OCTOBRE-2014 Alcool et Tryptophane 3 > Badawy AA. Alcohol and violence and the possible role of serotonin. Crim Behav Ment Health CBMH 2003; 13: 31–44. 4 > Pihl RO, LeMarquand D. Serotonin and aggression and the alcohol-aggression relationship. Alcohol Alcohol Oxf Oxfs 1998; 33: 55–65. 5 > Higley JD, Bennett AJ. Central nervous system serotonin and personality as variables contributing to excessive alcohol consumption in non-human primates. Alcohol Alcohol Oxf Oxfs 1999; 34: 402–418. 6 > Badawy AA, Evans M. The role of free serum tryptophan in the biphasic effect of acute ethanol administration on the concentrations of rat brain tryptophan, 5-hydroxytryptamine and 5-hydroxyindol-3ylacetic acid. Biochem J 1976; 160: 315–324. 7 > Lovinger DM. Serotonin’s role in alcohol’s effects on the brain. Alcohol Health Res World 1997; 21: 114–120. 8 > LeMarquand D, Pihl RO, Benkelfat C. Serotonin and alcohol intake, abuse, and dependence: clinical evidence. Biol Psychiatry 1994; 36: 326–337. Diminution (taux faible de 5-HIAA cérébral) Sevrage Diminution Alcoolique type I Normale/subnormale Alcoolique type II Déficitaire (faible taux de 5-HIAA dans le LCR) Sujets non prédisposés aux IP (post BD) Équilibre sérotonine/kynurénines Sujets prédisposés aux IP (post BD) Déséquilibre sérotonine/kynurénines (voie des kynurénines suractivée) Pathologiques ; BD : binge drinking 11 > Badawy AA, Punjani NF, Evans CM, Evans M. Inhibition of rat brain tryptophan metabolism by ethanol withdrawal and possible involvement of the enhanced liver tryptophan pyrrolase activity. Biochem J 1980; 192: 449–455. 12 > Stone TW. Kynurenines in the CNS: from endogenous obscurity to therapeutic importance. Prog Neurobiol 2001; 64: 185–218. 13 > Siegel FL, Roach MK, Pomeroy LR. Plasma Amino Acid Patterns in Alcoholism: The Effects of Ethanol Loading. Proc Natl Acad Sci U S A 1964; 51: 605–611. 14 > Cloninger CR. Neurogenetic adaptive mechanisms in alcoholism. Science 1987; 236: 410–416. 15 > Gorwood P, Lanfumey L, Hamon M. [Alcohol dependence and polymorphisms of serotonin-related genes]. Médecine Sci MS 2004; 20: 1132–1138. Tryptocalm ® Complément alimentaire Un apport de L-tryptophane contribue à une Dans le numéro 2 d’Actudis nous avions traité de cette relation dans la consommation de tabac. Dans ce numéro, Marion Soichot nous présente ce même lien dans l’addiction à l’alcool. Comprendre les similitudes et les différences permet ainsi de mieux proposer des réponses adaptées au cours du sevrage. Tryptocalm® contient 500 mg de L-tryptophane par comprimé. Nicolas Bles Il est obtenu par hydrolyse de protéines de Docteur en Pharmacie et Toxicologie maïs, garanti sans OGM. Alcool, violence, sérotonine et Tryptophane Marion Soichot, Docteur en Pharmacie et Neurosciences. Praticien attaché en toxicologie biologique, Hôpital Lariboisière – Paris Alcool et violence : un lien complexe îte d e 3 0 c o mpr i 13€ eA CL s PRIX INDICATIF : 34 54 015 96 L’actualité du Laboratoire Dissolvurol - Rédacteur en Chef : Nicolas Bles - Secrétaire de rédaction : Claire Le Morzadec - Conception graphique : Thierry Fougerol - www.thierryfougerol.fr - Laboratoire Dissolvurol - Stade Louis II, Entrée H - 1 avenue des Castelans - 98000 MONACO - Tél. : 00377 97.77.87.21 - Fax : 00377 97.77.87.20 Mail : [email protected] - Site : www.dissolvurol.com OCTOBRE 2014 - REPRODUCTION INTERDITE effondrement à l’arrêt, chaque substance addictive agit spécifiquement. élévation du taux de sérotonine cérébrale. 18 > Vignau J, Soichot M, Imbenotte M, Jacquemont M-C, Danel T, Vandamme M et al. Impact of tryptophan metabolism on the vulnerability to alcohol-related blackouts and violent impulsive behaviours. Alcohol Alcohol Oxf Oxfs 2010; 45: 79–88. 21 > Richard DM, Dawes MA, Mathias CW, Acheson A, Hill-Kapturczak N, Dougherty DM. L-Tryptophan: Basic Metabolic Functions, Behavioral Research and Therapeutic Indications. Int J Tryptophan Res IJTR 2009; 2: 45–60. Dans le sevrage de nombreuses addictions, pallier son éventuel déficit est un enjeu majeur de la au cours d’une addiction un taux élevé de sérotonine cérébrale pendant la « consommation » puis un 17 > Matsushita S, Yoshino A, Murayama M, Kimura M, Muramatsu T, Higuchi S. Association study of serotonin transporter gene regulatory region polymorphism and alcoholism. Am J Med Genet 2001; 105: 446–450. 