Mémoires pour demain

Mémoires pour demain
Association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation
Délégation de la Marne
Bulletin n° 17
octobre 2014
Commémorer
Ces derniers mois furent l’occasion, pour l’AFMD 51, de participer à de nombreuses commémorations ; ce bulletin s’en fait l’écho : passage du « train de la mort » à Saint-Brice-Courcelles, déportés de Clermont-en-Argonne, Libération de la Marne, déportés Républicains espagnols accueillis à Aÿ. N’est-ce pas inscrit dans le nom même de notre association : « Mémoire de la Déportation » ? Mais quel sens donner à ces
commémorations ? S’agit-il seulement de se souvenir ?
Quand elles prennent un caractère officiel, ces cérémonies suivent un « rituel républicain » : présence
des drapeaux tricolores, du représentant de l’État, dépôt de gerbes, minute de silence, exécution du Chant
des marais, du Chant des Partisans et de La Marseillaise. Tout vise à créer une émotion qui, par-delà les années passées, entre en sympathie avec les victimes dont on honore la mémoire. Mais ce rituel a aussi un
sens : il manifeste, par tous les symboles convoqués, les valeurs républicaines pour lesquelles ceux que
nous honorons ont sacrifié leur vie. L’émotion doit alors conduire à la réflexion.
Cette réflexion, qui dépasse le caractère affectif de la mémoire, doit se nourrir d’une véritable connaissance historique. C’est pourquoi l’AFMD 51 organise les conférences des « Mercredis de la Déportation ». Par les informations qu’apportent ainsi les spécialistes, elles visent à donner sens aux événements
qu’elles éclairent. De même nos « voyages de la mémoire » ne sont pas que de pieux pèlerinages, mais des
occasions de comprendre, comme lors de notre récente visite des camps du Loiret.
« N’oublions jamais » proclame l’Amicale de Neuengamme. Ce serment que firent les Déportés s’impose aussi à nous. Encore cette année, qui marquera le soixante-dixième anniversaire de la libération des
camps et de la capitulation de l’Allemagne nazie, nous devrons affirmer la spécificité de la mémoire de la Déportation, qui ne saurait être diluée dans une vague « journée du Souvenir », confondant les morts de toutes
les guerres.
Mémoire et Histoire ne s’opposent pas : elles dialoguent pour renforcer notre vigilance.
Hélène LEBREC
Présidente de l’AFMD 51
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Transmission
La mémoire de la Déportation au collège
François Legros de Reims
C’est en 2003 que le collège François Legros a pris contact avec l’AFMD 51 pour obtenir de
celle-ci que d’anciens déportés viennent témoigner
auprès d’élèves de Troisième. Ce désir d’établir un
partenariat obéissait à plusieurs critères : offrir aux
élèves, en complément des cours dispensés, une
manière d’histoire tangible, et les sensibiliser à de
manifestes enjeux citoyens et politiques que l’année précédente avait réactivés de façon aigüe.
Le témoignage d’Andrée Paté
La venue de Jeanne-Andrée Paté, déportée
politique, constitua pour les enseignants et les
élèves un véritable moment de grâce. Secondée
par Jean Constant, qui avait précisément débuté sa
carrière au collège et qui connaissait bien le type de
population fréquentant notre établissement, elle sut
captiver son jeune auditoire trois heures durant. A
l’issue de son témoignage, des questions lui furent
posées, servies par une attention exceptionnelle,
qui n’hésitaient pas à aborder tous les aspects de la
déportation, y compris les plus intimes. Ainsi, les
lieux fréquentés par nos élèves prirent désormais
pour eux une tout autre dimension : tel endroit du
quartier Maison Blanche, où Madame Paté avait
tenu meeting ou courageusement transporté une
machine à écrire pendant l’occupation, telle rue,
située aux alentours du collège, dont le patronyme
prit corps sous les traits d’Armande Gandon, sa
sœur suppliciée en Allemagne. Au cours de cette
séance, réservée à une seule classe, d’autres
élèves se pressaient contre la porte pour « écouter
et voir ». Enfin, au moment de se quitter, une élève
se leva et lui demanda la permission de l’embrasser.
