Full-text PDF - Progrès en Urologie

Progrès en urologie (2014) 24, 1011—1020
Disponible en ligne sur
ScienceDirect
www.sciencedirect.com
Traitement conservateur des tumeurs
de la voie excrétrices supérieure : revue
de littérature systématique pour le rapport
scientifique annuel de l’Association
franc
¸aise d’urologie
Conservative management of urothelial carcinomas of the upper
tract: Systematic review for the yearly scientific report of the
French national association of urology
G. Pignot a, P. Colin b,e, M. Rouprêt c,∗, O. Traxer d
a
Service d’urologie, hôpital Bicêtre, AP—HP, université Paris Sud, 94270 Kremlin-Bicêtre,
France
b
Service d’urologie, hôpital privé de la Louvière, générale de santé, 69, rue de la Louvière,
59000 Lille, France
c
Service d’urologie, hôpital Pitié-Salpêtrière, AP—HP, faculté de médecine
Pierre-et-Marie-Curie, université Paris 6, GRC no 5, ONCOTYPE-URO, 83, boulevard Hôpital,
75013 Paris, France
d
Service d’urologie, hôpital Tenon, AP—HP, faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie,
université Paris 6, 75020 Paris, France
e
Service d’urologie, hôpital de Seclin, rue d’Apolda, 59113 Seclin, France
Rec
¸u le 5 juillet 2014 ; accepté le 17 juillet 2014
Disponible sur Internet le 7 septembre 2014
MOTS CLÉS
Uretère ;
Bassinet ;
Carcinome
urothélial ;
Cancer ;
Survie ;
Insuffisance rénale
∗
Résumé
Objectif. — Proposer une revue systématique de la littérature sur les modalités, les indications
et les résultats des traitements conservateurs dans les tumeurs de la voie excrétrice supérieure
(TVES).
Patients et méthodes. — Une revue exhaustive de la littérature a été effectuée à partir de la
base de donnée PubMed à partir des mots clés suivants seuls ou en combinaison : uretère ; bassinet ; carcinome urothélial ; cancer ; survie ; insuffisance rénale ; urétéroscopie ; rein ; grade ;
stade ; surveillance.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (M. Rouprêt).
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2014.07.007
1166-7087/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
1012
Urétéroscopie ;
Rein ;
Grade ;
Stade ;
Surveillance
KEYWORDS
Ureter;
Renal pelvis;
Urothelial carcinoma;
Cancer;
Survival;
Renal insufficiency;
Ureteroscopy;
Kidney;
Grade;
Stage;
Surveillance
G. Pignot et al.
Résultats. — Le traitement conservateur est indiqué soit en cas de nécessité (rein unique) soit
dans des indications électives pour préserver au mieux la fonction rénal. Quand les patients ont
deux reins, les indications du traitement conservateur sont réservées au TVES de bas grade, unifocale et de moins de 1 cm à condition que les patients acceptent une surveillance rapprochée.
La technique de référence est devenue l’urétéroscopie souple mais l’urétérectomie segmentaire peut être indiquée en cas de tumeur isolée de l’uretère. Les résultats carcinologiques des
traitements endoscopiques ne sont pas inférieurs à la néphro-urétérectomie dans les tumeurs
de bas grade.
Conclusion. — Les indications des traitements conservateurs des TVES se sont étendues au cours
de ces dernières années en lien avec les nouveaux outils d’endo-urologie pour obtenir des
résultats carcinologiques satisfaisants au prix d’une surveillance rapprochée et parfois même
d’un second look systématique.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary
Purpose. — To assess techniques, indications and results of conservative surgical management
in upper tract urothelial carcinomas (UTUCs).
Material and methods. — A systematic review of the scientific literature was performed in the
Medline database (PubMed) using different associations of the following key words alone or in
combination: ureter; renal pelvis; urothelial carcinoma; cancer; survival; renal insufficiency;
ureteroscopy; kidney; grade; stage; surveillance.
Results. — Conservative management is indicated in imperative cases (solitary kidney) or in
elective cases to preserve renal function as much as possible. When a patient has two kidneys,
indications of conservative treatment are dedicated to UTUC with the following characteristics:
less than 1 cm, low grade, unique contingent upon the fact that the patient has understood
that stringent follow-up was mandatory. Current technique of reference is flexible ureteroscopy but open segmental ureterectomy is still indicated in isolated tumor of distal ureter.
