voulaient changer
la politique françaises pour évoluer vers l’autonomie interne ou l’indépendance. La tendance
7
Un décret français du 25 octobre 1946 créa l’ARCAM (Assemblée Représentative du Cameroun), constituée de
50 membres répartis en deux sections de 18 et 32 membres élus par deux Collèges distincts
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évolutionniste remporta les élections. Les 4 membres de l’assemblée nationale étaient : Dr.
Louis-Paul Aujoulat, Alexandre Douala Manga Bell, Georges Mo Linati et Jules Ninine. Trois
d’entre eux représentaient le second collège. En plus de ceux-là, trois sénateurs furent élus au
conseil de la République dont deux étaient du second collège.
Les élections à l’ARCAM et ses débats donnèrent un grand essor à la vie politique avec la
création de nombreux partis politiques : l’UPC de Ruben Um Nyobe (1948) ; le
Rassemblement Camerounais (RACAM), parti ayant le soutien de Charles de Gaulle et
dominé par les Européens et les citoyens français ; le BDC (1951) fondé par Aujoulat avec
Ahmadou Ahidjo, André Marie Mbida et André Fouda et initialement opposé au programme
politique de l’UPC ; les Démocrates Camerounais (1954) fondé par André-Marie Mbida qui
claqua la porte du B.D.C après avoir été accusé de trahison par le leader du mouvement ; le
Mouvement D'Action Nationale du Cameroun (1956) fondé par Paul Soppo Priso après avoir
quitté le BDC ; l’Union Camerounaise (UC) d’Ahmadou Ahidjo ; le Mouvement des
Indépendants et Paysans Camerounais de Mathias Djoumessi, etc.
Ayant réussi à prendre le dessus sur les « colons de combat », l'administration coloniale
favorisa la création de partis politiques hostiles à l'UPC comme l'ESOCAM, l'INDECAM, etc.
Favorisés par la fraude électorale, ces « partis administratifs » empêchèrent l'UPC d'avoir la
majorité à l'assemblée territoriale. « Il faudrait faire un livre pour terminer le recensement des
forces qui collaborent avec la puissance pour combattre notre organisation », commentera Um
Nyobè en 19548.
En juin 1951, ont lieu de nouvelles élections à l’ARCAM. Malgré la campagne intensive de
l’UPC, celle-ci obtint de piètres résultats (3 081 voix sur 280 302 votants). En vertu de la loi
du 6 février 1952 sur le renouvellement des assemblées locales, loi qui a tout simplement
augmenté le nombre de conseillers et changé le nom d'Assemblée représentative en Conseil
général et en celui d'Assemblée territoriale, le 30 Mars 1952, l’ARCAM se mua en Assemblée
Territoriale du Cameroun (ATCAM). Il ne s’agit là encore qu’un changement de
dénomination et non d’un changement de statut du territoire. Néanmoins, ce changement de
nom donna lieu à de nouvelles élections en mars de la même année. Aucun des quatre
candidats de l’UPC ne fut élu. En face, c'est le (socialiste) Bloc Démocratique Camerounais
qui va bientôt avoir ses premiers élus à l'Assemblée Territoriale dont un certain André Mbida9
(né le 1er Janvier 1917) élu en 1952.
Cette dernière est élue au double collège, signe manifeste de la discrimination raciale.