20 > Johnson BA. Update on neuropharmacological treatments for alcoholism: scientific basis and clinical findings. Biochem Pharmacol 2008; 75: 34–56. Le rôle essentiel de la sérotonine cérébrale sur l’équilibre comportemental est aujourd’hui bien établi. réussite. Mais le processus est souvent plus complexe qu’il n’y paraît. En effet si on retrouve souvent 16 > Feinn R, Nellissery M, Kranzler HR. Metaanalysis of the association of a functional serotonin transporter promoter polymorphism with alcohol dependence. Am J Med Genet Part B Neuropsychiatr Genet Off Publ Int Soc Psychiatr Genet 2005; 133B: 79–84. 19 > Soichot M, Vaast A, Vignau J, Guillemin GJ, Lhermitte M, Broly F et al. Characterization of functional polymorphisms and glucocorticoidresponsive elements in the promoter of TDO2, a candidate gene for ethanol-induced behavioural disorders. Alcohol Alcohol Oxf Oxfs 2013; 48: 415–425. É d i t o Alcool et Tryptophane 5-HIAA : 5-hydroxyindol-3-ylacétique, principal métabolite de la sérotonine ; LCR : liquide céphalo-rachidien; IP : Ivresses Cod 10 > Casu MA, Pisu C, Lobina C, Pani L. Immunocytochemical study of the forebrain serotonergic innervation in Sardinian alcoholpreferring rats. Psychopharmacology (Berl) 2004; 172: 341–351. Consommation chronique mé 9 > Virkkunen M, Goldman D, Nielsen DA, Linnoila M. Low brain serotonin turnover rate (low CSF 5-HIAA) and impulsive violence. J Psychiatry Neurosci JPN 1995; 20: 271–275. Effet biphasique : augmentation initiale brève et transitoire puis diminution 7 à 8 heures après 9 2 > Moeller FG, Dougherty DM. Antisocial personality disorder, alcohol, and aggression. Alcohol Res Health J Natl Inst Alcohol Abuse Alcohol 2001; 25: 5–11. Activité de la voie sérotoninergique Consommation aiguë 04 L’ A C T U A L I T É D U L A B O R A T O I R E D I S S O L V U R O L Effets de l’alcool sur la voie sérotoninergique 82 1 > Guérin S, Laplanche A, Dunant A, Hill C. Alcoholattributable mortality in France. Eur J Public Health 2013; 23: 588–593. un individu déficitaire ne constitue en aucun cas un moyen de répondre « normalement » à un abus d’alcool, et donc de banaliser, voire d’inciter les consommations à risque. Un rééquilibre de la balance sérotonine/ kynurénines doit en effet avoir pour seul objectif la régulation du comportement, de l’humeur et de l’impulsivité au quotidien, en vue de contribuer significativement à une diminution des consommations problématiques et donc des troubles neurocomportementaux associés. 4 Bibliographie de l’individu pour entrevoir une amélioration : sensibilisation aux complications liées à un abus d’alcool, identification et évitement des évènements « déclencheurs » d’une consommation à risque (dépression, travail stressant, provocation, ambiance festive), apprentissage de techniques de maîtrise de soi, maîtrise ou arrêt total de la consommation d’alcool, etc. Enfin, il est important de rappeler que normaliser le taux de sérotonine cérébrale chez Bo cérébrale(21). Des compléments alimentaires et vitaminés pourraient également venir s’ajouter aux mesures précédentes, tels qu’une supplémentation contrôlée en L-Tryptophane (Tryptocalm®). Une supplémentation en vitamine B3, qui inhibe TDO et donc freine la production de kynurénines au profit de la sérotonine est également couramment conseillée au cours du sevrage alcoolique. Enfin, la pratique d’une activité physique est vivement recommandée car elle favorise d’elle même la production de sérotonine(3). Toutes ces « techniques » visant à augmenter le taux de sérotonine cérébrale pour diminuer les risques de troubles du comportement liés à la prise d’alcool demeurent néanmoins à ce jour très théoriques. En effet, l’efficacité des traitements pharmacologiques reste discutée et ne serait démontrée que chez certains individus alcoolodépendants(20). De plus, des études complémentaires doivent