dossier Incendie de bus au gaz

DOSSIER EXPERTISE
Incendies de bus
au gaz naturel :
un sujet explosif
Une étude portant
sur plus de 1 100 bus
fonctionnant au gaz
démontre que
7 % d’entre eux ont
connu un début
d’incendie. Une
proportion considérable.
Texte S. Delaunay, M. Mouthon,
J.-F. Schmauch et P. Garioud 1
Photos J.-F. Schmauch
L
Photo prise durant
un essai incendie
en grandeur nature,
à t = 9 minutes
30 secondes. Elle
montre que l’autobus
à énergie GNV
est entièrement
embrasé. On peut y
observer deux fuites
enflammées de GNV.
44
Avril 2015 N° 1077 Sapeurs-Pompiers de France
’analyse de plusieurs incendies
survenus depuis 2003 sur des
autobus à énergie GNV (gaz
naturel pour véhicules) explique
les destructions importantes qu’ils
causent à leur environnement
(principalement leurs dépôts et les
constructions proches des incendies).
Les dégâts résultent des effets thermiques
produits – qui sont identiques à
ceux d’un autobus à motorisation
conventionnelle – et du comportement
de leurs réservoirs de GNV équipés de
systèmes de sécurité. Si ces derniers
fonctionnent normalement, des fuites
enflammées sont générées. Dans le cas
contraire, les réservoirs peuvent subir
des ruptures mécaniques brutales
conduisant à la projection de missiles à
des vitesses et à des distances très
importantes. Les deux phénomènes
peuvent être associés.
Avant tout, il faut préciser que les études
et les textes initialement associés à la mise
en service des autobus à énergie GNV
minimisaient grandement les risques
d’incendie qu’ils pouvaient présenter et
considéraient ces ruptures mécaniques
comme étant hautement improbables.
Cette vision réductrice a évolué au regard
des incendies survenus depuis 2003 et
des recommandations émises par le
Bureau d’enquêtes sur les accidents de
transport terrestre (BEATT), dans son
rapport daté du 31 mars 20062. Un arrêté,
pris le 31 janvier 2007, a défini les
modifications à apporter à tous les
autobus à énergie GNV. De ce fait,
tous ceux mis en service avant
la publication de cet arrêté ont dû
être modifiés !
Partant de ces constats, le Sdis 44, la TAN
(qui gère les transports en commun de
l’agglomération nantaise) et le cabinet
Mouthon formation ont organisé, le
25 octobre et le 14 novembre 2013, des
essais d’incendie en vraie grandeur. Ils
impliquaient cinq autobus à énergie
GNV (mis en service en 1998 et en
1999), modifiés pour être en conformité
avec l’arrêté pris le 31 janvier 2007 et
réformés en 2013. Les résultats obtenus
sont présentés et commentés ci-après.
Analyse des risques
Une enquête a été lancée le 14 novembre
20058 par le BEATT. Il s’agissait d’un
courrier, daté du 1er décembre 2005,
adressé à 22 réseaux de transports
urbains exploitant plus de 10 autobus
fonctionnant au GNV. Sur ces
22 réseaux, 19 ont répondu, un succès
remarquable ! Les résultats montrent
que la transformation des autobus
conventionnels en autobus à énergie
GNV fragilise certains de leurs
composants (en particulier les turbo­
compresseurs et les détenteurs de gaz),
ce qui augmente sensiblement les
risques de survenance d’un incendie.
Plus simplement, les 1 161 autobus
fonctionnant au GNV inclus dans
l’enquête ont connu 12 incendies
et 70 départs de feu ! Ramenées au
parc français de poids lourds ayant
un PTAC supérieur à 5 tonnes
(620 000 unités au 1er janvier 2014),
ces données produiraient annuellement
Sapeurs-Pompiers de France N° 1077 Avril 2015
45
DOSSIER EXPERTISE
1.
