Samedi 28 février - dimanche 1er mars 2015 ACTUALITÉ 3 «Pourquoi la philosophie ? » Un outil pour sauver le monde ? Placée sous le thème : «Pourquoi la philosophie?», l’association «Sala Almoustaqbal» et la «Bibliothèque Sbihi» ont accueilli, mercredi 25 février, dans le cadre des «mercredis de la connaissance» le docteur Mohamed Mesbahi. En effet, la question demeure assez importante notamment dans un contexte actuel marqué par l’ambigüité, l’anarchie et la montée de la violence. Ainsi, l’essence de la philosophie réside dans cette prétention à corriger les fautes du monde et panser/penser ses plaies. D’où le rôle de l’amour de la sagesse dans une réalité touchée par la régression du discours rationnel et l’éloge de l’obscurantisme. Pour Mesbahi, avant de répondre à la question «pourquoi la philosophie ?», il faut d’abord poser ces questions : pourquoi l’antiphilosophie et pourquoi un grand nombre de gens manifestent une haine contre la philosophie ? Pour répondre à ces questions, Mesbahi a souligné que la plupart du temps, ce sont les préjugés qui amènent à les poser. La philosophie, selon lui, est nécessaire pour ce retour à soi, un retour qui ne signifie pas la négation de l’autre. Car on ne peut comprendre notre soi qu’à travers notre connaissance de l’autre. Effectivement, la dite conscience de soi est indépendante de l’ouverture sur l’autre. C’est ce que nous ne pouvons pas trouver chez les extrémistes qui ne croient pas à la diversité. Par ailleurs, «on a besoin, plus que jamais, de la philosophie pour guérir nos sociétés de plusieurs phénomènes dont nous souffrons, à savoir le nihilisme, l’agnosticisme et de les transférer à des forces actives et positives qui peuvent servir la société et le bien des gens, ainsi que la recherche de la vérité ou même s’approcher d’elle car on ne peut forcement avoir la vérité totale», a-t-il dit. Et d’ajouter que la philosophie contribue également à l’émergence d’une politique et d’un discours politique plus mature et plus évolué que ceux qui existent actuellement. «Pourquoi la philosophie» est une question sur le sens ? Parce qu’avec la montée de la violence et le terrorisme au nom de l’islam, il serait indispensable de faire intervenir la philosophie et de la réhabiliter. Et ce pour une raison très simple : la philosophie peut créer un certain équilibre rationnel chez les gens qui dénient l’autre. Des gens qui sont incapables de présenter un projet positif ayant une portée humaniste et civilisationnelle, a-t-il poursuivi. A cet égard, la philosophie rend l’âme aux sciences, à la pensée et élargit le champ rationnel de chaque peuple. En outre, la promotion d’esprit rationnel peut faire face aux grandes questions que vit le monde aujourd’hui, surtout en ce qui concerne le développement scientifique des nations. «Quoiqu’on a défini la philosophie comme amour de la sagesse, un art de vivre et de vivre ensemble, qui a la capacité de guérir les plaies et les maladies dont souffrent les peuples, la philosophie demeure un atout pour se libérer et permettre la récupération de soi. Il est certain que c’est à travers la philosophie qu’on peut confirmer saprésence dans le monde. Cette présence qui demeure en quelque sorte ambigüe et anarchiste.», a coclu Mesbahi. Mohamed Nait Youssef Moulay Ismaïl Alaoui, président le l’association «Sala Almoustaqbal» «Les «mercredis de la connaissance» doivent devenir une véritable université populaire» «Nous voudrions que les «mercredis de la connaissance» se renforcent est deviennent une véritable université populaire.», nous indique le président le l’association «Sala Almoustaqbal», Moulay Ismaïl Alaoui. En effet, ces rencontres organisées de concert avec la «Bibliothèque Sbihi» ont pour but, a-t-il dit, de «faire en sorte que les citoyennes et les citoyens puissent élargir le champ de leur connaissance d’une manière générale, à la fois sur le plan des sciences humaines et sur le plan même des sciences dites exactes.» Les propos. Al Bayane : A