DOSSIER EXPERTISE Incendies de bus au gaz naturel : un sujet explosif Une étude portant sur plus de 1 100 bus fonctionnant au gaz démontre que 7 % d’entre eux ont connu un début d’incendie. Une proportion considérable. Texte S. Delaunay, M. Mouthon, J.-F. Schmauch et P. Garioud 1 Photos J.-F. Schmauch L Photo prise durant un essai incendie en grandeur nature, à t = 9 minutes 30 secondes. Elle montre que l’autobus à énergie GNV est entièrement embrasé. On peut y observer deux fuites enflammées de GNV. 44 Avril 2015 N° 1077 Sapeurs-Pompiers de France ’analyse de plusieurs incendies survenus depuis 2003 sur des autobus à énergie GNV (gaz naturel pour véhicules) explique les destructions importantes qu’ils causent à leur environnement (principalement leurs dépôts et les constructions proches des incendies). Les dégâts résultent des effets thermiques produits – qui sont identiques à ceux d’un autobus à motorisation conventionnelle – et du comportement de leurs réservoirs de GNV équipés de systèmes de sécurité. Si ces derniers fonctionnent normalement, des fuites enflammées sont générées. Dans le cas contraire, les réservoirs peuvent subir des ruptures mécaniques brutales conduisant à la projection de missiles à des vitesses et à des distances très importantes. Les deux phénomènes peuvent être associés. Avant tout, il faut préciser que les études et les textes initialement associés à la mise en service des autobus à énergie GNV minimisaient grandement les risques d’incendie qu’ils pouvaient présenter et considéraient ces ruptures mécaniques comme étant hautement improbables. Cette vision réductrice a évolué au regard des incendies survenus depuis 2003 et des recommandations émises par le Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEATT), dans son rapport daté du 31 mars 20062. Un arrêté, pris le 31 janvier 2007, a défini les modifications à apporter à tous les autobus à énergie GNV. De ce fait, tous ceux mis en service avant la publication de cet arrêté ont dû être modifiés ! Partant de ces constats, le Sdis 44, la TAN (qui gère les transports en commun de l’agglomération nantaise) et le cabinet Mouthon formation ont organisé, le 25 octobre et le 14 novembre 2013, des essais d’incendie en vraie grandeur. Ils impliquaient cinq autobus à énergie GNV (mis en service en 1998 et en 1999), modifiés pour être en conformité avec l’arrêté pris le 31 janvier 2007 et réformés en 2013. Les résultats obtenus sont présentés et commentés ci-après. Analyse des risques Une enquête a été lancée le 14 novembre 20058 par le BEATT. Il s’agissait d’un courrier, daté du 1er décembre 2005, adressé à 22 réseaux de transports urbains exploitant plus de 10 autobus fonctionnant au GNV. Sur ces 22 réseaux, 19 ont répondu, un succès remarquable ! Les résultats montrent que la transformation des autobus conventionnels en autobus à énergie GNV fragilise certains de leurs composants (en particulier les turbo compresseurs et les détenteurs de gaz), ce qui augmente sensiblement les risques de survenance d’un incendie. Plus simplement, les 1 161 autobus fonctionnant au GNV inclus dans l’enquête ont connu 12 incendies et 70 départs de feu ! Ramenées au parc français de poids lourds ayant un PTAC supérieur à 5 tonnes (620 000 unités au 1er janvier 2014), ces données produiraient annuellement Sapeurs-Pompiers de France N° 1077 Avril 2015 45 DOSSIER EXPERTISE 1. 1 et 2. Prise 50 secondes après la mise à feu, la photo 1 montre simplement de légères fumées blanches, avant l’embrasement (photo 2). 2. 