Oncologic outcomes after conservative management are equivalent to those obtained after
nephroureterectomy in low grade/volume UTUCs.
Conclusion. — Indications of conservative management in UTUCs have been expanded in the
past years in relationship with the development of new and sophisticated endourological ureteroscopes to obtain good oncologic outcomes contingent upon a stringent follow-up and even
a systematic second look procedure in certain cases.
© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
Lorsqu’une tumeur de la voie excrétrice supérieure (TVES)
est diagnostiquée sur une rein unique (anatomique ou
fonctionnelle), il existe une indication de nécessité à traiter la tumeur en épargnant l’unité fonctionnelle rénale.
Cette attitude est justifié au regard du pronostic en
termes de survie globale lorsque le patient est en dialyse
[1].
Les tumeurs de la voie excrétrice supérieure (TVES) sont
diagnostiquées dans 60 % des cas à un stade musculo-invasif
justifiant une néphro-urétérectomie.
En cas de TVES n’infiltrant pas le muscle, la néphrourétérectomie peut induire une diminution du débit de
filtration glomérulaire de l’ordre de 24 % en postopératoire
[2,3]. Cette réduction du capital néphronique justifie aussi
la réflexion autour de la préservation de l’unité fonctionnelle rénale en présence de deux reins fonctionnels dès
lors que la TVES est non infiltrante ou de bas grade car
son pronostic est favorable (70 à 80 % de survie spécifique
à 5 ans). La justification médico-économique du traitement
conservateur des TVES a également été mis en avant [1].
Les progrès de l’imagerie et de l’endoscopie ont permis
d’affiner les critères de sélection des patients candidats
à un traitement conservateur dans des indications électives.
Le but de cet article était de proposer une revue de la
littérature concernant les indications, les principes et les
résultats des traitements conservateurs dans les TVES.
Patients et méthode
Une revue systématique de la littérature a été effectuée partir de la base de données PubMed (http://www.
ncbi.nlm.nih.gov/) jusque juin 2014 en utilisant les mots
clefs suivants (MeSH) : ureter ; renal pelvis ; urothelial carcinoma ; cancer ; survival ; renal insufficiency ; ureteroscopy ;
kidney ; grade ; stage ; surveillance. Les articles ont été
sélectionnés en fonction de la langue (franc
¸ais et anglais)
et de leur pertinence méthodologique.
Traitement conservateur des TVES
1013
Résultats
Tableau 2 Indications du traitement conservateur des
tumeurs de la voie excrétrice supérieure (TVES) retenus
par l’AFU et l’EAU.
Indications
Recommandations des sociétés savantes
Indications impératives
Les indications impératives (ou « de nécessité ») ont été les
premières à être clairement définies, avec une parfaite adéquation entre les recommandations des différentes sociétés
savantes [4,5].
Il existe une indication de nécessité lorsque le traitement
radical mène à une insuffisance rénale terminale avec risque
d’épuration extra-rénale définitive : insuffisance rénale préexistante, rein unique (anatomique ou fonctionnel), atteinte
tumorale bilatérale.
Par ailleurs, le traitement conservateur pourra être choisi
lorsque la néphro-urétérectomie est contre-indiquée : altération de l’état général et/ou présence de comorbidités
(score ASA ≥ 3).
Indications électives
Les indications électives correspondent aux cas où le choix
du traitement conservateur n’est pas motivé par un impératif de préservation de la fonction rénale (tumeur unilatérale
avec rein controlatéral fonctionnel). Les principes carcinologiques s’apparentent à ceux de la résection trans-uréthrale
de la vessie en cas de tumeur de la vessie (TV) (Tableau 1).
L’ensemble des critères de choix du traitement conservateur en cas d’indication élective est rapporté dans le
Tableau 2 (recommandations de l’Association franc
¸aise
Tableau 1 Comparaison des principes carcinologiques
de la résection d’une tumeur de la vessie et d’un traitement conservateur d’une tumeur de la voie excrétrice
supérieure (TVES).
