Vertigo 20 - Festival de Marseille

VERTIGO 20
VERTIGO DANCE COMPANY
DOSSIER PEDAGOGIQUE
FESTIVAL DE MARSEILLE- 19 EDITION
VERTIGO 20
Un spectacle de la Vertigo Dance Company
Création 2012
A l’occasion des vingt ans de la compagnie israélienne installée aux portes du désert,
la chorégraphe Noa Weetheim réinterprète ses créations emblématiques dans une
puissante succession de tableaux. Avec une grande virtuosité, les danseurs nous
invitent dans un univers poétique, mystique et sensible.
2 1) LA DANSE EN ISRAEL
D’après l’article de Véronique Chemla
(Informations et analyses sur le MoyenOrient) sur la danse en Israël
En 2013, le Festival de Marseille avait
accueilli la Batsheva dance company, la
plus prestigieuse compagnie de danse
israélienne. En 2014, la Vertigo Dance
Company, compagnie plus jeune et
peut-être moins connue, vient pour la
première fois en France.
La danse en Israël est liée à une
histoire particulière, différente de
l’évolution que cet art a pu connaître
en Europe. Le documentaire de Gabriel
Bibliowicz et Efrat Amit (Israël, 2010)
« Let’s dance ! Israël et la danse
contemporaine », s’attache à ce
cheminement particulier.
La danse folklorique israélienne
La danse folklorique est un mélange de
danses juives et non juives de
différentes parties du monde. Selon
Dan Ronen, spécialiste de théâtre, les
pionniers israéliens « dansaient la
Hora, (une danse d’origine roumaine),
dans les moments les plus durs, après
les combats, après avoir subi des
attaques, après avoir escaladé de
hautes montagnes ». Comme beaucoup
de danses folkloriques dans le monde,
la Hora se danse en rond, avec des pas
simples.
Symbole
de
puissants
principes - solidarité, unité, égalité- le
cercle est en effet la formation
première de la danse : on pense ainsi
que, depuis la préhistoire, les hommes
ont dansé en rond autour du feu. Pour
les danseurs hassidiques (mouvement
religieux né au XVIII° siècle en Europe
de l’Est) « le but est le Ciel. La Hora est
l’équivalent terrestre ».
La joie étant l’élément principal de
communion avec Dieu, la danse et le
chant sont les instruments de ce
rapprochement. Les danses sont ainsi
souvent liées au chant collectif.
Yonatan Carmon, chorégraphe, évoque
cette allégresse : « Nous voulions être
ensemble. Nous nous tenions par la
main. Cela nous donnait de la force.
Nous sentions que nous formions un
peuple uni ».
Pour Yair Vardi, directeur du Suzanne
Dellal Dance Center (Tel-Aviv), « les
danses
folkloriques
sont
les
expériences collectives et sociales les
plus réjouissantes de ma vie ». Créé en
1989, ce Centre accueille environ 500
000 visiteurs chaque année et est le
foyer de la Batsheva Dance Company.
Les années 1920
Dans l’Eretz Israël des années 1920,
les premiers danseurs et chorégraphes
de danses folkloriques viennent
d’Allemagne, comme par exemple
Gertrude Kraus, réfugiée en 1936 en
Palestine (Eretz Israël). Elle est une
ancienne élève de Rudolf Laban (18791958), chorégraphe expressionniste
inventeur de nouvelles techniques
expressives,
basées
sur
l’idée
d’appartenance et de solidarité.
Rudolf von Laban (1879-1958), inventeur d’un
système de notation chorégraphique « notation
Laban »
3 En 1948, Judith Arnon fonde le
kibboutz Ga’aton dans des collines
arides au nord d’Israël. Survivante
d’Auschwitz,
elle
a
refusé
d’obtempérer à l’ordre d’Allemands de
danser pour eux, devant, pour
punition, passer la nuit pieds nus dans
la neige. Après la guerre, elle se
consacre à la danse, avec l’idée d’en
faire un art non élitiste, non productif,
rejetant le ballet classique associé à
l’Europe. La danse est alors nourrie du
patriotisme du Yichouv (implantation
juive en terre d'Israël avant la création
officielle d’un Etat).