3. en plein centre-ville, il aurait eu des suites bien différentes... À Bordeaux, au Mans et à Grenoble, les incendies ont résulté du jet d’un cocktail Molotov. Une cause à ne pas minimiser car les autobus et les tramways sont des cibles privilégiées lors des violences urbaines majeures. Le BEATT cite deux autres sinistres, survenus en 2003 et peu documentés : • en Italie, une rupture mécanique s’est produite sur un réservoir de GNV, en l’absence de tout incendie. Pour l’expliquer, il faut peut-être avancer une faiblesse mécanique constructive et / ou une pression de remplissage trop élevée. Ces paramètres sont peut-être à associer à une température extérieure excessive. • en République tchèque, sans l’intervention très rapide des services d’incendie et de secours, un événement comparable à ceux rencontrés à Sarrebruck et à Montbéliard aurait pu se produire. Depuis la survenance de ce sinistre, les autobus à énergie GNV circulant à Prague semblent avoir été équipés de systèmes d’extinction automatique. Explication des phénomènes rencontrés 3. Prise à t = 8 minutes 10 secondes, cette photo montre une fuite enflammée de GNV vers l’avant de l’autobus. 6 400 incendies et 37 000 départs de feu, alors que 54 500 feux de véhicules, toutes catégories et causes confondues, sont déjà recensés chaque année en France. Elles montrent aussi que les analyses des risques présentés par les autobus à énergie GNV ont souffert de graves lacunes. Aujourd’hui, il apparaît clairement que les choix ayant conduit à leur mise en service étaient plus politiques que techniques. Si des responsabilités doivent un jour être recherchées après la survenance d’un sinistre majeur initié par un autobus à énergie GNV, il sera nécessaire d’interroger les groupes de pression qui imposent leurs choix en écartant les paramètres contredisant leurs illogismes. Rappel de plusieurs incendies majeurs Dans son rapport, le BEATT décrit les incendies majeurs survenus sur des autobus à énergie GNV 46 à Sarrebruck (Allemagne, le 12 mai 2003), Montbéliard (France, le 1er août 2005), Nancy (France, le 7 août 2005), Bordeaux (France, le 8 novembre 2005), Le Mans (France, le 3 février 2007) et Grenoble (France, le 9 octobre 2014). En ce qui concerne les deux premiers cités, nous renvoyons aux études publiées dans les revues Brandschutz3 et Le Sapeur-Pompier magazine4. Très complètes, elles expliquent les conditions pouvant conduire les réservoirs de GNV (disposés sur le toit des autobus à gaz) à produire des fuites enflammées et /ou des ruptures mécaniques conduisant à la projection de missiles à des distances très importantes. Lors de l’incendie de Nancy, l’intervention très rapide des sapeurs-pompiers a permis d’éviter un événement comparable à ceux rencontrés à Sarrebruck et à Montbéliard. Mais s’il était survenu Avril 2015 N° 1077 Sapeurs-Pompiers de France Lors d’un incendie, les effets t he r m i qu e s pro du is e nt u ne augmentation très importante de la pression interne des réservoirs de GNV et un affaiblissement de leur résistance mécanique. Jouant dans le même sens, ces deux phénomènes peuvent produire une rupture mécanique brutale de l’enveloppe des réservoirs de GNV disposés sur leur toit. Cela a pour effet de projeter des missiles à des vitesses et à des distances très grandes. Pour éviter ce phénomène, il faut que les réservoirs de GNV soient équipés de dispositifs de sécurité permettant, en cas de survenance d’un incendie, de faire très rapidement baisser leur pression interne en provoquant leur vidange automatique. Dès la survenance de l’accident de Sarrebruck, il semble que des essais aient été conduits en Allemagne pour observer le comportement des réservoirs de GNV soumis à des rayonnements thermiques importants. Textes réglementaires En France, il existe une multitude de textes applicables aux autobus fonctionnant au GNV. Dans son rapport, le BEATT n’en compte pas moins de 24 ! Entré en vigueur en décembre 2000, le règlement européen R 110 précisait que les dispositifs de sécurité montés sur les réservoirs de GNV devaient, en cas de survenance d’un incendie, permettre leur vidange dans des délais de l’ordre de 3 minutes. Contournant (pour quelles raisons ?) ce règlement européen, la France a imposé aux constructeurs des dispositifs de sécurité permettant la vidange des réservoirs de GNV dans des délais d’environ 30 minutes. Pour justifier son étonnante position, elle expliquait que le risque principal n’était pas la survenance d’un