Supply Chain Magazine 86 - Enquête Pièces de rechange

ENQUÊTE
Pièces de rechange
©SABENA TECHNICS
PIÈCES DE RECHANGE
Des stocks
à ajuster
Plus question de négliger la gestion des pièces de rechange. Vendues
aux particuliers comme aux professionnels, souvent intégrées dans un
contrat de service, elles constituent une source de revenu substantielle.
Pourtant le poids du stock sur les comptes de l’entreprise, comme celui
de l’obsolescence des pièces, en fait un sujet épineux. D’où le paradoxe :
comment assurer un service maximal avec un stock minimal ? Les
experts du métier tentent de répondre à cette question.
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N°86 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JUILLET-AOÛT 2014
nieur Maintenance chez Cofely Endel
(groupe GDF Suez), partagent ce sentiment : « La demande pour les services
d’optimisation de stock est forte, tous
secteurs confondus, déclare ce dernier,
nous avons des projets dans le nucléaire,
notamment dans la gestion des déchets,
dans l’aéronautique, la chimie… La
prise de conscience est réelle et générale,
mais la maturité est encore faible ».
©CAPGEMINI
Principal,
Capgemini
Gilles Alais,
©BARLOWORLD SCS
Country
Manager
France
Barloworld
Supply Chain
Patrick
Brzezinski,
©COFELY
Ingénieur
Maintenance,
Cofely Endel
Eric
Cabaillé,
Président
de Transport
Cabaillé
(Groupement
Astre)
©ASTRE
S
elon une étude réalisée en
2013 par Aberdeen Group
auprès de 167 entreprises de
service et manufacturières,
45 % des sondés indiquent
s’être davantage focalisés sur la question de la gestion de la pièce de
rechange, ou en V.O. le « service part
management » sur l’année 2012. Problème, seuls 20 %, les « best in class »,
sont parvenus à optimiser leur stock
avec une réduction moyenne de 5 %,
contre une augmentation de 2 % pour
les 50 % suivants et de 8 % pour 30 %
restants. Si baisser les stocks intéresse
bon nombre d’entreprises, gérer la
pièce détachée ne semble pas être une
problématique totalement mature. « La
Supply Chain des pièces de rechange
est généralement moins mature que
celle des produits neufs car les enjeux
business et le niveau d’investissement
ont longtemps été moins importants.
Nous observons néanmoins un basculement depuis cinq à dix ans du fait
d’une lecture stratégique différente des
activités d’après-vente et de services.
Les groupes ont repositionné ces activités au cœur de leur stratégie avec de
fortes attentes de revenus et surtout de
marge » déclare Laurent Perea, Principal chez Capgemini Consulting. Gilles
Alais Country Manager France chez
Barloworld et Patrick Brzezinski, Ingé-
Des niveaux de maturité
inégaux
Pour Thierry Bur, Senior Manager chez
Cereza, si le sujet est relativement bien
maîtrisé chez les grands groupes, il
reste « un fort potentiel d’amélioration
pour les PME-PMI ainsi que chez les
concessionnaires, soit au travers de
l’amélioration de leur système d’information ou de démarches GPA (gestion
partagée des approvisionnements) s’ils
sont partenaires de grands groupes.
Le caractère erratique de la demande
de pièces de rechanges nécessite généralement des modèles de prévision et
de dimensionnement de stock et des
politiques de stockage particulières ».