L'Assemblée se compose de 50 membres dont 18 représentants les quelque 12 000 Français
8
Kamerun! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (1948-1971) - La Découverte, p. 113
Le jeune député est un fervent catholique fort respectueux de la hiérarchie religieuse. C'est un africain assimilé
qui a épousé en 1946 Marguerite Embolo, la fille d'un chef de tribu et le plus grand propriétaire de plantation de
cacao. Et un excellent agent d'Affaires à qui tout réussit. Tout le contraire du leader de l'U.P.C. âgé de 35 ans,
Ruben Um Nyobe. Bien que parfaitement éduqué, Um Nyobe est un protestant qui a fait les écoles de
missionnaires américains installés dans le pays. C'est un autodidacte qui va devenir un communiste convaincu. Il
déclenche des grèves qui finissent toujours en émeutes sanglantes. La répression coloniale est d'autant plus forte
que l'U.P.C. n'arrive pas à s'implante dans le pays. Les chefs tribaux refusent d'écouter l'U.P.C qu'elle juge trop
sudiste et susceptible de remettre en cause leur pouvoir. Même dans le Royaume Bamiléké, les chefs
traditionnels s'empressent de renvoyer les upécistes dans la capitale
9
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du Cameroun et 32 représentants 3 millions de Camerounais. Parmi les 32 représentants des
intérêts autochtones, il y a 10 chefs supérieurs, salariés dépendant de l'administration, un
médecin européen, fonctionnaire en activité, 5 fonctionnaires autochtones en activité, donc
subordonnés de l'administration, 1 membre du gouvernement central, secrétaire d'État au
ministère des Colonies (c'est lui qui préside l'Assemblée), 1 prêtre catholique, élu sous la
menace des sanctions divines, 8 hommes d'affaires incapables de s'affranchir de l'emprise
administrative ; soit au total 26 subordonnés, collaborateurs, chefs ou alliés de
l'administration. Si l’on ajoute à ce total les 18 conseillers élus par les colons du territoire,
dont les intérêts sont solidaires avec ceux de l'administration, l'on arrive au total de 44
conseillers dévoués à l'administration ou dirigeant celle-ci comme c'est le cas pour M.
Aujoulat, secrétaire d'État au ministère des Colonies.
Le bilan de l’Union française est donc le suivant : au sommet, les Assemblées parlementaires
françaises avec une représentation de trois députés pour le Cameroun sur 624 députés au total
et 2 sénateurs du Cameroun sur un total de 320 ; au milieu, une Assemblée territoriale
entièrement acquise à l'administration et ne disposant d'aucun pouvoir législatif ; à la base,
rien pour permettre à la population de participer à la gestion des affaires du pays,
conformément à l'article 5 de l'Accord de Tutelle. Constatant cette anomalie dans un long
article consacré sur le Cameroun, M. Pierre Chaleur, ancien administrateur au Cameroun
s'exprimait ainsi dans le numéro de « Marchés coloniaux » du 17 mai 1952 déjà cité : « Il est
en effet, curieux de constater que si les députés du Cameroun ont le droit de voter le statut de
l'enseignement ou le régime militaire de la métropole, ils n'ont pas, pour la plupart, dans
leurs villages, celui de désigner leurs conseillers municipaux ou même de fixer l'emplacement
d'un abattoir ».
B- Evolution du statut politique du Cameroun
1- La semi-autonomie interne (loi-cadre) et nouvelles élections à l’ATCAM : 1956
En 1956, la France accorda l’autonomie interne. Suite aux émeutes de 1955 et à l’interdiction
de l’UPC, la France réagira par la promulgation de la Loi-cadre dite « loi Gaston Deferre » du
23 juin 1956. Cette loi disposait :
-
L’institution des reformes par décrets après consultation de l’ATCAM et de
l’Assemblée de l’Union Française ;
Que la France acceptait les développements politiques dans le Cameroun français dans
la mesure où ils satisfont au Cameroun français ;
Que la tenue d’élections dans toutes les assemblées du Cameroun français obéisse au
principe d’un seul collège électoral.
Cependant la loi-cadre conserve la position dominante de la France. Le parlement français
conserve ainsi les pouvoirs suprêmes en matière législative et ses lois priment sur les
décisions des assemblées territoriales. Les services publics de l’Etat n’étaient pas assujettis au
contrôle territorial.
Suite à l’édiction de cette loi, l’ATCAM, qui a été élue en 1952, fut dissoute en novembre
1956 pour ouvrir la voie à de nouvelles élections en décembre 1956. Paul Soppo Priso, dans
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l’optique de présenter une position politique commune, fonda un nouveau parti le Mouvement
d'Action Nationale du Cameroun. Cependant, Mgr. Mongo tint une rencontre avec Um
Nyobe, qui est entré dans la clandestinité, afin de pouvoir créer un climat propice au dialogue
entre l’UPC et l’administration coloniale. Il échoua dans sa tentative. L’UPC, bien qu’étant
membre du Mouvement d’Action Nationale, décida de boycotter et de saboter les élections
par tous les moyens. Les autres partisans au second congrès du Courant d’Union Nationale
(Mouvement d’Action Nationale) s’accordèrent sur leur participation à ladite élection.