1 et 2. Prise
50 secondes
après la mise
à feu, la photo 1
montre simplement
de légères fumées
blanches, avant
l’embrasement
(photo 2).
2.
3.
en plein centre-ville, il aurait eu
des suites bien différentes...
À Bordeaux, au Mans et à Grenoble,
les incendies ont résulté du jet d’un
cocktail Molotov. Une cause à ne pas
minimiser car les autobus et les
tramways sont des cibles privilégiées
lors des violences urbaines majeures.
Le BEATT cite deux autres sinistres,
survenus en 2003 et peu documentés :
• en Italie, une rupture mécanique
s’est produite sur un réservoir
de GNV, en l’absence de tout
incendie. Pour l’expliquer, il faut
peut-être avancer une faiblesse
mécanique constructive et / ou une
pression de remplissage trop élevée.
Ces paramètres sont peut-être
à associer à une température
extérieure excessive.
• en République tchèque, sans
l’intervention très rapide des services
d’incendie et de secours, un
événement comparable à ceux
rencontrés à Sarrebruck et à
Montbéliard aurait pu se produire.
Depuis la survenance de ce sinistre,
les autobus à énergie GNV circulant
à Prague semblent avoir été équipés
de systèmes d’extinction automatique.
Explication
des phénomènes rencontrés
3. Prise à t = 8
minutes 10 secondes,
cette photo montre
une fuite enflammée
de GNV vers l’avant
de l’autobus.
6 400 incendies et 37 000 départs de
feu, alors que 54 500 feux de véhicules,
toutes catégories et causes confondues,
sont déjà recensés chaque année en
France. Elles montrent aussi que les
analyses des risques présentés par les
autobus à énergie GNV ont souffert
de graves lacunes. Aujourd’hui, il apparaît
clairement que les choix ayant conduit à
leur mise en service étaient plus politiques
que techniques. Si des responsabilités
doivent un jour être recherchées après la
survenance d’un sinistre majeur initié
par un autobus à énergie GNV, il sera
nécessaire d’interroger les groupes
de pression qui imposent leurs choix
en écartant les paramètres contredisant
leurs illogismes.
Rappel de plusieurs
­incendies majeurs
Dans son rapport, le BEATT décrit
les incendies majeurs survenus
sur des autobus à énergie GNV
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à Sarrebruck (Allemagne, le 12 mai
2003), Montbéliard (France, le 1er août
2005), Nancy (France, le 7 août 2005),
Bordeaux (France, le 8 novembre 2005),
Le Mans (France, le 3 février 2007)
et Grenoble (France, le 9 octobre 2014).
En ce qui concerne les deux premiers
cités, nous renvoyons aux études
publiées dans les revues Brandschutz3
et Le Sapeur-Pompier magazine4. Très
complètes, elles expliquent les
conditions pouvant conduire les
réservoirs de GNV (disposés sur le
toit des autobus à gaz) à produire
des fuites enflammées et /ou des
ruptures mécaniques conduisant à la
projection de missiles à des distances
très importantes.
Lors de l’incendie de Nancy,
l’intervention très rapide des
sapeurs-pompiers a permis d’éviter
un événement comparable à
ceux rencontrés à Sarrebruck et à
Montbéliard. Mais s’il était survenu
Avril 2015 N° 1077 Sapeurs-Pompiers de France
Lors d’un incendie, les effets
t he r m i qu e s pro du is e nt u ne
augmentation très importante de la
pression interne des réservoirs de
GNV et un affaiblissement de leur
résistance mécanique. Jouant dans le
même sens, ces deux phéno­mènes
peuvent produire une rupture
mécanique brutale de l’enveloppe des
réservoirs de GNV disposés sur leur
toit. Cela a pour effet de projeter des
missiles à des vitesses et à des distances
très grandes. Pour éviter ce phénomène,
il faut que les réservoirs de GNV soient
équipés de dispositifs de sécurité
permettant, en cas de survenance d’un
incendie, de faire très rapidement
baisser leur pression interne en
provoquant leur vidange automatique.