Règles carcinologiques
RTUV
Traitement
conservateur
Exérèse complète de la
lésion
Exérèse profonde
permettant une analyse
du muscle sous-jacent
(stade pathologique)
Oui
Oui
Oui
Analyse
anatomopathologique
précisant le grade
histologique
Réalisation d’un second
look en cas de tumeur à
haut risque
Instillations
complémentaires en cas
de tumeur à risque
intermédiaire ou élevé
Nécessité d’une chirurgie
radicale en cas de
tumeur infiltrante
Oui
Oui en cas de
chirurgie
segmentaire
Non en cas de
traitement
endoscopique
Oui
Oui
À préciser
Oui
À préciser
Tumeur unifocale
Diamètre < 1 cm
Tumeur de bas grade
Absence d’argument radiologique en faveur d’une
infiltration
Traitement conservateur complet envisageable
Surveillance endoscopique rapprochée possible
Patient compliant
d’urologie [AFU] et de l’Association européenne d’urologie
[EAU]) [4,5].
La sélection des patients éligibles à un traitement endoscopique doit donc être rigoureuse et requiert un certain
nombre de prérequis, incluant (Fig. 1) :
• un bilan exhaustif de la lésion pré-opératoire pour estimer le stade, notamment à l’aide de l’imagerie (taille,
absence de signes d’infiltration, multifocalité) ;
• la nécessité d’une analyse anatomopathologique du matériel tumoral, afin de préciser le grade histologique. Outre
la cytologie urinaire, il faut réaliser une urétérorénoscopie souple (URS) diagnostique et des biopsies ;
• la nécessité de proposer un surveillance rapprochée par
endoscopie au patient avec une bonne adhésion du patient
au projet de soins.
Extension des indications de traitement
conservateur
Certains auteurs défendent l’extension des indications de
traitement conservateur, considérant certains critères de
sélection comme trop restrictifs (notamment la taille et
l’unifocalité dans un seul segment de la VES) (Tableau 3). Il
faut différencier les facteurs prédictifs impactant le risque
de récidive (nécessitant une surveillance stricte et régulière), et ceux impactant sur le risque de progression et la
survie spécifique.
Tableau 3 Critères d’évolution des indications du traitement conservateur des tumeurs de la voie excrétrice
supérieure (TVES) selon les équipes qui tendent à épargner l’unité fonctionnelle rénale autant que faire se peut.
Indications actuelles
(électives)
Extension possible des
indications
Tumeur unifocale
Tumeur multifocale
pyélocalicielle (sans localisation
urétérale associée)
Diamètre < 3 cm (si architecture
pédiculée et localisation
pyélocalicielle)
Idem (± rôle des marqueurs
moléculaires)
Diamètre < 1 cm
Oui
Oui
Tumeur de bas grade
1014
G. Pignot et al.
Diagnosc de TVES
Urétéroscopie diagnosque + biopsies
Uro-TDM, cystoscopie, cytologie
TVES de haut grade
OU
Aspect infiltrant à l’imagerie (T2-4 et/ou N+/M+)
TVES de bas grade
ET
Aspect non infiltrant à l’imagerie (Ta/T1 N0 M0)
Tumeur unifocale
ET
Taille < 1cm
Tumeur mulfocale
OU
Taille : 1 à 3 cm
Localisaon pyélo-calicielle
ET
Architecture pédiculée
Traitement radical :
Néphro-urétérectomie totale
Localisaon urétérale
OU
Architecture sessile
+/- rôle des marqueurs moléculaires
Second look
systémaque
Traitement conservateur :
- Rétrograde (urétéroscopie souple)
- Chirurgical (résecons segmentaires)
Indicaons impéraves :
- rein unique
- tumeurs bilatérales
- insuffisance rénale
Paent non éligible au
traitement radical (ASA 3)
Surveillance stricte
et rapprochée
Récidive unifocale
et de bas grade
Progression (stade et/ou grade)
ou récidive mulfocale
Traitement
conservateur itéraf
Figure 1. Organigramme résumant les indications actuelles du traitement conservateur des tumeurs de la voie excrétrice supérieure
(TVES). En pointillé apparaissent les extensions possibles mais non validées des indications du traitement conservateur.
