MASTER BIOLOGIE SANTÉ (M2 - DEA) SPÉCIALITÉ CANCÉROLOGIE École Normale Supérieure de Cachan / Université Paris-Sud 11 Année 2013-2014 PARCOURS : RADIOBIOLOGIE ANOMALIES DU MÉTABOLISME DE LA GLUTAMINE DANS LES CARCINOMES OVARIENS ET APPLICATIONS THÉRAPEUTIQUES Étudiant : Siegfried HÉLAGE Responsables scientifiques : - Professeur Jérôme ALEXANDRE - Docteur Marie-Céline BLANC - Professeur Luc CYNOBER - Professeur Jean-Pascal DE BANDT Adresse du laboratoire d’accueil : Service du Professeur Jean-Pascal DE BANDT - EA 4466 Laboratoire de Biologie de la Nutrition Faculté des Sciences Pharmaceutiques Paris Descartes 4 avenue de l'Observatoire, 75270 Paris Cedex 06 Sorbonne Paris Cité Rapport final 2013-2014 SOMMAIRE 1. INTRODUCTION .......................................................................................................................................... 3 1.1. PROBLÉMATIQUE ................................................................................................................................... 3 1.1.1. UTILISATION DE LA GLUTAMINE PAR LES CELLULES MALIGNES ........................................ 3 1.1.2. UTILISATION DE LA GLUTAMINE PAR LES CELLULES NON TUMORALES DANS LE CONTEXTE DU CANCER ............................................................................................................................... 5 1.2. BUT DU PROJET ....................................................................................................................................... 6 2. MATÉRIEL ET MÉTHODES ....................................................................................................................... 6 2.1. CELLULES ................................................................................................................................................. 6 2.2. ÉTUDES DE LA CONSOMMATION DE GLUCOSE ET DE GLUTAMINE......................................... 6 2.2.1. PRÉPARATION DES PLAQUES DE CULTURE ................................................................................. 6 2.2.2. PRÉPARATION DES PRÉLÈVEMENTS POUR LES DOSAGES ....................................................... 7 2.3. ÉTUDE DE LA CYTOTOXICITÉ DU CISPLATINE ET DU PACLITAXEL ........................................ 7 2.3.1. ÉVALUATION DE LA VIABILITÉ CELLULAIRE PAR TEST AU MTT : CHIMIOGRAMMES ... 7 2.3.2. ÉTUDE DE L’EFFET DE LA VARIATION DE LA CONCENTRATION DE GLUTAMINE DU MILIEU DE CULTURE SUR LA CYTOTOXICITÉ ....................................................................................... 8 2.4. ÉTUDE DE LA VOIE PI3K/AKT/mTORC1 PAR WESTERN BLOT ..................................................... 8 2.5. ÉTUDE DE L’EXPRESSION DE LA GLUTAMINASE PAR RT-PCR................................................... 8 2.6. MESURE DU TEMPS DE DOUBLEMENT ............................................................................................. 8 2.7. ANALYSE STATISTIQUE ........................................................................................................................ 8 3. RÉSULTATS ................................................................................................................................................. 9 3.1. CONSOMMATIONS TUMORALES DE GLUCOSE ET DE GLUTAMINE .......................................... 9 3.1.1. CONSOMMATION DE GLUCOSE ....................................................................................................... 9 3.1.2. CONSOMMATION DE GLUTAMINE .................................................................................................. 9 3.1.3. CONSOMMATION DE GLUCOSE ET DE GLUTAMINE DE CELLULES TUMORALES PRIMAIRES ISSUES D’UN LIQUIDE D’ASCITE ......................................................................................... 9 3.2. CHIMIOGRAMMES .................................................................................................................................. 9 3.2.1. SENSIBILITÉS TUMORALES AU CISPLATINE ET AU PACLITAXEL EN CONDITIONS NUTRITIONNELLES STANDARD ............................................................................................................... 10 3.2.2. CONCENTRATION EN GLUTAMINE DU MICROENVIRONNEMENT ET SENSIBILITÉS TUMORALES AU CISPLATINE ET AU PACLITAXEL ............................................................................. 10 3.3. ANALYSE DE LA VOIE PI3K/AKT/MTORC1 PAR WESTERN BLOT ............................................. 10 3.4. ANALYSE DE L’EXPRESSION DE LA GLUTAMINASE PAR RT-PCR ........................................... 10 3.5. ANALYSE DU TEMPS DE DOUBLEMENT ......................................................................................... 10 4. DISCUSSION............................................................................................................................................... 13 5. CONCLUSION ET PERSPECTIVES ......................................................................................................... 16 6. BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................................................... 