Un millionnaire français exilé en Suisse épinglé par le fisc local

1
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
à l’administration fédérale des contributions (AFC)
pour ouvrir une « enquête fiscale spéciale » toujours
en cours et confiée à la Division des affaires pénales
et enquêtes à Berne (DAPE)
Un millionnaire français exilé en Suisse
épinglé par le fisc local
PAR AGATHE DUPARC
ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 14 AOÛT 2014
Exilé fiscal en Suisse depuis 1997 et homme d'affaire
controversé, Alain Duménil est visé par une enquête
à Berne pour avoir dissimulé plus de 54 millions
de francs suisses aux impôts locaux. Un coup de
tonnerre dans le paysage mediatique suisse romand. Le
Franco-Suisse est propriétaire de l'Agefi, fer de lance et
principal défenseur de la place financière helvétique.
C’est un rebondissement pour le moins cocasse.
Depuis quelques années, le quotidien économique
suisse l’Agefi (à ne pas confondre avec l’hebdomadaire
français du même nom) s’emploie à défendre
becs et ongles la place financière helvétique,
venant systématiquement au secours des banquiers
en difficulté comme dans l’affaire Reyl-Cahuzac.
Aujourd’hui, c’est son propriétaire, Alain Duménil,
un homme d’affaire franco-suisse à la réputation déjà
largement entachée en France, comme l’a raconté à
plusieurs reprises Mediapart (voir ici),qui est rattrapé
par une sale affaire.
Le millionnaire français Alain Duménil © DR
[[lire_aussi]]
Comme le révèle, ce jeudi 14 août, L’Hebdo et
le Tages Anzeiger, M. Duménil est soupçonné de
« graves infractions fiscales » par les autorités
fédérales. Résident fiscal helvétique depuis 1997 et
domicilié à Crans Montana (canton du Valais), il aurait
soustrait plus de 54 millions de francs suisses (44,5
millions d'euros) au fisc de 2003 à 2011. Il aurait
en particulier omis de déclarer des dividendes versés
par la société immobilière Acanthe Développement,
à Paris, dont il est l’actionnaire majoritaire. « Le fisc
estime que les montants d’impôts fédéraux, cantonaux
et communaux impayés dépassent les 20#millions de
francs », écrit L’Heddo.
Neuf arrêts du Tribunal fédéral (TPF) de Bellinzone
(voir ici et là), qui datent de juin et juillet dernier,
détaillent l’affaire. On y apprend que le 21 novembre
2013, Eveline Widmer Schlumpf, la conseillère
fédérale en charge des finances, a donné son feu vert
1/3
Le 27 novembre 2013, des perquisitions ont été
menées aux différents domiciles d’Alain Duménil. Les
inspecteurs mettent alors sous séquestres neuf coffreforts lui appartenant (cinq dans ses appartements et
quatre loués dans quatre banques différentes), raconte
L’Hebdo. Lors de leur visite à Crans Montana, qui a
duré plus de neuf heures, les enquêteurs ont été obligés
de forcer un des coffres, son propriétaire refusant
de leur donner la clé. « Dès l’arrivée des agents de
laDivision des affaires pénales et enquêtes (DAPE),
Alain Duménil s’est en effet opposé aux perquisitions
et à l’ouverture de ses coffres, en invoquant l’immunité
due à son poste d’attaché culturel «à titre spécial»
de la République de Madagascar à Genève », révèle
L’Hebdo .
Ce n’est pas la première fois que l’homme d’affaire
brandit son passeport diplomatique malgache qui lui a
du reste été retiré en mai dernier. Mediapart a raconté
comment, en octobre 2011, il avait violemment insulté
trois policiers qui voulaient contrôler sa voiture sur
la place de l’Alma à Paris, les traitant de « porcs ».
Cible d’une plainte pour outrage, Alain Duménil
adressait une lettre grandiloquente au président de la
République de Madagascar se disant victime d’« un
2
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
incident diplomatique » et demandait la protection
d’Alain Juppé. En vain puisque la justice française
avait jugé recevable la plainte des policiers.
fois que des actionnaires de L’Agefi font l’objet de
contrôles fiscaux. Il semble assez normal que les
propriétaires d’un quotidien économique connu pour
ses positions souvent hostiles à l’alourdissement de la
fiscalité et de la répression y soient exposés comme
tout le monde », écrit-il.
