Mémoires pour demain Association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation Délégation de la Marne Bulletin n° 17 octobre 2014 Commémorer Ces derniers mois furent l’occasion, pour l’AFMD 51, de participer à de nombreuses commémorations ; ce bulletin s’en fait l’écho : passage du « train de la mort » à Saint-Brice-Courcelles, déportés de Clermont-en-Argonne, Libération de la Marne, déportés Républicains espagnols accueillis à Aÿ. N’est-ce pas inscrit dans le nom même de notre association : « Mémoire de la Déportation » ? Mais quel sens donner à ces commémorations ? S’agit-il seulement de se souvenir ? Quand elles prennent un caractère officiel, ces cérémonies suivent un « rituel républicain » : présence des drapeaux tricolores, du représentant de l’État, dépôt de gerbes, minute de silence, exécution du Chant des marais, du Chant des Partisans et de La Marseillaise. Tout vise à créer une émotion qui, par-delà les années passées, entre en sympathie avec les victimes dont on honore la mémoire. Mais ce rituel a aussi un sens : il manifeste, par tous les symboles convoqués, les valeurs républicaines pour lesquelles ceux que nous honorons ont sacrifié leur vie. L’émotion doit alors conduire à la réflexion. Cette réflexion, qui dépasse le caractère affectif de la mémoire, doit se nourrir d’une véritable connaissance historique. C’est pourquoi l’AFMD 51 organise les conférences des « Mercredis de la Déportation ». Par les informations qu’apportent ainsi les spécialistes, elles visent à donner sens aux événements qu’elles éclairent. De même nos « voyages de la mémoire » ne sont pas que de pieux pèlerinages, mais des occasions de comprendre, comme lors de notre récente visite des camps du Loiret. « N’oublions jamais » proclame l’Amicale de Neuengamme. Ce serment que firent les Déportés s’impose aussi à nous. Encore cette année, qui marquera le soixante-dixième anniversaire de la libération des camps et de la capitulation de l’Allemagne nazie, nous devrons affirmer la spécificité de la mémoire de la Déportation, qui ne saurait être diluée dans une vague « journée du Souvenir », confondant les morts de toutes les guerres. Mémoire et Histoire ne s’opposent pas : elles dialoguent pour renforcer notre vigilance. Hélène LEBREC Présidente de l’AFMD 51 Bulletin n° 17 1 Transmission La mémoire de la Déportation au collège François Legros de Reims C’est en 2003 que le collège François Legros a pris contact avec l’AFMD 51 pour obtenir de celle-ci que d’anciens déportés viennent témoigner auprès d’élèves de Troisième. Ce désir d’établir un partenariat obéissait à plusieurs critères : offrir aux élèves, en complément des cours dispensés, une manière d’histoire tangible, et les sensibiliser à de manifestes enjeux citoyens et politiques que l’année précédente avait réactivés de façon aigüe. Le témoignage d’Andrée Paté La venue de Jeanne-Andrée Paté, déportée politique, constitua pour les enseignants et les élèves un véritable moment de grâce. Secondée par Jean Constant, qui avait précisément débuté sa carrière au collège et qui connaissait bien le type de population fréquentant notre établissement, elle sut captiver son jeune auditoire trois heures durant. A l’issue de son témoignage, des questions lui furent posées, servies par une attention exceptionnelle, qui n’hésitaient pas à aborder tous les aspects de la déportation, y compris les plus intimes. Ainsi, les lieux fréquentés par nos élèves prirent désormais pour eux une tout autre dimension : tel endroit du quartier Maison Blanche, où Madame Paté avait tenu meeting ou courageusement transporté une machine à écrire pendant l’occupation, telle rue, située aux alentours du collège, dont le patronyme prit corps sous les traits d’Armande Gandon, sa sœur suppliciée en Allemagne. Au cours de cette séance, réservée à une seule classe, d’autres élèves se pressaient contre la porte pour « écouter et voir ». Enfin, au moment de se quitter, une