« L’industrie automobile et les fabricants d’équipements de construction
ont une réflexion avancée sur ce sujet,
l’aéronautique un peu moins, et le reste
du marché est loin du compte », avise
Tony Abouzolof, Managing Director de
Syncron UK. Eric Cabaillé, Président de
Transport Cabaillé (Groupement Astre)
n’est guère plus optimiste : « Nous
avons souvent à faire à des acheteurs
purs, leur seule préoccupation est de
faire baisser les coûts. Quand nous
parlons de performance, de productivité, ils répondent « économies », c’est
une dérive. Parfois nous échangeons
avec les directeurs Supply Chain
ou Logistique, ils sont plus sensibles
aux performances écologiques et logistiques. Cela dépend de l’enjeu du dossier et de l’expertise de l’interlocuteur »,
rapporte-t-il. « Il existe des écarts de
maturité très importants, concède
Luc Baetens, Managing Director chez
Möbius France. Le secteur de l’automobile est avancé, mais ce n’est pas la
même problématique que dans d’autres
domaines. La fréquence de consommation rend la chose « plus simple », les
parcs installés sont massifs donc on
consomme des centaines de pièces,
Laurent
Perea,
JUILLET-AOÛT 2014 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°86
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ENQUÊTE
Pièces de rechange
Une problématique
vaste et complexe
On serait tenté de dire que la pièce
détachée, ce n’est pas une problématique mais des problématiques tant les
contraintes sont nombreuses et le sujet,
vaste. Les prestataires sont de plus en
plus sollicités. « La pièce de rechange
est un élément de service stratégique. Il
peut avoir un impact fort sur le bilan.
Un niveau de stock est déterminé par
une consommation, un délai et un
niveau de service », résume Patrick
Jeanroy, Directeur Logistique et Service
chez Daher Aéronautique. Pour Olivier
Jean-Baptiste, Directeur d’XP LOG,
logisticien spécialisé dans l’automobile,
la complexité réside dans l’extrême
variété des références : « Cela va du
boulon au châssis, de la carrosserie au
consommable… Nous stockons même
des motos complètes ». La faible rotation des pièces est un autre problème
majeur, source de stocks morts et d’obsolescence. « Chez un fabricant de
machines agricoles, nous avons réduit
©SABENA TECHNICS
même rares, par mois. Dans l’aéronautique, les ordres de grandeur ne sont
pas les mêmes, EADS ne fabrique
« que » 42 Airbus A320 par mois. »
les stocks de 30 % en deux ans, avec un
impact significatif sur les stocks dormants. Pour ce client, une pièce commandée quatre fois par an était considérée
comme ayant une forte demande »,
témoigne Thierry Bur (Cereza). « Une
mauvaise décision sur le calcul des
stocks peut amener à un taux d’obsolescence faramineux qui peut coûter
des millions d’euros », souligne un
logisticien spécialisé dans la pièce de
rechange pour les engins de chantier et
l’automobile. Le problème ? « Il faut
maintenir les équi- pements jusqu’au
dernier jour, mais le jour où leur
exploitation s’arrête, tout le stock de
pièces de rechange devient obsolète »,
rappelle Laurent Perea (Capgemini).
Une difficulté également rencontrée
dans la haute technologie, comme
nous l’explique Frédéric Doutriaux
SLM Strategic Accounts, PTC : « Les
fabricants achètent des pièces pour les
trois ans à venir et doivent prévoir « le
last time buy », donc acheter un stock
de pièces une dernière fois à la fin de la
vie des composants pour prévoir la
maintenance et les réparations tout le
long du cycle de service du produit
final ». Sans compter que les références
dans le high tech changent à une
vitesse folle. Pour Patrick Brzezinski
Demain, l’impression 3D
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duire les pièces à la demande, durablement et en s’affranchissant des contraintes de maintien de l’outil de production, poursuit Laurent Perea. C’est par le sujet de la pièce
détachée que l’impression 3D va percer, car cela répond à la
question de la disponibilité : avoir la pièce au bon endroit et
au bon moment, et à la question du maintien des capacités de
production dans le temps. Quand cela va-t-il arriver ? C’est
déjà une réalité mais on le verra de manière significative
dans quelques années. Cette technologie a d’autre part une
capacité à réduire le transport, donc
l’engorgement dans les grandes
métropoles. L’un des grands sujets
est le rôle du distributeur, devient-il
imprimeur, one stop shop ? » Attendez-vous donc à voir naître très
bientôt des prestataires spécialisés dans l’impression 3D, prêts à
reproduire à la demande, près des
grands centres de consommation,
toute une variété d’objets avec un
outil de production industriel et
performant. ■ PM
©FUSIA
S’il est bien une innovation qui pourrait bouleverser en profondeur le monde de la pièce de rechange, c’est l’impression
3D. « L’additive manufacturing est l’innovation de rupture qui
va probablement transformer radicalement la Supply Chain
des pièces de rechange dans les 10 prochaines années »,
estime Laurent Perea, Principal chez Capgemini Consulting.