Une action dans le temps
Dans les mois qui suivirent, d’autres
séances furent organisées, grâce notamment à Philippe Labiausse, le principal de l’époque, en direction cette fois-ci des personnels du collège : ceux-ci
purent ainsi écouter les témoignages d’Yvonne
Châtelain (résistante du Mouvement des Auberges
de Jeunesse, camarade de déportation de JeanneAndrée), et de Raymond Gourlin, membre de la résistance armée.
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Francine Christophe témoigne
Madame Paté vint à de multiples reprises au
collège. Un jour, elle fut accompagnée de Paulette
Gellé, à la discrétion et à la sensibilité si attachantes, mais qui avait toujours refusé de prendre
la parole et resta dans le fond de la salle parmi les
élèves : peut-être fut-ce à l’occasion d’une de ces
séances que Paulette fut convaincue et accepta
finalement de témoigner en prenant quelques
temps la suite de Jeanne-Andrée.
Dans le projet d’établissement
Au fil des ans, ce travail pédagogique désormais intitulé « Du témoignage à la mémoire »
s’étoffa et vit son inscription dans le projet d’établissement : des lectures de textes poétiques (pour lesquelles des élèves acceptèrent spontanément de
libérer une soirée de leurs congés scolaires),
d’abord rue Jeanne D’Arc puis au monument des
martyrs de la Résistance et de la Déportation sur
les Promenades, la visite du Camp du Struthof et la
participation au concours de la Résistance ont fait
de lui un pivot majeur de l’identité de notre collège.
Année après année, ce sont d’anciens élèves, à la
faveur d’une visite à leurs professeurs, qui viennent
nous dire combien ce moment a été important dans
leur vie de collégien.
Francine Christophe
Les témoignages sont maintenant assurés
par Francine Christophe, qui, depuis trois ans, dispense à l’ensemble de nos élèves de Troisième cette
leçon de courage et d’humanité dont ils ont tant be-
soin. Madame Paté est centenaire. Yvonne Châtelain et Paulette Gellé ne sont plus. Une réflexion
est ouverte sur la façon dont cette mémoire, régulièrement mise à mal, doit être transmise aux
jeunes générations : elle est au centre des enjeux
actuels qui fondent notre société.
Sébastien HAMEURY,
professeur de français au Collège F. Legros
Mon voyage de mémoire au Struthof
« Nous sommes partis de très bonne heure le matin. Après un long voyage nous sommes finalement arrivés sur le site du Struthof. Lors de la visite du camp nous avons bénéficié des explications d'une guide. Ensuite nous avons mangé à
l'auberge située un peu plus bas, juste en face de
la chambre à gaz que nous avons visitée juste
après. Puis, nous sommes allés déposer une
gerbe de fleurs à la nécropole, au pied de la
grande statue de pierre. C'était très émouvant.
Ensuite, on est allé au musée du Struthof qui est
dans une ancienne baraque. Il retrace l'histoire
des camps. Nous avons terminé notre journée par
un tour au Centre Européen du Résistant Déporté.
Cette journée a été riche en émotions. Savoir ce
que tant de personnes ont dû subir et voir dans
quelles conditions laisse une trace dans les mémoires et les esprits. »
Lucie Pouillon, lauréate du C.N.R.D. 2014, élève
du collège François Legros
Ce voyage au Struthof est offert aux lauréats par
l’ONAC-VG
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Lucie Pouillon accompagnée de son professeur Mme
Mangeard lors de la remise des prix du C.N.R.D. en
préfecture à Châlons en Champagne
Mémoire
Exécutés le 29 août 1944 au Bois de la Rosière
Chaque année, fin août, a lieu à Tournes dans les Ardennes une émouvante cérémonie en mémoire des
treize personnes qui y ont été exécutées par des soldats allemands le 29 août 1944.
Cette exécution fait partie des exactions commises en plusieurs lieux des Ardennes par les Allemands battant en retraite devant l’avance des troupes américaines. Elle a, semble-t-il, été perpétrée par une unité de la
Gestapo d’Orléans, après le sabotage par la résistance ardennaise d’autocars rassemblés pour déporter les
détenus de la prison Carnot de Charleville. Ne pouvant les transporter en Allemagne, les Allemands ont ouvert les portes de la prison, après avoir sélectionné treize détenus, onze
hommes et deux femmes. Ces derniers ont été emmenés en camion à la
sortie de Charleville et immédiatement abattus à l’orée du Bois de la Rosière, situé sur le territoire de la commune de Tournes.