L’arrivée de la danse moderne en
Israël
En 1956, l’américaine Martha Graham,
pionnière de la danse moderne, très
impliquée dans l’observation du siècle,
révolutionne la danse israélienne, alors
déconnectée
des
mouvements
artistiques mondiaux.
En 1964, la baronne Bethsabée de
Rothschild (1914-1999), mécène de la
chorégraphe américaine, décide de
créer la Batsheva Dance Company,
désormais mondialement réputée.
chorégraphe à la Batsheva Dance
Company, marque un tournant décisif
vers une appréhension différente des
changements de la société israélienne,
un traitement de sujets sociaux,
politiques par la danse israélienne.
A l’heure actuelle, les compagnies sont
beaucoup
plus
nombreuses,
de
multiples chorégraphes travaillent en
Israël. La danse israélienne s’est
inspirée de faits tragiques (Shoah ou
Holocaust) ainsi que de thèmes de la
vie
quotidienne,
notamment
le
kibboutz, les relations dans un
couple… Le Festival de Marseille accueille
depuis de nombreuses années ces
artistes de la nouvelle génération :
Emmanuel Gat, Sharon Fridman, la
Bastheva. En 2014, aux cotés de la
Vertigo Dance Company invitée pour la
première fois à Marseille, le Festival
accueillera également une conférence
d’Adina Taal, metteure en scène
israélienne de Not by bread alone, une
pièce pour 11 danseurs sourds et
aveugles,
qui
s’intéressent
aux
capacités plutôt qu’aux incapacités des
personnes.
La danse aujourd’hui
En 1990, la nomination de Ohad
Naharin, directeur artistique et
Sadeh 21, chorégraphie d’Ohad Naharin, Batsheva dance company
4 QUELQUES NOTIONS CLES
En classe
Avec les plus grands, le concept d’art sous la contrainte et d’art en regard avec la
politique peut être intéressant à aborder. Comment un pays en guerre depuis des
décennies approche t-il la création ?
Difficile de parler de danse en Israël ou en Palestine en laissant totalement de côté
la notion politique. En effet, la danse israélienne pose souvent beaucoup de
questions sur le monde contemporain. Même quand elle ne fait pas l’objet de la
création même, la notion politique reste présente. Ainsi, la tournée de la célèbre
Bastheva Dance Company est souvent interrompue par des manifestations pro
palestiniennes. Les compagnies sont amenées à prendre des engagements forts. La
Bastheva, bien que subventionnée par l’Etat, refuse de jouer dans les territoires
occupés et boycotte les produits en provenance de ceux-ci. La démarche de la
Vertigo est axée sur la danse comme objet de rapprochement des individus.
Repères chronologiques :
La Terre d’Israël, appelée « Eretz Yisrael » en hébreu est considérée comme la
terre sacrée du peuple juif depuis les temps bibliques.
Entre la période des royaumes israélites et la conquête musulmane au VIIe siècle
après J.-C., la Terre d’Israël tombe aux mains successives des Assyriens,
Babyloniens, Perses, Grecs, Romains, Sassanides et Byzantins, entraînant des
persécutions et fuites des populations juives en Europe.
En 1516, sous le règne de Soliman le Magnifique, la Palestine fit partie intégrante
de l’Empire ottoman, qui gouverna la région jusqu’au début du XXe siècle.
En 1917, les Britanniques prennent le contrôle de la Palestine à la suite de la
défaite de l’Empire ottoman lors de la Première Guerre mondiale.
Dans les années 1920 est créée la Palestine mandataire, objet de négociations
entre les forces en puissance (colonisatrices) pour l’établissement d’un « foyer
national juif ».
1948 : L’Onu décide de la création de l’Etat d’Israël.
Les conflits avec le monde arabe, et en particulier la Palestine, démarrent
immédiatement.