En effet, en phase de fin de vie d’un produit, il est difficile de
maîtriser les sources d’approvisionnement, les fournisseurs
de rang 2 ayant parfois disparu et les outils de production
n’étant plus en état de fonctionnement. Les remettre en marche coûte
d’autant plus cher que les fournisseurs ont alors tendance à facturer
les batchs de test et à exiger des
quantités minimum bien au-delà
des besoins des clients à l’instant T.
Compte-tenu du faible volume et de
la grande erraticité des commandes,
la fin de vie est la phase la plus problématique. Dès lors, comment ne
pas songer sérieusement à l’impression 3D ? « Il s’agit de pouvoir pro-
Une question de criticité
de la pièce
Pour Luc Baetens (Möbius), le problème
est ailleurs. « On peut se poser la question du coût du transport par rapport
au coût du stockage, mais la question
géographique est axée sur la criticité de
la pièce. Si la pièce est critique, on la
rapproche du client, le coût de trans-
©DAHER
Vincent
Baudry,
Responsable
du Pôle
Services
Wilo Salmson
France
©WILO SALMON
De la pièce au service
Un grand nombre de prestataires s’engagent à présent sur des taux de service. « Avant le prestataire vendait
juste de la pièce de rechange. Aujourd’hui, il vend du kilomètre », confirme
Frédéric Doutriaux (PTC). C’est en effet
le lot quotidien de la société Daher :
« Le client nous confie son stock et
nous nous engageons sur des taux de
service. Nous pouvons être soumis à
des pénalités en cas de manquement,
révèle Patrick Jeanroy. C’est une problématique d’urgence, on ne laisse pas
sur le tarmac un avion en panne. Nous
travaillons très fortement avec nos
clients le positionnement géographique
des stocks AOG (Aircraft On Ground)
pour être capable de mettre à disposition les pièces sur place le plus rapidement possible. » Ce qui requiert de
pouvoir suivre les pièces en question :
« Le cycle de vie d’une pièce de
rechange est complexe et nécessite un
système d’informations performant
pour son suivi, notamment dans la
boucle de réparation où la pièce peut
connaître plusieurs états (à livrer, à
scraper…). Dans nos secteurs, c’est un
process qui nécessite des qualifications
spécifiques, la quasi-totalité des pièces
pouvant être avionnables », poursuit
Patrick Jeanroy. Un bon SI est également nécessaire pour mettre à jour les
inventaires, notamment au moment de
Directeur
Logistique
et Service,
Daher
Aéronautique
Luc
Baetens,
Managing
Director
chez Möbius
France
©MÖBIUS
(Cofely Endel), réduire les stocks, et
donc les stocks morts, est la demande
la plus pressante « parce qu’il y a trop
de pièces dormantes, trop d’obsolescence. Tout cela coûte trop cher.
La deuxième exigence porte sur le taux
de service ».
Un compromis entre
géographie et transport
La répartition géographique du stock
semble être une piste de réflexion privilégiée. Elle s’articule souvent autour
d’un arbitrage entre le coût du stock
(pièces, entreposage, inventaires, dépréciation), la disponibilité des pièces et le
coût du transport. Et la tendance est
clairement à la centralisation. Ainsi,
Wilo Salmson France, fabricant de
pompes industrielles utilisées notamment dans le bâtiment, a décidé en
2013 de recentrer l’entreposage de ses
pièces de rechange (et composants de
production) sur une seule et même
plate-forme à Louverné (53) afin de
gagner en efficacité et en visibilité,
tout en minimisant la redondance des
pièces. « Sous 24 h, nous pouvons
livrer toute la France. Avec l’ERP SAP,
nous avons une visibilité en temps réel
sur l’ensemble des stocks, sur tous les
composants, de tous les sites de production en Europe », garantit Vincent
Baudry, Responsable du Pôle Services.