En France, le millionnaire binational bénéficie de
protections en haut lieu et traine derrière lui de
nombreuses casseroles. En juin 2013, Il a été
condamné par l’Autorité des marchés financiers
(AMF) à 500.000 euros d’amende pour un délit
d’initié. Il a fait appel de cette condamnation.
Il se demande comment les deux journalistes qui ont
sorti l’information et dont les supports appartiennent
aux deux plus grands groupes de presse du pays
(Ringier et Tamédia) « ont pu accéder simultanément
à l’identité du présumé innocent, décidant de la
publier en estimant que ce nom faisait partie du
domaine public ». Il rappelle que le 9 octobre
2013, l’Agefi s’était porté candidat pour le rachat
du quotidien Le Temps (contrôlé alors par Ringier et
Tamédia), provoquant des grincements de dents.
Plusieurs enquêtes de Mediapart ont révélé dans
quel contexte fort trouble le Fonds stratégique
d’investissement (FSI) - filiale de la Caisse des Dépôts
et Consignations - avait décidé d’investir 10 millions
d’euros d’argent public dans la société AD Industrie
(spécialisée dans la sous-traitance aéronautique) dont
Alain Duménil est propriétaire. En dépit du fait
qu'il avait été condamné en 2011 par le tribunal
correctionnel de Valence (Drôme) pour complicité de
banqueroute, pour avoir orchestré en 2005 la faillite
du chausseur de luxe Stéphane Kélian. Il écopait alors
d’un an de prison avec sursis et 75.000 euros, un
jugement confirmé par la cour d’appel de Grenoble en
février 2012 (voir l'article de Laurent Mauduit).
Le 27 novembre 2013, « quatre jours avant
l’expiration du délai de remise des dossiers pour Le
Temps », Alain Duménil apprenait qu’une enquête
fiscale avait été ouverte contre lui. « Si un inspirateur
mal intentionné avait suggéré à la DAPE (Division des
affaires pénales et enquêtes), en début de processus,
de s’intéresser à Alain Duménil, les enquêteurs
auraient eu six semaines pour préparer leur première
intervention », écrit François Schaller, s’empressant
d’ajouter avec l’ambiguïté qui le caractérise qu’il ne
croit pas à « ce genre de complot ».
En Suisse, le personnage défraie aussi la chronique.
Sa fortune amassée dans la banque, l’immobilier et le
luxe a longtemps été estimée entre 100 et 200 millions
de francs par le journal Bilan. Mais en 2013, il est sorti
de la liste des 300 plus riches, passant sous la barre
des 100 millions... En 2009, il a acheté l’Agefi suisse,
détenant aujourd’hui 51 % des parts.
Selon lui, la participation majoritaire du présumé
fraudeur ne remet pas en cause l’évolution de l’Agefi.
« L’incident ne change rien non plus à l’indépendance
rédactionnelle totale du quotidien et de ses magazines
(...) Nous assurerons sur ces bases le traitement
journalistique du lourd différend fiscal entre Alain
Duménil et la Confédération », promet François
Schaller.
Ce jeudi, en début d’après-midi, François Schaller,
rédacteur en chef de l’Agefi, s’est fendu d’un
éditorial, sobrement titré : « Alain Duménil : à propos
d’un lourd différent fiscal ». « Ce n’est pas la première
2/3
3
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
Directeur de la publication : Edwy Plenel
Directeur éditorial : François Bonnet
Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS).
Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007.
Capital social : 32 137,60€.
Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des
publications et agences de presse : 1214Y90071.
Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Gérard Cicurel, Laurent Mauduit,
Edwy Plenel (Président), Marie-Hélène Smiéjan, Thierry Wilhelm. Actionnaires directs et
indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Gérard Desportes, Laurent Mauduit, Edwy
Plenel, Marie-Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société
Doxa, Société des Amis de Mediapart.
3/3
Rédaction et administration : 8 passage Brulon 75012 Paris
Courriel : [email protected]
Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08
Télécopie : + 33 (0) 1 44 68 01 90
Propriétaire, éditeur, imprimeur et prestataire des services proposés : la Société Editrice
de Mediapart, Société par actions simplifiée au capital de 32 137,60€, immatriculée sous le
numéro 500 631 932 RCS PARIS, dont le siège social est situé au 8 passage Brulon, 75012
Paris.
Abonnement : pour toute information, question ou conseil, le service abonné de Mediapart
peut être contacté par courriel à l’adresse : [email protected]. Vous pouvez
également adresser vos courriers à Société Editrice de Mediapart, 8 passage Brulon, 75012
Paris.