17 ANNEXE : ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES 1 Figure 1. La glutamine favorise la survie, la croissance et la prolifération par des mécanismes métaboliques et non métaboliques (9). Après son import via le transporteur membranaire SLC1A5, la glutamine (Gln) est soit exportée en échange de l’import l’acides aminés essentiels (EAA), soit consommée dans différentes voies qui favorisent le métabolisme basal nécessaire à la survie, la croissance et la prolifération. Dans les cellules cancéreuses, l’enzyme mitochondrial glutaminase (GLS) est responsable de la majeure partie de la consommation de glutamine. Cet enzyme produit du NH4+, qui est exporté. 2 1. INTRODUCTION 1.1. PROBLÉMATIQUE Le carcinome ovarien est fatal dans près de 75% des cas et ces statistiques se sont peu améliorées ces dernières années malgré le développement de nouveaux cytotoxiques et les progrès de la chirurgie. Le carcinome séreux de haut grade, le plus fréquent, se caractérise par un développement très rapide, un fort pouvoir métastatique sur le péritoine, et l’acquisition rapide d’une chimiorésistance. Sur le plan moléculaire, une forte instabilité génomique est retrouvée, mais peu d’anomalies moléculaires récurrentes en dehors d’une mutation habituelle de P53 (1). Par ailleurs, les mécanismes de la chimiorésistance sont peu connus. Il existe donc un grand besoin de nouvelles thérapies efficaces. Les particularités du métabolisme des cellules malignes constituent une opportunité pour développer des thérapies ciblées. 1.1.1. UTILISATION DE LA GLUTAMINE PAR LES CELLULES MALIGNES Les cellules tumorales activent les voies de la glycolyse, de la glutaminolyse et de la bêta-oxydation pour effectuer leurs biosynthèses et produire de l’ATP. Dans toutes les tumeurs malignes, la prolifération cellulaire nécessite que l'absorption active de nutriments soit plus orientée vers la synthèse d’ADN, d’ARN et de protéines, que vers la production d’énergie (ATP) (2). La glycolyse accrue produit des molécules indispensables pour la prolifération cellulaire : le ribose pour la synthèse des nucléotides, le glycérol pour les lipides membranaires, ou encore la sérine pour la synthèse de tétrahydrofolate. La diminution de l’activité de la pyruvate kinase (PK), à la dernière étape de la glycolyse, dévie en partie le catabolisme du glucose vers la synthèse de ces biomolécules (3). En outre, l’inhibition de la pyruvate déshydrogénase (PDH) induit une transformation préférentielle du pyruvate en lactate, même en présence d’oxygène (effet Warburg) (4,5). Ce double blocage partiel sur la PK et la PDH déconnecte la glycolyse du cycle de Krebs ; ce dernier est alors principalement alimenté par l’oxydation de la glutamine (glutaminolyse). Les cellules cancéreuses sont capables d’une grande plasticité, en s’adaptant à la nature des nutriments trouvés dans leur microenvironnement, ainsi qu’à la concentration en oxygène. Selon les tumeurs et en fonction des anomalies moléculaires présentes, elles utilisent de façon privilégiée la glycolyse, la glutaminolyse, ou l’oxydation des acides gras (6). La bêta-oxydation mitochondriale, voie de dégradation des acides gras, fournit de l’acétylcoenzyme A en abondance et, lorsque la phosphorylation oxydative n’est pas déficiente, une grande quantité d’ATP par réoxydation des coenzymes réduits (NADH et FADH2). Ainsi, les oncogènes qui entraînent les cellules à proliférer doivent également directement ou indirectement conduire à des modifications du métabolisme cellulaire (7). Cette constatation permet d’envisager des thérapies antitumorales ciblant les adaptations métaboliques spécifiques activées dans les cellules malignes (8). Des anomalies du métabolisme de la glutamine (Figure 1) ont été décrites dans de très nombreux cancers (7,8). Après conversion, la glutamine alimente le cycle de Krebs couplé à la production d’ATP et/ou fournit de l’aspartate pour la synthèse des nucléotides (2). La glutaminolyse comporte deux étapes : la première est 3 catalysée par la glutaminase qui transforme la glutamine en glutamate ; la seconde est catalysée par la glutamate déshydrogénase qui transforme le glutamate en alpha-cétoglutarate. Le cycle de Krebs peut ainsi être alimenté en substrat pour produire les précurseurs métaboliques de macromolécules (lipides, protéines, acides nucléiques). Plusieurs mécanismes pourraient permettre à la cellule maligne d’utiliser d’avantage la glutamine et ainsi de mieux répondre aux besoins anaboliques et en énergie : - Augmentation de l’expression des transporteurs membranaires sous l’influence de MYC (9,10). - Surexpression de la glutaminase, première enzyme du processus de glutaminolyse, catalysant la formation de glutamate. L’expression de la glutaminase est en particulier augmentée par le facteur de transcription NFκB, fréquemment surexprimé dans les carcinomes ovariens et associé à la chimiorésistance (11,12). MYC induit également indirectement l’expression de la glutaminase par le biais de l’inhibition de l’expression des microARNs miR23a et miR23b, favorisant ainsi l’oxydation mitochondriale de la glutamine (13). - Surexpression de la glutamate déshydrogénase (GDH), qui convertit le glutamate en alpha-cétoglutarate, afin de pallier la diminution du catabolisme oxydatif du glucose, et de permettre ainsi l’utilisation de cet alpha-cétoglutarate dans le cycle de Krebs, conduisant notamment à la production d’acétyl-coenzyme