Dès la survenance de l’accident de
Sarrebruck, il semble que des essais
aient été conduits en Allemagne pour
observer le comportement des
réservoirs de GNV soumis à des
rayonnements thermiques importants.
Textes réglementaires
En France, il existe une multitude de
textes applicables aux autobus
fonctionnant au GNV. Dans son
rapport, le BEATT n’en compte pas
moins de 24 ! Entré en vigueur en
décembre 2000, le règlement
européen R 110 précisait que les
dispositifs de sécurité montés sur les
réservoirs de GNV devaient, en cas
de survenance d’un incendie,
permettre leur vidange dans des délais
de l’ordre de 3 minutes. Contournant
(pour quelles raisons ?) ce règlement
européen, la France a imposé aux
constructeurs des dispositifs de
sécurité permettant la vidange des
réservoirs de GNV dans des délais
d’environ 30 minutes. Pour justifier
son étonnante position, elle expliquait
que le risque principal n’était pas
la survenance d’un incendie mais,
en cas de dysfonctionnement
imprévisible des dispositifs de sécurité
dans des volumes fermés (les dépôts
et les ateliers en particulier),
la formation d’un mélange explosible
[air + GNV]. Très clairement, la
ruine des réservoirs de GNV avait
été écartée !
Revenant sur cette position après le
sinistre survenu à Sarrebruck, elle a
rendu obligatoire, mais bien trop
tardivement, l’application du
règlement R 110 aux nouvelles
générations d’autobus à énergie GNV.
Il semble toutefois qu’après l’incendie
d’un véhicule de ce type survenu aux
Pays-Bas, une évolution du règlement
R 110 ait été demandée.
Enfin, l’arrêté pris le 31 janvier 2007
a défini les modifications à apporter
aux autobus à énergie GNV déjà en
service pour éviter que des situations
identiques à celle survenue à
Montbéliard puissent se produire.
Par ailleurs, notons l’immense
complexité des textes réglementaires
qui s’appliquent aux autobus à
énergie GNV.
Tableau 1 : essai 1 – autobus immatriculé 5159 NL 33
Descriptions
Mesure
des temps
[1]
Mise à feu des palettes disposées à l’avant de l’autobus.
t=0
[2]
Tout le volume intérieur de l’autobus est envahi par des fumées blanches et peu denses.
t = 50 s
[3]
Tout le volume intérieur de l’autobus est envahi par des fumées noires et épaisses. Les
usagers qui seraient restés à l’intérieur de l’autobus n’ont plus aucune chance de survie.
t = 2 min 30 s
Des fumées noires et épaisses s’échappent par les portes avant, arrière et médiane
restées ouvertes.
t = 3 min 30 s
Le volume avant de l’autobus est totalement embrasé.
t = 6 min
Le volume médian de l’autobus est totalement embrasé.
t = 6 min 30 s
L’ensemble du volume intérieur de l’autobus est totalement embrasé et ses vitrages sont
en partie détruits.
t = 7 min 30 s
Renvois
[4]
Embrasement généralisé de l’autobus.
[5]
Apparition de plusieurs fuites enflammées de GNV.
[6]
Les fuites enflammées de GNV baissent en intensité.
t = 13 min
Début des opérations d’extinction.
t = 16 min
Tableau 2 : essai 2 – autobus immatriculé 5152 NL 33
Renvois
Descriptions
Mesure des temps
[1]
Mise à feu des palettes de bois disposées à l’arrière de l’autobus.
t=0
[2]
Tout le volume intérieur de l’autobus est envahi par des fumées blanches et peu denses.
t = 4 min
[3]
Tout le volume intérieur de l’autobus est envahi par des fumées noires et épaisses.