5 2) LA VERTIGO DANCE COMPANY
La Vertigo Dance Company est une
compagnie de danse contemporaine
dirigée depuis 1992 par le couple formé
par Noa Wertheim et Adi Sha’al.
Noa a suivi une formation à la Rubin
Academy of Music and Dance in
Jerusalem, Adi a dansé auprès de
compagnies telles que la Batsheva ou le
Kibbutz dance workshop. Ils se
rencontrent en tant qu’interprètes dans
la Jerusalem Tamar dance Company et
créent ensemble un premier duo
nommé Vertigo. Celui-ci s’inspire de la
sensation de vertige éprouvée par Adi
durant son entraînement dans les
forces aériennes.
Le vertige, l’importance de l’air, la
sensation d’évoluer dans un univers
dont on perd le contrôle, vont devenir
des éléments fondamentaux de leur
compagnie. De ce duo, naît leur
compagnie :
la
Vertigo
Dance
Company.
source importante d’inspiration pour le
couple Noa/ Adi. La Terre, en tant
qu’entité à part entière et élément
spirituel fort, est ainsi très présente
dans les créations de Noa.
La transmission fait partie intégrante
de leur démarche : une école permet
ainsi à de jeunes professionnels et des
amateurs de se former sur des durées
parfois longues (Vertigo international
dance program, stages intensifs de 5
mois pour les professionnels).
Ils travaillent également avec des
personnes en situation de handicap,
l’un de leurs danseurs est ainsi en
fauteuil roulant. Le projet « Power of
balance », développé avec l’artiste
britannique Adam Benjamin, inclut
danseurs valides et handicapés et
propose des ateliers à travers le
monde. Pour Noa et Adi, la danse est
un langage universel qui permet de
« défier les limites du corps ».
A chaque création, les chorégraphes
veulent emmener les spectateurs dans
un voyage nouveau et inattendu, sur
des territoires peu familiers. A
l’excellente
technique
de
leurs
danseurs, ils associent un monde plein
d’émotions, très personnel.
La compagnie vit depuis 2007 dans un
kiboutz en zone rurale, à quelques
centaines de kilomètres de Tel-Aviv :
une communauté d’esprit, résidence
d’artiste et lieu de vie, basée sur des
principes d’entraide, de solidarité et de
défense de l’écologie. La compagnie et leurs familles - vivent ainsi
pratiquement en autarcie dans le
« Vertigo Eco-Art village ». L’art est un
véritable choix de vie pour les
membres de la troupe, qui forment une
sorte de famille. Ce village écologique
recherche l’harmonie avec la nature,
La compagnie collabore également
avec d’autres artistes dans un esprit
d’ouverture et de partage. Pour la
Vertigo, la dance est un langage
corporel qui permet de rapprocher les
individus. Les danseurs sont ainsi
totalement associés au processus
créatif.
« Quand je vois quelqu’un, je vois de l’énergie. Je ne vois pas l’âge, l’origine, je vois
un être vivant, une personne. Je n’aime pas les contraintes, comme je n’aime pas la
hiérarchie. J’entre au studio et nous sommes tous au même niveau, avec les mêmes
libertés. Mes danseurs disent que je suis une vraie socialiste ! »
Noa Wertheim
6 Autres pièces de la compagnie, chorégraphiées par Noa Wertheim :
Reshimo, 2014
Vertigo 20, 2012
Null, 2011
Mana, 2009
Birth of The Phoenix, 2004
Birth of the Phoenix, photographie de Jason Harris
Reshimo, photographie de Mayan Hottam
7 Null, photographie de Gadi Dagon
8 En classe : plusieurs pistes à aborder quant à la démarche de la Vertigo
- Le nom de la compagnie :
Vertigo est un mot latin qui signifie vertige. On peut demander aux jeunes
spectateurs ce que ce mot leur évoque et à quels souvenirs ou sensations il est lié.