A (14). Une glutaminolyse intense favorise également l’activation de certaines voies de signalisation oncogéniques, en particulier celle de PI3K/AKT/mTORC1. En effet, l’activation de cette dernière nécessite la présence de glutamine et de leucine, qui agissent en coopération via deux transporteurs membranaires, SLC1A5 (ASCT2) et SLC7A5/3A2 (LAT-1) (9). La stimulation de la voie PI3K/AKT promeut l’activation de NFκB et l’expression de MYC, ce qui favorise en retour la glutaminolyse. Une glutaminolyse intense joue ainsi un rôle important dans le développement tumoral, et son inhibition induit une diminution de la croissance d’un modèle d’adénocarcinome mammaire (15). Elle pourrait être également associée à une résistance au cisplatine par le biais d’une activation de la voie PI3K/AKT/mTORC1 (16). Cette voie de signalisation est fréquemment activée dans les carcinomes ovariens et est associée à la chimiorésistance (1,17). En outre, un phénotype glutaminolytique prépondérant sur le phénotype glycolytique pourrait expliquer la chimiorésistance des carcinomes ovariens à cellules claires et leur propension à ne pas fixer le traceur en TEP-18FDG (18). À l’inverse, une carence en acides aminés, et en particulier en glutamine, induit l’expression de gènes favorisant le développement tumoral : proto-oncogènes, facteurs de croissance et gènes impliqués dans le métabolisme des acides aminés (19,20). Les cellules tumorales sont plus résistantes que les cellules normales aux carences en acides aminés et en glucose. Ces effets de résistance sont en partie dépendants de la voie de la PI3K (21). L’augmentation de l’expression de LAT-1 ainsi que de ASCT2 (transporteur majeur de la glutamine dans les cellules de cancer du côlon) est associée au phénotype tumoral, et confère à ces cellules un avantage en termes de croissance et de survie, notamment dans les conditions de carences en acides aminés (22,23). De fait, les transporteurs d’acides aminés des cellules normales et transformées diffèrent par 4 leurs constantes physicochimiques, ce qui peut favoriser l’importation des acides aminés par les tumeurs (24,25). L’augmentation de cet import a pour effet d’activer mTORC1 qui augmente la synthèse protéique et la croissance tumorale. Les données précédentes illustrent le fait que le métabolisme de la glutamine peut favoriser la croissance de la tumeur et accroître sa résistance aux thérapies anticancéreuses (26,27). Cependant une complémentation en glutamine en concentrations supraphysiologiques ne semble pas augmenter la croissance et la radiorésistance des cellules cancéreuses in vitro (28) ou in vivo (29). 1.1.2. UTILISATION DE LA GLUTAMINE PAR LES CELLULES NON TUMORALES DANS LE CONTEXTE DU CANCER Si la glutamine est un élément important du métabolisme tumoral, elle est également un élément important du métabolisme de l’hôte. La glutamine, qui sert de nutriment majeur aux lymphocytes (30) et aux entérocytes (31), joue un rôle crucial dans le maintien de l’immunité cellulaire et la conservation de l’intégrité des cellules saines soumises aux thérapies anticancéreuses. Dans le domaine de l’immunité antitumorale, la polarisation lymphocytaire CD4 Th1 est associée à une réponse immunitaire antitumorale efficace ; à l’inverse, la réponse Th2 semble moins favorable. La complémentation en glutamine semble favoriser un profil de cytokines Th1 (32,33). Chez les patients sous chimiothérapie ou radiothérapie, un déficit relatif en glutamine peut survenir du fait de l’augmentation des besoins, générant une immunodépression et une majoration des effets secondaires. Une complémentation en glutamine chez des patients traités par chimiothérapie intensive et radiothérapie pour greffe de moelle osseuse réduit les complications infectieuses, le taux de mortalité, et la durée d’hospitalisation (34,35). Cette complémentation induit un effet radioprotecteur sur les cellules ovariennes non cancéreuses (36) et les cellules intestinales (26,37,38) en cas de radiothérapie abdominale. Le mécanisme protecteur médié par la glutamine est probablement lié à son rôle de précurseur du glutathion, puissant antioxydant intracellulaire (36,39,40). La dénutrition des patients cancéreux est un problème majeur en oncologie. Tout stress additionnel (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie) augmente encore les besoins énergétiques du patient cancéreux et le déficit en glutamine. Par conséquent, une complémentation orale en glutamine chez ces patients a été proposée pour prévenir les effets secondaires iatrogènes et la perte de masse musculaire. La parfaite connaissance des anomalies du métabolisme de la glutamine au sein des tissus intra et extratumoraux semble cependant un prérequis avant de proposer un régime alimentaire contrôlé en glutamine chez les patients atteints de cancer, et/ou d’envisager un ciblage de cette voie métabolique à des fins thérapeutiques. 5 1.2. BUT DU PROJET - Évaluer la consommation de glutamine et de glucose par les cellules de carcinome ovarien de lignées établies ; corréler cette consommation à l’agressivité tumorale (vitesse de prolifération, invasivité, chimiorésistance). - Préciser les conséquences cellulaires d’une variation de la concentration en glutamine du microenvironnement des cellules de carcinome ovarien : diminution ou augmentation des paramètres de chimiosensibilité. 