confirmer le ou les mécanisme(s) d’action des aliments et des compléments alimentaires impliquant la modulation du métabolisme du Trp(3). Comme pour toutes les addictions, il faut également garder à l’esprit que toute stratégie visant à prévenir ou traiter les effets néfastes liés à un abus d’alcool doit s’accompagner d’un encadrement psychologique voire psychiatrique La consommation excessive d’alcool présente un impact important en termes de mortalité, de morbidité et de dommages sociaux. En 2009, on rapportait ainsi 49 000 décès liés à l’alcool(1), résultant pour l’essentiel de cancers, de maladies cardiovasculaires, de pathologies digestives, de psychoses, de dépendances alcooliques, d’accidents et de suicides. En outre, si les décès dus à l’alcoolisme sont majoritairement masculins (75%)(1), l’alcoolisme féminin entraîne également de graves conséquences sanitaires et sociales, puisqu’il est responsable du syndrome d’alcoolisation fœtal, première cause non génétique de handicap mental chez l’enfant. Enfin, la consommation abusive d’alcool entraîne également un grand nombre d’actes de violence, tels que des agressions physiques et sexuelles, des homicides ou des violences conjugales. La recherche scientifique étudiant l’impact de la consommation d’alcool sur la santé humaine s’est principalement focalisée sur la compréhension et les traitements de la dépendance alcoolique, à l’origine de la majorité des décès sus-cités. En revanche, à ce jour, il n’existe aucun traitement spécifique des troubles du comportement sous alcool. De plus, s’il existe de nombreuses données épidémiologiques s’intéressant aux interactions entre alcool et violence, les liens de causalité entre ces deux paramètres restent très complexes. En effet, l’alcool ne représente pas en soi une cause nécessaire et suffisante pour rendre un individu violent, et ne concernerait qu’une petite partie de la population(2). De plus, la quantité d’alcool ingérée ne présage pas du degré de violence perpétrée, ce qui suggère que le seul effet pharmacologique, simple et direct, de l’alcool sur le comportement d’un individu est peu probable(2). Ainsi, la violence, et plus généralement les troubles du comportement sous alcool relèveraient plutôt d’une interaction complexe entre des facteurs propres à l’individu, à savoir des critères physiologiques (âge, sexe, terrain génétique) et historiques (antécédents personnels et familiaux), et des facteurs liés à son environnement (contexte socio-culturel, provocations physiques/verbales, polyconsommation de substances psychoactives). Combinés, ces facteurs déterminent la susceptibilité d’un individu aux troubles du comportement sous alcool. REPRODUCTION INTERDITE Alcool et Tryptophane Alcool et Tryptophane appelés kynurénines. A l’inverse de la sérotonine, les connaissances concernant l’implication de ces métabolites dans des processus physiopathologiques sont encore limitées. Il est cependant établi que les kynurénines sont des composés neuroactifs, dont les variations de concentrations cérébrales sont retrouvées dans plusieurs maladies (SIDA, maladie de Parkinson, épilepsies, etc.)(12). Avec la biosynthèse de la sérotonine, la voie des kynurénines place donc le Trp dans une position stratégique au sein de processus neurologiques et cognitifs, ainsi que dans le développement de pathologies à composante cérébrale. Alcool et Sérotonine : les liaisons dangereuses Les effets de l’alcool sur l’organisme et les complications qui en résultent impliquent plusieurs axes neurobiologiques. Les circuits du plaisir et de la récompense, activés lors de prise de substances psychoactives comme l’alcool, sont ainsi généralement associés à la voie de la dopamine. Les troubles du comportement sont, quant à eux, rapportés à des dysfonctionnements de la transmission de sérotonine. Synthétisé à partir du tryptophane (Trp), un acide aminé essentiel nécessairement apporté par l’alimentation, ce neuromédiateur est impliqué dans la régulation de l’humeur et le contrôle de l’impulsivité. Les études menées chez l’Homme et l’animal ont en effet montré que tout processus