Les usagers restés à l’intérieur de l’autobus n’ont plus aucune chance de survie.
t = 11 min 30
[4]
L’ensemble du volume intérieur de l’autobus est totalement embrasé
et ses vitrages sont en partie détruits.
t = 14 min 30 s
[5]
Apparition de plusieurs fuites enflammées de GNV de l’avant à l’arrière de l’autobus.
t = 16
[6]
Les fuites enflammées de GNV baissent en intensité.
t = 17 min
Début des opérations d’extinction. Il survient encore une fuite enflammée de GNV.
t = 17 min 30
Résultats des essais
et commentaires
Issus de l’analyse d’un très grand
nombre de photographies horodatées,
les résultats des essais donnent des
ordres de grandeur (cf. tableaux 1 et 2)
pouvant être utiles à la rédaction d’un
Schéma départemental d’analyse
et de couverture du risque (Sdacr)
et / ou d’un plan d’opération interne
Organisation des essais
Nous ne traitons que des essais
conduits le 14 novembre 2013 sur
deux autobus à énergie GNV (essai
n° 1, autobus immatriculé 5159
NL 33, et essai n° 2, autobus
immatriculé 5152 NL 33). Le temps
était froid et sec. Plusieurs palettes
de bois, aspergées avec un mélange
d’hydrocarbures (essence et gazole)
et disposées à l’intérieur des autobus
à énergie GNV, permettaient des
mises à feu (méthode efficace, mais
peu reproductible). Il faut préciser
que l’ensemble des réservoirs de GNV
étaient en matériaux composites.
Nous reviendrons sur ce point dans
notre conclusion.
t = 8 min 30 s
(POI) portant sur la défense d’un
dépôt accueillant des autobus à
énergie GNV.
• Commentaire 1 : entre la mise à
feu [1] (voir tableau) et l’envahissement
des volumes intérieurs par des fumées
blanches [2] et peu denses, il s’écoule
moins d’une minute pour l’essai n° 1,
et 4 pour l’essai n° 2. Si d’autres essais
doivent être conduits, il faudra retenir
Prise lors de
l’essai n° 2 et
à t = 12 minutes,
cette photographie ne
permet pas de savoir
si les dispositifs de
sécurité installés sur
les réservoirs de GNV
ont joué leur rôle, ce
qui peut constituer un
facteur aggravant pour
les sapeurs-pompiers
qui interviennent !
Sapeurs-Pompiers de France N° 1077 Avril 2015
47
DOSSIER EXPERTISE
Vue de l’autobus
à énergie GNV
lors de l’essai
n° 2 après
les opérations
d’extinction…
une méthode de mise à feu permettant
d’expliquer et/ou de justifier un tel écart.
Le versement d’un liquide inflammable
sur l’un des sièges semble adapté.
• Commentaire 2 : les délais mesurés
entre l’envahissement de l’autobus par
des fumées blanches [2] et l’installation
de fumées noires et épaisses [3]
s’établissent à 2 minutes 30 secondes
pour l’essai n° 1 et à 11 minutes 30 pour
l’essai n° 2. Cet écart peut s’expliquer
par l’existence d’un potentiel calorifique
plus important à l’avant de l’autobus
qu’à l’arrière (résultant principalement
du poste de conduite).
• Commentaire 3 : lors de l’essai n° 1,
l’embrasement total [4] intervient
8 minutes 30 secondes après la mise
à feu et lors de l’essai n° 2, 14 minutes 30
(voir commentaires 1 et 2). Notons
Tableau 3 : incendie d’un autobus à énergie GNV stationné dans un dépôt
Points essentiels de l’analyse
Facteurs aggravants
Mesures à prendre
Dans la plupart des dépôts, elle résulte d’une
optimisation des surfaces au sol et par effet
domino, l’incendie d’un autobus se transporte très
rapidement à tous ceux qui lui sont proches.