2. MATÉRIEL ET MÉTHODES 2.1. CELLULES Des lignées cellulaires de carcinome ovarien (ATCC®, aimablement fournies par Mme Christiane Chéreau, INSERM U1016, Institut Cochin, Paris) ont été utilisées : - Adénocarcinome à cellules claires : ES-2 et TOV-21G. - Adénocarcinome papillaire séreux de haut grade : OVCAR-3. Les différentes lignées cellulaires ont été cultivées dans un milieu RPMI-1640 (GIBCO®), contenant 2 mM de L-glutamine, 11 mM de D-glucose, et 15% de SVF. Des cellules primaires d’ascite de patientes ont été obtenues grâce à une collaboration avec les services d’oncologie et de chirurgie gynécologiques de l’hôpital Cochin à Paris. Ces cellules ont été mises en culture selon un protocole éprouvé (41). Les cellules sont utilisées à 80% de confluence. 2.2. ÉTUDES DE LA CONSOMMATION DE GLUCOSE ET DE GLUTAMINE 2.2.1 PRÉPARATION DES PLAQUES DE CULTURE Pour chaque lignée cellulaire, une plaque 12 puits (Falcon® Multiwell®, Le Pont-de-Claix, France) est ensemencée à une densité de 2 x 105 cellules par puits. Après incubation pendant 24h à 37°C, sous 5% de CO2, le milieu est changé dans chaque puits et des échantillons de milieu sont prélevés à 30 min, 60 min, 4 h, 8 h, 24 h et 48 h (n = 2 puits). Un contrôle simultané est réalisé sur du milieu sans cellules. L’incorporation cellulaire des nutriments est évaluée par la mesure de la variation de leurs concentrations dans le milieu de culture. 6 2.2.2. PRÉPARATION DES PRÉLÈVEMENTS POUR LES DOSAGES Les surnageants de culture sont déplétés en protéines par de l’acide sulfosalicylique (ASS) à 30%. Après centrifugation (13.000 rpm, 5 min), les surnageants sont recueillis pour le dosage des AA. Les concentrations en AA sont mesurées par chromatographie d’échange d’ions sur un analyseur d'AA (JEOL AminoTac™, Tokyo, Japon) (42). La concentration intracellulaire des protéines permet de standardiser les mesures de flux de nutriments. Après détersion (Triton™ X-100, SIGMA®, Saint-Quentin-Fallavier, France) du tapis cellulaire de chaque puits et centrifugation, les surnageants sont recueillis. Le dosage des protéines (DC Protein Assay Kit®, Biorad®, Paris, France) est effectué selon la méthode de Lowry par mesure de la densité optique à 750 nm. 2.3. ÉTUDE DE LA CYTOTOXICITÉ DU CISPLATINE ET DU PACLITAXEL La cytotoxicité est représentée par la concentration de médicament induisant une diminution de 50% de la quantité de cellules viables (CI50), en comparaison du contrôle incubé simultanément sans médicament. Les médicaments anticancéreux utilisés sont dilués extemporanément dans du milieu de culture, à partir d’une solution mère concentrée (Tableau 1). Tableau 1. Médicaments anticancéreux utilisés (aimablement fournis par la pharmacie de l’hôpital Cochin) Médicament Fournisseur Concentration Solution de dilution Cisplatine Merck® 1 mg/mL NaCl 0.9% Paclitaxel Bristol-Myers Squibb® 6 mg/mL NaCl 0.9% 2.3.1. ÉVALUATION DE LA VIABILITÉ CELLULAIRE PAR TEST AU MTT : CHIMIOGRAMMES Conformément au protocole décrit dans la littérature (43), des plaques de culture 96 puits (Falcon® Microtest®) sont ensemencées à une densité de 2 x 104 cellules par puits. Après 24 h d’incubation, le milieu de culture de chaque puits est remplacé par du milieu neuf contenant des concentrations croissantes de cisplatine d’une part et de paclitaxel d’autre part. Après 24 h d’incubation, la quantité de cellules viables est estimée par un test au MTT (SIGMA®). Le MTT est un sel de tétrazolium réduit par les cellules vivantes en formazan qui forme un précipité violet. Les cristaux de formazan sont solubilisés par addition de 200 µL de DMSO (diméthylsulfoxyde) ajoutés à chaque culot cellulaire. La densité optique est quantifiée au spectrophotomètre à microplaque (Bio-rad®) par mesure de l'absorbance à 560 nm. Une autre mesure à 630 nm est nécessaire afin de soustraire l'absorbance du bruit de fond. 7 Le calcul du pourcentage de survie s'effectue selon la formule suivante : ▪ CI (%) = [(Abs 560nm - Abs 630nm) cellules traitées / (Abs 560nm - Abs 630nm) cellules non traitées] x 100 2.3.2. ÉTUDE DE L’EFFET DE LA VARIATION DE LA CONCENTRATION DE GLUTAMINE DU MILIEU DE CULTURE SUR LA CYTOTOXICITÉ Les différentes lignées cellulaires sont cultivées sous trois conditions nutritionnelles (44) en milieu RPMI (D-glucose 11 mM, SVF 15%) : - Hypermétabolique (C1) : milieu contenant 4 mM de L-glutamine. - Normométabolique (C2) : milieu contenant 1 mM de L-glutamine. - Hypométabolique (C3) : milieu contenant 0.5 mM de L-glutamine. - Standard (S) : milieu contenant 2 mM de L-glutamine. Ces conditions sont préparées à partir d’un milieu RPMI sans glutamine, auquel de la glutamine (GIBCO®) exogène est ajoutée aux concentrations voulues. La glutamine est peu stable et sa concentration dans le milieu diminue significativement après 48 h (45). Une analyse de la variation de la CI50 calculée selon la formule mentionnée précédemment est effectuée. 2.4. ÉTUDE DE LA VOIE PI3K/AKT/mTORC1 PAR WESTERN BLOT Pour chaque lignée cellulaire, l’analyse des formes totales et phosphorylées d’AKT, des effecteurs de mTORC1 (S6K1 et 4E-BP1), est réalisée selon une méthode précédemment décrite (46), au moyen d’anticorps obtenus de Cell Signaling Technology® (Beverly, États-Unis). 