conduisant à un déficit de la neurotransmission sérotoninergique, (restriction alimentaire en Trp, inhibition de la synthèse dans le cerveau, destruction des neurones sérotoninergiques), pouvait induire un comportement agressif. Des taux faibles de 5-hydroxyindol-3-ylacétique (5-HIAA, principal métabolite de la sérotonine) dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) ont ainsi été retrouvés chez des individus présentant une personnalité limite, chez des sujets coupables d’homicides, mais également chez des alcooliques de sexe masculin(3–5). Concernant les effets de l’alcool sur la sérotonine, les travaux de recherche donnent lieu à des résultats souvent divergents et controversés dans la littérature scientifique. Ces divergences tiennent en partie à des protocoles expérimentaux très variés et difficilement comparables d’une étude à l’autre. D’une manière générale, on observe cependant qu’une consommation d’alcool ponctuelle ou chronique, occasionnelle ou problématique, est associée à une baisse de sérotonine cérébrale : - une prise aiguë d’alcool conduit ainsi à un effet biphasique sur la sérotonine, avec une brève augmentation initiale des taux cérébraux, suivie d’une diminution en-dessous des valeurs basales, 7 à 8 heures après la prise(6) ; - de même, des taux cérébraux plus faibles de 5-HIAA sont retrouvés chez des sujets consommateurs chroniques, indiquant une faible concentration en sérotonine cérébrale(7–9). De la même façon, des rats rendus appétents pour l’alcool possèdent moins de neurones sérotoninergiques au niveau du raphé, comparés à des rats non appétents, contribuant ainsi OCTOBRE 2014 - REPRODUCTION INTERDITE aux taux réduits du neuromédiateur dans le cerveau de ces animaux(10). Ces différences anatomiques pourraient d’ailleurs expliquer que la consommation répétée et massive d’alcool soit un moyen, chez certains individus, de « normaliser » leur taux de sérotonine, puisqu’une consommation aiguë d’alcool est capable de l’augmenter, du moins brièvement; - enfin, le syndrome de sevrage alcoolique serait associé à une diminution de la synthèse et du turnover de sérotonine dans le cerveau, en lien avec une diminution de la disponibilité du Trp pour la synthèse(11). Bien qu’elle soit clairement corrélée à une prise d’alcool, il faut toutefois noter que cette diminution des taux centraux de sérotonine n’aura aucune conséquence visible sur l’humeur ou le comportement de la plupart des gens. Cependant, chez certains individus, et dans des circonstances données, elle pourra entraîner des changements significatifs, voire des accès de violence aux conséquences dramatiques. Les Kynurénines : la face cachée du tryptophane Malgré l’importance de la sérotonine dans l’organisme, seul 1 % du Trp utilisé pour le métabolisme est dédié à la synthèse de ce neuromédiateur. En fait, près de 99 % du Trp sont utilisés pour fabriquer des composés Kynurénines et Alcool Comme nous venons de le voir, les voies de la sérotonine et des kynurénines se retrouvent clairement en compétition directe vis-à-vis de l’utilisation du tryptophane. Ce faisant, tout processus, physiologique ou pathologique, activant l’une de ces voies entraînera, de façon plus ou moins directe, une inhibition de la seconde. Les modifications sérotoninergiques observées au cours de consommations d’alcool seraient ainsi en partie attribuées à un déséquilibre sérotonine/kynurénines, et plus particulièrement à des variations d’activité de la tryptophane 2,3-dioxygénase ou TDO, enzymeclé de la voie des kynurénines : - l’activité de TDO serait notamment multipliée par 4 dans les heures suivant une prise aiguë d’alcool. Ce mécanisme, non totalement élucidé, contribuerait à l’effet biphasique de l’alcool sur les taux cérébraux de sérotonine ; - une consommation chronique tendrait quant à elle à diminuer l’activité de TDO, et donc la métabolisation du Trp en kynurénines. Cela expliquerait qu’une consommation aiguë d’alcool chez des individus dépendants n’entraîne pas ou peu de diminution des taux sériques en Trp, comparée à la diminution des taux observée chez des volontaires