élève se leva et lui demanda la permission de l’embrasser. Une action dans le temps Dans les mois qui suivirent, d’autres séances furent organisées, grâce notamment à Philippe Labiausse, le principal de l’époque, en direction cette fois-ci des personnels du collège : ceux-ci purent ainsi écouter les témoignages d’Yvonne Châtelain (résistante du Mouvement des Auberges de Jeunesse, camarade de déportation de JeanneAndrée), et de Raymond Gourlin, membre de la résistance armée. Bulletin n° 17 2 Francine Christophe témoigne Madame Paté vint à de multiples reprises au collège. Un jour, elle fut accompagnée de Paulette Gellé, à la discrétion et à la sensibilité si attachantes, mais qui avait toujours refusé de prendre la parole et resta dans le fond de la salle parmi les élèves : peut-être fut-ce à l’occasion d’une de ces séances que Paulette fut convaincue et accepta finalement de témoigner en prenant quelques temps la suite de Jeanne-Andrée. Dans le projet d’établissement Au fil des ans, ce travail pédagogique désormais intitulé « Du témoignage à la mémoire » s’étoffa et vit son inscription dans le projet d’établissement : des lectures de textes poétiques (pour lesquelles des élèves acceptèrent spontanément de libérer une soirée de leurs congés scolaires), d’abord rue Jeanne D’Arc puis au monument des martyrs de la Résistance et de la Déportation sur les Promenades, la visite du Camp du Struthof et la participation au concours de la Résistance ont fait de lui un pivot majeur de l’identité de notre collège. Année après année, ce sont d’anciens élèves, à la faveur d’une visite à leurs professeurs, qui viennent nous dire combien ce moment a été important dans leur vie de collégien. Francine Christophe Les témoignages sont maintenant assurés par Francine Christophe, qui, depuis trois ans, dispense à l’ensemble de nos élèves de Troisième cette leçon de courage et d’humanité dont ils ont tant be- soin. Madame Paté est centenaire. Yvonne Châtelain et Paulette Gellé ne sont plus. Une réflexion est ouverte sur la façon dont cette mémoire, régulièrement mise à mal, doit être transmise aux jeunes générations : elle est au centre des enjeux actuels qui fondent notre société. Sébastien HAMEURY, professeur de français au Collège F. Legros Mon voyage de mémoire au Struthof « Nous sommes partis de très bonne heure le matin. Après un long voyage nous sommes finalement arrivés sur le site du Struthof. Lors de la visite du camp nous avons bénéficié des explications d'une guide. Ensuite nous avons mangé à l'auberge située un peu plus bas, juste en face de la chambre à gaz que nous avons visitée juste après. Puis, nous sommes allés déposer une gerbe de fleurs à la nécropole, au pied de la grande statue de pierre. C'était très émouvant. Ensuite, on est allé au musée du Struthof qui est dans une ancienne baraque. Il retrace l'histoire des camps. Nous avons terminé notre journée par un tour au Centre Européen du Résistant Déporté. Cette journée a été riche en émotions. Savoir ce que tant de personnes ont dû subir et voir dans quelles conditions laisse une trace dans les mémoires et les esprits. » Lucie Pouillon, lauréate du C.N.R.D. 2014, élève du collège François Legros Ce voyage au Struthof est offert aux lauréats par l’ONAC-VG Bulletin n° 17 3 Lucie Pouillon accompagnée de son professeur Mme Mangeard lors de la remise des prix du C.N.R.D. en préfecture à Châlons en Champagne Mémoire Exécutés le 29 août 1944 au Bois de la Rosière Chaque année, fin août, a lieu à Tournes dans les Ardennes une émouvante cérémonie en mémoire des treize personnes qui y ont été exécutées par des soldats allemands le 29 août 1944. Cette exécution fait partie des exactions commises en plusieurs lieux des Ardennes par les Allemands battant en retraite devant l’avance des troupes américaines. Elle a, semble-t-il, été perpétrée par une unité de la Gestapo d’Orléans, après le sabotage par la résistance ardennaise d’autocars rassemblés