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LA PLACE DE L’ACCOMPAGNEMENT PSYCHOLOGIQUE AU
SEIN DE LA READAPTATION FONCTIONNELLE
Stéphanie DEMARTIN, psychologue, directrice du Centre de Réadaptation
Sophie DEMOUSTIER, psychologue
Centre de Réadaptation « Œuvre Fédérale Les Amis des Aveugles et Malvoyants »
Introduction
Les processus psychiques de deuil de la vision et d’adaptation du handicap nécessitent du
temps et un investissement personnel important. Après l’annonce du handicap, la
réadaptation fonctionnelle, quant à elle, doit dans la mesure du possible démarrer de façon
précoce afin de limiter les conséquences de la perte visuelle au niveau de l’autonomie et du
bien-être. Cependant, elle peut présenter des effets iatrogènes, notamment sur le plan
psychoaffectif. Il est donc primordial d’évaluer les effets, positifs ou négatifs, des
interactions entre les aspects psychologiques et de réadaptation au début puis au cours de
celle-ci.
Dans cette perspective, la place et le rôle du psychologue sont spécifiques. En effet, celui-ci
doit évaluer le niveau d’ajustement au handicap de la personne et par ce biais, déterminer la
pertinence de proposer un accompagnement psychologique. Dans l’approche
pluridisciplinaire de la réadaptation fonctionnelle, la question de l’accompagnement
psychologique se pose de façon cruciale : doit-il être suscité ou faut-il laisser émerger la
demande de façon spontanée ?
Cette communication a pour objectif de situer et de préciser la place du psychologue et de
ses interventions auprès de personnes atteintes de déficience visuelle dans le cadre
particulier de la réadaptation fonctionnelle.
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1. L’annonce du handicap
Répercussions psychiques suite à l’annonce du diagnostic
La personne à qui on annonce un handicap visuel doit souvent faire face à une fracture
narcissique provoquant un réel bouleversement identitaire. En effet, l’identité étant
touchée dans ses fondements, la personne doit procéder à une modification de l’image de
Soi pour y intégrer les éléments liés à sa nouvelle situation.
Le Soi, le concept de Soi et l’estime de Soi occupent une place centrale dans la dynamique
psychique des personnes en situation de handicap en ce sens que, dans de nombreux cas,
elles sont mises à mal voire déficitaires notamment dans les deux premières phases du
travail de deuil que nous détaillerons plus loin.
Il est donc important de bien cibler ce qu’elles représentent. La notion de Soi est d’abord
basée sur le « Soi physique », elle commence donc avec la notion de corps. Néanmoins, elle
va au-delà de cette enveloppe visible pour intégrer des entités plus abstraites comme
l’identité sociale, la réputation, les valeurs personnelles,etc. Rosenberg (1979) définit le Soi
comme étant « la totalité des pensées et sentiments d’un individu sur lui-même ». La notion
de Soi se constitue de deux grandes entités. D’une part, le concept de Soi pouvant être défini
comme une description de Soi reposant sur des évaluations cognitives de nos compétences,
aptitudes, qualités, traits et rôles. D’autre part, l’estime de Soi déterminée par la perception
qu’un individu a de lui comme bon ou mauvais. Rogers (1951) la définit comme « le degré
selon lequel un individu s’aime, se valorise et s’accepte lui-même ». Selon Coopersmith
(1967), l’estime de soi exprime « une attitude d’approbation ou de désapprobation, et
indique le degré selon lequel il se croit lui-même capable, important, en pleine réussite et
digne ». Le Soi est donc un TOUT donnant à voir la personne dans sa globalité. Si l’on se base
sur ce postulat, toute perte peut être conçue comme source de perturbations au niveau de
la perception cognitive et affective qu’un individu a de lui. La déficience visuelle entraîne une
blessure narcissique liée au renoncement de l’intégrité qui pousse la personne à se percevoir
en négatif, du côté de la perte.
L’annonce d’un problème de vue est souvent vécue comme un choc émotionnel important
induisant des perturbations de l’équilibre psychique de l’individu. Ces perturbations peuvent
se traduire par des manifestations telles qu’une phase de sidération, un déni de la réalité ou
encore l’expression d’un large panel émotionnel.
