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OCTOBRE-2014
Alcool et Tryptophane
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Diminution (taux faible de 5-HIAA cérébral)
Sevrage
Diminution
Alcoolique type I
Normale/subnormale
Alcoolique type II
Déficitaire (faible taux de 5-HIAA dans le LCR)
Sujets non prédisposés aux IP (post BD)
Équilibre sérotonine/kynurénines
Sujets prédisposés aux IP (post BD)
Déséquilibre sérotonine/kynurénines
(voie des kynurénines suractivée)
Pathologiques ; BD : binge drinking
11 > Badawy AA, Punjani NF, Evans CM, Evans M.
Inhibition of rat brain tryptophan metabolism by
ethanol withdrawal and possible involvement of the
enhanced liver tryptophan pyrrolase activity. Biochem J
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dependence and polymorphisms of serotonin-related
genes]. Médecine Sci MS 2004; 20: 1132–1138.
Tryptocalm
®
Complément alimentaire
Un apport de L-tryptophane contribue à une
Dans le numéro 2 d’Actudis nous avions traité de cette relation dans la consommation de tabac. Dans
ce numéro, Marion Soichot nous présente ce même lien dans l’addiction à l’alcool. Comprendre les
similitudes et les différences permet ainsi de mieux proposer des réponses adaptées au cours du sevrage.
Tryptocalm® contient 500 mg de L-tryptophane par comprimé.
Nicolas Bles
Il est obtenu par hydrolyse de protéines de
Docteur en Pharmacie et Toxicologie
maïs, garanti sans OGM.
Alcool, violence, sérotonine et Tryptophane
Marion Soichot, Docteur en Pharmacie et Neurosciences. Praticien attaché en toxicologie biologique, Hôpital Lariboisière – Paris
Alcool et violence :
un lien complexe
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L’actualité du Laboratoire Dissolvurol - Rédacteur en Chef : Nicolas Bles - Secrétaire de rédaction : Claire Le Morzadec - Conception graphique : Thierry Fougerol
- www.thierryfougerol.fr - Laboratoire Dissolvurol - Stade Louis II, Entrée H - 1 avenue des Castelans - 98000 MONACO - Tél. : 00377 97.77.87.21 - Fax : 00377 97.77.87.20 Mail : [email protected] - Site : www.dissolvurol.com
OCTOBRE 2014 - REPRODUCTION INTERDITE
effondrement à l’arrêt, chaque substance addictive agit spécifiquement.
élévation du taux de sérotonine cérébrale.
18 > Vignau J, Soichot M, Imbenotte M, Jacquemont
M-C, Danel T, Vandamme M et al. Impact of tryptophan
metabolism on the vulnerability to alcohol-related
blackouts and violent impulsive behaviours. Alcohol
Alcohol Oxf Oxfs 2010; 45: 79–88.
21 > Richard DM, Dawes MA, Mathias CW, Acheson
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Basic Metabolic Functions, Behavioral Research and
Therapeutic Indications. Int J Tryptophan Res IJTR
2009; 2: 45–60.
Dans le sevrage de nombreuses addictions, pallier son éventuel déficit est un enjeu majeur de la
au cours d’une addiction un taux élevé de sérotonine cérébrale pendant la « consommation » puis un
17 > Matsushita S, Yoshino A, Murayama M, Kimura M,
Muramatsu T, Higuchi S. Association study of serotonin
transporter gene regulatory region polymorphism and
alcoholism. Am J Med Genet 2001; 105: 446–450.
20 > Johnson BA. Update on neuropharmacological
treatments for alcoholism: scientific basis and clinical
findings. Biochem Pharmacol 2008; 75: 34–56.
Le rôle essentiel de la sérotonine cérébrale sur l’équilibre comportemental est aujourd’hui bien établi.
réussite. Mais le processus est souvent plus complexe qu’il n’y paraît. En effet si on retrouve souvent
16 > Feinn R, Nellissery M, Kranzler HR. Metaanalysis of the association of a functional serotonin
transporter promoter polymorphism with alcohol
dependence. Am J Med Genet Part B Neuropsychiatr
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a candidate gene for ethanol-induced behavioural
disorders. Alcohol Alcohol Oxf Oxfs 2013; 48: 415–425.
É d i t o
Alcool et Tryptophane
5-HIAA : 5-hydroxyindol-3-ylacétique, principal métabolite de la sérotonine ; LCR : liquide céphalo-rachidien; IP : Ivresses
Cod
10 > Casu MA, Pisu C, Lobina C, Pani L.