pour déporter les détenus de la prison Carnot de Charleville. Ne pouvant les transporter en Allemagne, les Allemands ont ouvert les portes de la prison, après avoir sélectionné treize détenus, onze hommes et deux femmes. Ces derniers ont été emmenés en camion à la sortie de Charleville et immédiatement abattus à l’orée du Bois de la Rosière, situé sur le territoire de la commune de Tournes. Le monument érigé en 1947 sur les lieux de l’exécution porte le nom des treize victimes. Les victimes Pour un seul d’entre eux, Charles Saint-Michel, domicilié à Tournes, les raisons de son incarcération à la prison Carnot de Charleville sont inconnues. Quant à Georges Bailleul, Arthur Decruyenaere, Georges Dupont, Louis Manon, Roger Mathieu et Guy Roy, ils avaient été arrêtés en différents lieux des Ardennes au cours du printemps 1944 pour des actes de résistance (hébergement de réfractaires ou d’aviateurs alliés, maquis, sabotages). Guy Roy, jeune étudiant en médecine, agent de liaison dans le secteur de Signy-l’Abbaye, grièvement blessé et laissé agonisant sur le terrain, a été pris en charge par des habitants de Tournes qui étaient arrivés sur les lieux après avoir entendu la fusillade. Guy Roy put leur dire avant de mourir : « Nous étions treize. Ils nous ont fait descendre deux par deux en nous disant " Vous êtes libres ". Comme j’étais sportif, j’ai couru et j’ai tenté de me coucher avant que la rafale ne m’atteigne » 1. Lily Bauer (indiquée sur le monument comme Lily Pal) et Robert Pal, étaient des juifs hongrois venus de Paris où Robert était pharmacien. Astreints au travail dans les fermes de la WOL colonisées par les Allemands, ils avaient échappé à la rafle du 4 janvier 1944, mais ils avaient été arrêtés près de Rethel en juillet 1944. Henri Moreau, responsable du BOA, le Bureau des opérations aériennes de la France libre, dans la Marne puis dans les Ardennes, avait été arrêté le 18 janvier 1944 en gare de Châlons-sur-Marne et transféré à la prison de Charleville. Trois Rémois Enfin, figuraient parmi les victimes trois résistants rémois, Marie Ognois, Paul Schleiss et André Schneiter, arrêtés à Reims le 8 juillet 1944. L’arrestation de ces derniers, au domicile de la famille Ognois 43, rue Ruinart de Brimont, était inBulletin n° 17 4 tervenue après le démantèlement, le 18 juin 1944, du maquis franco-belge du Banel, dirigé par Adelin Husson, suite à l'infiltration au sein de la Résistance sedanaise de l'agent de l'Abwehr, Roemen. Lors de l'opération menée par les Allemands contre ce maquis, Adelin Husson avait été tué et son agent de liaison, Roland Fontaine, alias « Victor Delcourt », avait été capturé. L'abbé Fontaine, curé de Savigny-sur-Ardres dans la Marne, membre de Libération-Nord, avait organisé pour le réseau d'évasion Possum l'hébergement de plusieurs aviateurs de la RAF dans les villages proches de Savigny. Recherché par la Gestapo dans la Marne après le démantèlement du réseau Possum fin décembre 1943, il s'était réfugié en Belgique et était entré au maquis du Banel en janvier 1944. Incarcéré après sa capture à la prison de Florenville en Belgique, puis dans les Ardennes à Sedan et à Charleville, l’abbé Fontaine, interrogé et torturé par Roemen, avait probablement lâché les noms de ses connaissances dans la Marne, notamment celui de Maurice Ognois, membre de Libéra- tion-Nord à Reims qui lui avait fourni une fausse carte d’identité. Le 3 juillet 1944, Roemen s'était rendu à Reims chez Maurice Ognois, à qui il s'était présenté sous le nom de Charles, agent de l'Intelligence Service, ami de l'abbé Fontaine. Ce dernier, disait-il, l’avait chargé de prendre contact avec la résistance marnaise pour lui proposer de récupérer une partie du stock d'armes et d'explosifs du maquis du Banel qui avait échappé aux recherches des Allemands. Maurice Ognois lui avait répondu que, non habilité à traiter d'affaires militaires, il devait en référer à ses chefs, et il avait proposé à