incendie mais, en cas de dysfonctionnement imprévisible des dispositifs de sécurité dans des volumes fermés (les dépôts et les ateliers en particulier), la formation d’un mélange explosible [air + GNV]. Très clairement, la ruine des réservoirs de GNV avait été écartée ! Revenant sur cette position après le sinistre survenu à Sarrebruck, elle a rendu obligatoire, mais bien trop tardivement, l’application du règlement R 110 aux nouvelles générations d’autobus à énergie GNV. Il semble toutefois qu’après l’incendie d’un véhicule de ce type survenu aux Pays-Bas, une évolution du règlement R 110 ait été demandée. Enfin, l’arrêté pris le 31 janvier 2007 a défini les modifications à apporter aux autobus à énergie GNV déjà en service pour éviter que des situations identiques à celle survenue à Montbéliard puissent se produire. Par ailleurs, notons l’immense complexité des textes réglementaires qui s’appliquent aux autobus à énergie GNV. Tableau 1 : essai 1 – autobus immatriculé 5159 NL 33 Descriptions Mesure des temps [1] Mise à feu des palettes disposées à l’avant de l’autobus. t=0 [2] Tout le volume intérieur de l’autobus est envahi par des fumées blanches et peu denses. t = 50 s [3] Tout le volume intérieur de l’autobus est envahi par des fumées noires et épaisses. Les usagers qui seraient restés à l’intérieur de l’autobus n’ont plus aucune chance de survie. t = 2 min 30 s Des fumées noires et épaisses s’échappent par les portes avant, arrière et médiane restées ouvertes. t = 3 min 30 s Le volume avant de l’autobus est totalement embrasé. t = 6 min Le volume médian de l’autobus est totalement embrasé. t = 6 min 30 s L’ensemble du volume intérieur de l’autobus est totalement embrasé et ses vitrages sont en partie détruits. t = 7 min 30 s Renvois [4] Embrasement généralisé de l’autobus. [5] Apparition de plusieurs fuites enflammées de GNV. [6] Les fuites enflammées de GNV baissent en intensité. t = 13 min Début des opérations d’extinction. t = 16 min Tableau 2 : essai 2 – autobus immatriculé 5152 NL 33 Renvois Descriptions Mesure des temps [1] Mise à feu des palettes de bois disposées à l’arrière de l’autobus. t=0 [2] Tout le volume intérieur de l’autobus est envahi par des fumées blanches et peu denses. t = 4 min [3] Tout le volume intérieur de l’autobus est envahi par des fumées noires et épaisses. Les usagers restés à l’intérieur de l’autobus n’ont plus aucune chance de survie. t = 11 min 30 [4] L’ensemble du volume intérieur de l’autobus est totalement embrasé et ses vitrages sont en partie détruits. t = 14 min 30 s [5] Apparition de plusieurs fuites enflammées de GNV de l’avant à l’arrière de l’autobus. t = 16 [6] Les fuites enflammées de GNV baissent en intensité. t = 17 min Début des opérations d’extinction. Il survient encore une fuite enflammée de GNV. t = 17 min 30 Résultats des essais et commentaires Issus de l’analyse d’un très grand nombre de photographies horodatées, les résultats des essais donnent des ordres de grandeur (cf. tableaux 1 et 2) pouvant être utiles à la rédaction d’un Schéma départemental d’analyse et de couverture du risque (Sdacr) et / ou d’un plan d’opération interne Organisation des essais Nous ne traitons que des essais conduits le 14 novembre 2013 sur deux autobus à énergie GNV (essai n° 1, autobus immatriculé 5159 NL 33, et essai n° 2, autobus immatriculé 5152 NL 33). Le temps était froid et sec. Plusieurs palettes de bois, aspergées avec un mélange d’hydrocarbures (essence et gazole) et disposées à l’intérieur des autobus à énergie GNV, permettaient des mises à feu (méthode efficace, mais peu reproductible). Il faut préciser que l’ensemble des réservoirs de GNV étaient en matériaux composites. Nous reviendrons sur ce point dans notre conclusion. t = 8 min 30 s (POI) portant sur la défense d’un dépôt accueillant des autobus à énergie GNV. • Commentaire 1 : entre la mise à feu [1] (voir tableau) et l’envahissement des volumes intérieurs par des fumées blanches [2] et peu denses, il s’écoule moins d’une