Immunocytochemical study of the forebrain
serotonergic innervation in Sardinian alcoholpreferring rats. Psychopharmacology (Berl) 2004; 172:
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Consommation chronique
mé
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Effet biphasique : augmentation initiale brève et transitoire puis
diminution 7 à 8 heures après
9
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disorder, alcohol, and aggression. Alcohol Res Health J
Natl Inst Alcohol Abuse Alcohol 2001; 25: 5–11.
Activité de la voie sérotoninergique
Consommation aiguë
04
L’ A C T U A L I T É D U L A B O R A T O I R E D I S S O L V U R O L
Effets de l’alcool sur la voie sérotoninergique
82
1 > Guérin S, Laplanche A, Dunant A, Hill C. Alcoholattributable mortality in France. Eur J Public Health
2013; 23: 588–593.
un individu déficitaire ne constitue en aucun
cas un moyen de répondre « normalement »
à un abus d’alcool, et donc de banaliser,
voire d’inciter les consommations à risque.
Un rééquilibre de la balance sérotonine/
kynurénines doit en effet avoir pour seul objectif
la régulation du comportement, de l’humeur
et de l’impulsivité au quotidien, en vue de
contribuer significativement à une diminution
des consommations problématiques et donc des
troubles neurocomportementaux associés.
4
Bibliographie
de l’individu pour entrevoir une amélioration :
sensibilisation aux complications liées à un
abus d’alcool, identification et évitement
des évènements « déclencheurs » d’une
consommation à risque (dépression, travail
stressant, provocation, ambiance festive),
apprentissage de techniques de maîtrise de
soi, maîtrise ou arrêt total de la consommation
d’alcool, etc.
Enfin, il est important de rappeler que
normaliser le taux de sérotonine cérébrale chez
Bo
cérébrale(21). Des compléments alimentaires
et vitaminés pourraient également venir
s’ajouter aux mesures précédentes, tels qu’une
supplémentation contrôlée en L-Tryptophane
(Tryptocalm®). Une supplémentation en vitamine
B3, qui inhibe TDO et donc freine la production
de kynurénines au profit de la sérotonine est
également couramment conseillée au cours
du sevrage alcoolique. Enfin, la pratique d’une
activité physique est vivement recommandée
car elle favorise d’elle même la production de
sérotonine(3).
Toutes ces « techniques » visant à augmenter
le taux de sérotonine cérébrale pour diminuer
les risques de troubles du comportement liés
à la prise d’alcool demeurent néanmoins à ce
jour très théoriques. En effet, l’efficacité des
traitements pharmacologiques reste discutée
et ne serait démontrée que chez certains
individus alcoolodépendants(20). De plus, des
études complémentaires doivent confirmer le
ou les mécanisme(s) d’action des aliments et
des compléments alimentaires impliquant la
modulation du métabolisme du Trp(3). Comme
pour toutes les addictions, il faut également
garder à l’esprit que toute stratégie visant
à prévenir ou traiter les effets néfastes liés
à un abus d’alcool doit s’accompagner d’un
encadrement psychologique voire psychiatrique
La consommation excessive d’alcool présente
un impact important en termes de mortalité,
de morbidité et de dommages sociaux. En
2009, on rapportait ainsi 49 000 décès liés à
l’alcool(1), résultant pour l’essentiel de cancers, de maladies cardiovasculaires, de pathologies digestives, de psychoses, de dépendances alcooliques, d’accidents et de suicides.
En outre, si les décès dus à l’alcoolisme sont
majoritairement masculins (75%)(1), l’alcoolisme féminin entraîne également de graves
conséquences sanitaires et sociales, puisqu’il
est responsable du syndrome d’alcoolisation
fœtal, première cause non génétique de handicap mental chez l’enfant. Enfin, la consommation abusive d’alcool entraîne également
un grand nombre d’actes de violence, tels que
des agressions physiques et sexuelles, des
homicides ou des violences conjugales.
La recherche scientifique étudiant l’impact
de la consommation d’alcool sur la santé
humaine s’est principalement focalisée sur
la compréhension et les traitements de la
dépendance alcoolique, à l’origine de la
majorité des décès sus-cités. En revanche, à
ce jour, il n’existe aucun traitement spécifique
des troubles du comportement sous alcool. De
plus, s’il existe de nombreuses données épidémiologiques s’intéressant aux interactions
entre alcool et violence, les liens de causalité entre ces deux paramètres restent très
complexes. En effet, l’alcool ne représente pas
en soi une cause nécessaire et suffisante pour
rendre un individu violent, et ne concernerait
qu’une petite partie de la population(2). De
plus, la quantité d’alcool ingérée ne présage
pas du degré de violence perpétrée, ce qui
suggère que le seul effet pharmacologique,
simple et direct, de l’alcool sur le comportement d’un individu est peu probable(2). Ainsi, la
violence, et plus généralement les troubles du
comportement sous alcool relèveraient plutôt
d’une interaction complexe entre des facteurs
propres à l’individu, à savoir des critères
physiologiques (âge, sexe, terrain génétique)
et historiques (antécédents personnels et
familiaux), et des facteurs liés à son environnement (contexte socio-culturel, provocations
physiques/verbales, polyconsommation de
substances psychoactives). Combinés, ces
facteurs déterminent la susceptibilité d’un
individu aux troubles du comportement
sous alcool.