Traitement conservateur des TVES
Figure 2. Pièce opératoire obtenue après urétérectomie segmentaire et orienté avec un fil pour l’anatomopathologiste.
Photographie: Dr Franc
¸ois Marlière.
Modalités du traitement conservateur
Chirurgie ouverte : urétérectomie segmentaire
La chirurgie des cavités pyélocalicielles n’est actuellement
plus recommandée (techniquement difficile, risque de récidive élevé) [5].
En revanche en cas de tumeur dans l’uretère, la résection
segmentaire est une option recommandée pour le traitement conservateur. Cette technique permet une exérèse en
monobloc de la tumeur avec une détermination précise du
stade définitif et du grade histologique. Les principes carcinologiques sont simples : avoir des marges chirurgicales
saines et éviter un contact direct entre les urine de la VES
tumorale et le champ opératoire [5].
1015
L’examen extemporané peut s’avérer utile dans les
indications électives pour obtenir une recoupe d’amont
et limiter le risque d’échec et de récidive. Un curage
ganglionnaire pelvien unilatéral peut être associé au
geste d’exérèse emportant les aires obturatrices, iliaques
internes, externes et communes [9].
Une réimplantation urétéro-vésicale directe est le plus
souvent réalisée. L’uretère est spatulé, afin d’augmenter
la congruence et de diminuer le risque de sténose anastomotique, puis ré-implanté au niveau du dôme vésical
en utilisant un fil résorbable monofilament fin (4,0 ou
5,0). Le choix d’un système anti-reflux est controversé.
L’avantage d’une anastomose non refluante est de limiter
le risque infectieux ainsi que la dissémination potentielle
des cellules tumorales au haut appareil en cas de tumeur
vésicale. À l’inverse, cela peut gêner l’interprétation
des imageries et la surveillance de la VES par endoscopie.
Si la réimplantation directe ne peut se faire sans tension, il est conseillé de mobiliser la vessie et de la fixer au
muscle psoas (technique dite « vessie psoïque ») [8]. Une cystostomie antérieure peut être nécessaire pour faciliter cette
mobilisation en permettant un crochetage digital du sommet
vésical. La réimplantation urétérale est alors faite au niveau
de la corne vésicale hissée au niveau du psoas. L’anastomose
urétéro-vésicale est réalisée avec des points séparés de fil
résorbable monofilament fin (4,0 ou 5,0) autour d’une endoprothèse urétérale.
Lorsque la perte de substance est trop importante et si la
mobilisation vésicale obtenue par fixation au psoas ne permet pas d’atteindre l’uretère proximal, il est alors possible
d’envisager la réalisation d’un lambeau vésical selon la technique de Boari-Küss, à partir de la paroi vésicale antérieure
[8].
Urétérectomie segmentaire lombaire ou iliaque.
Techniques
Urétérectomie segmentaire pelvienne. Urétérectomie avec réimplantation urétéro-vésicale.
La
voie d’abord incisionnelle traditionnelle est privilégiée,
l’expérience avec les voies laparoscopiques étant limitée
[6,7].
Le patient est positionné en décubitus dorsal, avec un
accès à la sonde vésicale. L’abord est extra-péritonéal,
soit par une voie iliaque, soit par une incision de Pfannenstiel qui permet généralement une bonne exposition de
l’uretère distal et de la vessie [8]. L’uretère est repéré
et exposé sur lacs en amont et en aval de la lésion suspectée. La tumeur doit être palpée avec précaution afin
de ne pas risquer de mobiliser les cellules tumorales. La
dissection au niveau de la zone tumorale doit se faire au
large afin d’emporter la tissu cellulo-graisseux péri-urétéral.
L’uretère sera ensuite lié à environ 1—2 cm en amont de
la lésion afin d’éviter tout contact direct entre urine de
la voie excrétrice tumorale et champ opératoire en assurant une marge chirurgicale de sécurité en tissu sain. Le
segment d’uretère concerné par la tumeur sera ensuite disséqué jusqu’à son implantation vésicale, avec ligature et
section du canal déférent chez l’homme et du ligament
rond chez la femme. Au niveau de l’extrémité distale, il
est conseillé de réaliser, idéalement par voie extra-vésicale,
une collerette emportant le méat urétéral en monobloc
(Fig. 2).