minute pour l’essai n° 1, et 4 pour l’essai n° 2. Si d’autres essais doivent être conduits, il faudra retenir Prise lors de l’essai n° 2 et à t = 12 minutes, cette photographie ne permet pas de savoir si les dispositifs de sécurité installés sur les réservoirs de GNV ont joué leur rôle, ce qui peut constituer un facteur aggravant pour les sapeurs-pompiers qui interviennent ! Sapeurs-Pompiers de France N° 1077 Avril 2015 47 DOSSIER EXPERTISE Vue de l’autobus à énergie GNV lors de l’essai n° 2 après les opérations d’extinction… une méthode de mise à feu permettant d’expliquer et/ou de justifier un tel écart. Le versement d’un liquide inflammable sur l’un des sièges semble adapté. • Commentaire 2 : les délais mesurés entre l’envahissement de l’autobus par des fumées blanches [2] et l’installation de fumées noires et épaisses [3] s’établissent à 2 minutes 30 secondes pour l’essai n° 1 et à 11 minutes 30 pour l’essai n° 2. Cet écart peut s’expliquer par l’existence d’un potentiel calorifique plus important à l’avant de l’autobus qu’à l’arrière (résultant principalement du poste de conduite). • Commentaire 3 : lors de l’essai n° 1, l’embrasement total [4] intervient 8 minutes 30 secondes après la mise à feu et lors de l’essai n° 2, 14 minutes 30 (voir commentaires 1 et 2). Notons Tableau 3 : incendie d’un autobus à énergie GNV stationné dans un dépôt Points essentiels de l’analyse Facteurs aggravants Mesures à prendre Dans la plupart des dépôts, elle résulte d’une optimisation des surfaces au sol et par effet domino, l’incendie d’un autobus se transporte très rapidement à tous ceux qui lui sont proches. • Adopter une disposition des autobus à énergie GNV limitant le transport des incendies (laisser des places vides pour en ralentir la progression) ou les stationner à l’air libre (décision prise après l’incendie de Sarrebruck, par la Saarbahn-GmbH en charge des transports urbains). • Sur les ETARE, identifier les zones où stationnent les autobus à énergie GNV. • Equiper le dépôt d’un système d’extinction automatique. Ce système est peu efficace lorsque l’incendie prend naissance à l’intérieur d’un autobus, mais il peut ralentir son transport vers les autres. Situation du dépôt La plupart des dépôts sont installés dans des zones industrielles éloignées des centres de secours. De plus, aux heures non ouvrées, la survenance des incendies peut, en l’absence de système de détection avec report d’alarme, passer totalement inaperçue. • Adopter une disposition des autobus à énergie GNV limitant le transport des incendies ou les stationner à l’air libre. • Sur les ETARE, identifier les zones où stationnent les autobus à énergie GNV. • Équiper le dépôt d’un système d’extinction automatique en retenant les réserves déjà formulées. • Équiper le dépôt d’un système de détection des incendies relié au CTA. Volumes de fumée produits En quelques minutes, tout au plus une dizaine, ils vont envahir tout le dépôt et masquer la zone de survenance de l’incendie. • Équiper le dépôt d’exutoires de fumée très largement dimensionnés, en gardant à l’esprit que l’embrasement généralisé d’un seul autobus peut produire 200 à 300 m3/s de fumée ! • Doter les corps de sapeurs-pompiers devant intervenir de puissants VGD. Fuites enflammées Se comportant comme les flammes produites par les lance-flammes, elles vont transporter l’incendie aux autres autobus et seront déviées par des obstacles de toute nature. De plus, elles représentent un danger majeur pour les sapeurs-pompiers. En effet, dans un dépôt envahi par les fumées, il est impossible d’identifier avec certitude les autobus fonctionnant au GNV des autres. • Adopter une disposition des autobus à énergie GNV limitant le transport des incendies ou les stationner à l’air libre. • Sur les ETARE, identifier les zones où ils stationnent. • Équiper le dépôt d’un système d’extinction automatique en retenant les réserves déjà formulées. • Doter les premiers intervenants de caméras thermiques pour qu’ils puissent tenter d’identifier