En effet, on retrouvera dans la création Vertigo 20 la notion d’air et de légèreté,
mais aussi d’angoisse liée à ce sentiment physique (les jambes qui tremblent, la
tête- et la terre - qui tournent, la sensation de ne plus être en contrôle, l’appel du
vide. On dit en effet que les gens qui éprouvent le vertige sont attirés par le
gouffre : rêve d’Icare tiré de l’inconscient, tandis que l’esprit résiste à ce qu’il sait
être impossible. Dans le vertige apparaît donc la notion de limite et de fragilité de
l’être humain.
- La danse contemporaine et l’acceptation de la différence :
Alors que la danse classique utilisait des corps très similaires, la danse
contemporaine a permis d’ouvrir le champ à des danseurs « différents », des corps
qui ne répondent pas aux canons de beauté classiques. Ainsi, on peut très bien
danser en étant handicapé.
- La notion de création collective :
Que ce soit en arts plastiques, en littérature ou au cinéma, se pose la question de la
propriété de l’œuvre dans le cas d’une création collective. Chez Vertigo, Noa
Wertheim est clairement identifiée comme l’auteur chorégraphe des pièces.
Néanmoins, elle voit la création comme un moment de partage où tous sont à
égalité et force de propositions.
Qui est l’auteur d’une création ?
9 3) VERTIGO 20, UN RÊVE EVEILLÉ
Vertigo 20, création 2012 de la
compagnie, célèbre les 20 ans de celleci, en entremêlant les moments les plus
significatifs de ces années de recherche
artistique. La pièce met en scène 12
danseurs dans une ambiance irréelle et
poétique, variant entre l’intime et le
théâtral, le tangible et l’impalpable.
Vertigo 20 est une création sensible, à
fleur de peau, qui explore le secret du
temps. Les corps, déliés et étonnants,
nous donnent à voir des rituels
étranges.
poupées, sorte de galeries où se
succèdent des êtres hybrides.
Noa Wertheim aspire toujours à une
certaine abstraction. Même si elle
déclare ne pas nécessairement vouloir
créer des mondes imaginaires, la
plupart de ses créations recomposent
des univers oniriques, très particuliers,
dans lesquels le spectateur se fraie son
propre chemin. Vertigo 20 ne raconte
pas une histoire, mais pourtant, par
bribes d’éléments qu’il absorbe et
reconstitue mentalement, le spectateur
se prend à voyager et à laisser libre
cours à son imagination.
Photographie Gadi Dagon
La musique, les éléments de costumes
et de décors, le clair-obscur nous
plongent dès le début dans un monde
où nous perdons nos repères. Des
ballons blancs flottent dans l’air,
évoquant l’univers de l’enfance, pour
se transformer à la fin en de multiples
lunes brillant doucement dans le noir.
Le mur de métal enferme les
personnages dans une sorte de cage,
parfois dorée, parfois grise, reflétant
les silhouettes comme des ombres sur
les parois d’une grotte. On touche alors
au mythe de la caverne de Platon : où
s’arrête la réalité, où commence le
rêve ?
Les danseurs arrivent vêtus de
costumes de dentelles noires ou
blanches sorties d’un autre temps. Les
coiffures, extraordinaires (réalisées
avec des bouteilles posées sur le cuir
chevelu et entourées des cheveux des
femmes), transforment les danseurs en
créatures étranges, mi humaines, mi
En effet, la scénographie et la
composition dans le temps de la pièce
évoquent
l’univers
d’un
cirque
énigmatique, avec ses numéros
successifs : ici, une contorsionniste ;
là, des pantins désarticulés, manipulés
par les autres. Une course effrénée,
presque animale, de danseurs qui se
jettent contre les murs, se transforme
dans l’imaginaire en chasse aux lions.
La pièce est presque hypnotique, cela
étant du pour beaucoup à la structure
de la musique, souvent répétitive,
tantôt puissante, tantôt ténue, comme
ce petit air de boîte à musique,
nouvelle référence à l’enfance.
Vertigo 20 est donc une sorte de
plongée dans le terrier de l’inconscient.