• Adopter une disposition des autobus à énergie
GNV limitant le transport des incendies (laisser des
places vides pour en ralentir la progression) ou les
stationner à l’air libre (décision prise après l’incendie
de Sarrebruck, par la Saarbahn-GmbH en charge
des transports urbains).
• Sur les ETARE, identifier les zones où stationnent
les autobus à énergie GNV.
• Equiper le dépôt d’un système d’extinction
automatique. Ce système est peu efficace lorsque
l’incendie prend naissance à l’intérieur d’un autobus,
mais il peut ralentir son transport vers les autres.
Situation du dépôt
La plupart des dépôts sont installés dans des zones
industrielles éloignées des centres de secours.
De plus, aux heures non ouvrées, la survenance
des incendies peut, en l’absence de système
de détection avec report d’alarme, passer
totalement inaperçue.
• Adopter une disposition des autobus à énergie GNV
limitant le transport des incendies ou les stationner
à l’air libre.
• Sur les ETARE, identifier les zones où stationnent
les autobus à énergie GNV.
• Équiper le dépôt d’un système d’extinction
automatique en retenant les réserves déjà formulées.
• Équiper le dépôt d’un système de détection
des incendies relié au CTA.
Volumes de fumée produits
En quelques minutes, tout au plus une dizaine,
ils vont envahir tout le dépôt et masquer la zone
de survenance de l’incendie.
• Équiper le dépôt d’exutoires de fumée
très largement dimensionnés, en gardant à l’esprit
que l’embrasement généralisé d’un seul autobus
peut produire 200 à 300 m3/s de fumée !
• Doter les corps de sapeurs-pompiers devant
intervenir de puissants VGD.
Fuites enflammées
Se comportant comme les flammes produites
par les lance-flammes, elles vont transporter
l’incendie aux autres autobus et seront déviées par
des obstacles de toute nature.
De plus, elles représentent un danger majeur pour
les sapeurs-pompiers. En effet, dans un dépôt
envahi par les fumées, il est impossible d’identifier
avec certitude les autobus fonctionnant au GNV
des autres.
• Adopter une disposition des autobus à énergie GNV
limitant le transport des incendies ou les stationner
à l’air libre.
• Sur les ETARE, identifier les zones où ils
stationnent.
• Équiper le dépôt d’un système d’extinction
automatique en retenant les réserves déjà
formulées.
• Doter les premiers intervenants de caméras
thermiques pour qu’ils puissent tenter d’identifier
le (ou les) autobus déjà embrasés (tout en percevant
les limites des caméras thermiques).
Disposition des autobus
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Avril 2015 N° 1077 Sapeurs-Pompiers de France
que les résultats obtenus rejoignent ceux
portant sur des incendies et des essais
impliquant des autobus conventionnels
exposés dans une précédente
publication5, un constat qui ne doit pas
surprendre. Entre l’éclosion d’un
incendie sur un autobus et son
embrasement généralisé, le délai qui
s’écoule dépasse rarement 15 minutes.
• Commentaire 4 : lors de l’essai n° 1,
les premières fuites de GNV
enflammées [5] apparaissent 8 minutes
après la mise à feu, contre 16 lors de
l’essai n° 2. L’écart constaté n’est pas
surprenant : l’activation des dispositifs
de sécurité permettant la vidange des
réservoirs de GNV dépend des facteurs
influant sur l’intensité des flux
thermiques qu’ils reçoivent. Partant
des commentaires 1 et 2, ils sont
plus importants lors de l’essai 1
que lors de l’essai 2.
• Commentaire 5 : lors des essais
conduits le 14 novembre 2013, il ne
s’est pas produit de rupture mécanique
brutale d’un ou plusieurs réservoirs
de GNV, ce qui peut signifier que
les dispositifs de sécurité ont
bien fonctionné. Il en avait été de
même lors de ceux conduits le
25 octobre 2013.