le (ou les) autobus déjà embrasés (tout en percevant les limites des caméras thermiques). Disposition des autobus 48 Avril 2015 N° 1077 Sapeurs-Pompiers de France que les résultats obtenus rejoignent ceux portant sur des incendies et des essais impliquant des autobus conventionnels exposés dans une précédente publication5, un constat qui ne doit pas surprendre. Entre l’éclosion d’un incendie sur un autobus et son embrasement généralisé, le délai qui s’écoule dépasse rarement 15 minutes. • Commentaire 4 : lors de l’essai n° 1, les premières fuites de GNV enflammées [5] apparaissent 8 minutes après la mise à feu, contre 16 lors de l’essai n° 2. L’écart constaté n’est pas surprenant : l’activation des dispositifs de sécurité permettant la vidange des réservoirs de GNV dépend des facteurs influant sur l’intensité des flux thermiques qu’ils reçoivent. Partant des commentaires 1 et 2, ils sont plus importants lors de l’essai 1 que lors de l’essai 2. • Commentaire 5 : lors des essais conduits le 14 novembre 2013, il ne s’est pas produit de rupture mécanique brutale d’un ou plusieurs réservoirs de GNV, ce qui peut signifier que les dispositifs de sécurité ont bien fonctionné. Il en avait été de même lors de ceux conduits le 25 octobre 2013. • Commentaire 6 : s’inscrivant dans la suite du commentaire 1, il interroge sur les problématiques posées par l’évacuation des usagers. À bien lire les résultats de l’essai 1, il peut se produire des situations où, aux heures de pointe, il faudra faire sortir d’un autobus des personnes âgées, des femmes enceintes, des mères avec leurs enfants dans des poussettes, des personnes à mobilité réduite (PMR – deux des auteurs avancent que cette notion est réductrice et proposent celle de « PMR non réglementaire »). Recherche des facteurs aggravants Dans les conditions des essais conduits par le Sdis 44, la TAN et le cabinet Mouthon formation, les dispositifs de sécurité montés sur les réservoirs de GNV ont pleinement joué leur rôle. Mais ce constat peut-il être étendu à toutes les situations réelles ? Pour tenter de répondre à cette question, les auteurs ont : • recherché les principaux facteurs aggravants pouvant apparaître lors d’un incendie survenant sur un autobus à énergie GNV stationné dans un dépôt, circulant dans un centreville ou impliqué dans un accident majeur de la circulation ; Tableau 4 : incendie d’un autobus à énergie GNV dans un centre-ville Points essentiels de l’analyse Facteurs aggravants Mesures à prendre Disposition de l’autobus Évolution dans des rues étroites et / ou piétonnes bordées par des immeubles abritant des logements et des commerces. À certaines heures, risques d’immobilisation des autobus par la circulation ambiante et / ou la foule. Transport de l’incendie Dans des rues étroites, l’incendie risque de se transporter aux immeubles proches. Fuies enflammées Se comportant comme les flammes produites par les lance-flammes, elles vont transporter l’incendie aux immeubles proches. Comportement des personnes Très rapidement, la panique peut succéder à la curiosité. À certaines heures, la circulation ambiante produira une immobilisation des flux. Lutte contre l’incendie Les fuites enflammées, la disposition et la largeur des rues étroites, la circulation ambiante et le comportement des personnes peuvent produire des impossibles opérationnels. • Réserver l’usage des autobus à énergie GNV aux quartiers offrant des itinéraires de fuite et des places libres de toutes constructions pouvant servir de refuges. • Doter les autobus de systèmes d’extinction automatiques des incendies. Cette disposition (déjà effective dans un grand nombre de pays) devrait être imposée. • Réserver l’usage des autobus à énergie GNV aux quartiers où l’intervention des sapeurs-pompiers s’inscrira dans des délais s’accordant avec les résultats des essais. Tableau 5 : incendie d’un autobus à énergie GNV impliqué dans un accident majeur de la circulation Points essentiels de l’analyse Facteurs aggravants Mesures