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C’est lors d’une consultation médicale dans le cadre d’un processus de recrutement que l’on
découvre chez Mr D. une maculopathie optique ainsi qu’une neuropathie optique de Leber.
Mis en incapacité de travail, Mr D. se retrouve quotidiennement à domicile et prend
progressivement conscience qu’il ne peut plus fonctionner comme avant. Certains de ses
loisirs ne lui sont plus accessibles (réalisation de maquettes, mécanique automobile, etc.) et il
n’est plus en mesure d’assumer certaines tâches au quotidien (bricolage, soin des enfants,
cuisine, etc.). Il s’en est suivi une remise en question de ses compétences et capacités
(concept de soi) mais aussi de la valeur affective qu’il octroyait à sa personne (estime de soi).
L’identité avant le déficit était construite sur l’image d’un homme protecteur, fort et solide.
La perception qu’il avait de lui après l’annonce était qualifiée par l’incapacité : incapacité
d’accomplir les tâches qui lui incombaient tant au niveau professionnel que personnel
l’amenant à une remise en question fondamentale de son rôle.
Entraîné dans une dynamique de dé-construction – re-construction, ce dernier entre alors
dans un processus particulier : le travail de deuil. Ce dispositif psychologique spécifique n’est
pas propre à la déficience visuelle. Comme le souligne Griffon (2000), il s’agit d’un
mécanisme présent à chaque fois qu’une personne subit une perte touchant soit ce qu’elle est
(image de soi, autonomie,…), soit ce qu’elle aime (perte d’un proche). Toutefois, cette étape
ne permet ni d’accepter ou d’effacer une réalité trop pénible, ni d’oublier la souffrance
ressentie mais bien de comprendre et d’intégrer la situation dans son ensemble afin d’agir
en fonction de celle-ci, et ce, de manière à retrouver plaisir et bien-être. C’est pourquoi ce
travail demande du temps et de l’investissement. Il est généralement constitué de 3 grandes
phases :
- La phase de dénégation : phase au cours de laquelle la conscience de la perte est
rejetée, déniée. La déficience visuelle est alors mise hors de soi. Ex : Tout va bien, je
n’ai rien perdu…
-
La phase dépressive : la conscience de la perte l’emporte sur la dénégation de celle-ci
mais entraîne toute une série de manifestations émotionnelles, somatiques,
anxieuses, … le sujet intériorise la perte visuelle qui n’atteint plus uniquement son
œil ou son autonomie mais bien l’image qu’il a de lui-même. Ex : J’ai ne suis plus
rien…
-
La phase de réaction : lors de cette phase, le sujet parvient à intégrer le handicap
dans son ensemble. Il retrouve un équilibre dans sa vie et a une perception réaliste
de ses limites et potentialités qui lui permettent de mettre en place des moyens pour
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compenser son handicap. Ex : J’ai perdu quelque chose mais il existe des solutions
pour m’aider.
L’objectif du travail de deuil est la constitution d’une nouvelle image de soi intégrant la perte
visuelle. Il donne donc l’opportunité à la personne d’évoluer positivement et de pouvoir
rebondir. C’est alors que la notion de « Reste », comme le souligne Piot, prend toute son
importance, puisqu’elle induit une compensation positive à la « Perte ».
Le travail de deuil peut varier en fonction des conditions d’apparition de la problématique
visuelle. En effet, dans le cas de pathologies évolutives, une période intermédiaire s’installe
entre l’annonce du handicap et le terme de son évolution. La personne vit alors avec une
« épée de Damoclès » au dessus de la tête et est confrontée à une perte progressive du
mode de perception qu’elle utilise le plus. Au cours de cette période intermédiaire, elle doit
faire face à des aménagements permanents, notamment sur le plan psychologique. Elle
entre en effet dans un processus de deuil à rebond où sont sans cesse remises en question
les élaborations fondamentales de sa vie telles que l’image de soi, la place et le rôle dans la
famille, l’identité sociale et professionnelle, etc. Par ailleurs, la dynamique de deuil est
particulière car elle est en partie projective : elle impose en effet à la personne des périodes
de deuil successives d’un objet qu’elle possède encore partiellement mais dont elle sait qu’il
va disparaître à terme.