priori, quels sont les objectifs de l’activité des «mercredis de la connaissance» initiée par l’association «Sala AlMoustakbal» ? Moulay Ismaïl Alaoui : Je crois que les objectifs sont très ambitieux. Nous voudrions que ces «mercredis de la connaissance» se renforcent et deviennent une véritable université populaire. Bien sûr nous n’avons pas encore atteint cet objectif, hélas! Mais je pense que l’expérience que nous menons depuis quelques années, les intervenants, la niveau de leurs contributions et leurs qualités intrinsèques font que les «mercredis de la connaissance» prennent de plus en plus leur place dans la vie culturelle de Salé dans le cadre bien sûr de l’association de «Sala AlMoustakbal» que j’ai l’honneur de présider. Donc le but, c’est de faire en sorte que les citoyennes et les citoyens puissent élargir le champ de leur connaissance d’une manière générale, à la fois sur le plan des sciences humaines et sur le plan même des sciences dites exactes. C’est là le but que nous voudrions atteindre. Et sur ce plan nous convergeons avec d’autres associations ici même à Salé qui, elles aussi, veulent que ça soit une sorte de l’université populaire qui va voir le jour. Il est à noter que les rencontres des «mercredis de la connaissance» sont organisées de concert avec la «Bibliothèque Sbihi» qui est en soi un monument culturel de première grandeur à Salé. Vous-avez choisi comme thème pour cette rencontre : «Pourquoi la philosophie? ». Pourquoi un tel thème ? Parce que la philosophie, si nous retournons à l’étymologie du mot, c’est «l›amour de la sagesse». Je crois que par les temps qui courent, nous avons besoin de la sagesse. La sagesse ne signifie la prudence au sens, disons, premier du terme ou plutôt second du terme. Mais elle signifie tout simplement la nécessité de connaître la réalité telle qu’elle est et d’agir pour transformer cette réalité. Je pense que Trois questions au docteur Mohamed Mesbahi De la nécessité du retour du discours rationnel et de la philosophie Le docteur Mohamed Mesbahi, invité de marque de la rencontre sur le thème : «Pourquoi la philosophie ?» inscrivant le cadre des «mercredis de la connaissance» organisées par l’association «Sala Almoustaqbal» et la «Bibliothèque Sbihi», estime que la philosophie peut jouer un rôle positif dans le but d’ouvrir de nouveaux horizons de pensée, de liberté, de rationalité, ainsi que ce retour au soi qu’on a perdu dans choses futiles et qui ne servent à rien. En revanche, notre problème, a-t-il poursuivi, c’est que la philosophie est très fragile dans notre pays, et son existence demeure superficielle, temporaire et à la marge. Al Bayane : Tout d’abord, pensez-vous que la philosophie peut sauver le monde, notamment dans le contexte actuel marqué par les changements radicaux à tous les niveaux ? Mohamed Mesbahi : C’est le sujet en effet de la rencontre qui se place sous le thème : «Pourquoi la philosophie ?». Parce que cette situation de non signification et la régression totale du monde arabe sur tous les plans, notamment en ce temps où l’islam est pris comme une proie et un prétexte pour commettre en son nom des crimes fatals qui sont contre les valeurs et l’humanité. Dans ce cadre, la philosophie peut jouer un rôle positif dans le but d’ouvrir de nouveaux horizons de pensée, de liberté, de rationalité, ainsi que ce retour à soi qu’on a perdu dans choses futiles et qui ne servent à rien. La philosophe est, peut-être, cette recette parmi d’autres pour résoudre ces phénomènes et problèmes que nous vivons actuellement. D’où le but de cette conférence. c’est là l’essentiel de ce questionnement que nous avons posé : «Pourquoi la philosophie ?». Il ne s’agit pas non plus de vouloir changer la réalité de manière subjective. Il faut connaitre la réalité de manière objective. Il faut aussi savoir comment procéder pour analyser cette réalité, et là, je crois que la philosophie nous aide énormément. Elle nous aide également en posant le problème d’abord du doute, le