Observations de la Ligue Tch - Ligue Tchadienne des Droits de l

 Observations de la Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme (LTDH) sur le projet de code sur le pastoralisme au Tchad 1 LE CODE PASTORAL TCHADIEN Disons la vérité sur le code pastoral en question : Analyses et observations Le Gouvernement du Tchad se précipite sur l’adoption d’un code sur le pastoralisme qui est un mode d’élevage parmi d’autres pratiqués au Tchad en l’absence : •
•
•
d’un code rural qui doit définir les principes fondamentaux régissant chacune des activités rurales : agriculture, élevage, pêche, etc. ; d’une loi cadre fixant les principes fondamentaux de l’élevage au Tchad ; d’un code foncier fixant les principes fondamentaux en matière domaniale et foncière au Tchad. Cela revient, bien que nous soyons dans le domaine de l’élevage, à mettre la charrue avant les bœufs. Il est souhaitable de penser globalement en mettant en place un code rural qui définit les principes fondamentaux d’exercices des différents types d’activités rurales, y compris l’élevage. Sur le plan sectoriel, un code d’élevage sera élaboré et à l’intérieur de ce code d’élevage, il y aura une partie destinée à l’élevage pastoral. Toutefois, si on veut donner un caractère particulier à l’élevage pastoral par rapport aux autres types d’élevage, son code peut être élaboré à part mais en tenant compte des principes généraux de l’élevage définis par la loi cadre sur l’élevage au Tchad. Au vu de ces arguments nous pensons que le code sur le pastoralisme est pour l’instant inopportun et qu’il faut surseoir à son examen en vue de son adoption. Pour revenir à la mouture du code pastoral adopté irrégulièrement par l’Assemblée Nationale en sa séance du 02 juillet 2014, il est une légitimation de l’injustice et de l’arbitraire. Son objectif est de transformer tout le territoire du Tchad en un vaste pâturage pour les éleveurs et les propriétaires de capital-­‐bétail qui ne constituent que 3,5% de la population tchadienne. En effet, c’est un code sur le pastoralisme qui veut s’appliquer de manière unanime à tout le pays sans prendre en considération l’activité agricole d’une manière générale et la vocation agricole de certaines zones du pays, notamment celles du Sud du pays. Une concession dérisoire est faite aux zones agricoles avec quatre (4) articles sur un total de quatre vingt quinze (95) articles que compte le code en question. Les quatre (4) articles en question sont plus injurieux les uns les autres. Tenez : •
l’article 42 dit : « Il est institué, pour prendre en compte la nécessité d’une bonne intégration entre l’agriculture et l’élevage, un système de fermeture et de libération des champs de cultures pluviales en zones agricoles. Les dates de fermeture et de libération des champs sont déterminées dans chaque région par un arrêté du Gouverneur après concertation avec le Conseil Régional, Départemental, les Communes, les Communautés Rurales, les organisations professionnelles d’agriculteurs et d’éleveurs. » o quel est le facteur intégrateur de l’agriculture et de l’élevage dans cet article ? Le bétail appartient à l’éleveur tout comme le champ appartient à l’agriculteur. Ce sont donc des propriétés privées distinctes. Est-­‐ce le fait pour l’éleveur d’accès au champ de l’agriculteur qui constitue un élément intégrateur de l’élevage et de l’agriculture ? L’intégration de l’élevage et de l’agriculture connue dans les zones agricoles est la conduite de ces deux activités dans une même exploitation familiale. 2 Le champ appartient à l’agriculteur. De quel droit le Gouverneur doit décider de l’ouverture du champ du paysan au public, notamment à l’éleveur ? A-­‐t-­‐on seulement idée de demander à l’éleveur d’ouvrir son troupeau ou son ferrick au public? Que fait-­‐on de l’article 41 de la Constitution qui prône l’inviolabilité de la propriété privée ? o Sur quelle base le Gouverneur va déterminer les dates de fermeture et d’ouverture des champs ? Toutes les spéculations ne murissent pas en même temps. Par ailleurs, l’agriculteur, pour des raisons qui lui sont propres peut retarder la récolte de son champ. Pourquoi l’obliger à récolter pour le plaisir des éleveurs ? Les dates de fermeture et d’ouverture des champs permettent actuellement aux éleveurs de mettre sous pression les agriculteurs pour la récolte de leur champs, est-­‐ce normal ? Pourquoi ils s’arrogent ce droit alors qu’ils sont en zones agricoles ? Est-­‐ce que les agriculteurs ont un droit