• Commentaire 6 : s’inscrivant dans
la suite du commentaire 1, il interroge
sur les problématiques posées par
l’évacuation des usagers. À bien lire
les résultats de l’essai 1, il peut se
produire des situations où, aux heures
de pointe, il faudra faire sortir d’un
autobus des personnes âgées, des femmes
enceintes, des mères avec leurs enfants
dans des poussettes, des personnes à
mobilité réduite (PMR –
­ deux des
auteurs avancent que cette notion est
réductrice et proposent celle de « PMR
non réglementaire »).
Recherche des facteurs
aggravants
Dans les conditions des essais
conduits par le Sdis 44, la TAN et le
cabinet Mouthon formation, les
dispositifs de sécurité montés sur les
réservoirs de GNV ont pleinement
joué leur rôle. Mais ce constat peut-il
être étendu à toutes les situations
réelles ? Pour tenter de répondre
à cette question, les auteurs ont :
• recherché les principaux facteurs
aggravants pouvant apparaître lors
d’un incendie survenant sur un
autobus à énergie GNV stationné dans
un dépôt, circulant dans un centreville ou impliqué dans un accident
majeur de la circulation ;
Tableau 4 : incendie d’un autobus à énergie GNV dans un centre-ville
Points essentiels de l’analyse
Facteurs aggravants
Mesures à prendre
Disposition de l’autobus
Évolution dans des rues étroites et / ou piétonnes bordées par des
immeubles abritant des logements et des commerces. À certaines heures,
risques d’immobilisation des autobus par la circulation ambiante et / ou
la foule.
Transport de l’incendie
Dans des rues étroites, l’incendie risque de se transporter aux immeubles
proches.
Fuies enflammées
Se comportant comme les flammes produites par les lance-flammes,
elles vont transporter l’incendie aux immeubles proches.
Comportement des personnes
Très rapidement, la panique peut succéder à la curiosité. À certaines
heures, la circulation ambiante produira une immobilisation des flux.
Lutte contre l’incendie
Les fuites enflammées, la disposition et la largeur des rues étroites, la
circulation ambiante et le comportement des personnes peuvent produire
des impossibles opérationnels.
• Réserver l’usage des
autobus à énergie GNV
aux quartiers offrant des
itinéraires de fuite et des
places libres de toutes
constructions pouvant
servir de refuges.
• Doter les autobus de
systèmes d’extinction
automatiques des
incendies. Cette disposition
(déjà effective dans un
grand nombre de pays)
devrait être imposée.
• Réserver l’usage des
autobus à énergie GNV aux
quartiers où l’intervention
des sapeurs-pompiers
s’inscrira dans des délais
s’accordant avec les
résultats des essais.
Tableau 5 : incendie d’un autobus à énergie GNV impliqué
dans un accident majeur de la circulation
Points essentiels de l’analyse
Facteurs aggravants
Mesures à prendre
Disposition de l’autobus
Toutes les situations sont à
envisager. L’autobus peut être
renversé, couché sur le côté,
en partie écrasé, masqué par
d’autres véhicules…
Transport de l’incendie
L’incendie se transportera
à tous les autres véhicules.
Fuites enflammées
Elles peuvent interdire toutes
les approches.
• Les moyens opérationnels à engager devront permettre une attaque
massive depuis un point éloigné.
• La vraie efficacité du dispositif c’est d’atteindre dans les plus courts
délais le point d’origine du foyer. La position la plus défavorable étant sur
les roues puisque le potentiel calorifique est en dessous des réservoirs
de GNV.
• Si l’autobus est sur le côté ou retourné, les dispositifs de sécurité des
réservoirs de GNV peuvent être fragilisés et même inopérants. La vraie
efficacité du dispositif c’est d’atteindre dans les plus courts délais le point
d’origine du foyer. La zone d’exclusion pour les personnels se situe au
droit des roues du véhicule. Les montées en température liées à l’incendie
peuvent provoquer de violentes explosions de pneumatiques.