2.5. ÉTUDE DE L’EXPRESSION DE LA GLUTAMINASE PAR RT-PCR L'expression du gène codant pour la glutaminase a été étudiée dans chacune des trois lignées par RT-PCR (47). 2.6. MESURE DU TEMPS DE DOUBLEMENT Le temps de doublement de chaque lignée est analysé sur 3 jours. 2 x 105 cellules sont ensemencées dans un puits de culture de 3,8 cm2, puis le nombre de cellules est compté tous les jours jusqu'à J3. 2.7. ANALYSE STATISTIQUE Pour les comparaisons multiples, une ANOVA puis un test de Newman-Keuls ont été effectués afin de déterminer les valeurs de p. Les données sont reportées sous la forme d’histogrammes de moyennes ± SEM. 8 Pour l’interprétation des tests statistiques, un risque alpha de 5% a été choisi. L’analyse statistique a été réalisée à l’aide du logiciel Prism 5.0 (GraphPad Software, Inc, San Diego, USA). 3. RÉSULTATS 3.1. CONSOMMATIONS TUMORALES DE GLUCOSE ET DE GLUTAMINE Le temps 24 h a été retenu pour effectuer les comparaisons entre les lignées. Les consommations sont données en µmol par mg de protéines intracellulaires (µmol/mg prot IC) (Figure 2). 3.1.1. CONSOMMATION DE GLUCOSE Les TOV-21G consommaient significativement plus de glucose que les deux autres lignées (p<0,02). Les ES-2 et les OVCAR-3 avaient une consommation de glucose similaire (Figure 2A). Les TOV-21G produisaient significativement plus de lactate que les deux autres lignées (p<0,03). Les ES-2 et les OVCAR-3 avaient une production de lactate similaire (Figure 2B). 3.1.2. CONSOMMATION DE GLUTAMINE Les TOV-21G consommaient significativement plus de glutamine que les deux autres lignées (p<0,04). Les ES-2 et les OVCAR-3 avaient une consommation de glutamine similaire (Figure 2C). La production de glutamate et sa libération dans le milieu de culture n’étaient pas significativement différentes entre les ES-2, les OVCAR-3, et les TOV-21G (Figure 2D). 3.1.3. CONSOMMATION DE GLUCOSE ET DE GLUTAMINE DE CELLULES TUMORALES PRIMAIRES ISSUES D’UN LIQUIDE D’ASCITE Ces cellules consommaient moins de glucose et produisaient moins de lactate que chacune des trois lignées étudiées. Leur consommation de glutamine était également plus faible que celle des trois lignées (Figure 2). Ce carcinome ovarien était de type papillaire séreux de haut grade, histologie similaire à celle des OVCAR3. La tumeur était considérée comme cliniquement résistante aux sels de platine. En outre, elle fixait le 18 FDG en TEP. 3.2. CHIMIOGRAMMES Une comparaison des chimiosensibilités des trois lignées est présentée dans le Tableau 2. 9 3.2.1. SENSIBILITÉS TUMORALES AU CISPLATINE ET AU PACLITAXEL EN CONDITIONS NUTRITIONNELLES STANDARD Concernant le cisplatine, les CI50 moyennes étaient de 39,1 ± 12,1 µM pour les ES-2, 36,8 ± 6,5 µM pour les TOV-21G, et 366,2 ± 43,9 µM pour les OVCAR-3. Concernant le paclitaxel, les CI50 moyennes étaient de 61,3 ± 1,3 µM pour les ES-2, 38,4 ± 8,4 µM pour les TOV-21G, et 270 ± 30 µM pour les OVCAR-3. Les CI50 des OVCAR 3 en présence de cisplatine ou de paclitaxel étaient significativement plus élevées que celles des deux autres lignées (p<0,03). En revanche, il n’y avait pas de différence significative de chimiosensibilité entre les ES-2 et les TOV-21G. 3.2.2. CONCENTRATION EN GLUTAMINE DU MICROENVIRONNEMENT ET SENSIBILITÉS TUMORALES AU CISPLATINE ET AU PACLITAXEL En conditions C1, C2 et C3, les OVCAR-3 gardaient des CI50 significativement plus élevées que celles des deux autres lignées, en présence de cisplatine ou de paclitaxel (p<0,05) (Figure 3). En revanche, pour chacune des trois lignées, une concentration élevée (C1), normale (C2), ou basse (C3) en glutamine dans le milieu de culture ne modifiait pas la CI50 de façon significative (Tableau 2). En outre, pour chacune des lignées, la variation de la concentration en glutamine du milieu n’avait pas d’influence significative sur la densité cellulaire des puits témoins ne contenant pas de chimiothérapie. 3.3. ANALYSE DE LA VOIE PI3K/AKT/MTORC1 PAR WESTERN BLOT Il existait une activation d’AKT, phosphorylée sur la sérine 473, dans les TOV-21G (Figure 4). Cette activation était moins marquée dans les OVCAR-3 et était absente dans les ES-2. Une phosphorylation marquée des effecteurs de mTORC1, 4EBP1 et S6K1, était également constatée dans les TOV-21G. Cette phosphorylation était moins intense dans les OVCAR-3, et était absente dans les ES-2. 3.4. ANALYSE DE L’EXPRESSION DE LA GLUTAMINASE PAR RT-PCR La quantité d’ARNm codant pour la glutaminase était significativement plus importante dans les TOV-21G, comparativement aux ES-2 et aux OVCAR-3 (p<0,04) (Figure 5). 3.5. ANALYSE DU TEMPS DE DOUBLEMENT Les temps de doublement moyens étaient de 21 ± 1 h pour les ES-2, 11,5 ± 1,5 h pour les TOV-21G, et 24,3 ± 2,2 h pour les OVCAR-3. Le temps de doublement des TOV-21G était significativement plus court que celui des ES-2 et des OVCAR-3 (p<0,04) (Figure 6). Les temps de doublement des ES-2 et des OVCAR-3 n’étaient pas significativement différents. 