Le patient est positionné en décubitus latéral modifié ou
en décubitus dorsal avec un billot sous les lombes, en
fonction de la hauteur de l’atteinte urétérale. L’abord extrapéritonéal par voie iliaque angulée, plus ou moins prolongée
vers le haut, permet de repérer l’uretère qui est mobilisé
et exposé sur lacs en amont et en aval de la lésion suspectée. L’uretère est lié à environ 1—2 cm de la lésion en
amont et en aval. Le segment d’uretère concerné par la
tumeur est excisé et envoyé en anatomopathologie après
repérage des extrémités proximale et distale pour confirmer l’absence d’atteinte tumorale au niveau des berges
de section. Un curage ganglionnaire associé est également
recommandé [9].
Une anastomose termino-terminale est effectuée entre
les deux segments d’uretère. La mobilisation des deux
uretères doit se faire en préservant la vascularisation périurétérale afin d’éviter toute nécrose ischémique au niveau
de la zone anastomotique. Une mobilisation rénale complète
peut être réalisée si nécessaire pour donner une longueur
additionnelle à l’uretère proximal [8].
Lorsque la perte de substance sur l’uretère est supérieure
à 4 cm, il est conseillé de réaliser un remplacement urétéral sub-total par interposition d’un segment digestif (iléon
terminal) [8].
L’auto-transplantation rénale en fosse iliaque et la pyélocystostomie sont des indications exceptionnelles dans ce
contexte de tumeur urothéliale [10].
1016
G. Pignot et al.
Résultats carcinologiques et fonctionnels
Dans le respect des indications électives, les résultats du
traitement conservateur par urétérectomie segmentaire
sont excellents lorsque les marges chirurgicales sont négatives [11,12]. Le risque de récidive homolatérale après
traitement conservateur d’une lésion urétérale est de
l’ordre de 30 à 60 % et la plupart des récidives sont plus
distales que la lésion initiale [11,13]. Les résultats carcinologiques en termes de survie spécifique (SSp) sont corrélés
au stade et au grade tumoral [11—14].
Au niveau de l’uretère distal, certains auteurs ont
rapporté des taux de SSp comparables à ceux de la néphrourétérectomie, indépendamment du stade tumoral. Ceci
suggère que, dans cette localisation précise, les tumeurs
localement infiltrantes et/ou de haut grade pourraient être
éligibles au traitement conservateur [5,14].
Les résultats concernant la voie laparoscopique ou robotassistée sont encore trop limités pour pouvoir conclure à une
équivalence sur le plan carcinologique [6,7,15].
Dans les indications impératives, l’étendue tumorale
et/ou la multifocalité peuvent parfois rendre le traitement conservateur techniquement difficile. Les techniques
de reconstruction urétérale complexes exposent à des
risques de complications non négligeables (fistule urinaire,
sténose anastomotique, pyélonéphrite, complications métaboliques).
Traitement conservateur endoscopique
Techniques
Urétéroscopie. L’approche rétrograde est actuellement privilégiée. Elle permet le traitement de la majorité
des TVES avec une morbidité faible en maintenant un
système clos, limitant théoriquement la dissémination
tumorale. Les traitements endoscopiques sont en plein
développement, grâce à des améliorations technologiques
notamment les sources d’énergie et la taille des instruments
[16].
Les urétéroscopies rigides ne peuvent être utilisés que
pour des tumeurs de l’uretère distal ou moyen, en offrant
une bonne visibilité en raison d’une meilleure irrigation,
mais ne limitent l’exploration de la VES d’amont.
L’utilisation d’urétéroscopes souples (URS) est donc à
privilégier. La miniaturisation des instruments permet désormais d’envisager un traitement conservateur sans nécessité
de calibration préalable de l’uretère par une endoprothèse.
Il est conseillé d’utiliser la « No touch » technique décrite
par Grasso et al. permettant de remonter au contact des
lésions sans utiliser de gaine d’accès urétérale [17].