quelconque sur le territoire d’attache des éleveurs? o Y aura-­‐t-­‐il des dates de fermeture et d’ouverture des champs de manioc ? La culture du manioc très importante pour la sécurité alimentaire car elle permet aux paysans de passer aisément la période de soudure a drastiquement reculé à cause de l’élevage pastoral. On se préoccupe de la sécurité alimentaire des bêtes mais pas des humains ! o On pousse l’injure jusqu’à inclure dans la définition des ressources pastorales (au niveau de l’article 4) les résidus des cultures (tiges de mil, fans d’arachides, etc.) comme si l’agriculteur n’a pas de bêtes à nourrir et comme si l’éleveur a contribué à l’entretien du champ pour bénéficier ainsi des résidus de culture. l’article 43 dit : « Il est fait obligation aux agriculteurs de clôturer à tout moment les parcelles maraîchères. ». Avec quels moyens ? C’est une façon d’empêcher les cultures maraîchères aux paysans afin de libérer les bas-­‐fonds pour le pâturage des animaux. article 44 dit : « Dans les zones de culture de décrue, les agriculteurs ont l’obligation de surveiller leurs champs pendant la journée et les éleveurs de surveiller leur bétail pendant la nuit. » o Cet article veut simplement dire que les agriculteurs doivent faire le travail des bouviers dans la journée pendant que ceux-­‐ci se reposent tranquillement. Dans le cas contraire tant pis pour l’agriculteur qui perdra ainsi sa récolte au profit du propriétaire du capital-­‐bétail qui engraisse ainsi son bétail à moindres frais. o Quand à dire que les éleveurs doivent surveiller leurs troupeaux la nuit, c’est de la rigolade. C’est généralement le moment qu’ils choisissent pour mettre les troupeaux dans les champs et les retirer avant l’aube. Ainsi, ni vu, ni connu. article 45 dit : « L’agriculteur qui souhaite bénéficier de la fumure des animaux peut autoriser le parcage dans son champ. ». o Cet article est vide de sens d’autant plus que les résidus de culture entrent la définition des ressources pastorales (article 4) ; les éleveurs se servent à volonté et continuent leur chemin. Ils ne demandent pas l’autorisation d’aller dans les champs. C’est la pratique actuelle qui est en train d’être légitimée par ce code. o
•
•
•
Le présent code pastoral fait de l’élevage pastoral l’activité royale du pays. C’est comme si l’élevage pastoral est la seule activité qui va sortir le pays de la pauvreté et le conduire vers l’émergence. 3 Pourtant elle n’est pas l’activité pratiquée par la majorité de la population tchadienne. Le Deuxième Recensement Général de la Population et l’Habitat (RGPH2) de 2009 relève que la population Tchadienne est rurale à 79,3%, soit 8.750.741 personnes sur les 11.175.915 habitants que compte le pays. La population nomade est de 387.815 personnes, soit 4,43 de la population rurale. Les 95,57% de la population rurale sont des sédentaires et donc des agriculteurs et/ou des agro-­‐pasteurs. Les données du RGPH2 montrent la population nomade des différentes régions varie de 0 à 8,6% de la population de la région, à l’exception de celle de l’Ennedi où elle représente 16% et du Bahr El Gazel où la population nomade est presque égale à la population sédentaire (48,6%). Le caractère minoritaire de la population nomade n’est plus à démontrer. Alors peut-­‐on sans conséquence pour le pays prioriser l’activité d’une minorité de la population au détriment de celle de la majorité, risquant ainsi d’enlever à cette majorité son moyen de subsistance ? Peut-­‐on raisonnablement penser asservir, mettre au service de 387.815 personnes nomades 8.362.926 sédentaires agriculteurs ? Encore que les nomades concernés par l’élevage pastoral issus des régions du Lac, Kanem, Batha, Ouaddai, Bahr El Gazal, et Sila considérées comme zone pastorale ne sont qu’au nombre de 225.012 personnes (RGPH2). Ainsi, la population nomade concernée par l’élevage pastoral ne représente que 2,01% de la population du pays. En son article 5, le code fait obligation à l’Etat de préserver l’élevage pastoral. Que fait-­‐on alors de la modernisation de l’élevage ? En effet l’élevage pastoral est un élevage traditionnel à faible rendement. Si dans le domaine de l’agriculture, on cherche les voies et moyens pour passer de l’agriculture traditionnelle itinérante sur brûlis à une agriculture intensive, une nécessité dictée par l’évolution caractérisée par la rareté des ressources naturelles, on ne voit pas pourquoi au niveau de l’élevage, on doit continuer à promouvoir un mode