10 11 12 4. DISCUSSION Les TOV-21G (cellules claires) avaient un métabolisme significativement plus élevé que les ES-2 (cellules claires) et les OVCAR-3 (séreux papillaire de haut grade). En effet, les TOV-21G avaient un phénotype glycolytique et glutaminolytique beaucoup plus marqué. En utilisant l’imagerie métabolique, Tanizaki (18) a montré qu’environ un adénocarcinome ovarien à cellules claires sur deux (45,5%) ne fixait pas significativement le 18 FDG en TEP. Ceci peut être mis en relation avec une sollicitation plus faible de la glycolyse aérobie, dont l’accumulation intracellulaire de 18FDG-6-phosphate produit par l’hexokinase n’est pas suffisante pour atteindre le seuil de détection. À l’inverse, les adénocarcinomes ovariens papillaires séreux fixaient le 18FDG dans leur grande majorité (90%). Notons que la tumeur primaire dont étaient issues les cellules de l’ascite était hypermétabolique en TEP au 18FDG. Ces cellules primaires d’ascite s’avéraient avoir une consommation de glucose inférieure de 50% en valeur absolue à celle des ES-2 et des OVCAR-3. In vivo, ces deux dernières lignées, et à plus forte raison les TOV-21G, doivent donc vraisemblablement être positives en TEP au 18FDG. Par ailleurs, eu égard au poids important de la glutaminolyse dans la production de lactate par le biais de l’enzyme malique à NADP (9,48), la proportion de lactate produit ne peut pas être considérée comme un facteur prédictif de positivité en TEP au 18FDG. Pour les adénocarcinomes ovariens à cellules claires négatifs en TEP au 18FDG, l’utilisation de glutamine marquée au fluor 18 en guise de traceur peut être proposée (49). Il reste cependant à déterminer le seuil de consommation cellulaire en glutamine à partir duquel cette modalité d’imagerie métabolique deviendrait positive. Le phénotype glutaminolytique et glycolytique significativement plus marqué des TOV-21G coïncide avec leur transcriptome et leur protéome. En effet, l’analyse par RT-PCR montrait une expression plus importante de la glutaminase, et l’étude en western blot trouvait une activation marquée de la voie PI3K/AKT/mTORC1 au sein des TOV-21G, à la différence des ES-2 et des OVCAR-3. La phosphorylation de 4E-BP1 par mTORC1 autorise entre autres l’initiation de la traduction de la protéine MYC. Cette oncoprotéine induit d’une part l’expression des transporteurs membranaires de la glutamine, et d’autre part celle de la glutaminase, favorisant ainsi la glutaminolyse (13). De plus, la voie PI3K/AKT/mTORC1 stimule la consommation de glucose ; activée elle entraîne une augmentation de la distribution à la membrane du transporteur de glucose GLUT1 et un accroissement de l'expression des enzymes de la glycolyse (50). Le résultat de l’analyse par western blot coïncidait en outre avec le génotype connu des TOV-21G. L’inventaire des mutations trouvées dans les trois lignées révèle que les TOV-21G sont porteuses d’une mutation exonique dans le gène codant pour la PI3K, au contraire des ES-2 et des OVCAR-3 pour lesquelles aucune mutation de PI3K ou d’AKT n’est répertoriée (51). Il s’avère en outre que le temps de doublement des TOV-21G était significativement plus court que celui des ES-2 et des OVCAR-3. Cette vitesse de prolifération plus élevée peut être mise en relation avec le métabolisme glutaminolytique significativement plus intense des TOV-21G. Cette corrélation constitue un 13 argument en faveur de la dimension pronostique de l’imagerie métabolique : un taux élevé de fixation d’un traceur glutaminé en TEP laisserait préjuger d’une plus grande agressivité tumorale. Outre une vitesse de prolifération élevée, l’agressivité tumorale peut être définie par un haut potentiel migratoire et invasif. Les cellules de pouvoir invasif élevé ont un métabolisme « glutamine-dépendant », au contraire des cellules à faible pouvoir invasif comme les OVCAR-3. Ainsi, les cellules de carcinome ovarien hautement invasives sont le siège d’une glutaminolyse plus élevée, avec une expression quatre fois plus importante de la glutaminase (47). La glutaminolyse est connectée à certaines voies de transduction du signal initiées par les facteurs de croissance. En particulier, elle régule positivement la phosphorylation par JAK1 du facteur de transcription STAT3, important promoteur de l’invasivité tumorale (47). JAK1 est également un activateur de la voie PI3K/AKT/mTORC1/S6K1, impliquée elle aussi dans la migration et l’invasion (52). Par conséquent, la glutaminolyse plus importante des TOV-21G permettrait de les assimiler à des cellules hautement invasives, et donc agressives, d’autant qu’elles sont en outre porteuses de mutations activatrices de JAK1 et PI3K, au contraire des ES-2 et des OVCAR-3 (51). Les TOV-21G produisent et libèrent plus de lactate dans le milieu. Les TOV-21G ont également tendance à produire et à libérer plus de glutamate et donc d’ammoniac (NH4+), même si la différence n’est pas significative avec les ES-2 et les OVCAR-3. Le lactate secrété stimule l’angiogenèse, promeut la migration et l’invasion, et favorise l’immunosuppression, tous ces processus soutenant le développement tumoral (2). Ce lactate peut en outre être recyclé par les cellules tumorales les mieux oxygénées, ce qui contribue à une coopération symbiotique au sein de la tumeur. L’acidification du microenvironnement cellulaire déclenche l’apoptose des cellules normales, favorise la dégradation du milieu extracellulaire, et sélectionne les phénotypes tumoraux les plus agressifs (2). Cette acidification