D’autres utilisent le transport comme
composant actif dans la réflexion globale d’optimisation. « Selon les besoins
du client et sa carte d’expéditions, nous
déterminons avec lui où placer une
plate-forme logistique en fonction de la
provenance et de la destination des
marchandises. Nous cherchons le meilleur compromis entre géographie et
transport », assure Eric Cabaillé (Transport Cabaillé).
Patrick
Jeanroy,
Frédéric
Doutriaux,
SLM
Strategic
Accounts,
PTC
©PTC
©ASTRE
la substitution d’une référence par une
autre afin d’éviter stocks morts et
duplications. Il permet enfin, de par la
vision transversale qu’il peut donner
sur les stocks, d’éviter de coûteuses
redondances, une pièce pouvant alors
être stockée dans un entrepôt central
plutôt que sur de multiples sites, tout
en restant accessible en J+1 dans la
plupart des cas.
JUILLET-AOÛT 2014 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°86
41
©CEREZA
Senior
Manager
chez Cereza
Olivier
JeanBaptiste,
©XP LOG
Directeur,
XP LOG
Lionel
Albert,
©C.POLGE
Value
Chain Sales
Development
Director
chez Oracle
Tony
Abouzolof,
©SYNCRON
Managing
Director
de Syncron
42
Savoir segmenter
Une chose est sûre, réduire son stock
de 10 % ne signifie en aucun cas
réduire d’autant le nombre d’articles de
chaque références, une opération synonyme de ruptures et d’excédents. Il
convient alors de segmenter les références, et ce le plus finement possible.
Et si chacun a ses méthodes, l’analyse
de la nomenclature reste incontournable. « Nous travaillons beaucoup sur les
N°86 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JUILLET-AOÛT 2014
référentiels et les données techniques,
essentiels pour le MCO (Maintien en
Conditions Opérationnelles). Pour ceux
qui n’ont pas eu la rigueur de construire ces référentiels dès le départ, leur
constitution est une opération lourde,
mais nécessaire », prévient Laurent
Perea (Capgemini). Sans quoi il est
impossible de prendre en compte les
évolutions et substitutions de pièces,
donc le cycle de vie des produits. Une
segmentation par phase du cycle de vie
est en effet une première piste d’optimisation. « La plupart des entreprises
maîtrisent mal le cycle de vie des produits, juge Tony Abouzolof (Syncron),
seuls les meilleurs y parviennent ». Le
« lifecycle management », un domaine
sur lequel PTC s’est fortement positionné ses 10 dernières années avec les
acquisitions de MCA, puis de Servigistics, est en effet éminemment com-
©DAHER
Thierry
Bur,
port est de second ordre. Dans le cas
contraire, il est préférable de tout
stocker au même endroit », conseille-til. Dans l’automobile, comme dans tout
secteur reposant sur un réseau de
revendeurs et de concessionnaires, on
parle souvent d’optimisation multiéchelon, ou « central + région + concessions ». « Le dimensionnement multi
échelon est apparu dans l’aéronautique, c’est là qu’il a le plus de sens
compte-tenu du prix unitaire très élevé
et de la demande erratique des pièces.
Elle conduit à stocker en un point
unique (généralement un magasin central) un article qui se vend peu et que
les magasins peuvent commander en
cas de besoin. Attention, cela ne fonctionne correctement que si le système
d’information est performant », nuance
Thierry Bur. « Avant les unités de service étaient organisées par pays, la tendance est désormais à la centralisation
avec une optimisation de stock en central et une certaine liberté en local »,
acquiesce Frédéric Doutriaux. Dans
tous les cas, une gestion centralisée des
stocks est devenue la norme. « Dans le
secteur de la pièce détachée automobile
notamment, les centres de distribution
et leur réseau de concessionnaires doivent stocker des centaines de milliers
de pièces dans plusieurs dépôts pour
atteindre les niveaux de service demandés. Le besoin de centraliser l’optimisation des stocks et la prise de décision
dans ce genre de situation s’impose »,
reprend Gilles Alais. Barloword SCS est
d’ailleurs récemment intervenu en qualité de consultant et d’éditeur auprès de
Speedy France pour mettre en place
une gestion centralisée des stocks. Le
but étant de planifier et réduire son
stock de 25 %, grâce au logiciel Optimiza, tout en améliorant la disponibilité immédiate de 15 %.