traditionnel à faible rendement mais source de conflits permanents. L’article 7 du code consacre la mobilité pastorale à l’intérieur du territoire national (liberté reconnue à tout éleveur dans le respect de la réglementation en vigueur et dans le respect des us et coutumes de la zone d’accueil) sans se soucier des conséquences. On se demande quelle lecture les auteurs dudit code font des récurrents et sanglants conflits agriculteurs-­‐éleveurs ? Doit-­‐on absolument faire la promotion d’une activité source de conflit sur toute l’étendue du territoire? Pour quel but ? Au vu de l’absence d’objectivité des auteurs de code, on est en droit de se demander quelle est leur vraie motivation. L’article 9 consacre la supériorité de l’éleveur sur les autres opérateurs ruraux à l’accès aux ressources naturelles. Il dit : « Les éleveurs disposent d’un droit d’usage prioritaire sur les ressources pastorales situées sur leur territoire d’attache et les territoires d’accueil ». En d’autres termes, les éleveurs accueillis dans une zone agricole donnée ont priorité sur les ressources naturelles unilatéralement considérées par eux et les auteurs de ce code comme ressources pastorales. Les agriculteurs de la zone d’accueil ne pourront faire bénéficier leurs bêtes des ressources naturelles de leur zone que si les éleveurs qu’ils ont accueilli le leur autorisent. Voilà l’injure! Et c’est effectivement ce qui se passe sur le terrain que l’actuel code veut légitimer. En juin dernier, il y a eu un tel conflit dans le canton Andji dans la sous-­‐préfecture de Déli (Logone Occidental) où les propriétaires du capital-­‐bétail à qui les populations ont autorisé de faire paître temporairement leurs 4 troupeaux dans la zone de Boualiba ont réclamé être propriétaire de ces lieux quand les autochtones leur ont demandé de libérer l’espace pour les cultures. Voila donc ce qui arrive aux paysans quand ils accueillent des éleveurs et que le présent code veut légitimer. Concernant le droit d’usage prioritaire des ressources pastorales, un pays voisin en l’occurrence le Niger l’a circonscrit à la zone pastorale (encore que dans ce pays, les éleveurs pasteurs sont majoritaires dans la zone déclarée pastorale, ce qui n’est pas le cas au Tchad où les éleveurs pasteurs ne sont majoritaires dans aucune région). Pour les besoins de clarification de la situation, une loi a fixé les limites nord des cultures à l’isohyète 350mm, entre la zone agricole au sud sur laquelle s’applique le régime de la propriété privée, et la zone pastorale au nord, constituée de terres domaniales sur lesquelles les pasteurs jouissent d’un droit d’usage collectif. Ainsi, le droit d’usage prioritaire s’applique aux pasteurs sur leur terroir d’attache. Même si l’accès aux ressources dans la zone pastorale ne peut être interdit à aucun pasteur, les pasteurs qui sont sur leur terroir d’attache ont la priorité de l’accès à ces ressources avant tout autre utilisateur, pasteur soit-­‐il mais d’un autre terroir d’attache. En ce qui concerne le Tchad, on recense trois (3) zones agro-­‐écologiques : 1.-­‐Une saharienne ou désertique. Elle occupe 60,7 % du pays et couvre l’ensemble du Borkou-­‐
Ennedi-­‐Tibesti (BET) et les marges septentrionales du Kanem et du Batha. Elle se caractérise par une pluviométrie inférieure à 200 mm/an qui s’annule dans les franges les plus septentrionales On y pratique l’agriculture irriguée dans les oasis, l’élevage des chèvres pour le lait, celui des ânes pour le transport et des dromadaires en transhumance. 2.-­‐ Une sahélienne. Elle couvre 29,1 % du pays. Elle se subdivise en deux sous-­‐zones dont les principales caractéristiques sont les suivantes : (i) une sous-­‐ zone sahélienne pastorale avec une faible pluviométrie qui varie de 200 à 400 mm/an, sur trois mois. La végétation est de type steppe herbacée ou arbustive à base d’herbacées annuelles et de ligneux épineux Elle couvre les régions du Lac, le sud du Kanem, le centre du Batha, de Biltine et le nord du Ouaddaï. Elle regroupe 47 % du cheptel ruminant ; (ii) une sous-­‐ zone sahélienne agro-­‐pastorale ou sahélo-­‐soudanienne dont la pluviométrie annuelle varie entre 400 et 650 mm. Elle s’étend sur les ex-­‐préfectures du Chari Baguirmi, GUERA, une grande partie de l’Ouaddaï et du nord Salamat. Les cultures pluviales, notamment des céréales (mil) et des oléagineux (arachide) ainsi qu’un élevage sédentaire ou semi-­‐