résulte d’un rejet de protons par plusieurs mécanismes, dont l’excrétion associée au lactate via MCT4 et l’expulsion de NH4+ (9). Quant au glutamate sécrété, il pourrait réguler l’activité du récepteur membranaire « metabotropic glutamate receptor-1 » (mGluR1). Couplé à une protéine G, ce récepteur est activé en autocrine ou en paracrine par le glutamate issu du métabolisme tumoral de la glutamine, ce qui permet l’initiation de voies de transduction (ERK, PI3K) favorisant survie, croissance et prolifération. Le mGluR1 est en particulier exprimé dans les cancers du sein triple négatifs, considérés comme proche du carcinome ovarien de haut grade sur le plan moléculaire (9,53). Il serait donc intéressant d’étudier l’expression de ce récepteur par chacune des trois lignées. Toutes ces caractéristiques métaboliques concordent avec le phénotype plus agressif des TOV-21G. Sur le plan clinique, dans les carcinomes ovariens, une expression élevée des gènes impliqués dans la glutaminolyse, comme ceux codant pour la glutaminase et la glutamate déshydrogénase, est corrélée à une survie plus courte, à la différence des gènes impliqués dans la glycolyse (47). Cette corrélation constitue donc un argument en faveur de la dimension pronostique de l’évaluation de l’activité glutaminolytique, soit sur biopsie tumorale, soit de façon non invasive par imagerie métabolique (TEP à la glutamine marquée au 14 fluor 18). Ainsi, lors du bilan préthérapeutique, un taux élevé de fixation d’un traceur glutaminé en TEP présagerait une plus grande agressivité clinique. Les chimiogrammes ont révélé une résistance significativement plus importante des OVCAR-3 comparativement aux ES-2 et aux TOV-21G, quelles que soient les conditions nutritionnelles et la chimiothérapie utilisée. En présence de cisplatine, les OVCAR-3 étaient environ 7 fois plus résistantes que les deux autres lignées. En présence de paclitaxel, les OVCAR-3 étaient environ 4 fois plus résistantes que les deux autres lignées. Par ailleurs, d’autres études portant sur la cytotoxicité du cisplatine et du paclitaxel sur ces trois lignées ont trouvé les mêmes profils de sensibilité que dans nos expériences. En effet, comparativement aux ES-2 et aux TOV-21G, les OVCAR-3 étaient 6 fois plus résistantes en présence de cisplatine et 3,5 fois plus résistantes en présence de paclitaxel (43). La différence de chimiosensibilité entre les ES-2 et les TOV-21G n’était jamais significative, tout comme dans nos expériences. Les concentrations plasmatiques normales de glutamine varient de 0,6 mM à 0,9 mM. Les conditions expérimentales ont été choisies pour refléter au mieux les situations physiologiques de complémentation nutritionnelle en glutamine (C1), et de régime équilibré (C2) ou pauvre en glutamine (C3). Afin de ne pas introduire un biais de confusion, la concentration en glucose du milieu de culture a été maintenue constante. Les chimiogrammes effectués en faisant varier la concentration en glutamine du microenvironnement tumoral n’ont pas montré d’influence significative de cette variation d’une part sur la cytotoxicité, et d’autre part sur la viabilité cellulaire en l’absence de chimiothérapie. L’absence d’augmentation de la chimiorésistance en cas d’augmentation de la concentration du microenvironnement en glutamine est compatible avec les observations de la littérature. En effet, une complémentation en glutamine en concentrations supraphysiologiques ne semble pas augmenter la croissance et la radiorésistance des cellules cancéreuses in vitro (28) ou in vivo (29). Cela est possiblement dû à un transport actif de la glutamine dans les cellules cancéreuses moins efficace que dans les cellules normales. L’absence de décroissance de la viabilité cellulaire en cas de diminution de la concentration en glutamine du microenvironnement contraste avec les résultats de l’étude de Mathews (44). Il constatait que la réduction du niveau de glutamine de 1 à 0,5 mM induisait une diminution significative de la survie cellulaire de 37%. Cependant Mathews diminuait simultanément le niveau de glucose dans le milieu de culture de 6 mM (normoglycémie) à 3 mM (hypoglycémie), introduisant de ce fait un facteur confondant. La concentration en glucose de notre milieu de culture (11 mM) était assimilable à une hyperglycémie, condition métabolique rencontrée au cours de l’administration d’une chimiothérapie hautement émétisante comme le cisplatine, du fait du recours préventif aux corticoïdes. Un niveau faible en glutamine isolé ne génère donc pas un stress métabolique suffisant pour altérer la survie cellulaire, en condition hyperglycémique. Ces remarques inciteraient à réaliser des expériences en condition normoglycémique (6 mM) constante associée à une privation variable et plus marquée en glutamine (<0,5 mM), sous réserve de la légitimité clinique d’un tel appauvrissement nutritionnel. 