Impossible de ne pas penser à Alice
aux pays des merveilles, dans tout ce
que l’histoire peut avoir d’inquiétant
et de mystérieux. En effet, dans le
conte de Lewis Carroll, Alice rencontre
toutes sortes de personnages plus
bizarres les uns que les autres, la plus
effrayante étant bien sûr la reine de
cœur. Ici, les costumes et les coiffures
nous rapprochent de cette figure de
souveraine d’un autre âge- et d’un
autre monde- comme si les danseurs
n’étaient eux-mêmes que des cartes à
jouer.
Les personnages cherchent à se libérer
de cette condition, à repousser les
murs, à s’envoler avec les ballons. On y
10 voit apparaître toute la fragilité de
l’être humain, qui nous fait à plusieurs
reprises retenir notre souffle.
Le solo d’une danseuse-poupée peut
rappeler le film de Tim Burton où Sally,
la créature de chiffon, revendique son
droit à aimer (L’étrange Noël de Mr
Jack).
Le spectacle s’achève par une série de
noirs entrecoupés de flashs, pendant
lesquels les danseurs apparaissent dans
des positions différentes. Une sorte
d’album de famille est ainsi constitué
sous nos yeux, famille étrange,
décomposée et rassemblée.
La pièce parle à chacun, car elle
sollicite l’imagination, nous fait bondir
de références personnelles en images
inconscientes.
Photographie Gadi Dagon
En classe : travail à partir de l’imagination
Montrer quelques extraits vidéos ou des photographies et faire parler les futurs
spectateurs : qu’imaginent-ils ?
Après la représentation, on pourra comparer leurs représentations initiales et ce
qu’ils ont vécu, imaginé.
11 4) UNE PIECE EMPREINTE DE SPIRITUALITE
Noa Wertheim accorde toujours une
place importante à la spiritualité dans
ses créations. La pièce Reshimo
s’inspire de la Kabbale, ce mot
évoquant l’impression d’une chose
après sa disparition, le vide laissé par
elle. Mana est un terme plus de deux
fois millénaire en hébreu, signifiant
« récipient de lumière ».
Florilège de 20 années de recherche,
Vertigo 20 n’y fait pas exception. Ce
portrait d’une famille étrange nous
apparaît comme une fête où la mort et
la
naissance
s’entremêlent,
de
l’enfance à l’âge adulte, du blanc au
noir. Les lignes et les cercles se
rejoignent.
La formation de la ronde revient ainsi à
plusieurs reprises, rapprochant les
corps. Or, cette figure essentielle de la
danse des origines ancre la pièce dans
un temps presque primitif. Sur pointe,
les danseurs tournent en explorant leur
espace, comme s’ils évoluaient autour
d’un feu. Le cercle est une figure de
perpétuel
recommencement,
mais
évoque aussi ce fameux vertige, une
perte de repères dans notre monde très
linéaire. Il fait bien évidemment
référence à la forme même de notre
planète.
Photographie Gadi Dagon
La couleur joue également un rôle
important : les créations de Noa
Wertheim sont souvent bicolores (Birth
of The Phoenix, dansé en plein air, est
couleur terre et bordeaux, White Noise
est en vert et bleu). Dans Vertigo 20, le
noir et le blanc s’opposent, les corps
s’affrontent : nous sommes dans la nuit
ou dans la lumière. Le monde est ainsi
séparé en deux univers.
On retrouve la même dichotomie entre
le sol et la terre, le désir de s’envoler,
de s’évader, dans les nombreux sauts
et les courses, et celui d’être
emprisonné par la cage dorée qui
bloque l’horizon.
Photographie Gadi Dagon
La qualité des mouvements elle-même
est
empreinte
d’une
forme
contemplative. Noa s’inspire parfois
des mouvements du Tai Chi et du Chi
Cong et de la lenteur, de l’énergie qui
s’en dégagent.
La musique de Ran Bagno est aussi un
élément important d’un point de vue
spirituel.