Afin de négocier au mieux les changements induits par le handicap visuel, certaines
personnes déficientes visuelles font le choix de faire appel à un Centre de Rééducation
Fonctionnelle pour les accompagner dans le processus d’adaptation à leur nouvelle situation
visuelle. Malgré les difficultés inhérentes à la rééducation, celle-ci est souvent perçue par la
personne comme un moyen par lequel le processus de reconstruction devient possible.
2. La rééducation fonctionnelle
Le Centre de Rééducation Fonctionnelle des « Amis des Aveugles et Malvoyants » a pour but
de répondre à diverses demandes de soutien et d’apprentissage afin de participer à
l’amélioration de la qualité de vie et à l’autonomisation des personnes non ou malvoyantes.
L’approche pluridisciplinaire permet de répondre à un panel de demandes
touchant à divers domaines :
- Les activités de la vie quotidienne L’orientation-mobilité
- La psychomotricité
- L’orthoptie
élargi et
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-
La basse vision
L’informatique et la dactylographie
Le soutien psychologique
La rééducation est fondée sur le principe selon lequel la personne déficiente visuelle peut
retrouver une vie normalisée où le bien être, l’autonomie et la joie de vivre sont au centre
des préoccupations. Dans cette perspective, les thérapeutes s’intéressent au « Reste » plutôt
qu’à la Perte, afin de prendre appui sur les ressources encore présentes et d’envisager avec
la personne l’accès à l’autonomie fantasmée.
Le travail des professionnels en réadaptation consiste à essayer de rétablir les habiletés
perdues ou à y pallier par le biais de techniques et stratégies spécifiques. La personne
déficiente visuelle peut alors avoir à nouveau accès à la revalorisation grâce à la découverte
des ses possibilités résiduelles et de leur utilisation optimale. Les progrès réalisés dans les
divers domaines thérapeutiques permettent à la personne d’avoir à nouveau confiance en
ses capacités et en son potentiel d’évolution.
3. Spécificité de
fonctionnelle
l’accompagnement
psychologique
en
rééducation
L’accompagnement psychologique peut s’avérer nécessaire dans certaines situations mais
n’est pas toujours indispensable et n’est d’ailleurs pas systématiquement sollicité par la
personne. Il reste néanmoins susceptible d’apporter des informations à l’équipe
thérapeutique, favorisant un travail rééducationnel ajusté au plus près des besoins de la
personne déficiente visuelle. Il permet aussi non seulement d’aider la personne à retrouver
un équilibre et une assurance psychique suite à la perte subie, mais également de la soutenir
durant la rééducation. En effet cette dernière peut se révéler constituer une source de
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déstabilisation majeure, l’inscription de la personne dans ce processus étant souvent difficile
à gérer dans la mesure où elle confronte sans cesse la personne à ses limites et au caractère
irréversible et/ou incurable de la déprivation sensorielle.
Comme nous l’avons déjà souligné, la déficience visuelle provoque généralement une
désorganisation de la vie quotidienne avec une perte majeure au niveau des repères et
habitudes en place. Cette perte, provoquant souvent des désordres sur le plan relationnel,
professionnel, scolaire, familial et/ou social, a une incidence psychologique importante sur
la personne concernée comme sur son entourage.
Ainsi que le souligne Griffon, le rôle du psychologue clinicien dans une équipe de
rééducation fonctionnelle est alors d’aider la personne déficiente visuelle à verbaliser et
intégrer les répercussions psychologiques du handicap et de la rééducation proposée.
Le soutien psychologique permet de mettre des mots sur les impressions liées au vécu du
handicap de façon à ce que, in fine, la perte d’un sens ne soit pas synonyme de perte du sens
de la vie.
L’accompagnement psychologique dans le contexte de la rééducation fonctionnelle est très
spécifique puisqu’il s’insère dans une démarche pluridisciplinaire de réadaptation et qu’il est
circonscrit à ce cadre. Il ne s’agit pas de procéder à des remaniements psychologiques
profonds mais de participer à optimiser le potentiel adaptatif de la personne.