15 La résistance au cisplatine est multifactorielle et médiée en partie par le métabolisme du glutathion (54). Un dosage du glutathion intracellulaire total pourrait par conséquent être envisagé afin d’expliquer la chimiorésistance accrue des OVCAR-3. Une évaluation de l’activité de la glutathion réductase (GSR) et de la gamma glutamyl transpeptidase (GGT1) pourrait y être couplée. Une analyse du système de réparation de l’ADN, en particulier de l’expression des acteurs du système NER (nucleotide excision repair) tels que ERCC1 et BRCA1, pourrait également être proposée. La résistance au paclitaxel est médiée entre autres par la P-glycoprotéine (54) dont l’évaluation de l’expression pourrait être effectuée afin d’expliquer la chimiorésistance supérieure des OVCAR-3. L’activation marquée de la voie PI3K/AKT/mTORC1 dans les TOV-21G inciterait à la réalisation de chimiogrammes en présence d’un inhibiteur sélectif de mTORC1 tel que l’évérolimus. Une étude du métabolisme glutaminolytique pourrait y être couplée afin de déceler une éventuelle modification phénotypique chimio-induite. Par ailleurs, des chimiogrammes combinant cisplatine et paclitaxel pourraient être envisagé afin de mettre en évidence un éventuel effet synergique. Les carcinomes ovariens, même de type histologique identique, peuvent avoir des métabolismes différents, en rapport avec leur caractère agressif biologique et leur comportement clinique. D’autres études métaboliques sur cellules primaires de carcinome ovarien d’histologies variées seraient nécessaires afin de corroborer la validité clinique de l’ensemble de ces résultats obtenus sur des lignées tumorales. 5. CONCLUSION ET PERSPECTIVES La diminution de la biodisponibilité de la glutamine dans le microenvironnement d’adénocarcinomes ovariens ne semble pas modifier leur sensibilité vis-à-vis du cisplatine et du paclitaxel. De même, l’augmentation de cette biodisponibilité ne majore ni leur chimiorésistance, ni leur prolifération. Par conséquent, si cette observation est confirmée, il semblerait opportun de proposer une complémentation en glutamine chez les patientes porteuses d’un carcinome ovarien soumises aux thérapies anticancéreuses. Ce support nutritionnel serait cytoprotecteur pour les tissus sains et renforcerait le système immunitaire, optimisant ainsi l’index thérapeutique. La moitié des adénocarcinomes ovariens à cellules claires sont négatifs en TEP au 18FDG. L’existence d’un métabolisme glutaminolytique marqué de certains d’entre eux justifierait le recours à un traceur glutaminé comme la 18 F-(2S, 4R)4-fluoroglutamine. Cette imagerie métabolique, plus sensible que l’imagerie morphologique, aurait une portée non seulement diagnostique, mais aussi pronostique en cas de positivité, celle-ci laissant préjuger d’un caractère agressif de la tumeur, et incitant à une prise en charge thérapeutique personnalisée. 16 6. BIBLIOGRAPHIE (1) Cancer Genome Atlas Research Network. Integrated genomic analyses of ovarian carcinoma. Nature 2011;474:609-15 (2) Icard P, Lincet H. La tumeur cancéreuse : un parasite métabolique ? Bull Cancer 2013;100:427-33 (3) Mazurek S. 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Une complémentation en glutamine pourrait être proposée chez les patientes traitées par chimiothérapie pour carcinome ovarien afin d’optimiser l’index thérapeutique. Cependant, tout en ayant un rôle cytoprotecteur vis-à-vis des cellules normales, la glutamine est un nutriment pour les cellules cancéreuses. En effet, une glutaminolyse intense pourrait favoriser la prolifération tumorale et la chimiorésistance, en partie par le biais de l’activation de la voie PI3K/AKT/mTORC1. BUT : Décrire les anomalies du métabolisme de la glutamine dans les carcinomes ovariens et leur conséquence en termes d’agressivité tumorale et de chimiorésistance, dans l’optique d’une complémentation nutritionnelle en glutamine et/ou d’un ciblage de la glutaminolyse à des fins thérapeutiques. PROCÉDURES : Sur des lignées de carcinome ovarien (ES-2, TOV-21G, OVCAR-3) et des cellules primaires d’ascite, ont été analysées la consommation de glutamine et la cytotoxicité induite par le cisplatine et le paclitaxel en présence de concentrations variables de glutamine dans le milieu. L’expression de la glutaminase et l’activation de la voie PI3K/AKT/mTORC1 ont été étudiées par RT-PCR et par western blot respectivement. Une évaluation de l’agressivité tumorale a été effectuée par la mesure du temps de doublement. RÉSULTATS : Les TOV-21G avaient un métabolisme glutaminolytique significativement plus intense que les ES-2 et les OVCAR-3 (p<0,04). Les TOV-21G manifestaient également une activation plus marquée de la voie PI3K/AKT/mTORC1 et une expression plus forte de la glutaminase (p<0,04). En outre, les TOV-21G proliféraient plus rapidement (p<0,04). Les OVCAR-3 étaient significativement plus chimiorésistantes que les ES-2 et les TOV-21G (p<0,03). Quelle que soit la lignée, la variation de la concentration en glutamine dans le milieu ne modifiait pas la chimiosensibilité. CONCLUSION : Dans les carcinomes ovariens, une glutaminolyse intense serait corrélée à un phénotype plus agressif. Par conséquent, une étude du métabolisme de la tumeur pourrait être proposée à visée pronostique lors du bilan préthérapeutique. Une complémentation nutritionnelle en glutamine ne majorerait pas la chimiorésistance, mais diminuerait les effets iatrogènes. Il serait également possible d’envisager un ciblage de la glutaminolyse à des fins thérapeutiques. MOTS-CLÉS : Imagerie métabolique ; Carcinomes ovariens ; Glutamine. 20
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