Le monument érigé en 1947 sur les lieux de l’exécution porte le nom
des treize victimes.
Les victimes
Pour un seul d’entre eux, Charles Saint-Michel, domicilié à Tournes,
les raisons de son incarcération à la prison Carnot de Charleville sont inconnues.
Quant à Georges Bailleul, Arthur Decruyenaere, Georges Dupont,
Louis Manon, Roger Mathieu et Guy Roy, ils avaient été arrêtés en différents lieux des Ardennes au cours du printemps 1944 pour des actes de
résistance (hébergement de réfractaires ou d’aviateurs alliés, maquis,
sabotages). Guy Roy, jeune étudiant en médecine, agent de liaison dans
le secteur de Signy-l’Abbaye, grièvement blessé et laissé agonisant sur le
terrain, a été pris en charge par des habitants de Tournes qui étaient arrivés sur les lieux après avoir entendu la fusillade. Guy Roy put leur dire
avant de mourir : « Nous étions treize. Ils nous ont fait descendre deux
par deux en nous disant " Vous êtes libres ".
Comme j’étais sportif, j’ai couru et j’ai tenté de me
coucher avant que la rafale ne m’atteigne » 1.
Lily Bauer (indiquée sur le monument comme Lily
Pal) et Robert Pal, étaient des juifs hongrois venus
de Paris où Robert était pharmacien. Astreints au
travail dans les fermes de la WOL colonisées par les
Allemands, ils avaient échappé à la rafle du 4 janvier 1944, mais ils avaient été arrêtés près de Rethel en juillet 1944.
Henri Moreau, responsable du BOA, le Bureau
des opérations aériennes de la France libre, dans la
Marne puis dans les Ardennes, avait été arrêté le 18
janvier 1944 en gare de Châlons-sur-Marne et transféré à la prison de Charleville.
Trois Rémois
Enfin, figuraient parmi les victimes trois résistants
rémois, Marie Ognois, Paul Schleiss et André
Schneiter, arrêtés à Reims le 8 juillet 1944.
L’arrestation de ces derniers, au domicile de la
famille Ognois 43, rue Ruinart de Brimont, était inBulletin n° 17
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tervenue après le démantèlement, le 18 juin 1944,
du maquis franco-belge du Banel, dirigé par Adelin
Husson, suite à l'infiltration au sein de la Résistance
sedanaise de l'agent de l'Abwehr, Roemen. Lors de
l'opération menée par les Allemands contre ce maquis, Adelin Husson avait été tué et son agent de
liaison, Roland Fontaine, alias « Victor Delcourt »,
avait été capturé.
L'abbé Fontaine, curé de Savigny-sur-Ardres
dans la Marne, membre de Libération-Nord, avait
organisé pour le réseau d'évasion Possum l'hébergement de plusieurs aviateurs de la RAF dans les
villages proches de Savigny. Recherché par la Gestapo dans la Marne après le démantèlement du réseau Possum fin décembre 1943, il s'était réfugié
en Belgique et était entré au maquis du Banel en
janvier 1944. Incarcéré après sa capture à la prison
de Florenville en Belgique, puis dans les Ardennes
à Sedan et à Charleville, l’abbé Fontaine, interrogé
et torturé par Roemen, avait probablement lâché les
noms de ses connaissances dans la Marne, notamment celui de Maurice Ognois, membre de Libéra-
tion-Nord à Reims qui lui avait fourni une fausse
carte d’identité.
Le 3 juillet 1944, Roemen s'était rendu à Reims
chez Maurice Ognois, à qui il s'était présenté sous le
nom de Charles, agent de l'Intelligence Service, ami
de l'abbé Fontaine. Ce dernier, disait-il, l’avait chargé de prendre contact avec la résistance marnaise
pour lui proposer de récupérer une partie du stock
d'armes et d'explosifs du maquis du Banel qui avait
échappé aux recherches des Allemands. Maurice
Ognois lui avait répondu que, non habilité à traiter
d'affaires militaires, il devait en référer à ses chefs,
et il avait proposé à Roemen un autre rendez-vous à
son domicile.