Malgré les menaces, les sabotages et assassinats10, les élections se tinrent normalement dans
presque toutes les régions et départements administratifs excepté la Sanaga-Maritime, fief de
l’UPC, où deux candidats furent assassinés. La nouvelle ATCAM qui en sortit se présentait
comme suit :
-
UC de Ahidjo, 30 sièges ;
Les Démocrates Camerounais de Mbida, 20 sièges ;
Les Indépendants et Paysans Camerounais de Djoumessi, 9 sièges ;
L’Action Nationale « groupe de huit » de Soppo, 8 sièges.
L’ATCAM élabora un projet de statut pour le Cameroun français qui fut approuvé en janvier
1957 par 59 voix pour et 8 contre. Ce statut devint opérationnel le 4 avril 1957. Le Cameroun
devint un Etat autonome.
2- Le Cameroun français, État autonome (1957)
Conformément aux prescriptions de la loi-cadre, le nouveau statut adopté par l’ATCAM
devait faire l’objet d’un décret du gouvernement de la France pour être effectif. Par le décret
n° 57-501 du 16 avril 1957, portant statut du Cameroun, le Gouvernement français de Guy
Mollet érigea le Cameroun français, jusqu'alors simple « territoire associé », en État, sous le
nom d' « État sous tutelle du Cameroun ». Le 1O mai 1957, l’ATCAM se mua en Assemblée
Législative du Cameroun (ALCAM). Le 15 mai 1957, André-Marie Mbida est investi
Premier Ministre de l’« État sous tutelle du Cameroun ». Il sera à la tête d’une coalition
gouvernementale de tous les partis ayant obtenu des sièges aux élections de 1956, à
l’exception de l’Action Nationale. Ahidjo fut nommé vice-premier ministre et ministre de
l’intérieur.
C- L’instabilité politique sous l’Etat autonome du Cameroun
L’hostilité du gouvernement français, des colons et du clergé catholique
10
Les 18 et 19 décembre 1956, des heurts éclatèrent à Yaoundé et Douala entre pro et anti UPC. Um Nyobe qui a
tenté de se présenter aux élections débute une lutte armée avec ses partisans dans la nuit du 18 au 19 Décembre
1956 en faisant assassiner le candidat médecin-chef camerounais de l'Hôpital Edéa et son colistier (le Dr.
Délangue et Samuel Mouma) d'autres notables et sabotant la voie ferrée qui mène à Yaoundé. Crée le 2
Décembre de la même année, la branche armée de l'UPC, le Comité National d'Organisation rassemble autour de
lui des anciens militaires de la Seconde guerre mondiale. Autant dire que l'UPC ne serait être comparé à un
mouvement insurrectionnel sans importance. La guerre civile se profile dans le pays.
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La victoire des Démocrates Camerounais de Mbida ne fut pas bien accueillie par le HautCommissaire français au Cameroun. Déjà, en mars 1956, avant les élections, Mbida avait
rejeté une possible intégration du Cameroun dans la république de France. Son opposition à la
France a, en plus, d’autres fondements :
-
Pour Mbida, le Cameroun n’était pas prêt pour l’indépendance, de même qu’il
soutenait que l’idée de réunification était « far-fetched »
Le refus de dialoguer avec l’UPC, le rejet de l’amnistie en faveur des militants de
l’UPC et l’incapacité à mettre fin aux activités croissants de ce parti11 ;
Mbida voulait un conseil ministériel territorial qui délibérerait et légiférerait sur toutes
les affaires du Cameroun français sans lien avec la métropole ;
Mbida ne voulait pas que le personnel français soit imposé au Cameroun.
Mbida s’opposa également au clergé catholique qui refusait d'intégrer des locaux
comme prêtres ou évêques. En effet, dès son arrivée au pouvoir, il mit fin à la
ségrégation raciale qui prévalait dans la colonie et n'hésita pas à expulser les colons
récalcitrants. Mbida devint un héros aux yeux des camerounais alors que la guérilla
commençait à perdre de son aura révolutionnaire.
Pourtant, en février 1958, le gouvernement français se déclara favorable à l’indépendance du
Cameroun français. De plus, le Haut-commissaire Ramadier12 et ses mentors à Paris optaient
pour une solution politique au problème politique du Cameroun français13 cependant que
Mbida privilégiait une solution militaire. Dans ce contexte, seul le retrait de Mbida pouvait
régler le problème.