• Si l’autobus est sur le côté, les éventuelles torchères seront
horizontales. Sur le toit, véhicule retourné, les dispositifs de sécurité des
réservoirs de GNV peuvent être fragilisés et même inopérants.
Fuites non enflammées
Il peut survenir des fuites
de GNV non enflammées
qui seront susceptibles de
s’enflammer ou de produire un
UVCE (unconfined vapour cloud
explosion) en cas de rencontre
malencontreuse avec une source
de chaleur quelconque !
Opérations de
désincarcération
Elles peuvent être d’une très
grande complexité et même
représenter des impossibles
opérationnels.
• identifié leurs conséquences
immédiates ;
• regardé si des mesures pouvaient
être prises pour en limiter les effets
(cf. tableaux 3, 4 et 5).
Conclusion, interrogations
et suite à donner…
Lors des essais conduits les 25 octobre
et 14 novembre 2013, les systèmes de
sécurité montés sur les réservoirs de
GNV ont joué leur rôle, mais il serait
risqué de conclure que les résultats
obtenus sont les seuls qui s’imposent.
Tout au plus, les auteurs peuvent
écrire que depuis les incendies
majeurs survenus sur des autobus
à énergie GNV à Sarrebruck et à
Montbéliard, les modifications
importantes apportées à leurs
réservoirs et aux systèmes de sécurité
qui les équipent ont contribué à
d i m i nu e r l a pro b a bi l it é d e
survenance des ruptures mécaniques
brutales de ces réservoirs. Plus
par tic ulièrement, en c as de
survenance d’un incendie et lorsque
les systèmes de sécurité jouent
pleinement leur rôle, l’augmentation
de pression dans les dernières
générations de réser voirs en
matériaux composites reste limitée à
environ 10 % de la pression résiduelle.
La question des situations qui
résulteront d’un dysfonctionnement
des systèmes de sécurité, même si
cette situation est devenue peu
probable et / ou de la production
d’un flux thermique très inhabituel,
se pose encore.
Les auteurs s’interrogent aussi sur
l’importance des délais d’intervention
et des moyens opérationnels très
offensifs à mettre en œuvre pour
qu’un début d’incendie sur un autobus
à énergie GNV puisse être combattu
dès sa survenance.
Enfin, il circule sur nos routes de plus
en plus de poids lourds utilisant le
GNV, leurs constructeurs en ayant
récemment découvert les bienfaits
économiques. Aussi délaissent-ils les
carburants conventionnels. Mais,
curieusement, ces poids lourds offrent
des niveaux de sécurisation très
inférieurs à ceux imposés aux autobus
à énergie GNV. En effet, les
réglementations qui les régissent sont
particulièrement permissives. Dans
ce cadre, les auteurs rappellent
l’explosion survenue le 14 juillet 2014
vers 22 heures sur l’un des réservoirs
de GNV d’une benne à ordures
ménagères stationnée dans un dépôt
de la région parisienne ! n
Notes
1. Colonel de sapeurs-pompiers (Sdis 44), S. Delaunay
est un spécialiste reconnu des véhicules à énergie GPL
et GNV. M. Mouthon (cabinet Mouthon formation)
est spécialisé dans la prévision des risques présentés
par les véhicules à énergie GPL et GNV et les actions
de formation qui en découlent. Colonel de sapeurspompiers en retraite, J.-F. Schmauch est l’auteur principal
de cette publication. Lieutenant-colonel de sapeurspompiers (Sdis 42), P. Garioud a dirigé le département
« Études et recherche » de l’Inesc et a conduit une lecture
approfondie de cet article.
2. Rapport d’enquête technique sur les incendies
d’autobus fonctionnant au GNV, notamment les incendies
survenus en août 2005 à Montbéliard et à Nancy.
3. R. Demke, Brände von Erdgasbussen, in Brandschutz
(n° 12, 2003: 893-903).