Cette seconde rencontre avec Roemen a eu lieu
le samedi 8 juillet 1944, en présence de Paul
Schleiss, responsable militaire de Libération-Nord et
d’André Schneiter, chef des FFI de l’arrondissement
de Reims. Roemen qui prétendait être un résistant
condamné à mort par la Gestapo, leur a présenté
des papiers qui l'accréditaient auprès d'eux. Au mi-
lieu de la discussion qui porta d’emblée sur la récupération des armes et des explosifs du maquis du
Banel, la sonnette retentit à la porte. Maurice
Ognois qui était allé ouvrir se trouva en face de
quatre agents de la Gestapo, tandis que Roemen 2
mettait en joue les deux résistants rémois restés
dans la pièce. André Schneiter, Paul Schleiss, Maurice Ognois et son épouse Marie, ont été arrêtés,
ainsi que leur fille Denise, âgée de 17 ans, et leur
nièce, Jacqueline Thirion. D’abord interrogés au
siège de la Gestapo de Reims, rue Jeanne d’Arc, ils
ont tous été transférés à la prison de Charleville où
était détenu l'abbé Fontaine.
Pour Marie Ognois, Paul Schleiss et André
Schneiter, cette incarcération s’est terminée tragiquement au Bois de la Rosière, alors qu’à Reims la
population s’apprêtait à accueillir les troupes américaines qui ont libéré la ville au matin du 30 août
1944.
Jocelyne et Jean-Pierre Husson
1
in Philippe Lecler, Le Temps des partisans, Éditions Dominique Guéniot, Langres, 2009.
Charles-Antoine Roemen replié à la fin de la guerre en Allemagne, s'est présenté aux Alliés comme un
ex-agent des services de renseignements français et belges. Entré au service des Américains en Italie, il a
fini par être démasqué. Remis en juillet 1945 aux autorités françaises à Nice, il a été traduit devant le Tribunal militaire de Marseille, puis devant la Cour de Justice du Loiret à Orléans. Condamné à mort le 7 décembre 1946, il été fusillé à Marseille en 1948.
Sources :
Jocelyne et Jean-Pierre Husson,
- " Les trois Rémois exécutés à Tournes le 29 août 1944 ", dossier en ligne sur le site Histoire et mémoire
des deux guerres mondiales
http://www.cndp.fr/crdp-reims/memoire/enseigner/memoire_resistance/resistance/remois_tournes.htm
- La Résistance dans la Marne, dévédérom, AERI-Fondation de la Résistance et CRDP de l’Académie de
Reims, 2013.
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Marie Ognois
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Paul Schleiss
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André Schneiter
Mémoire
Les Déportés Républicains espagnols à Aÿ
¡ Mañana España
será republicana !
Ce cri, repris par les descendants et amis des Républicains espagnols, nombreux dans
l’assistance qui remplissait la salle
des fêtes d’Aÿ, a terminé l’aprèsmidi d’hommage à ces Déportés
espagnols qui, à leur retour du
camp de Mauthausen, furent accueillis dans cette commune du
vignoble. À l’initiative de notre ami
Patrick Sanchez, fils d’un de ces
rescapés qui se fixèrent à Aÿ, une
belle exposition et des exposés
très intéressants, ont retracé la vie
de ces hommes, obligés de fuir
leur pays après l’asservissement
de l’Espagne par Franco ; l’émotion était grande à entendre évoquer leur combat pour cette République espagnole, leur engagement dans l’armée française pour
Nos amis Juan Romero et Yvette Lundy
poursuivre la lutte contre le fascisme, leur déportation et leur retour en
France, alors que leur pays demeurait sous la dictature.
À cet hommage était associée Yvette Lundy, que sa vie de
Résistante et de Déportée rapproche, par leurs communes souffrances et leur commun amour de la liberté, de l’Espagnol Juan Romero.
Et pourquoi Aÿ ? parce qu’il s’y est trouvé un Déporté, Henri
Giraud, qui à son retour de Buchenwald, a accueilli ces hommes
privés de tout. Son fils Claude, notre vice-président, avait généreusement contribué à cet hommage, montrant ainsi qu’au fil des générations la mémoire se transmet par ces cérémonies.
Juan Romero : un Républicain espagnol déporté à Mauthausen *
21 avril 1919 : naissance dans
une famille d’éleveurs de chevaux d’Andalousie.
25 juillet 1936 : après le coup
d’état de Franco, il s’engage
dans l’Armée Républicaine Espagnole.
Février 1939 : après la défaite, il
part en exode, et rejoint le camp
de Vernet d’Ariège. « Crevant de
faim », il s’engage en avril dans la Légion Étrangère
française et part pour l’Algérie.