L’hostilité de la communauté musulmane du nord et de certains leaders politiques
Mbida ne fut pas seulement à couteaux tirés avec les colons et l’administration française. Il se
mit aussi à dos la communauté musulmane du nord et certains leaders politiques camerounais
pour les raisons suivantes :
En janvier 1958, lors du congrès des Démocrates Camerounais à Abong-Mbang, Mbida
proposa trois résolutions à savoir : la démocratisation du Nord-Cameroun ; l’envoi des
fonctionnaires du Sud-Cameroun au Nord-Cameroun ; et la division du Cameroun français en
plusieurs Etats régionaux.
Ces résolutions suscitèrent l’hostilité des musulmans de la partie septentrionale du Cameroun
français pour qui les politiques de Mbida conduiraient à la déféodalisation et à la
modernisation de leur société semi féodale, ce qui éroderait leur autorité. Ils menacèrent en
conséquence de faire sécession avec le Cameroun français, d’intégrer le Tchad et se faire
gouverner par les Français. L’Union Camerounaise d’Ahidjo emboita le pas à ces dignitaires
11
Les partisans de l'UPC occupent rapidement quelques villages et mettent en place de véritables administrations
parallèles.
12
Remplaçant de Messmer en 1958.
13
Ramadier avait d’ailleurs entamé des discussions secrètes avec Ruben Um Nyobe. Il ne fit que poursuivre
l’œuvre de son prédécesseur. En effet, acculé, Um Nyobe tente de négocier avec Pierre Messmer, le représentant
de la France, un poste de Premier Ministre d'un gouvernement d'Union Nationale. La France fait mine de
l'accepter mais sait que le rebelle manque cruellement d'armes.
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en assurant aux sultans, lamido et l’entière population musulmane du nord qu’il était « contre
des reformes dont la seule justification ne pouvait que se trouver dans le désir abstrait de
modernité ». L’hostilité des leaders politiques tels que Soppo Priso, qui soutenait la
réunification, et certains membres du parti de Mbida se fondait sur la proposition de
régionalisation. D’après eux cela conduirait à la balkanisation du Cameroun.
Au mois de février 1958, Mbida s’était mis à dos une bonne partie de la population du
Cameroun français, le gouvernement français, l’administration coloniale ainsi que plusieurs
leaders politiques camerounais.
Pierre Messmer, Haut-Commissaire du Cameroun (représentant le gouvernement français)
chercha un compromis avec Ruben Um Nyobe, chef de l'UPC, afin de faire cesser la violence.
Cette démarche fut refusée par le chef de l'UPC et la violence repartit de plus belle.
Ce refus du dialogue mena l'administration française à chercher une voie vers l'indépendance
sans l'UPC. André-Marie Mbida refusa de suivre cette voie et démissionna en 1958. Devant
de tels désaccords, Ramadier résolut de faire chuter Mbida et de le remplacer par un
ressortissant du nord-Cameroun, en l’occurrence Ahidjo, qui n’était pourtant pas ravi du
choix de Ramadier au poste de Haut-commissaire. Jean Ramadier, tenta un coup d'état
constitutionnel en février 1958 et distribua des milliers de Franc CFA aux parlementaires qui
voulaient bien l'accepter en échange d'un refus de soutien au récent remaniement ministériel.
Alors qu'il était à Paris pour prétexter contre de tels agissements, Mbida est forcé de remettre
sa démission le 18 Février à la suite de la démission des ministres de l’UC. Le 19 février,
Ahidjo est investi comme nouveau premier ministre à la tête d’un gouvernement de coalition
formé de l’UC, de l’Action Nationale des Paysans indépendants, d’un ministre sans bannière
politique et de trois autres nommés hors de l’ALCAM. Jean Ramadier, désavoué subitement
par le Ministre de l'Outre-Mer, sera rappelé à Paris14. Ahidjo va bientôt amener le Cameroun
sur les chemins de l'indépendance, une indépendance contrôlée par la France en tous points de
vue.