La destruction de la lésion pourra se faire par différentes
techniques [8] :
• soit par extraction monobloc de la portion intra-luminale
de la tumeur (à l’aide d’une pince crocodile ou d’un
panier de type nitinol) suivie d’une vaporisation (par électrocoagulation ou laser) de la base (Fig. 3). Cette stratégie
peut être proposée pour les petites tumeurs et lorsque la
base d’implantation est pédiculée ;
• soit par résection de la tumeur à l’anse diathermique en
utilisant un résecteur spécifique (habituellement Charrière 12) et en prenant soin de ne pas perforer la VES ;
Figure 3. Vaporisation au laser de la base d’une tumeur urétérale
après extraction monobloc de la portion intra-luminale de la tumeur
de la voie excrétrice supérieure (TVES).
• soit le plus souvent un traitement complet par éléctrocoagulation ou photovaporisation laser après biopsie(s)
préalable(s) à la pince froide (Fig. 4).
L’éléctro-coagulation expose au risque de perforation
compte tenu de la profondeur de pénétration et au risque
de sténose notamment en cas de lésion circonférentielle au
niveau de l’uretère. On lui préfère donc l’énergie laser [5].
Le terme laser est l’abréviation de Light Amplification by
Stimulated Emission of Radiation. Les fibres de contact, en
augmentant fortement la densité énergétique, permettent
d’obtenir un effet de vaporisation laser dans les tissus (section) [18]. Le laser actuellement le plus intéressant en
endoscopie interventionnelle est la source Holmium:YAG
(cristal d’Ytrine-Alumine-Grenat dope par des ions holmium)
dont la longueur d’onde est de 2100 nm (spectre des infrarouges). Cette longueur d’onde, absorbée par l’eau, a une
pénétration tissulaire réduite (< 0,5 mm) permettant une
ablation précise avec un risque minimal de perforation.
Cette énergie peut être délivrée à travers des fibres
de petit calibre (200 ou 365 ␮m) altérant peu le débit
d’irrigation et la déflection des URS (Fig. 5). La fibre doit
être appliquée sur la cible, ou être à moins de 0,5 mm,
pour la vaporiser efficacement. L’énergie (0,6 à 1,2 joules)
et la fréquence (8 à 10 Hz) seront choisies par l’opérateur
en fonction de l’effet recherché (section ou coagulation).
Une sonde double J ou une sonde urétérale peut être laissée en place en fin d’intervention pour éviter un caillotage
intra-cavitaire et guider le processus de cicatrisation.
L’avènement des URS numériques et le développement
de nouvelles technologies (diagnostic photodynamique, imagerie NBI [narrow band imaging]) pour optimiser la détection
des tumeurs et de s’assurer du caractère complet du traitement réalisé, diminuant ainsi potentiellement le risque
de récidive après traitement [19]. Néanmoins, le coût élevé
Traitement conservateur des TVES
1017
Figure 5. La fibre de petit calibre (200 ␮m) n’empêche pas la
déflexion de l’urétéroscope souple et permet de traiter la tumeur
de la voie excrétrice supérieure (TVES) in situ dans de bonnes conditions.
des endoscopes et des consommables est un réel problème
et peut constituer un frein à la diffusion des techniques [16].
Voie percutanée. La voie antégrade reste une option
pour les rares cas de tumeurs de localisation pyélocalicielle,
inaccessibles par URS (localisation calicielle inférieure avec
un angle infundibulo-pyélique fermé, antécédent de dérivation urinaire) [5]. Cette voie d’abord offre un espace
de travail et un champ de vision souvent plus confortables
pour l’opérateur qu’en URS. Cependant, il existe un risque
théorique et controversé de dissémination tumorale sur le
trajet de la ponction [20—22]. Les tumeurs de localisation
calicielle seront traitées de fac
¸on optimale par ponction
directe du calice concerné, le plus distalement possible.
Les tumeurs de localisation pyélique seront généralement
abordées par ponction du calice supérieur ou moyen [8].
Le trajet est ensuite dilaté (dilatateurs d’Amplatz ou ballon de dilatation) pour permettre un accès de 30 FR. Une
exploration complète et exhaustive des cavités est réalisée à
l’aide du néphroscope et/ou de l’URS à basse pression. En fin
d’intervention, une néphrostomie percutanée sera laissée
en place et pourra permettre la réalisation d’une éventuelle
néphroscopie de second look ou d’une instillation locale
postopératoire immédiate de traitement adjuvant [23,24].