Roemen un autre rendez-vous à son domicile. Cette seconde rencontre avec Roemen a eu lieu le samedi 8 juillet 1944, en présence de Paul Schleiss, responsable militaire de Libération-Nord et d’André Schneiter, chef des FFI de l’arrondissement de Reims. Roemen qui prétendait être un résistant condamné à mort par la Gestapo, leur a présenté des papiers qui l'accréditaient auprès d'eux. Au mi- lieu de la discussion qui porta d’emblée sur la récupération des armes et des explosifs du maquis du Banel, la sonnette retentit à la porte. Maurice Ognois qui était allé ouvrir se trouva en face de quatre agents de la Gestapo, tandis que Roemen 2 mettait en joue les deux résistants rémois restés dans la pièce. André Schneiter, Paul Schleiss, Maurice Ognois et son épouse Marie, ont été arrêtés, ainsi que leur fille Denise, âgée de 17 ans, et leur nièce, Jacqueline Thirion. D’abord interrogés au siège de la Gestapo de Reims, rue Jeanne d’Arc, ils ont tous été transférés à la prison de Charleville où était détenu l'abbé Fontaine. Pour Marie Ognois, Paul Schleiss et André Schneiter, cette incarcération s’est terminée tragiquement au Bois de la Rosière, alors qu’à Reims la population s’apprêtait à accueillir les troupes américaines qui ont libéré la ville au matin du 30 août 1944. Jocelyne et Jean-Pierre Husson 1 in Philippe Lecler, Le Temps des partisans, Éditions Dominique Guéniot, Langres, 2009. Charles-Antoine Roemen replié à la fin de la guerre en Allemagne, s'est présenté aux Alliés comme un ex-agent des services de renseignements français et belges. Entré au service des Américains en Italie, il a fini par être démasqué. Remis en juillet 1945 aux autorités françaises à Nice, il a été traduit devant le Tribunal militaire de Marseille, puis devant la Cour de Justice du Loiret à Orléans. Condamné à mort le 7 décembre 1946, il été fusillé à Marseille en 1948. Sources : Jocelyne et Jean-Pierre Husson, - " Les trois Rémois exécutés à Tournes le 29 août 1944 ", dossier en ligne sur le site Histoire et mémoire des deux guerres mondiales http://www.cndp.fr/crdp-reims/memoire/enseigner/memoire_resistance/resistance/remois_tournes.htm - La Résistance dans la Marne, dévédérom, AERI-Fondation de la Résistance et CRDP de l’Académie de Reims, 2013. 2 Marie Ognois Bulletin n° 17 Paul Schleiss 5 André Schneiter Mémoire Les Déportés Républicains espagnols à Aÿ ¡ Mañana España será republicana ! Ce cri, repris par les descendants et amis des Républicains espagnols, nombreux dans l’assistance qui remplissait la salle des fêtes d’Aÿ, a terminé l’aprèsmidi d’hommage à ces Déportés espagnols qui, à leur retour du camp de Mauthausen, furent accueillis dans cette commune du vignoble. À l’initiative de notre ami Patrick Sanchez, fils d’un de ces rescapés qui se fixèrent à Aÿ, une belle exposition et des exposés très intéressants, ont retracé la vie de ces hommes, obligés de fuir leur pays après l’asservissement de l’Espagne par Franco ; l’émotion était grande à entendre évoquer leur combat pour cette République espagnole, leur engagement dans l’armée française pour Nos amis Juan Romero et Yvette Lundy poursuivre la lutte contre le fascisme, leur déportation et leur retour en France, alors que leur pays demeurait sous la dictature. À cet hommage était associée Yvette Lundy, que sa vie de Résistante et de Déportée rapproche, par leurs communes souffrances et leur commun amour de la liberté, de l’Espagnol Juan Romero. Et pourquoi Aÿ ? parce qu’il s’y est trouvé un Déporté, Henri Giraud, qui à son retour de Buchenwald, a accueilli ces hommes privés de tout. Son fils Claude, notre vice-président, avait généreusement contribué à cet hommage, montrant ainsi qu’au fil des générations la mémoire se transmet par ces cérémonies. Juan Romero : un Républicain espagnol déporté à Mauthausen * 21 avril 1919 : naissance dans une famille d’éleveurs de chevaux d’Andalousie. 