sains(13) ; - enfin, une période de sevrage alcoolique entraînerait un effet rebond de l’activité de TDO dans les jours suivant l’arrêt de la consommation, avant un retour à la normale au bout de 10 jours environ. Cet effet rebond pourrait expliquer certains troubles comportementaux observés au cours de cette phase. En effet, une activité de TDO Métabolisme du Tryptophane L-Tryptophane TDO Synthèse protéique TPH IDO Kynurénine KMO, QPRT, etc. KAT Autres kynurénines Acide kynurénique > Composés neuroactifs > Antagoniste des récepteurs au glutamate (NMDA) > Phénomènes de mémorisation Sérotonine 5-HTT R5-HT > Inhibition comportementale > Contrôle de l’impulsivité > Humeur TDO, IDO, KMO, QPRT et KAT sont des enzymes de la voie des kynurénines NMDA: récepteurs au glutamate de type N-méthyl-D-aspartate 5-HTT et R 5-HT sont respectivement le transporteur et les récepteurs de la voie de la sérotonine plus importante est susceptible d’augmenter significativement la production de kynurénines neuroactives, notamment l’acide quinolinique, puissant agoniste des récepteurs glutamate de type N-méthyl-D-aspartate (NMDA), et impliqué dans l’hyperexcitabilité neuronale et la neurotoxicité(12). En parallèle, la suractivation de la voie des kynurénines s’accompagnerait d’un déficit en sérotonine, à l’origine de troubles du comportement et de l’humeur, souvent observés chez les alcoolodépendants en début de sevrage. Ivresse Pathologique : le tryptophane en ligne de mire Le déséquilibre de la balance sérotonine/ kynurénines pourrait ainsi avoir des conséquences graves lors de l’ingestion aiguë d’alcool en grande quantité, couramment appelée binge drinking, et ainsi donner lieu à des ivresses alcooliques compliquées ou ivresses pathologiques. En effet, l’alcool activant la voie des kynurénines par augmentation transitoire de l’activité de TDO, une consommation massive de type binge pourrait donc provoquer une suractivation de l’enzyme, conduisant à un « siphonnage » du Trp par la voie des kynurénines, au détriment de la synthèse de sérotonine. Dans certaines proportions, ce déficit en sérotonine se traduirait alors par une perte de l’inhibition, avec des accès impulsifs et agressifs incontrôlés. Dans un second temps, la suractivation de la voie des kynurénines augmenterait le taux cérébral d’acide d’acide kynurénique, un antagoniste des récepteurs NMDA jouant un rôle dans des processus de mémorisation, avec pour conséquence des pertes de mémoire, voire une véritable amnésie ou « blackout », qui, associé aux accès de violence sous alcool, constitue une ivresse pathologique. 5-HIAA dans le LCR, serait caractéristique des alcoolodépendants dits de type II, sous-population présentant également une personnalité agressive et impulsive de base(14). L’origine des différences de comportement entre les individus après une consommation d’alcool est aussi explorée sur le plan génétique. Ainsi, plusieurs mutations appelées polymorphismes, affectant les gènes codant pour les acteurs du métabolisme du tryptophane, pourraient expliquer cette variabilité. A ce jour, plusieurs gènes candidats ont été évoqués, mais seuls quelques polymorphismes affectant les gènes de la voie de la sérotonine ont été identifiés. L’étude du transporteur de la sérotonine (5HTT), principal modulateur de la transmission sérotoninergique, en est l’exemple le plus documenté. Un polymorphisme affectant ce gène (appelé 5-HTTLPR) entraîne chez des individus porteurs de l’allèle court une diminution de l’expression du transporteur et de sa capacité à fixer la sérotonine(15). Ce polymorphisme serait ainsi impliqué dans la vulnérabilité à plusieurs addictions dont l’alcoolodépendance, et serait plus fréquent chez des sujets alcooliques de type II par rapport aux alcooliques de type I (16), ainsi que chez des sujets binge drinkers par rapport à des alcoolodépendants non binge drinkers(17). Alcool, Violence et Tryptophane : pas tous égaux… Bien sûr, tous les individus ne répondent pas de la même façon à un verre d’alcool. Tous ne deviendront pas dépendants, et tous ne deviendront pas violents à la suite