©BARLOWORLD SCS
ENQUÊTE
Pièces de rechange
©WILO SALMON
greffer le module Service Supply
Chain. PTC emprunte le même chemin,
son module se nommant Service Part
Management.
plexe. Et en matière de pièces de
rechange, cela signifie faire le tri entre
les pièces destinées aux produits en
phase de lancement, les produits
matures, et ceux en fin de fin. Pour les
produits matures, il s’agit essentiellement de comparer les prévisions de
vente et de taux de panne avec la réalité et d’ajuster en fonction des différences constatées. Pour les lancements,
il n’existe ni données, ni taux de
pannes connus, mais les industriels
ponctionnent généralement les pièces
sur le stock de production. C’est le cas
notamment de Wilo Salmson France.
Cela minimise la problématique. En
revanche, pour les produits en fin de
vie, les choses se corsent. Selon Frédéric Doutriaux et Thierry Bur, les donneurs d’ordres auront tendance à
passer une dernière grosse commande
tant que les pièces sont encore dispo-
nibles, en vue d’assurer la fin de vie du
produit. Mais si la demande subsiste
après épuisement des stocks, il faut
parfois remettre en marche d’anciens
outils de production, une opération très
coûteuse. D’où la nécessité de calculer
finement son besoin. La segmentation
peut également s’établir selon la typologie de produits et selon leur criticité.
Un article jugé critique sera alors gardé
en stock, même sur de longues durées.
« Encore faut-il pouvoir définir ce
qu’est un article critique ! », s’exclame
Thierry Bur. « La définition des pièces
critiques/stratégiques est en général le
résultat d’une collaboration entre des
personnes de la maintenance, de la
production et de la qualité », répond
Patrick Brzezinski. « Les taux de services sont différents pour chaque produit et chaque région, nous optimisons
le stock en fonction de la matrice produit-région », conclut un logisticien.
Distinguer les flux
Si l’on raisonne en termes de flux, Luc
Baetens préconise de séparer les flux
préventifs (maintenance programmée),
des flux correctifs (réparation), ces derniers étant par nature imprévisibles,
ce qui n’implique pas de les négliger.
Même discours pour Lionel Albert,
Value Chain Sales Development Director chez Oracle, qui sépare les « Supply
Chains de services liées à la distribution comme celles de Carquest, l’équivalent d’Autodistribution aux USA, de
réparation ou « repair centric », qu’elles
soient internes ou externes, et celles de
gros équipements industriels, dites asset
intensive ». Oracle répond à ces problématiques par une plate-forme collaborative, un socle sur lequel vient se
Gérer en interne…
Mais au fait, à qui incombe la responsabilité d’optimiser les stocks ? Parfois,
les sociétés préfèrent garder le contrôle
de l’optimisation des stocks et laisser
leur prestataire gérer l’opérationnel,
comme c’est le cas chez XP Log :
« Nous portons la flexibilité sur nos
épaules. Le stock appartient au client,
qui définit sa stratégie basée sur
l’information que lui remontent ses
concessions et sur des historiques N-1.
Nous lui remontons les états de stock.
Ensuite, il recoupe les données prévisionnelles des commerciaux avec nos
données logistiques », décrit Olivier
Jean-Baptiste. Parfois encore, le client
se décharge totalement de la partie
pièce détachées et s’en remet à son
prestataire, qui lui propose alors un
contrat de maintenance, pratique commune notamment dans l’aéronautique.
Dans tous les cas de figures, chacun y
va de sa touche personnelle : « Il s’agit
d’un travail transversal entre les différentes équipes. Il implique l’ensemble
des fonctions marketing, production,
développement et commercial. C’est
une gestion de projet », affirme Vincent
Baudry (Wilo Salmson France). « En
général, c’est un effort collaboratif, le
point commun est que nous suivons
toujours une ligne de stratégie donnée
par le client », soutient également l’un
des experts interrogés.