Dans un premier temps, la relation d’aide et de soutien assurée par le psychologue consiste
en la formulation d‘hypothèses quant à l’état psychique de la personne, aux bénéfices
qu’elle va pouvoir tirer de la rééducation et aux aspects motivationnels de celle-ci. Il
convient alors de prendre en compte les aspects relatifs aux éventuelles résistances aux
changements qui peuvent être induites par l’apprentissage de techniques palliant le défaut
de vision. Dans un second temps, il s’agit d’accompagner la personne dans ce que nous
appelons « le travail de deuil de la vision ». Dans ce cadre, la personne a besoin de temps
pour intégrer le handicap et ses conséquences au niveau psychologique, pour gérer les
aspects émotionnels liés directement à la rééducation et enfin pour s’approprier le
« nouveau Moi » en construction suite à la perte. En effet, l’intégration psychique de la perte
demande du temps et le rôle du psychologue consiste, à ce niveau, à accompagner la
personne dans le travail de deuil de la vision en adaptant ses interventions au vécu
psychique de la personne. Il faut accepter de se laisser le temps nécessaire à l’évolution en
adoptant une attitude la plus aidante possible de façon à négocier de façon optimale le
processus d’ajustement au handicap.
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Puisque, consécutivement au déficit visuel, la relation au monde extérieur change, la
personne peut éprouver une sensation de rupture avec celui-ci du fait de la confrontation
permanente avec la perte, ce qui peut l’atteindre dans son intégrité.
La perte, constituant la problématique majeure du handicap, engendre chez le sujet une
souffrance psychique se rapportant au désir fantasmatique de toujours appartenir au monde
du « visuel ».
Cependant, le cadre même de la rééducation et de ses objectifs renvoie régulièrement la
personne à ses difficultés dès lors que l’on y propose toute une série d’adaptations,
d’apprentissages voire même de réapprentissages pour y pallier. C’est, paradoxalement
peut-être, justement dans cette perspective que commence le processus d’ajustement au
handicap.
L’ajustement au handicap
Il s’agit d’un processus mis en œuvre dans la réaction adaptative d’un individu suite à la
confrontation à des évènements stressants, internes et externes, en vue du maintien d’un
équilibre. L’apparition d’une déficience visuelle induit certaines incapacités à poursuivre sa
vie dans la « normalité » et provoque des pertes de repères en tout genre (concernant les
déplacements, dans la vie de tous les jours, psychiques,…). L’ajustement psychologique à la
déficience visuelle est donc l’adaptation au handicap moyennant des conduites, pensées et
affects permettant à la personne qui en souffre d’assumer les diverses situations
quotidiennes devenues potentiellement problématiques à cause de la déficience en
s’appuyant sur les compétences et stratégies acquises auparavant. Les caractéristiques
générales de ce processus d’ajustement sont :
- Un faible niveau d’anxiété
- L’absence de dépression
- Un degré élevé d’estime de Soi
La personne souffrant d’un handicap visuel est alors l’actrice principale de ce mouvement
même si la coopération de l’entourage, des soignants, de l’équipe pluridisciplinaire
(médecin, assistant social, psychologue, thérapeutes,…) est indispensable.
La résilience
Du point de vue psychologique, il s’agit de la capacité d’une personne à rebondir face à un
évènement traumatique. Selon Anaut (2006), la résilience suppose une expérience de
danger relevant d’une atteinte physique et/ou psychique et inclut deux dimensions : d’une
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part, la survenue d’un traumatisme qui peut être unique ou multifactoriel et d’autre part
l’aptitude du sujet à surmonter le trauma. Le personne ayant subi une perte visuelle peut
donc utiliser selon ses capacités individuelles ce processus de résilience qui permettra la
mise en place de solutions adaptatives
4. Faut-il susciter ou laisser émerger la demande d’un accompagnement
psychologique ?
Ainsi que le souligne Griffon (2011), deux positions s’affrontent. D’une part celle de
l’entourage voire même de l’équipe thérapeutique qui veut aider et donc mettre en place
des stratégies de compensation et, d’autre part, celle de la personne à qui il faut laisser le
temps de l’intégration psychique. La personne elle-même se trouve parfois dans une
position a priori contradictoire. D’un côté, elle souhaite s’inscrire dans la démarche de
rééducation mais d’un autre, des mécanismes psychologiques peuvent faire obstacle.
S. a 22 ans et est atteinte de rétinite pigmentaire. Suivie depuis plus de deux ans au sein du
centre de rééducation fonctionnelle, son projet d’autonomie s’est modifié en début d’année
scolaire passée, en lien avec son intégration dans l’enseignement supérieur et donc à la vie
en studio d’étudiant.