Résultats carcinologiques et fonctionnels
Figure 4. Photovaporisation tumeurs de la voie excrétrice supérieure (TVES) du bassinet à l’aide d’un laser Holmium YAG.
Les résultats carcinologiques des traitements endoscopiques
et percutanés sont excellents pour les tumeurs de bas grade
et non infiltrantes.
Le risque de récidive au sein de la VES est estimé de
l’ordre de 25 à 50 % à 5 ans quel que soit la voie d’abord
(rétrograde ou antérograde) [22—25].
Le risque de progression vers une TVES de haut grade ou
infiltrante est quant à lui très faible, avec des taux de SSp
de 85 à 95 % à 5 ans [20,26].
1018
La plupart des études suggèrent l’équivalence des résultats en termes de SSp à 5 ans pour les tumeurs de bas
grade mais sans étude prospective randomisée disponible
[20,26,27]. À l’inverse, les résultats du traitement conservateur sont nettement moins bons lorsqu’il s’agit de tumeurs
de haut grade [20,28].
Outre le grade tumoral, les autres facteurs prédictifs
de récidive après traitement conservateur décrits dans la
littérature sont : un antécédent de TV, une taille tumorale > 2 cm, et la multifocalité [20].
La dissémination potentielle de cellules cancéreuses dans
la VES et la vessie après URS reste controversée [29—31].
Sur le plan fonctionnel, les complications les plus fréquentes à long terme des traitements endoscopiques sont
la sténose et la fibrose locale, dont les taux varient de
4 à 14 % [20].
Place des agents topiques en traitement adjuvant
Le principe de traitement adjuvant après traitement conservateur des TVES repose sur le même concept que celui des
TV mais avec un niveau de preuve plus faible. Le risque de
récidive après TVES est probablement au moins égal à celui
des TV n’infiltrant pas le muscle [20,32].
De même le principe d’une instillation postopératoire
précoce de mitomycine en intra-vésical après URS thérapeutique pour limiter le risque de récidive vésicale a été
discuté sans que la preuve de son intérêt pratique ait été
faite, contrairement à la NUT [4,33,34].
Surveillance après traitement conservateur
Principes de la surveillance
Cytologie urinaire
La cytologie urinaire vésicale peut être prise en défaut en
cas de TVES, avec une sensibilité et une spécificité de l’ordre
de 56 % et 54 % respectivement [35]. Il est donc important
de disposer de prélèvement cytologique in situ, réalisés
directement au contact de la voie excrétrice au moment
de l’endoscopie. Une cytologie anormale est associée à un
taux accru de récidive tumorale après traitement conservateur. En cas de cytologie positive, le risque de détecter une
récidive tumorale est estimé à 94 % versus 47 % en cas de
cytologie négative (p = 0,0026) [36].
En cas de lésion de bas grade, l’intérêt de la cytologie
urinaire est probablement moindre, ce d’autant que les récidives potentielles se font alors rarement sous la forme de
lésion de haut grade [25].
Actuellement, l’utilisation de marqueurs moléculaires
(FISH, NMP22, FGFR3) n’est pas recommandée compte tenu
du nombre important de faux positifs rapportés dans la littérature [4,5].
Cystoscopie
La surveillance de la vessie pour détecter une lésion
métachrone est indispensable. Les récidives vésicales sont
décrites dans 30 à 50 % des cas [20]. Elles sont essentiellement diagnostiquées dans les 3 ans après le diagnostic de
TVES. La surveillance régulière après traitement conservateur d’une TVES doit donc systématiquement inclure une
cystoscopie.
G. Pignot et al.
Imagerie du haut appareil
L’imagerie de coupe est un outil essentiel dans le suivi
des TVES après traitement conservateur. Elle a pour but
de détecter une éventuelle récidive (homolatérale, controlatérale et/ou vésicale) et d’en apprécier le stade TNM.