25 juillet 1936 : après le coup d’état de Franco, il s’engage dans l’Armée Républicaine Espagnole. Février 1939 : après la défaite, il part en exode, et rejoint le camp de Vernet d’Ariège. « Crevant de faim », il s’engage en avril dans la Légion Étrangère française et part pour l’Algérie. Envoyé sur la Ligne Maginot, il est fait prisonnier le 23 juin 1940 et envoyé dans un stalag en Allemagne. 5 août 1941 : reconnu républicain espagnol, il est déporté à Mauthausen ; matricule 3799, il a la chance d’être toujours resté à l’intérieur du camp, affecté au groupe chargé de récupérer les vêtements des déportés, « Sinon je n’en serais pas sorti ! ». 5 mai 1945 : libération du camp par les Américains. 16 juin 1945 : retour en France. Avec quarante EspaBulletin n° 17 6 gnols, arrivée au centre d’accueil d’Aÿ. Après le passage obligé à l’hôtel Lutétia, Marseille pour toucher sa solde de cinq ans. Il refuse de poursuivre son contrat avec la Légion Étrangère. « Huit ans de conflit, ça suffit ! ». L’Espagne étant toujours sous la botte de Franco, Juan Romero, contraint à l’exil, accepte de travailler à Aÿ pour une maison de champagne. Auparavant, Juan a fait la connaissance de sa future femme. La vie continue. Ils auront plusieurs enfants. Il est naturalisé Français en 1953 et ne retournera en Espagne qu’à la mort du dictateur. À la frontière, un policier français, contrôlant son passeport, lui fit cette remarque : « Romero, c’est français comme je suis peintre ! ». Il a mis des années avant de pouvoir parler de sa déportation. « Maintenant, mon histoire peutêtre rapportée aux jeunes. Il ne faut pas que cela recommence ». * Voir aussi nos bulletins n° 7 et 8 de 2011 et les conférences de Mme Huguette BALNY à Aÿ et Reims en avril 2007. Mémoire Émouvante cérémonie à Clermont-en-Argonne Le dimanche 27 juillet 2014, à l’église et sur la place de la mairie, se sont rassemblées personnalités et population de Clermont-en-Argonne en souvenir de la rafle de plus de 100 Clermontois. Les évènements (1) Le 29 juillet 1944, un attentat est commis par des maquisards contre quelques voitures de la Gestapo qui traversent le village. A l’aube du 30 juillet, le bourg de Clermont est cerné par les soldats allemands et 112 hommes sont arrêtés puis conduits au camp d’Ecrouves près de Toul et dans la prison Charles III à Nancy. Le 19 août, 100 raflés sont emmenés au camp de Struthof-Natzwiller. Début septembre, devant l’avance des armées alliées, le camp du Struthof est évacué et les détenus transférés de l’autre côté du Rhin dans des camps annexes. Les déportés clermontois connaissent alors le sort des concentrationnaires : la faim, le froid, le travail exténuant, les mauvais traitements des SS et des kapos. Dans les jours précédant la capitulation de l’Allemagne nazie, seuls 28 survivants sortent des camps. Une nouvelle épreuve les attend à leur retour : comment vont-ils se remettre à vivre, eux, innocentes victimes, rescapés, ayant connu les pires atrocités ? Souvenir et sens des commémorations Voilà 70 ans que chaque année une cérémonie rappelle le souvenir de l’épouvantable tragédie du 30 juillet 1944, et cette célébration se poursuivra même si le dernier déporté clermontois est décédé en août 2013. Car au-delà de la compassion et de l’émotion que nous éprouvons à l’égard des déportés martyrs et de leurs familles, il nous faut faire partager du sens face à cette tragédie. Si s’émousse notre vigilance, nous nous condamnons à revivre les atrocités du XXème siècle qui d’ailleurs ne disparaissent pas en ce XXIème siècle… D’admirables et vibrants discours ont été prononcés le matin du 27 juillet 2014. Dans le respect de la sensibilité de chacun, le docteur A. Misler (2) nous demandait de « témoigner ensemble des crimes de masse de l’Histoire du XXème siècle avec ses camps devenus des fabriques de souffrances et de mort trop souvent programmées ». Et il nous incitait à la réflexion en posant des questions fondamentales : « Comment des hommes ont-ils pu déporter d’autres hommes