transhumant constituent les principales activités. 3.-­‐ Une soudanienne au sud (10, 2 % du pays), s’étend sur les ex-­‐ préfectures du Mayo kebbi, du Moyen Chari, du Logone occidental, du Logone oriental et de la Tandjilé. La pluviométrie annuelle se situe entre 650 et 1.000 mm. Elle peut aller jusqu’à 1.400 mm dans les portions les plus méridionales de la zone. Le climat y est de type tropical. La végétation est de type savane arborée. Les activités agricoles dominantes sont de type pluvial, extensif et itinérant. Les cultures maraîchères et les cultures de décrue (Béré-­‐Béré) y sont également pratiquées. Au vu de des subdivisions agro-­‐écologiques du pays, la zone d’élevage pastoral est clairement identifiée et définie (espace saharo-­‐sahélien), même si elle doit être nuancée au vu du poids démographique desdits pasteurs dans ces zones. En effet, comme relevé plus haut, les sédentaires sont majoritaires mêmes dans les zones dites pastorales. Il convient donc de délimiter les zones d’activités pastorales, y faire les investissements nécessaires pour éviter les déplacements des troupeaux sur de longues distances et procéder à la sensibilisation et formation des pasteurs pour une modernisation de l’élevage. Le code fait obligation à l’Etat et Collectivités Territoriales Décentralisées (articles 18, 19 et 20) de faire tous les aménagements nécessaires sur les parcours des éleveurs. Passe encore pour l’Etat au niveau central qui gère les ressources des différents projets ayant trait au développement de l’élevage, et Dieu sait qu’il y en a, mais les Collectivités Territoriales Décentralisées des zones 5 d’accueil qui ont de multiples problèmes de leurs populations à gérer à qui on demande de privilégier les infrastructures pour les biens d’un groupe de gens de passage, qui ne paient même pas leurs impôts dans ces localités mais sur leur territoire d’attache et dont la présence est souvent synonyme de conflits et ôte le sommeil aux autorités décentralisées. Pourquoi ? Pour quel bénéfice ? Les aménagements, s’ils doivent être faits malgré tout dans les zones non pastorales, ils doivent être uniquement du ressort de l’Etat au niveau central et ne doivent pas impacter les ressources destinées aux régions d’accueil. Le code, dans les articles 21, 22, 23 et 25: 1) Exige que les couloirs de transhumance et les pistes à bétail existants à la date d’entrée en vigueur de la présente loi soient recensés et réhabilités en priorité et classés respectivement dans le domaine public de l’Etat et de la Région. On prend sans contrepartie une partie du terroir des communautés locales pour en faire des couloirs de transhumance et des pistes à bétail, ensuite, on les met dans le domaine public de l’Etat et de la Région et on les déclare immuables et imprescriptibles (article 31). De quel droit ? 2) Préconise, comme si cela ne suffisait pas, l’ouverture de nouveaux couloirs de transhumance, de nouvelles pistes à bétail, des aires de stationnement, etc. etc. Faut-­‐il rappeler que quand les couloirs de transhumance ont été ouverts dans les années 60, le Tchad avait une population estimée à 3 millions d’habitants et que le bétail également était à peu prêt de la même taille ? La densité de la population était de 2 ha/km². En 2014, la population tchadienne, avec le taux de croissance annuelle de 3,5% hors refugiés selon le recensement de 2009, doit être maintenant de l’ordre de 13.273.481 habitants. La densité moyenne en 2009 était de 8,7 ha/km² mais dans la zone méridionale elle était de 159 ha/km² dans certaines régions. Dans la région du Logone Occidental, notamment dans le département de Ngourkosso, les terres cultivables manquent et les jeunes s’exilent à la recherche de terres à cultiver. En outre la zone méridionale qui ne représente que 10% du territoire national héberge actuellement 42% de la population du pays (RGPH2). Doit-­‐on parler de l’ouverture des nouveaux couloirs de transhumance dans cette zone ? Pour nous c’est la question de la suppression des couloirs de transhumance existants qui doit être à l’ordre du jour. 3) Connaissant les difficultés de fonctionnement des Collectivités Territoriales Décentralisés suite à la non mise à leur disposition des ressources, demande que l’Etat se substitue à elles pour décider de l’ouverture des couloirs de transhumances et des pistes à bétail. Les communautés rurales seront ainsi mises devant le fait accompli par le pouvoir central sans aucun recours. Cette proposition doit être purement et simplement rayée du code. L’article 26 du code