… ou externaliser
Si la plupart des entreprises gèrent
leurs stocks de pièces de rechange en
interne, d’autres préfèrent confier cette
tâche à des spécialistes. Dans ce cas les
réponses peuvent être légèrement différentes. « Dans cette situation, c’est
parfois le Chef de produit qui dicte le
taux de service, notamment sur les produits premium », précise un spécialiste.
« Nous discutons d’abord avec les acheteurs puis avec la maintenance, sensible à la disponibilité des pièces. Le
résultat est souvent un arbitrage entre
les acheteurs et les responsables maintenance », révèle Patrick Brzezinski.
Qu’en disent les éditeurs ? « Nous
JUILLET-AOÛT 2014 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°86
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sommes le plus souvent en contact avec
les VP Supply Chain et SAV. Ce sont
eux qui gèrent les inventaires et le côté
opérationnel », partage Tony Abouzolof. « Nos interlocuteurs sont les logisticiens et les responsables du « customer service », la DSI vient après, en
validation. Elle est d’ailleurs parfois
outsourcée », répond à son tour Frédéric Doutriaux. « Le monde de la pièce
détachée, avait historiquement des
préoccupations très opérationnelles,
avec une tendance à considérer de
façon séparée le niveau des stocks et
l’optimisation du réseau logistique,
analyse Gilles Alais. C’est de moins en
moins vrai, avec une demande accrue
d’outils d’aide à la décision tactique,
voire stratégique afin de répondre aux
enjeux de type : agilité, réactivité,
capacité d’adaptation aux circuits
courts et à la forte croissance du nombre de références... En d’autres termes,
l’informatique doit aider le décideur à
se positionner sur des questions plus
cruciales : Où implanter un entrepôt ?
Quelle doit être sa taille ? Comment
déployer le stock ? »
technologie ». En matière de technologie, il existe divers types de logiciels à
l’aise avec la gestion et l’optimisation
des stocks de pièces de rechange. Sur
le plan fonctionnel, certains sont des
généralistes (ERP) et d’autres des spécialistes de l’optimisation de stocks. Les
éditeurs de solution d’optimisation de
stocks, qui revendiquent une spécialisation en pièces de rechange, ne sont
pas nombreux. Ainsi, Slimstock met en
avant des installations chez Mister
Auto, Fokker Elmo (Câblage aérospatial) et Sotra Seperef. Barloworld SCS
a installé ses solutions chez Sabena
Technics (MRO), Telstra (télécom) et
Volkswagen. Syncron a déployé sa
solution chez Toyota, Volvo ou encore
Electrolux. Enfin, PTC, plus connu
pour ses solutions de PLM (Product
Lifecycle Management), a développé
©COFELY ENDEL
People, process
et technologie
Pour l’un de nos spécialistes, maîtriser
ses stocks requiert la conjugaison de
trois éléments : « people + process +
©DASSAULT
ENQUÊTE
Pièces de rechange
44
N°86 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JUILLET-AOÛT 2014
des applications de SLM (Service Lifecycle Management) via le rachat de
MCA et Servigistics, dédiés à l’optimisation de stocks de pièces détachées.
Les solutions spécialisées mettent en
avant leur bonne connaissance métier.
Selon Tony Abouzolof, les ERP ne sont
pas assez pointus en termes de prévisions, n’offrent pas assez de visibilité
et ne vont pas assez loin dans l’optimisation. Ils n’offrent pas, au contraire
de Syncron ou PTC, par exemple, de
module de pricing. Ceci expliquerait
l’intérêt grandissant pour les solutions
spécifiques. « Notre cœur de métier sont
les industriels et opérateurs, les gens
qui produisent les pièces et qui les utilisent pour proposer des services.