D- Vers l'indépendance du Cameroun français
1- L’option d’indépendance des gouvernements français et Ahidjo
En février 1958, la France changeait de position quant à la question de l’indépendance du
Cameroun. Elle y était désormais favorable15. D’ailleurs, le choix de Ramadier porté sur
Ahidjo allait en ligne droite de cette nouvelle attitude politique. Et s’il est vrai que ce dernier
a dans un premier temps soutenu l’autonomie dans un débat le 18 janvier 1958, il ne s’est
pourtant pas opposé fermement à l’indépendance. Plutôt, il adopta une attitude proindépendantiste une fois premier ministre : il défendit l’indépendance, la réunification et «la
réconciliation nationale et la coopération avec la France dans une atmosphère de cordialité
réciproque et de confiance ». Son programme se déclinait donc ainsi :
14
Il fut remplacé par Xavier Torré
Les facteurs qui ont guidé ce changement de position sont : l’impopularité qui a gagné le concept d’Union
Française dès 1954 ; le recours incessant des colonies à l’ONU à l’appui de leur demande d’indépendance ; les
évènements d’Algérie ; la posture anticoloniale de Bandung ; etc.
15
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-
l’unité camerounaise qui ne signifiait pas seulement l’unité des parties nord et sud du
Cameroun français, mais aussi l’unité avec le Cameroun britannique ;
une nation camerounaise qui signifiait la réalisation de l’indépendance dans un délai
raisonnable ;
et la coopération franco-camerounaise dans une fédération d’Etats africains
indépendants impliqués dans une confédération avec la France
Le principe d’indépendance étant approuvé par la France, l’ALCAM modifia le statut de 1957
afin d’y incorporer cet élément nouveau. Ainsi, Le 12 juin 1958, l'Assemblée législative du
Cameroun prit une première résolution « affirmant l'option de l'État du Cameroun pour
l'indépendance, au terme de la tutelle »16. Le 24 octobre 1958, elle prit une seconde
résolution « déclarant notamment la volonté du peuple camerounais de voir l'État (sous
tutelle) du Cameroun accéder à la pleine indépendance le 1er janvier 1960 »17. Le 28 octobre
1958, la France informa la IVe commission de l’assemblée générale de l’ONU de
l’indépendance du Cameroun français.
2- La demande de rejet de l’UPC du projet d’indépendance formulé par Ahidjo
Le 13 septembre 1958, Um Nyobe est tué près de Boumnyebel18. Malgré cela, l’UPC continua
d’occuper la scène politique. Quand l’assemblée générale de l’ONU décida de discuter du
futur de l’indépendance du Cameroun français, Moumié accusa le gouvernement d’Ahidjo
d’être illégitime, d’être une création de Paris et la réunification n’était pas encore réalisée sous
l’égide de l’ONU. Pour ces raisons, Moumié appela la IVe commission à rejeter la demande
d’Ahidjo en faveur de l’indépendance. Les débats étaient dès lors suspendus au rapport d’une
mission de visite de l’ONU au Cameroun. En décembre 1958, cette mission rassembla assez
d’éléments pour convaincre la commission que le Cameroun français était mature et prêt pour
l’indépendance. En conséquence, l’assemblée générale de l’ONU se réunit pour examiner la
situation du Cameroun français. Le statut du Cameroun français de 1959 et le rapport présenté
par la mission de visite de l’ONU de 1958 œuvrèrent en faveur de l’indépendance du
Cameroun français. Le rapport en question rejeta toutes les demandes de l’UPC : dissolution
de l’ALCAM, nouvelles élections et un calendrier pour la réunification. En présence de 27
camerounais francophones, la IVe commission de l’assemblée générale de l’ONU ouvrit les
débats sur l’indépendance du territoire.
L’UPC rejetait l’ATCAM au motif qu’elle ne reflétait pas la volonté des Camerounais. A
cela, Ahidjo répondit que l’ALCAM avait en son sein les candidats de tous les partis ayant
remporté des sièges aux élections. Alors qu’Ahidjo avait le soutien du bloc de l’Ouest,
Moumié était soutenu par le bloc de l’Est. Par un vote de 56 voix pour, 6 contre et 16
abstentions, il a été prévu de faire accéder le Cameroun français à l’indépendance le 1 er
janvier 1960.
16
Ordonnance n° 58-1375 du 30 décembre 1958 portant statut du Cameroun, publiée au Journal officiel de la
République française n° 12113 du 31 décembre 1958 : préambule, premier alinéa.
17
Ordonnance n° 58-1375 du 30 décembre 1958 portant statut du Cameroun, publiée au Journal officiel de la
République française n° 12113 du 31 décembre 1958 : préambule, alinéa 2.