dit que « quelque soit la région traversée, la largeur d’un couloir de transhumance ou d’une piste à bétail doit permettre tout ce qui est nécessaire pour en user, dont la fluidité de la circulation des troupeaux ». C’est une disposition qui ouvre la voie à tous les abus en termes d’accaparement des terres agricoles. En effet, on ne se préoccupe pas de règlementer la taille des troupeaux en déplacement mais de l’espace à leur accorder quelque soit la taille du troupeau. Que le troupeau soit de 1.000 têtes ou de 10.000 têtes, il faut lui assurer la fluidité de la circulation ! Est-­‐ce logique de demander à une petite portion du territoire comme la zone méridionale d’accueillir tout le bétail du Tchad, ne fusse que pour quelques mois ? Cela n’est-­‐il pas synonyme de vouloir vider le terroir de ses habitants ? Si les auteurs du code avaient un peu de considération pour les habitants des zones d’accueil, ils devraient réfléchir au nombre de têtes de bétail que ladite zone peut accueillir périodiquement et le réglementer. L’article 46 du code fixe les normes de maillage des puits pastoraux comme suit : •
•
•
Zone saharienne : 50 km entre deux puits ; Zone sahélienne : 25 km entre deux puits ; Zone soudanienne : 12,5 km entre deux puits. 6 Quelle est la logique de ce maillage ? Pourquoi un faible maillage dans les zones pastorales mais un maillage important, dense dans la zone agricole ? Est-­‐ce à dire que les troupeaux souffrent plus de soif dans la zone soudanienne ? Le Chapitre II est dédié aux propriétaires du capital bétail qui disposent des mêmes droits que le pasteur dans l’accès aux fameuses ressources pastorales. Nous disons qu’il faut purement et simplement supprimer ce point. Les propriétaires de capital-­‐bétail ont suffisamment de ressources pour s’engager tout de suite dans l’élevage moderne (ranch avec production d’aliments pour le bétail) au lieu de continuer à utiliser les champs des paysans pour un engraissage gratuit de leurs bêtes. On a définit le pasteur comme tout éleveur qui tire ses principaux revenus d’un élevage suivant un mode d’utilisation des ressources fondé sur la mobilité. Le propriétaire de capital-­‐bétail n’a pas que l’élevage comme activité ; il est soit commerçant, soit un agent de l’Etat ou encore un officier supérieur des Forces de Défense et de Sécurité. Par conséquent, il ne doit pas bénéficier des dispositions de ce code. L’article 81 relatif aux organisations pastorales qui doivent, selon ce code, être membres de droit de toutes les instances paritaires mises en place au niveau local, régional et national pour assurer la gestion des ressources pastorales. Nous relevons encore une fois qu’il n’y a pas d’accord sur le terme « ressources pastorales » en zone agricole. S’il est ici question de la zone pastorale, on est d’accord. Mais en zone agricole, les transhumants qui sont de passage ne peuvent pas être membres de droit des instances de concertation des producteurs ruraux d’une région. En cas de nécessité ils peuvent être consultés mais pas faire d’eux des membres de droit des organisations de producteurs ruraux chargés de se pencher sur les problèmes de développement et/ou de conduite des activités de leur localité. S’il est question d’éleveurs, chaque région administrative de la zone soudanienne a sa population d’éleveurs sédentarisés ou semi-­‐nomades qui vivent en permanence dans ces régions. Il nous semble normal que ces gens soient membres des organisations mises en place pour la gestion des ressources naturelles qui peuvent être affectées selon des modalités à définir au pâturage. Les transhumants doivent se conformer à ce qui a été décidé. L’article 84 dit que « l’Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées encouragent en cas de nécessité la création de cadres de concertation intercommunautaire regroupant les représentants des associations d’agriculteurs, d’éleveurs et de pêcheurs, le cas échéant. Les instances de concertation développent une politique tendant : •
•
•
•
•
