NOTES BRÈVES

NOTES BRÈVES
LA D I SPERSION D E SOLANUM VERBASCIFOLIUM
EN C O TE-D 'IVOIRE : ROLE DES CEPHALOPHES
D .Y. ALEXANDRE
Centre ORS TOM d'A diopodo umé, B.P. V 51, A bidjan, Côt e-d'Ivoir e
Les espèces végétales (ou animales) récemment intro duites
dans un nouveau territoire qui leur convient, deviennent souvent
envahissantes et p euvent p arfois devenir de véritables fléaux. Tel
est le cas, en Côte-d'Ivoire, de deux espèces, So lanum verba s cifo­
lium e t Eupatorium odoratum.
Eupatorium odoratum, o u « Herbe indépendance » , e s t une
Composée anémochore . Introduite sur la côte, aux environs
d'Abidj an, elle a p rogressé en suivant les vents dominants, avec
des foyers second aire s d'infestation liés au transport par les
engins . . . (de La B arre, 1 977) .
S o lan um verbascifolium, ou « Sékou-touré » , est une Solanée
arbustive à port c ar actéristique, d'origine américaine. Son fruit
est une petite b aie de 1 ,5 cm de diamètre, j aunâtre e t molle à
m a turité e t renferm ant de nombreuses petites graines finement
ornementées, de 1 à 1 ,25 m m de di amètre.
Cette espèce aurait été introduite en 1 958 dans la région de
D anané, venant d u Libéria (Portères, 1 959) . Longtemps cantonnée
à l'oues t d u Sassandra, elle a franchi cette b arrière naturelle,
d'apt·ès les cultiva teurs de l a région de Duékoué, à l a suite de la
construction du pont sur le fleuve remplaçant l' ancien bac. En
1 977, lors de nos observations, elle formait déj à des p euplements
pratiquement p urs sur la nouvelle route de Guessabo vers Issia
(au Sud) , et était souvent une dominante des friches le long de la
route Toulepku-Duékoué (\V.-E.) et Toulepleu-D anané (S.-N .) .
Elle était également présente mais rare entre Guiglo et Taï, dans
la région d'Oumé e t d e Divo e t d ans le Parc National de la Mara­
houé. Elle était donc, à l'époque, essentiellement répandue dans
l a zone mésophile de la Côte-d'Ivoire.
C e tte Solanée est non seulement envahissante mais aussi fort
toxique : elle provoque des inflamma tions de la peau p ar simple
contact e t rend impropres à l a consommation les aliments cuits
avec son b o is, d'où l'un de ses noms « tue-mossi » . D e plus elle
Rev. Ecol. ( Terre Vie ) , vol. 36, 1 98 2
exerce un très grand pouvoir compétitif à l'encontre des cultur es,
princip alement celle du caféier.
Il nous a semblé in téressant de connaître l'agent de disp ersion
de cette plante économiquement nuisible mais écologiquement
intéressante puisque contraitement à d' autres espèces pionnières
(p ar exemple Trema guin eensis, Alexandre, 1 978) , elle envahit les
zones o uvertes sans y avoir été p résente à un stade antérieur,
l'espèce étant nouvelle dans l e pays.
Les cultivateurs de l a région de D uékoué que nous avons
interrogés signalent tous que les céphalophes, p articulièrement la
« bi che blanche » (Cephaloph us montico la = Philantom ba max­
wellii) , son t fri ands de ses fruits. L'un d'eux nous a également
p arlé de l'éléphant, aucun des oiseaux.
L'importance des fruits dans l e régime aliment aire des cépha­
lophes est bien connue (Aeschlimann, 1 963) , par contre la finesse
de la mastication chez ces ruminants semblait devoir en faire de
mauvais agents de dissémination.
Nous avons donc examiné u ne douzaine de laissées provenant,
par leur aspects, d'un minimum de trois espèces diff érentes de
céphalophes. D eux seulement nous o nt p ermis de retrouver des
graines app a remment intactes d e sep t espèces. Un échantillon p ar­
ticulièrement riche, provenant vraisemblablement de C . niger,
contenai t 62 graines de S . verbascifo lium, 59 de jlfusanga cecro­
pioides, le parasolier, et 1 graine de deux au tres espèces qui n'o n t
p as germé et restent indéterminées. A c ô t é d e s graines mtactes,
on trouve aussi de nombreu x fragments.
I l est ainsi démontré que certaines espèces de céphalophes
forestiers peuvent avoir un rôle dans la dispersion des grames,
mais ils n e sont sûrement pas les seuls en cause. D ' autres mammi­
fères peuvent être suspectés. En premier lie u l'éléphant s'il faut
en croire les observations récente s de Sutterfield (1 979) . En second
lieu les chauves-souris. Nous n e possédons aucune observ a tion
directe quant à leur rôle m ais l a taille d u fruit, s a coule ur j au­
nâtre, le grand nombre de graines qu'il contient, la position même
des fruits, sont tous des caractères que l'on retrouve chez d'autres
plantes cheirochores typiques, comme par exemple plusie urs
espèces de Ficus dont F. exasperata. Comme ces m ammifères ont
un très vaste domaine e t fréquentent aussi bien les végétations
secondarisées que climaciques, cela expliquerait fort bien la pré ­
sence de graines de « sékou-touré » en forêt dense e t p ar consé­
quent l'envahissement des recrùs s ur p remières j achères p ar cette
plante.
Enfin la distribution des grands p e uplements p urs de ce tte
Solanée montre que le princip al agent de disp ersion est évidem­
ment l'homme lui-même et ses gros engins de terrassement.
Les céphalophes j ouent donc u n rôl e certain, bien que sùre­
ment très restreint, dans la dissémination de cette plante écono- 294 -
miquement indésirable qu'est S. verbascifolium. Mais ils sont éga­
lement susceptibles de disperser de nombreuses autres petites
graines et, s'il est vrai que la dissémin ation des di aspores est une
phas e essentielle de la régénération des espèces tropicales, ils sont
également d'utiles agents du maintien de l'équilibre floristique
de leur milieu.
SUMMARY
Fo rest duikers can b e held responsible for the dispersal of
S olanum verbascifolium in Western Ivory Coa st. Seeds of this
species were found in the droppings of Cephaloplws n iger and
subsequently germinated .
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