L’uro-TDM est l’examen de choix [5]. En cas de contreindication, l’uro-IRM représente une excellente alternative
dans le cadre de la surveillance.
Place de l’URS
Le risque de récidive tumorale dans la VES traitée et les
limites de l’imagerie, impose une surveillance endoscopique
régulière et prolongée. Il est indispensable que les patients
soient informés et compliant au protocole de surveillance.
Au cours de l’endoscopie de surveillance, l’utilisation
d’URS numériques est préférable pour garantir une
démarche qualitative. L’utilisation de la PDD ou du NBI
pourrait sensibiliser encore cette surveillance [19]. D’autres
techniques comme la microscopie confocale ou la tomographie par cohérence optique sont en évaluation [37,38].
« Second look »
À l’instar des tumeurs de la vessie T1G3, l’intérêt d’un
second look systématique dans la VES en URS quelques
semaines après le premier traitement conservateur est discuté [39]. L’idée est de pouvoir s’assurer de la qualité de
l’exérèse, de détecter une éventuelle tumeur résiduelle
et de compléter si besoin le geste au niveau de la base,
avant d’envisager un traitement topique adjuvant et/ou une
surveillance adaptée. La réalisation de cette URS « second
look » s’envisagerait dans un délai de 6 à 8 semaines. En
cas de traitement conservateur par voie antégrade percutanée, une néphroscopie de « second look » (réalisée grâce
à la néphrostomie laissée en place) a été proposée dans un
délai de 4 à 14 jours après le geste [8].
Fréquence de la surveillance du haut appareil
urinaire
Les recommandations des sociétés savantes après traitement conservateur sont : une cystoscopie couplée à
l’urétéroscopie avec cytologie urinaire in situ associée, à
3 mois, 6 mois puis tous les 6 mois pendant 2 ans, puis tous
les ans jusqu’à la cinquième année. La cytologie urinaire
vésicale et l’uro-TDM seront réalisés au troisième mois, au
sixième mois, puis annuellement pendant au moins 5 ans
[4,5] (Tableau 4).
Néphro-urétérectomie après traitement
conservateur
Lorsque l’anatomopathologie de la biopsie fait état d’une
tumeur de haut grade, il est indiqué de réaliser une NUT
complémentaire dans les indications électives.
Lorsque l’anatomopathologie de la biopsie fait état d’une
tumeur de bas grade, le traitement radical ne sera envisagé
qu’en cas d’évolution défavorable au cours du suivi.
Dans les principales séries de la littérature, 20 à 43 % des
patients avec un traitement conservateur initial ont finalement eu une NUT, après un délai de 10 à 22 mois [20]. Le
taux de conservation de l’unité fonctionnelle rénale est fortement corrélé au grade tumoral, de l’ordre de 96 % (bas
grade) contre 20 % (haut grade).
Traitement conservateur des TVES
Tableau 4
1019
Surveillance après traitement conservateur des tumeurs de la voie excrétrice supérieure (TVES).
Après traitement
conservateur
Endoscopie
Imagerie
Durée
Cystoscopie
Urétéro-renoscopie
Cytologie in situ à 3 mois, 6 mois, puis
semestrielles pendant 2 ans, puis annuelles
Uro-scanner à
3 mois, à 6 mois,
puis annuel
5 ans minimum
Différer la NUT ne semble pas impacter sur la SSp, dès
lors que le délai entre le traitement conservateur et le traitement radical est court (< 6 mois). La réalisation d’une URS
diagnostique préalable avant NUT n’influence pas la SSp à
5 ans. Par ailleurs, en cas de traitement conservateur endoscopique de première ligne et ou de NUT d’emblée, la SSp
à 5 ans est proche 83 % contre 85 % [40,41].
[7]
[8]
[9]
Conclusion
Le développement de l’endo-urologie au service de la
lithiase a permis de transposer les outils de l’urétéroscopie
au service du traitement conservateur des TVES.
L’urétérectomie segmentaire demeure une option chirurgicale pour les TVES du bas uretère. Toutefois, l’URS
est devenue la technique de référence pour le traitement
conservateur des TVES. La surveillance stricte fait partie
de la prise en charge et doit être discutée d’emblée avec
le patient pour s’assurer de sa totale coopération.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
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