Envoyé sur la Ligne Maginot, il est fait prisonnier le
23 juin 1940 et envoyé dans un stalag en Allemagne.
5 août 1941 : reconnu républicain espagnol, il est
déporté à Mauthausen ; matricule 3799, il a la
chance d’être toujours resté à l’intérieur du camp,
affecté au groupe chargé de récupérer les vêtements
des déportés, « Sinon je n’en serais pas sorti ! ».
5 mai 1945 : libération du camp par les Américains.
16 juin 1945 : retour en France. Avec quarante EspaBulletin n° 17
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gnols, arrivée au centre d’accueil d’Aÿ. Après le
passage obligé à l’hôtel Lutétia, Marseille pour toucher sa solde de cinq ans. Il refuse de poursuivre
son contrat avec la Légion Étrangère. « Huit ans de
conflit, ça suffit ! ».
L’Espagne étant toujours sous la botte de
Franco, Juan Romero, contraint à l’exil, accepte de
travailler à Aÿ pour une maison de champagne.
Auparavant, Juan a fait la connaissance de
sa future femme. La vie continue. Ils auront plusieurs enfants. Il est naturalisé Français en 1953 et
ne retournera en Espagne qu’à la mort du dictateur.
À la frontière, un policier français, contrôlant son
passeport, lui fit cette remarque : « Romero, c’est
français comme je suis peintre ! ».
Il a mis des années avant de pouvoir parler
de sa déportation. « Maintenant, mon histoire peutêtre rapportée aux jeunes. Il ne faut pas que cela
recommence ».
* Voir aussi nos bulletins n° 7 et 8 de 2011 et les
conférences de Mme Huguette BALNY à Aÿ et
Reims en avril 2007.
Mémoire
Émouvante cérémonie à Clermont-en-Argonne
Le dimanche 27 juillet 2014, à l’église et sur la place de la mairie, se sont rassemblées personnalités et
population de Clermont-en-Argonne en souvenir de la rafle de plus de 100 Clermontois.
Les évènements (1)
Le 29 juillet 1944, un attentat est commis par des maquisards contre quelques voitures de la Gestapo
qui traversent le village. A l’aube du 30 juillet, le bourg de Clermont est cerné par les soldats allemands et 112
hommes sont arrêtés puis conduits au camp d’Ecrouves près de Toul et dans la prison Charles III à Nancy. Le
19 août, 100 raflés sont emmenés au camp de Struthof-Natzwiller. Début septembre, devant l’avance des armées alliées, le camp du Struthof est évacué et les détenus transférés de l’autre côté du Rhin dans des
camps annexes. Les déportés clermontois connaissent alors le sort des concentrationnaires : la faim, le froid,
le travail exténuant, les mauvais traitements des SS et des kapos.
Dans les jours précédant la capitulation de l’Allemagne nazie, seuls 28 survivants sortent des camps.
Une nouvelle épreuve les attend à leur retour : comment vont-ils se remettre à vivre, eux, innocentes victimes,
rescapés, ayant connu les pires atrocités ?
Souvenir et sens des commémorations
Voilà 70 ans que
chaque année une cérémonie rappelle le souvenir de
l’épouvantable tragédie du
30 juillet 1944, et cette célébration se poursuivra même
si le dernier déporté clermontois est décédé en août
2013. Car au-delà de la compassion et de l’émotion que
nous éprouvons à l’égard
des déportés martyrs et
de leurs familles, il nous
faut faire partager du
sens face à cette tragédie. Si s’émousse notre
vigilance, nous nous
condamnons à revivre
les atrocités du XXème
siècle qui d’ailleurs ne
disparaissent pas en ce
XXIème siècle…
D’admirables et vibrants discours ont été prononcés le matin du 27 juillet 2014. Dans le respect de la
sensibilité de chacun, le docteur A. Misler (2) nous demandait de « témoigner ensemble des crimes de masse
de l’Histoire du XXème siècle avec ses camps devenus des fabriques de souffrances et de mort trop souvent
programmées ». Et il nous incitait à la réflexion en posant des questions fondamentales : « Comment des
hommes ont-ils pu déporter d’autres hommes jusqu’à les exterminer, comment l’humanité en est-elle arrivée
là ? » Il ajoutait : « la reproduction de tels actes est-elle possible ? » La réponse à ces questions l’amenait à
déclarer : «Nous avons un devoir, celui de ne pas céder à la passivité donc celui de réagir ! (…) Des cérémonies comme celle que nous vivons ce matin sont essentielles et se doivent de perdurer afin de témoigner car
l’indifférence ou l’oubli serait la pire des choses, conduisant à une amnésie totale, annihilant tout jugement
raisonnable ».