doute méthodologique même s’il est cartésien essentiellement, mais d’une manière générale, le doute et puis aussi fait en sorte que nous puissions tout au long de notre vie, réfléchir à notre condition, réfléchir à la connaissance des autres et être en empathie permanente avec nos concitoyennes et concitoyens. A votre avis, quelles sont, actuellement, les tâches de l’intellectuel en particulier et celles de la pensée d’une manière générale, notamment dans ce contexte marqué par la montée de la violence et le terrorisme ? Je crois que la tâche de l’intellectuel, c’est justement de faire preuve de sagesse au sens de sophia. Ce terme, qui veut dire la sagesse en grec, signifie qu’il doit toujours savoir raison garder, ne pas se laisser emporter par les mouvements des mœurs et par des sentiments qui, tout en étant les sentiments respectables, peuvent quelquefois obscurcir la vue de l’être humain, des êtres humains que nous sommes. Donc je pense que cela fait partie justement de cette tâche qui est un pari pour l’intellectuel, celui de vou- loir changer le monde, de vouloir le faire de manière objective, de vouloir le faire d’une manière collective et de vouloir le faire en prenant appui sur le terreau culturel dans lequel nous nous trouvons. Je pense que ce serait, à mon avis, une bonne définition de ce que doit être une attitude de philosophe en notre temps. C’est vrai que notre temps actuel est un temps très perturbé. Je crois qu’il est perturbé parce que, de mon point de vue, le système qui prévaut actuellement dans le monde, celui capitaliste qui semble avoir fait son temps, il va falloir le dépasser et trouver d’autres formules de vivre ensemble qui permettent justement à l’être humain de s’épanouir encore plus et d’éviter tous ces drames que nous vivons actuellement, que ce soit le chômage, les drames sociaux que nous connaissons, ceux découlant des guerres de religions quelquefois et qui ne peuvent aboutir qu’a des catastrophes. Vous-avez dit que vous voudriez que ces «mercredis de la connaissance» se renforcent est deviennent une véritable université populaire. Est-ce que vous voulez présenter un savoir alternatif au public à travers ces rencontres? Tout un savoir est alternatif à l’autre, quoi qu’il en soit. Il est certain que la savoir a besoin d’être multiple pour justement permettre à tout un chacun de s’imprégner de ce que permet la vie moderne. Propos recueillis par M.N.Youssef Comment envisagez-vous la situation de la philosophie dans nos sociétés d’aujourd’hui, notamment dans ce recul des discours rationnel ? Nous vivons une véritable crise vu cette régression de la rationalité dans notre pays soit dans la politique, la société ou l’enseignement… peut être que l’économie est le seul domaine qui est un peu rational car il suit les nouvelles créations et inventions de l’humanité, dont la technologie… En effet notre problème c’est que la philosophie est très fragile dans notre pays, et son existence demeure superficielle, temporaire et à la marge. En lieu et place des autres discours, les discours religieux, ethniques, culturels, nous avons besoin d’un discours philosophique pour établir un équilibre et rendre l’essence et l’âme à ce pays qui les a perdues ces dernières années. Comment voyez-vous la situation de l’enseignement de la philosophie dans nos écoles et universités ? D’une part, il y a une évolution dans les programmes et une progression dans les systèmes de l’enseignement. D›autre part, l’enseignement de la philosophie a besoin du respect de ses critères et ses conditions. Dans ce cadre, il faut prendre soin des bibliothèques, de la recherche scientifique, ainsi que des bourses qui seront attribuées aux étudiants chercheurs et les professeurs pour aller à l’étranger à des fins de recherche. Sinon on va perdre notre place qui était assez importante dans le paysage culturel et philosophique dans le monde arabe. Propos recueillis par M.N.Youssef
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