à prendre Disposition de l’autobus Toutes les situations sont à envisager. L’autobus peut être renversé, couché sur le côté, en partie écrasé, masqué par d’autres véhicules… Transport de l’incendie L’incendie se transportera à tous les autres véhicules. Fuites enflammées Elles peuvent interdire toutes les approches. • Les moyens opérationnels à engager devront permettre une attaque massive depuis un point éloigné. • La vraie efficacité du dispositif c’est d’atteindre dans les plus courts délais le point d’origine du foyer. La position la plus défavorable étant sur les roues puisque le potentiel calorifique est en dessous des réservoirs de GNV. • Si l’autobus est sur le côté ou retourné, les dispositifs de sécurité des réservoirs de GNV peuvent être fragilisés et même inopérants. La vraie efficacité du dispositif c’est d’atteindre dans les plus courts délais le point d’origine du foyer. La zone d’exclusion pour les personnels se situe au droit des roues du véhicule. Les montées en température liées à l’incendie peuvent provoquer de violentes explosions de pneumatiques. • Si l’autobus est sur le côté, les éventuelles torchères seront horizontales. Sur le toit, véhicule retourné, les dispositifs de sécurité des réservoirs de GNV peuvent être fragilisés et même inopérants. Fuites non enflammées Il peut survenir des fuites de GNV non enflammées qui seront susceptibles de s’enflammer ou de produire un UVCE (unconfined vapour cloud explosion) en cas de rencontre malencontreuse avec une source de chaleur quelconque ! Opérations de désincarcération Elles peuvent être d’une très grande complexité et même représenter des impossibles opérationnels. • identifié leurs conséquences immédiates ; • regardé si des mesures pouvaient être prises pour en limiter les effets (cf. tableaux 3, 4 et 5). Conclusion, interrogations et suite à donner… Lors des essais conduits les 25 octobre et 14 novembre 2013, les systèmes de sécurité montés sur les réservoirs de GNV ont joué leur rôle, mais il serait risqué de conclure que les résultats obtenus sont les seuls qui s’imposent. Tout au plus, les auteurs peuvent écrire que depuis les incendies majeurs survenus sur des autobus à énergie GNV à Sarrebruck et à Montbéliard, les modifications importantes apportées à leurs réservoirs et aux systèmes de sécurité qui les équipent ont contribué à d i m i nu e r l a pro b a bi l it é d e survenance des ruptures mécaniques brutales de ces réservoirs. Plus par tic ulièrement, en c as de survenance d’un incendie et lorsque les systèmes de sécurité jouent pleinement leur rôle, l’augmentation de pression dans les dernières générations de réser voirs en matériaux composites reste limitée à environ 10 % de la pression résiduelle. La question des situations qui résulteront d’un dysfonctionnement des systèmes de sécurité, même si cette situation est devenue peu probable et / ou de la production d’un flux thermique très inhabituel, se pose encore. Les auteurs s’interrogent aussi sur l’importance des délais d’intervention et des moyens opérationnels très offensifs à mettre en œuvre pour qu’un début d’incendie sur un autobus à énergie GNV puisse être combattu dès sa survenance. Enfin, il circule sur nos routes de plus en plus de poids lourds utilisant le GNV, leurs constructeurs en ayant récemment découvert les bienfaits économiques. Aussi délaissent-ils les carburants conventionnels. Mais, curieusement, ces poids lourds offrent des niveaux de sécurisation très inférieurs à ceux imposés aux autobus à énergie GNV. En effet, les réglementations qui les régissent sont particulièrement permissives. Dans ce cadre, les auteurs rappellent l’explosion survenue le 14 juillet 2014 vers 22 heures sur l’un des réservoirs de GNV d’une benne à ordures ménagères stationnée dans un dépôt de la région parisienne ! n Notes 1. Colonel de sapeurs-pompiers (Sdis 44), S. Delaunay est un spécialiste reconnu des véhicules à énergie GPL et GNV. M. Mouthon (cabinet Mouthon formation) est spécialisé dans la prévision des risques présentés par les véhicules à énergie GPL et GNV et les actions de formation qui en découlent. Colonel de sapeurspompiers en retraite, J.