Sa
structure
parfois
répétitive rappelle ainsi la figure du
cercle. Elle suscite la lenteur ou
l’énergie. Elle accentue le tremblement
des corps. L’utilisation répétée du
mode mineur crée une ambiance
mystérieuse. Parfois, elle devient quasi
militaire, induisant un mouvement de
marche ordonnée assez rapidement
perturbée.
Pour Wertheim, « la musique est la
forme artistique la plus élevée, quelque
chose d’intouchable et elle compte
beaucoup dans mes créations, qui
contiennent des gens qui chantent, qui
parlent, sur de la musique folk ou des
valses, des musiques qui participent au
ressenti
et
complètent
les
mouvements. »
Le silence est lui aussi très important.
Il se présente comme pour suspendre le
temps, retenir le souffle, créer une
pause dans l’action. Ces passages sont
empreints de nostalgie, d’une portée
magique.
12 Photographie Gadi Dagon
En classe
Que signifie « spiritualité » ? Faire la différence avec la religion.
Travailler sur les symboles : le cercle, la couleur…
13 5) L’EMOTION DANS VERTIGO
A la fin du XX° siècle, deux courants
s’opposent dans la danse, ceci étant
comparable à d’autres disputes
artistiques : celui de l’abstraction et de
l’émotion. Pour Merce Cunningham,
« motion is not emotion », le
mouvement n’est pas émotion. Au
contraire, pour une chorégraphe
comme Pina Bausch et son tanztheater
(danse-théâtre),
la
danse
est
totalement liée à la retranscription de
sentiments sur scène, qui se partagent
avec le public.
Avec la Vertigo Dance Company,
l’émotion est omniprésente, pourtant,
la chorégraphe refuse tout aspect
théâtral : « en général, je préfère
travailler à un niveau spirituel, qui
n’exclut pas la chaleur du contact et de
la communication, mais je ne suis pas
trop dans le concret du théâtral ».
L’émotion provient non de l’histoire,
mais de l’ambiance générale, ainsi que
du rapport entre les danseurs. Comme
dans d’autres compagnies israéliennes
célèbres
(la
Bastheva,
Sharon
Fridman), le contact entre les corps est
ainsi primordial.
Photographie Gadi Dagon
La composition chorégraphique alterne
entre solos, duos et pièces de groupes,
unissons et légers décalages. Le
rapport des danseurs entre eux est
souvent très physique, ils se
manipulent les uns les autres, se
soutiennent, glissent ensemble au
sol… Le mouvement part beaucoup de
la colonne vertébrale, avec une grande
souplesse dans les postures et les
enchaînements.
On
pense
alors
au
langage
chorégraphique inventé par Ohad
Naharin, gaga, basé sur l’expression
des sentiments sur scène : on danse
avec sa colère, avec sa joie, avec tout
ce qui fait de nous un être humain.
Dans Vertigo 20, les danseurs
dégagent une puissance physique et
émotionnelle.
En classe : La danse doit-­‐elle servir à exprimer une émotion ? L’émotion vient-­‐elle des danseurs, du public, comment la transmettre et la partager ? Notion clé de la danse contemporaine : le contact L’instrument premier du danseur est son corps. Il n’a donc pas peur de l’utiliser, de toucher et d’être touché, ce qui surprend parfois les plus jeunes spectateurs. C’est un condensé des relations humaines, où le contact physique est toujours porteur d’un message. La danse contact improvisation est même le nom d’une danse très spécifique inventée dans les années 1970 par un groupe de danseurs, menés par Steve Paxton et Nancy Stark Smith. La priorité est donnée à l’écoute et à la relation corporelle. Les partenaires s’adaptent aux mouvements de l’autre. 14 15 FESTIVAL DE MARSEILLE- 19 EDITION
Les productions effectuées au sein des classes et les réactions de nos
jeunes spectateurs nous intéressent. N’hésitez pas à nous en faire
profiter.
Par courrier à :
Aurore Frey
Festival de Marseille
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