jusqu’à les exterminer, comment l’humanité en est-elle arrivée là ? » Il ajoutait : « la reproduction de tels actes est-elle possible ? » La réponse à ces questions l’amenait à déclarer : «Nous avons un devoir, celui de ne pas céder à la passivité donc celui de réagir ! (…) Des cérémonies comme celle que nous vivons ce matin sont essentielles et se doivent de perdurer afin de témoigner car l’indifférence ou l’oubli serait la pire des choses, conduisant à une amnésie totale, annihilant tout jugement raisonnable ». Apporter une suite Il est dans nos projets que l’auteur des Déportés d’Argonne vienne nous présenter cette tragédie, lors d’une conférence et que notre voyage de mémoire 2015 se fasse sous forme de circuit mémoriel ; il nous conduirait à un autre village martyr de la Meuse, Robert-Espagne, puis à l’ancien camp d’internement d’Ecrouves à proximité de Toul et bien sûr à Clermont-en-Argonne. Nous comptons sur vous car, je cite encore le docteur A. Misler, « s’il est salutaire de se souvenir et de pleurer les siens, il est aussi nécessaire de s’interroger et de chercher ensemble des réponses et d’œuvrer pour éviter à jamais le retour de tels actes de barbarie ». J. Guillemin (1) voir le livre de Pierre Lefèvre Les déportés d’Argonne (2) Docteur A. Misler, président de l’U.D. des C.V.R. déportés et familles de fusillés et de disparus de la Meuse. Bulletin n° 17 7 Mémoire Le 2 juillet à Saint-Brice-Courcelles Une foule nombreuse assistait à la cérémonie qui commémorait le passage du « train de la mort » en juillet 1944. M. Alain Lescouet, maire de la commune, rappela les gestes de solidarité que les habitants tentèrent de manifester aux déportés suffocant dans les wagons écrasés par la chaleur. M. Hervé Chabaud retraça l’histoire de ce convoi 7909 où, à l’arrivée à Dachau, on compta 536 morts. Enfin M. Dartout, préfet de région, préfet de la Marne, rendit hommage à Stéphane Fuchs qui permit à son père, déporté dans ce convoi, de survivre, et exalta les valeurs de solidarité et de tolérance qui garantissent la paix. L’harmonie municipale contribua à la solennité de cet hommage qui se termina par la remise de la médaille de la ville à Jean Constant, Président d’honneur de l’AFMD 51. « Oui, aujourd’hui, nous avons le devoir de rester vigilants face à notre époque où de nombreuses occasions, maladroitement expliquées, risquent de devenir les prétextes confortables pour régénérer les viles idéologies qui ont failli perdre l’humanité. Nous devons nous souvenir comment Hitler a pu prendre appui sur des élections légales pour instaurer progressivement un régime de terreur. Nous devons rappeler que c’est sur les difficultés économiques et sociales du peuple allemand, qu’il a pu faire prospérer son sinistre dessein. Nous devons continuer à être des acteurs et des bâtisseurs d’une paix, en construction permanente, pour que jamais les esprits ne s’habituent aux horreurs des intolérances.» Alain LESCOUET, maire de Saint-Brice-Courcelles Jean Constant honoré A noter dans vos agendas : 9 novembre : commémoration de la Nuit de cristal 26 novembre : conférence de Jocelyne et Jean-Pierre Husson : « Les Marnaises déportées à Ravensbrück » 24 janvier : assemblée générale de l’AFMD 51 Et Le Convoi Samedi 8 novembre : Médiathèque VOYELLES Charleville-Mézières. 20 h 30 Dimanche 23 novembre : Théâtre de Saint-Dizier 15 h Dimanche 7 décembre : Centre de loisirs de Saint-Memmie. 15 h 30. Crédits photographiques : J.-B. Buysse, J.-F. Genesseau, archives J. et J.-P. Husson Directrice de la publication : Hélène Lebrec, Présidente de l’AFMD 51 9, avenue Bonaparte 51430 TINQUEUX Tél : 03 26 61 52 16 [email protected] http://www.afmd.asso.fr ISSN : 2274-6013 Bulletin n° 17 8 Sommaire p. 1 : Éditorial p. 2-3 : Devoir de mémoire dans un collège p. 4-5 : Massacre à Tournes p. 6 : Hommage à Aÿ p. 7 : A Clermont en Argonne p. 8 : La cérémonie de Saint-Brice
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