-F. Schmauch est l’auteur principal de cette publication. Lieutenant-colonel de sapeurspompiers (Sdis 42), P. Garioud a dirigé le département « Études et recherche » de l’Inesc et a conduit une lecture approfondie de cet article. 2. Rapport d’enquête technique sur les incendies d’autobus fonctionnant au GNV, notamment les incendies survenus en août 2005 à Montbéliard et à Nancy. 3. R. Demke, Brände von Erdgasbussen, in Brandschutz (n° 12, 2003: 893-903). 4. J.-F. Schmauch et S. Gesret, Bus fonctionnant au GNV – Analyse de deux incendies, in Le Sapeur-Pompier magazine (n° 974, 2005 : 32-39). 5. J.-F. Schmauch, Comprendre les incendies d’autocars, in Le Sapeur-Pompier (n° 1031, 2011 : 44-45). Lors des essais conduits le 25 octobre et le 14 novembre 2013, les réservoirs de GNV des autobus à énergie GNV n’ont présenté aucune faiblesse, mais rien ne permet d’écrire, sauf à conduire un grand nombre d’essais, que cette situation est la seule à envisager ! Sapeurs-Pompiers de France N° 1077 Avril 2015 49 DOSSIER EXPERTISE « Cas pratique » sur le périphérique toulousain C’est en Haute-Garonne, le 13 février dernier, que les sapeurs-pompiers ont été confrontés au dernier feu de bus à énergie GNV en date. Texte cdt Patrick Vion, chef du CIS Ramonville Saint-Agne-Buchens et COS de l’opération Photos Xavier Rivière / Sdis 31 L Les dégâts importants s’expliquent en partie par le fait que la coupure d’arrêt d’urgence de l’alimentation en gaz n’a pas fonctionné. Deux LDV 500 ont été mises en œuvre. 50 Avril 2015 N° 1077 Sapeurs-Pompiers de France e vendredi 13 février 2015 à 9 h 26, alors que la circulation est dense sur le périphérique toulousain, le CTA-Codis-SC est alerté pour un feu de bus de la société Tisseo (transports urbains de Toulouse) sur le périphérique, entre les échangeurs du Palays et de Lespinet. Le bus, sans passager, est alimenté au gaz naturel. Son conducteur, légèrement incommodé par les fumées, a arrêté le véhicule sur la bande d’arrêt d’urgence. Les premiers sapeurs-pompiers se présentent dans les cinq minutes après l’alerte et organisent immédiatement un périmètre de sécurité à 200 mètres. Dans le même temps, la police sécurise l’intervention en procédant à la fermeture du périphérique dans les deux sens. Le feu trouve son origine au niveau du moteur, qui est situé à l’arrière. Il faut noter que la coupure d’arrêt d’urgence de l’alimentation en gaz n’a pas fonctionné. À l’arrivée des secours, l’embrasement généralisé du bus nécessite une première LDV 500 pour tenter de rabattre les flammes. L’alimentation hydraulique du premier engin incendie, avec un porteur d’eau de grande capacité, permet au commandant des opérations de secours de commander la mise en œuvre d’une seconde LDV 500 pour procéder au refroidissement des bouteilles de gaz situées sur le toit du bus. Neuf bouteilles de gaz sur le toit Neuf bouteilles de 130 litres chacune, comprimées à 200 bars, alimentent ce véhicule. Les flammes sont presque totalement rabattues au bout de plusieurs minutes, ce qui permet de procéder à l’arrachage de la coque de protection des bouteilles de gaz pour compléter le refroidissement du dispositif d’alimentation. Dès que l’approche des bouteilles est possible, des relevés d’explosimétrie et de température sont effectués régulièrement. Ce n’est que vers 11 heures que le périphérique rouvre dans un sens, le second l’ayant été après l’enlèvement de l’épave. n + • Aucun passager dans le bus. • Lieu de l’intervention relativement isolé par rapport aux habitations. • Bonne réactivité des premiers intervenants. • Fermeture totale du périphérique. - • Pas de ressource en eau sur hydrant. • Mauvaise accessibilité aux bouteilles de gaz. • Non-fonctionnement de la vanne d’arrêt du gaz. Sapeurs-Pompiers de France N° 1077 Avril 2015 51
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