18
Pour Ramadier, sa mort fut une grosse et irréparable erreur.
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3- L’avènement de l’ « Etat du Cameroun » (30 décembre 1958)
L'Union française fut dissoute par la Constitution française du 4 octobre 1958. Son titre XII
lui substitua la Communauté, union de droit interne comprenant la République française,
d'une part, et certains de ses anciens territoires d'outre-mer, d'autre part. Le Cameroun
français ne fut jamais un État membre de la Communauté. En effet, après le rapport de la
mission de visite de la IVe commission de visite de l’assemblée générale concluant à la
maturité du Cameroun français pour l’indépendance, le Gouvernement français de Michel
Debré transforma l'État sous tutelle du Cameroun en « État du Cameroun » par l'ordonnance
n° 58-1375 du 30 décembre 1958, portant statut du Cameroun.
E- La levée de la tutelle
Le 1er janvier 1960, en présence du secrétaire général de l’ONU, Dag Hammarskjöld, Ahidjo
déclara l’indépendance du Cameroun français sous le nom de « République du Cameroun »
avec un drapeau vert-rouge-jaune. La cérémonie fut ensanglantée à Yaoundé et Douala par les
affrontements entre les terroristes de l’UPC et les troupes gouvernementales. Quarante
africains et trois européens furent tués. Le 10 avril 1960, l’ALCAM se mua en Assemblée
Nationale.
CONCLUSION
En dernière analyse, le processus de décolonisation du Cameroun Oriental fut loin d’être
pacifique. Aussi, l’indépendance proclamée le 1er janvier 1960 était et reste une
décolonisation tronquée19, vidée de sa véritable substance. En écartant le véritable parti
nationaliste du processus et en y associant des individus dont l’option initiale fut la simple
autonomie ou même l’intégration dans la république de France, la puissance de tutelle voilait
à peine son désir de garder le contrôle sur le nouvel Etat. D’ailleurs les accords que la France
fit signer au Cameroun lors de son accession à l’indépendance militent largement en faveur
de cette thèse : en tant que pays de la zone franc, le Cameroun est obligé de déposer au moins
65% de ses recettes en devises dans un compte d’opération géré par le Trésor20 français, en
contrepartie de la garantie de convertibilité du Franc CFA assurée par la Banque de France21
19
Retrancher une partie importante de (exemple : tronquer un texte)
Service public de l’Etat investi d’attributions :
Financières : il tient la caisse de l’Etat, des collectivités territoriales et de nombreux établissements publics, et il
joue un rôle de banquier en dégageant à leur profit les ressources supplémentaires nécessaires pour ajuster le
montant de leurs disponibilités à celui des charges à régler, et en distribuant à l’économie privée des capitaux
d’investissement ;
Administratives : il participe à l’exercice de la tutelle sur le marché monétaire et le système bancaire.
21
Mais la volonté du président Ahidjo de conserver des actifs en dollars plutôt qu’en francs français, d’éviter une
trop grande « pétrolisation » de l’économie, mais aussi de disposer d’un « trésor de guerre » utilisable aussi
bien pour financer des projets économiques que pour distribuer des prébendes aux fidèles, l’a amené à minorer,
en ne tenant compte que de la part SNH, le montant officiel des exportations pétrolières, faisant ainsi apparaître
de façon fictive un solde négatif de la balance commerciale; ce solde restait déposé sur un compte spécial
(«escrow account ») dans des banques extérieures. Par un compte hors-budget une partie de ces avoirs extérieurs
était réinjectée dans des dépenses publiques au gré des nécessités et des choix présidentiels.
L’arrivée au pouvoir de Paul Biya, et les attentes qu’elle a révélées, ont lancé dans le débat public la question du
rapatriement des fonds déposés P l’étranger et de la disparition du compte hors-budget. La brutale baisse des
recettes pétrolières a amené les autorités à une plus grande utilisation de la procédure du compte hors-budget et à
20
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(P. DESSOUANE ET P. VERRE, Cameroun : du développement autocentré au nationallibéralisme.pdf).
une plus large publicité de ses usages. C’est aussi le symptôme de la baisse des recettes budgétaires u classiques
B et du rapatriement des avoirs extérieurs devenu indispensable.