Lorsqu’il y a une forte problématique
de réseaux distribués, de nomenclature,
de maintenance, réparation et d’analyse détaillée des opérations de service,
ils se tournent vers nous. Notre outil
sait par exemple calculer combien il
faudra de chaque pièce pour atteindre
le taux de disponibilité voulu, cela permet d’optimiser le stock » atteste Frédéric Doutriaux. Les clients de PTC se
nomment Dell, Honeywell, Dassault et
beaucoup d’autres dans le secteur de
l’aéronautique. Editeur majeur d’ERP,
Oracle se pose en concurrent direct
avec son module Service Parts Planning. Celui-ci a trouvé preneur chez
Korean Airlines, Virgin Media et également Sun Microsystems, fabricant de
serveur récemment passé dans le giron
d’Oracle. « Sun expédie chaque année
environ un million d’articles. En un an,
le stock de pièces a été divisé par deux,
de 800 à 400 M$, à taux de service
constant (90 %), et le stock de sécurité
a baissé de 20 M$ », dévoile Lionel
Albert. Enfin, certains préfèrent utiliser
une solution « standard », généralement SAP, quitte à développer un
module maison d’optimisation. C’est la
solution qu’a retenue Wilo Salmson
France. « Certaines technologies permettent des choses assez impressionnantes. Service Parts Planning, que
nous avons développé conjointement
avec Deloitte et Ford, est l’état de l’art
de la gestion des stocks. Mais ça ne fait
pas tout. C’est un tiers de la performance. Le reste c’est les gens et leurs
compétences », insiste ce spécialiste. ■
PIERRE MONCEAUX
JMJ Automobile professionnalise
son service pièces de rechange
Le groupe régional JMJ Automobile a pris la décision de centraliser sa logistique de pièces de
rechange, jusque-là éclatée sur plusieurs sites locaux. L’objectif affiché n’est pas la réduction des
coûts, mais l’augmentation substantielle de la qualité du service rendu à ses clients, qu’ils soient
concessionnaires du groupe ou garagistes indépendants.
B
©CARPRO
aisser les stocks n’est pas toujours l’obsession N°1 dans
le monde de la pièce de
rechange. La preuve ? Le projet
Carpro (Centre Automobile de
Réapprovisionnement de Pièces de
Rechange d’Origine) de JMJ Automobile. Cette société familiale,
créée en 1957, exploite 24 concessions Peugeot et Citroën dans les
régions Bourgogne et FrancheComté. A partir de 1999, lorsque
qu’elle se lance dans la commercialisation de la marque au chevron, JMJ Automobile s’appuie
d’abord sur sept DOPR (Distributeur Officiel de Pièces de
Rechange), des stocks gérés séparément les uns des autres et livrés
chaque semaine par le centre principal de pièces détachées de PSA, à
Vesoul. Une première rationalisation conduit d’abord à réduire à
quatre le nombre de DOPR, puis
JMJ Automobile se décide à tout
centraliser sur un unique centre
logistique de 6.000 m2 de pièces
de rechange pour Citroën. Carpro
ouvre en juillet 2013 à Tavaux,
dans le Doubs, pratiquement à l’épicentre de l’ensemble des activités du groupe. « Ce projet ne
s’inscrit pas tant dans une optique d’économie ou
de rentabilité, mais davantage dans une logique
de rationalisation, d’optimisation et de professionnalisation accrue. Notre objectif est d’offrir à
nos clients une qualité de service optimale, une
plus grande disponibilité des pièces et une meilleure efficacité », insiste Jacques Dubois, Directeur
Général de JMJ Automobile.
Directeur Général
de JMJ Automobile
Objectif 90 % de taux de service
L’organisation va s’en trouver modifiée et le
métier va se professionnaliser. Trois nouveaux
postes sont créés sur le site Carpro (38 personnes),
doté d’un call center de quatre personnes : un
poste de responsable des achats, un de responsable des ventes et un de responsable logistique.