Elle a donc sollicité l’équipe afin d’acquérir un maximum d’autonomie dans ses
déplacements, notamment pour réaliser les trajets entre le studio et l’école. Très vite, la
thérapeute en orientation et mobilité s’est heurtée à des obstacles dans son intervention. En
effet, S. vit très mal sa situation visuelle et n’accepte pas d’utiliser les aides techniques
indispensables à sa sécurité lors des déplacements (dont la canne) tout en refusant
d’interrompre les séances en orientation et mobilité. L’accompagnement psychologique se
met en place à ce moment, lorsque l’équipe la confronte au paradoxe dans lequel elle se
situe : d’une part une demande d’autonomie accrue et d’autre part un refus de recours aux
techniques palliatives. Le soutien psychologique permet de mettre en évidence que les
éléments motivant la demande sont intrinsèques à S. puisqu’elle souhaite gagner en
autonomie mais résultent pour une grande partie de la pression familiale qui estime que S.
doit être en mesure de se déplacer seule. La composante « temps » est ici d’indispensable à la
prise de conscience de cette position contradictoire en vue de favoriser une nouvelle
élaboration psychique.
La rééducation fonctionnelle peut être perçue par le patient comme une forme de
réparation de la Perte. Néanmoins, l’investissement dans ce processus peut résulter de la
mise en place de défenses psychiques qui privilégient l’action, conduisant les personnes à
considérer que la rééducation est l’unique moyen de retrouver une certaine forme de bien8
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être. Cette position peut amener des espoirs de réparation « magique » ainsi qu’une mise à
distance excessive du vécu subjectif de la perte.
Mr D. a un projet d’autonomie globale. Un soutien psychologique s’est mis en place
rapidement dans la rééducation fonctionnelle suite à l’annonce soudaine et brutale du
handicap. Mr D. a de grandes difficultés à exprimer son ressenti qui ont engendré un
investissement massif des séances thérapeutiques en réadaptation (réparation psychique par
les adaptations proposées). Ce surinvestissement a provoqué la négation d’une fragilité
psychique pourtant importante et constatée par l’équipe. Il était donc difficile d’avancer dans
le travail entamé avec le psychologue. Toutefois, un choc émotionnel est apparu quand la
thérapeute en orientation et mobilité a annoncé à Mr D. qu’il devrait utiliser une canne dans
ses déplacements. De plus, le bilan orthoptique a été vécu difficilement par Mr D. qui s’est
retrouvé directement confronté à la perte visuelle. Le soutien psychologique a pu se remettre
en place suite à l’émergence de ces difficultés.
Ces exemples mettent ainsi en lumière à quel point il peut parfois s’avérer nécessaire de
susciter l’intervention du psychologue afin de favoriser l’avancement de la personne dans le
processus réadaptatif. C’est là l’essence de l’approche pluridisciplinaire qui peut se concevoir
comme une boucle thérapeutique où les actions de chacun sont entremêlées. Ainsi, les
progrès réalisés dans la rééducation peuvent alimenter le travail du psychologue et viceversa.
5. Conclusion
Par son offre de présence et d’écoute comme par son travail, le psychologue peut aider la
personne à réellement intégrer les aspects relatifs à sa perte visuelle. Il favorise alors chez
elle un processus de reconstruction lui permettant de retrouver sa singularité et de se
concevoir comme un individu à part entière et pas exclusivement comme défini par un
handicap.
C’est donc également dans une perspective globale et évolutive que l’équipe thérapeutique
offre à la personne une réponse individualisée et non standardisée.
Il convient d’être hautement inventif de façon à s’adapter et se réadapter continuellement
et de manière spécifique au projet de la personne. Cette dernière est et doit rester à
l’initiative de la démarche (ré)-adaptative et en être l’acteur principal.
Dès lors, faut-il susciter ou laisser émerger la demande d’accompagnement psychologique ?
Bien que la question se pose de façon cruciale, il est difficile d’y apporter une réponse
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univoque tant l’individualité se situe au cœur de nos actions. Aussi, le psychologue se doit
d’être présent et disponible, peu importe le moment de son intervention au sein du
parcours de réadaptation. Même à la fin de celui-ci, favoriser une verbalisation à postériori
participe à inscrire la personne dans sa propre dynamique d’évolution.
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