d’une consommation aiguë excessive. De la même façon, il est possible de classer les personnes souffrant d’alcoolisme en deux groupes distincts selon différents critères : âge de début de consommation, sur un mode plus ou moins compulsif, accompagné ou non de violence, et associé ou non à une attirance pour les situations à risque (Classification de Cloninger). D’après cette classification, un déficit de la neurotransmission sérotoninergique, notamment exprimé par des taux faibles de Comparée à la sérotonine, très peu d’études se sont intéressées à la variabilité interindividuelle des kynurénines. Toutefois, des chercheurs lillois ont récemment mis en commun leur expertise en addictologie, neurosciences, et biologie moléculaire pour explorer l’hypothèse d’une prédisposition de certains individus aux ivresses pathologiques en lien avec un dysfonctionnement de la voie des kynurénines. Grâce à un petit échantillon de patients, ils ont ainsi pu constater des différences d’activité de cette voie chez des alcoolodépendants ayant ou non des antécédents d’ivresses pathologiques. Des recherches supplémentaires dans des populations de patients plus importantes permettraient de déterminer si ces polymorphismes pourraient entraîner des variations significatives d’expression et/ou d’activité de TDO à la suite d’un binge drinking. Si cette hypothèse s’avérait exacte, de telles études pourraient donc également expliquer les différences de comportements pathologiques observés au cours d’une alcoolisation aiguë(19). Enfin, ces recherches ouvriraient surtout la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques, préventives ou curatives, des troubles du comportement sous alcool. Tryptophane, Alcool et Comportement : influence des mesures hygiéno-diététiques En attendant de trouver ces solutions thérapeutiques, certains moyens permettent de prévenir ou de corriger différents troubles du comportement sous alcool. Dans un contexte d’ivresse caractérisée, certains individus présentant un taux de sérotonine cérébral inférieur à la moyenne sont par exemple susceptibles de développer plusieurs complications : dépendance, dépression, anxiété, troubles psychotiques, troubles mnésiques, comportements violents, etc. Parmi les stratégies actuelles visant à prévenir ou corriger ces différents troubles, l’augmentation du taux de sérotonine cérébrale a permis d’obtenir des résultats encourageants. L’utilisation d’agents pharmacologiques tels que les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ou certains agonistes/antagonistes des récepteurs sérotoninergiques ont ainsi démontré une efficacité relative dans le traitement de l’anxiété, du sevrage ou de la dépression, mais seulement dans le cas d’une minorité de patients alcoolodépendants(20). Des solutions non médicamenteuses existent également pour redresser le taux de sérotonine cérébrale, telles que des mesures hygiénodiététiques visant à augmenter la fraction de Trp passant de la circulation générale dans le cerveau via la barrière hématoencéphalique (BHE). Au niveau de la BHE, le Trp se retrouve en compétition avec d’autres acides aminés (acides aminés en compétition ou CAA), et tous nécessitent un transporteur membranaire presque toujours saturé en conditions physiologiques. Le taux de Trp disponible pour atteindre le cerveau peut ainsi s’exprimer par le ratio de la concentration de Trp circulant sur la somme totale des acides aminés en compétition au niveau de la BHE. Par conséquent, la fraction de Trp pouvant traverser la BHE, soit le ratio Trp/CAA, peut être modulé en faisant varier la quantité de Trp circulant et/ou celle des CAA. Ainsi, un régime riche en carbohydrates diminue la quantité de CAA dans l’organisme via une activation de l’insuline, et permet donc d’augmenter la disponibilité du Trp pour le cerveau. A l’inverse, une alimentation riche en protéines est relativement pauvre en Trp. Ce faisant, un tel régime tendrait à diminuer le ratio Trp/CAA et cela, au détriment de la synthèse de sérotonine REPRODUCTION INTERDITE - OCTOBRE 2014
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