4. J.-F. Schmauch et S. Gesret, Bus fonctionnant au GNV
– Analyse de deux incendies, in Le Sapeur-Pompier
magazine (n° 974, 2005 : 32-39).
5. J.-F. Schmauch, Comprendre les incendies d’autocars,
in Le Sapeur-Pompier (n° 1031, 2011 : 44-45).
Lors des essais
conduits
le 25 octobre et le
14 novembre 2013,
les réservoirs de GNV
des autobus à énergie
GNV n’ont présenté
aucune faiblesse,
mais rien ne permet
d’écrire, sauf
à conduire un grand
nombre d’essais, que
cette situation est la
seule à envisager !
Sapeurs-Pompiers de France N° 1077 Avril 2015
49
DOSSIER EXPERTISE
« Cas pratique »
sur le périphérique
toulousain
C’est en Haute-Garonne,
le 13 février dernier,
que les sapeurs-pompiers
ont été confrontés
au dernier feu de bus
à énergie GNV en date.
Texte cdt Patrick Vion, chef du CIS
Ramonville Saint-Agne-Buchens
et COS de l’opération
Photos Xavier Rivière / Sdis 31
L
Les dégâts importants
s’expliquent en partie
par le fait
que la coupure d’arrêt d’urgence
de l’alimentation
en gaz n’a pas
fonctionné.
Deux LDV 500
ont été mises
en œuvre.
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Avril 2015 N° 1077 Sapeurs-Pompiers de France
e vendredi 13 février 2015 à
9 h 26, alors que la circulation
est dense sur le périphérique
toulousain, le CTA-Codis-SC
est alerté pour un feu de bus de la
société Tisseo (transports urbains
de Toulouse) sur le périphérique,
entre les échangeurs du Palays et de
Lespinet. Le bus, sans passager, est
alimenté au gaz naturel. Son conducteur, légèrement incommodé par les
fumées, a arrêté le véhicule sur la
bande d’arrêt d’urgence. Les premiers
sapeurs-pompiers se présentent
dans les cinq minutes après l’alerte et
organisent immédiatement un
périmètre de sécurité à 200 mètres.
Dans le même temps, la police
sécurise l’intervention en procédant
à la fermeture du périphérique dans
les deux sens.
Le feu trouve son origine au niveau
du moteur, qui est situé à l’arrière.
Il faut noter que la coupure d’arrêt
d’urgence de l’alimentation en gaz
n’a pas fonctionné.
À l’arrivée des secours, l’embrasement
généralisé du bus nécessite une
première LDV 500 pour tenter de
rabattre les flammes. L’alimentation
hydraulique du premier engin incendie,
avec un porteur d’eau de grande
capacité, permet au commandant
des opérations de secours de
commander la mise en œuvre d’une
seconde LDV 500 pour procéder au
refroidissement des bouteilles de gaz
situées sur le toit du bus.
Neuf bouteilles de gaz sur le toit
Neuf bouteilles de 130 litres chacune,
comprimées à 200 bars, alimentent
ce véhicule. Les flammes sont presque
totalement rabattues au bout de
plusieurs minutes, ce qui permet de
procéder à l’arrachage de la coque
de protection des bouteilles de gaz
pour compléter le refroidissement
du dispositif d’alimentation.
Dès que l’approche des bouteilles est
possible, des relevés d’explosimétrie
et de température sont effectués
régulièrement. Ce n’est que vers
11 heures que le périphérique rouvre
dans un sens, le second l’ayant été
après l’enlèvement de l’épave. n
+
• Aucun passager
dans le bus.
• Lieu de l’intervention relativement
isolé par rapport aux habitations.
• Bonne réactivité des premiers
intervenants.
• Fermeture totale du périphérique.
-
• Pas de ressource
en eau sur hydrant.
• Mauvaise accessibilité
aux bouteilles de gaz.
• Non-fonctionnement
de la vanne d’arrêt du gaz.
Sapeurs-Pompiers de France N° 1077 Avril 2015
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