Apporter une suite
Il est dans nos projets que l’auteur des Déportés d’Argonne vienne nous présenter cette tragédie, lors
d’une conférence et que notre voyage de mémoire 2015 se fasse sous forme de circuit mémoriel ; il nous conduirait à un autre village martyr de la Meuse, Robert-Espagne, puis à l’ancien camp d’internement d’Ecrouves
à proximité de Toul et bien sûr à Clermont-en-Argonne.
Nous comptons sur vous car, je cite encore le docteur A. Misler, « s’il est salutaire de se souvenir et
de pleurer les siens, il est aussi nécessaire de s’interroger et de chercher ensemble des réponses et d’œuvrer
pour éviter à jamais le retour de tels actes de barbarie ».
J. Guillemin
(1) voir le livre de Pierre Lefèvre Les déportés d’Argonne
(2) Docteur A. Misler, président de l’U.D. des C.V.R. déportés et familles de fusillés et de disparus de la
Meuse.
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Mémoire
Le 2 juillet à Saint-Brice-Courcelles
Une foule nombreuse assistait à la cérémonie qui commémorait le passage du « train de la mort » en juillet 1944.
M. Alain Lescouet, maire de la commune, rappela les gestes
de solidarité que les habitants tentèrent de manifester aux déportés suffocant dans les wagons écrasés par la chaleur.
M. Hervé Chabaud retraça l’histoire de ce convoi 7909
où, à l’arrivée à Dachau, on compta 536 morts. Enfin M. Dartout, préfet de région, préfet de la Marne, rendit hommage à
Stéphane Fuchs qui permit à son père, déporté dans ce convoi, de survivre, et exalta les valeurs de solidarité et de tolérance qui garantissent la paix.
L’harmonie municipale contribua à la solennité de cet
hommage qui se termina par la remise de la médaille de la
ville à Jean Constant, Président d’honneur de l’AFMD 51.
« Oui, aujourd’hui, nous avons le devoir de rester vigilants face à notre époque où de nombreuses occasions, maladroitement expliquées, risquent de devenir les prétextes confortables pour régénérer les viles idéologies qui ont failli perdre
l’humanité. Nous devons nous souvenir comment Hitler a pu
prendre appui sur des élections légales pour instaurer progressivement un régime de terreur. Nous devons rappeler que c’est
sur les difficultés économiques et sociales du peuple allemand,
qu’il a pu faire prospérer son sinistre dessein. Nous devons
continuer à être des acteurs et des bâtisseurs d’une paix, en
construction permanente, pour que jamais les esprits ne s’habituent aux horreurs des intolérances.»
Alain LESCOUET, maire de Saint-Brice-Courcelles
Jean Constant honoré
A noter dans vos agendas :
9 novembre : commémoration de la Nuit de cristal
26 novembre : conférence de Jocelyne et Jean-Pierre Husson : « Les Marnaises déportées à Ravensbrück »
24 janvier : assemblée générale de l’AFMD 51
Et Le Convoi
Samedi 8 novembre : Médiathèque VOYELLES Charleville-Mézières. 20 h 30
Dimanche 23 novembre : Théâtre de Saint-Dizier 15 h
Dimanche 7 décembre : Centre de loisirs de Saint-Memmie. 15 h 30.
Crédits photographiques : J.-B. Buysse, J.-F. Genesseau,
archives J. et J.-P. Husson
Directrice de la publication : Hélène Lebrec, Présidente
de l’AFMD 51
9, avenue Bonaparte
51430 TINQUEUX
Tél : 03 26 61 52 16
[email protected]
http://www.afmd.asso.fr
ISSN : 2274-6013
Bulletin n° 17
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Sommaire
p. 1 :
Éditorial
p. 2-3 : Devoir de mémoire dans un collège
p. 4-5 : Massacre à Tournes
p. 6 :
Hommage à Aÿ
p. 7 :
A Clermont en Argonne
p. 8 :
La cérémonie de Saint-Brice