Mais c’est sur le plan du service que le changement est le plus spectaculaire. Le nombre de réfé-
©CARPRO
Jacques Dubois,
rences disponibles, qui était de 5.000 à 6.000 du
temps des DOPR, passe à 14.000 (extensible à
18.000, voire 25.000 références à terme). Comptetenu de l’effet d’échelle, les réapprovisionnements
depuis le site PSA de Vesoul sont désormais effectués toutes les nuits, par semi-remorque complet,
et non plus une fois par semaine dans les concessions. Quant au taux de service, compris entre
60 et 70 % auparavant, il atteint désormais les
86 %, avec l’objectif de passer la barre des 90 %
à la fin de l’année. Les clients, qu’ils soient concessionnaires du groupe ou réparateurs indépendants,
peuvent commander par téléphone ou par fax (de
8 h à 12 h et 13 h 30 à 18 h), mais également par
internet jusqu’à 23h pour une livraison le lendemain avant 9h30 (deux livraisons par jour). Tout
cela est orchestré par un nouveau système d’informations exploitant au maximum les synergies
entre un DMS (Dealer Management System), le
système de gestion commerciale pour les concessionnaires, et un WMS, le logiciel de gestion
d’entrepôt Geode de l’éditeur Sage. L’idée de coupler ces deux outils a été initiée par l’éditeur
britannique pour le groupe PSA en 2007, lorsque
le constructeur avait décidé de créer sept platesformes logistiques régionales de pièces de
rechanges pour ses propres concessionnaires intégrés. C’est le succès de cette mise en œuvre qui a
incité JMJ Automobile à choisir la même solution
informatique. Mais si le WMS (Geode) est toujours
dans le giron de Sage, l’activité DMS (I’Car DMS)
est désormais rattachée depuis 2013 à un nouvel
éditeur indépendant, I’Car Systems, qui continue
JUILLET-AOÛT 2014 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°86
45
ENQUÊTE
Pièces de rechange
de commercialiser cette offre couplée DMS+WMS
sous le nom de Plateforme PR.
46
Des effets positifs sur le business
En effet, la centralisation des stocks génèrera à
terme quelques économies intéressantes : moins
de ressources dans les concessions (dont un certain nombre sont en cours de modernisation),
mais également moins de surface, car les magasins de pièces de rechange n’auront plus besoin
d’autant de place. Par ailleurs, l’effet de masse
critique fait bénéficier de meilleures conditions
avec PSA, avec des camions complets et beaucoup moins de recours aux livraisons en
urgence. Le fait de disposer d’une zone de
stockage importante (24.000 emplacements) permet également de constituer des stocks sur palettier en profitant astucieusement des promotions
constructeurs pour acheter aux meilleurs prix.
Mais le principal bénéfice attendu de l’opération
est que cela va contribuer à développer l’activité
auprès des garagistes indépendants. « Grâce à la
qualité de notre stock, nous gagnons des parts de
marché au quotidien auprès de garagistes qui
s’adressaient jusque-là plutôt à un grossiste
parce qu’ils pensaient y trouver une meilleure
disponibilité que chez le concessionnaire »,
reconnaît Jacques Dubois. ■
JEAN-LUC ROGNON
©CARPRO
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Un stock globalement moins important
« Nous avons repris l’historique des ventes de
toutes les concessions du groupe, ce qui nous a
permis de définir le stock de départ de Carpro,
avec 14.000 références qui représentent environ
80% de nos ventes, explique Noël Pétaud, Directeur de Carpro. Nous avons une qualité de stock
complètement différente par rapport à celle d’un
concessionnaire : on peut se permettre d’avoir des
références pour des pièces à faible rotation, fait-il
remarquer. Et même si nous n’avons pas encore
tiré le premier bilan, il apparaît que notre immobilisation financière est moindre. Le stock
aujourd’hui sur Carpro est valorisé à 2,5 M€ alors
que des gros sites comme ceux de Besançon ou de
Dijon avaient déjà à eux seuls 1 M€ de stock de
pièces de rechange, tandis que les autres concessions étaient à plus de 500.000 € de stock »,
ajoute-t-il. La centralisation a notamment un effet
positif sur le stock mort, qui tend à diminuer.
Reste que le projet a nécessité un investissement
total de plus de 3 M€, incluant le terrain, la
construction du bâtiment et les infrastructures à
l’intérieur de l’entrepôt. « Nous considérons Carpro
comme un centre de besoins, ce n’est pas un centre de rentabilité. Si nous finissons à zéro par rapport au périmètre de départ, cela nous va bien »,
précise Jacques Dubois, qui indique que le projet
est « globalement à l’équilibre ».
N°86 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - JUILLET-AOÛT 2014