à l’instauration d’une culture de paix entre tous les utilisateurs de ressources naturelles ; à une cohabitation pacifique ; au respect des us et coutumes des zones d’accueil et d’attache ; au respect du calendrier de fermeture et de libération des champs ; à faciliter l’insertion des éleveurs transhumants dans les zones d’accueil et d’attache. Elles peuvent faire des propositions pour une meilleure organisation de l’espace pastoral et une meilleure gestion des ressources naturelles entre les éleveurs, les agriculteurs et les pêcheurs. Elles mènent des campagnes de sensibilisation sur le droit en vigueur en matière de pastoralisme ». Le point relatif au respect du calendrier de fermeture et de libération des champs doit être supprimé. Le paysan est propriétaire de son champ et doit y travailler toute l’année s’il le veut et c’est qui est souhaitable dans l’optique de la modernisation et de l’intensification de l’agriculture. Les résidus des cultures sont sa propriété et il a le droit de les utiliser pour l’alimentation de son bétail. Le respect des us et coutumes concernent les pasteurs puisque ce sont eux qui se déplacent sur le terroir des autres. L’instauration de la culture de paix, la cohabitation pacifique : nous pensons que c’est aux organisations pastorales de faire le travail de culture de paix et de cohabitation pacifique avec leurs 7 membres parce que les éleveurs pasteurs ne viennent pas vers les autres dans un esprit de paix ni d’une cohabitation pacifique. Le paysan est tranquille sur son terroir et les autres viennent le bousculer, le dominer, l’asservir, voire lui spolier les terres héritées de ses ancêtres. Vous ne pouvez pas demander à quelqu’un de vivre en paix avec son oppresseur. Les illustrations sont nombreuses. Un cas récent qui est en traitement est celui du canton Kaba Rouangar où les éleveurs imposent actuellement leurs us et coutumes dans le territoire d’accueil : dia et menace de destitution du chef de canton si le montant exorbitant de la dia (7 millions FCFA) n’est pas payé ! Le Chapitre III relatif aux infractions et sanctions traduit les intentions malveillantes des auteurs du code. On met d’abord en exergue la réaction du paysan par rapport à l’animal qui a détruit son champ en y divaguant. L’infraction constituée par la divagation de l’animal vient en seconde position. De tout ce qui précède, nous pensons que le code pastoral actuel est inopportun en l’absence d’un code rural et d’une loi cadre qui fixe les principes fondamentaux de l’élevage. C’est un code qui refuse toute modernisation de l’élevage et veut simplement se satisfaire de la sauvegarde d’une pratique dite millénaire, que ses auteurs considèrent comme un patrimoine national à promouvoir, faisant ainsi abstraction de l’évolution du monde. Il faut le réécrire car il nécessite des changements profonds. Une seconde lecture portant sur des amendements à des fins de son adoption ne doit pas être à l’ordre du jour. Le Tchad compte trois (3) zones agro-­‐écologiques qu’il convient de respecter. Tous les investissements envisagés pour viabiliser et équiper les couloirs de transhumance, les aires de stationnement et/ou les pistes à bétail sont suffisants pour procéder à la modernisation de l’élevage pastoral dans la zone pastorale qui lui est dédiée afin d’avoir des meilleurs rendements. Au lieu de trainer les bêtes sur des milliers de kilomètres et les voir arriver tout décharnés dans les lieux d’abattage. L’exploitation des abattoirs modernes en construction ne peut se satisfaire de la qualité de viande issue des animaux fatigués par de longues marches. L’élevage semi-­‐transhumant peut être pratiqué pour un temps, le temps également d’engager des actions pour sa modernisation, dans la sous-­‐zone sahélo-­‐soudanienne qui couvre le Guéra, le Chari-­‐
Baguirmi et une partie du Salamat. Dans la zone soudanienne, l’élevage sédentaire est le seul mode d’élevage qui convient. On doit par ailleurs encourager l’intégration de l’agriculture et de l’élevage en apprenant aux producteurs ruraux à mener ces deux activités de manière intégrée dans les exploitations familiales. La multiplication des récurrents conflits agriculteurs-­‐éleveurs, de plus en plus sanglants, avec l’exigence de paiement de dia dont les montants sont fixés de manière arbitraire et souvent exorbitants constitue un signe évident de l’inadaptation de l’élevage pastoral dans la zone agricole. Et ce n’est pas ce code qui va atténuer le problème, bien au contraire, tel que rédigé, il va plutôt l’amplifier. PS. L’article publié dans le n°1572 de N’Djaména Bi-­‐Hebdo sur le code du pastoralisme soulève la question des conflits des dispositions de ce code pastoral avec les dispositions de la loi 33/PR/2006 du 11 décembre portant sur la répartition des compétences entre l’Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées. Il est également important de ne pas perdre cela de vue. Baldal OYAMTA Coordinateur National LTDH 8