REPRODUCTION INTERDITE
Alcool et Tryptophane
Alcool et Tryptophane
appelés kynurénines. A l’inverse de la
sérotonine, les connaissances concernant
l’implication de ces métabolites dans des
processus physiopathologiques sont encore
limitées. Il est cependant établi que les
kynurénines sont des composés neuroactifs,
dont les variations de concentrations cérébrales
sont retrouvées dans plusieurs maladies (SIDA,
maladie de Parkinson, épilepsies, etc.)(12). Avec
la biosynthèse de la sérotonine, la voie des
kynurénines place donc le Trp dans une position
stratégique au sein de processus neurologiques
et cognitifs, ainsi que dans le développement de
pathologies à composante cérébrale.
Alcool et Sérotonine :
les liaisons dangereuses
Les effets de l’alcool sur l’organisme et les
complications qui en résultent impliquent
plusieurs axes neurobiologiques. Les circuits
du plaisir et de la récompense, activés lors
de prise de substances psychoactives comme
l’alcool, sont ainsi généralement associés
à la voie de la dopamine. Les troubles du
comportement sont, quant à eux, rapportés à
des dysfonctionnements de la transmission de
sérotonine. Synthétisé à partir du tryptophane
(Trp), un acide aminé essentiel nécessairement
apporté par l’alimentation, ce neuromédiateur
est impliqué dans la régulation de l’humeur et
le contrôle de l’impulsivité. Les études menées
chez l’Homme et l’animal ont en effet montré
que tout processus conduisant à un déficit
de la neurotransmission sérotoninergique,
(restriction alimentaire en Trp, inhibition de
la synthèse dans le cerveau, destruction des
neurones sérotoninergiques), pouvait induire
un comportement agressif. Des taux faibles de
5-hydroxyindol-3-ylacétique (5-HIAA, principal
métabolite de la sérotonine) dans le liquide
céphalo-rachidien (LCR) ont ainsi été retrouvés
chez des individus présentant une personnalité
limite, chez des sujets coupables d’homicides,
mais également chez des alcooliques de sexe
masculin(3–5).
Concernant les effets de l’alcool sur la
sérotonine, les travaux de recherche donnent
lieu à des résultats souvent divergents et
controversés dans la littérature scientifique. Ces
divergences tiennent en partie à des protocoles
expérimentaux très variés et difficilement
comparables d’une étude à l’autre. D’une
manière générale, on observe cependant qu’une
consommation d’alcool ponctuelle ou chronique,
occasionnelle ou problématique, est associée à
une baisse de sérotonine cérébrale :
- une prise aiguë d’alcool conduit ainsi à un
effet biphasique sur la sérotonine, avec une
brève augmentation initiale des taux cérébraux,
suivie d’une diminution en-dessous des valeurs
basales, 7 à 8 heures après la prise(6) ;
- de même, des taux cérébraux plus faibles
de 5-HIAA sont retrouvés chez des sujets
consommateurs chroniques, indiquant une
faible concentration en sérotonine cérébrale(7–9).
De la même façon, des rats rendus appétents
pour l’alcool possèdent moins de neurones
sérotoninergiques au niveau du raphé, comparés
à des rats non appétents, contribuant ainsi
OCTOBRE 2014 - REPRODUCTION INTERDITE
aux taux réduits du neuromédiateur dans le
cerveau de ces animaux(10). Ces différences
anatomiques pourraient d’ailleurs expliquer que
la consommation répétée et massive d’alcool soit
un moyen, chez certains individus, de
« normaliser » leur taux de sérotonine,
puisqu’une consommation aiguë d’alcool est
capable de l’augmenter, du moins brièvement;
- enfin, le syndrome de sevrage alcoolique serait
associé à une diminution de la synthèse et du
turnover de sérotonine dans le cerveau, en lien
avec une diminution de la disponibilité du Trp
pour la synthèse(11).
Bien qu’elle soit clairement corrélée à une
prise d’alcool, il faut toutefois noter que cette
diminution des taux centraux de sérotonine
n’aura aucune conséquence visible sur l’humeur
ou le comportement de la plupart des gens.
Cependant, chez certains individus, et dans des
circonstances données, elle pourra entraîner des
changements significatifs, voire des accès de
violence aux conséquences dramatiques.
Les Kynurénines :
la face cachée
du tryptophane
Malgré l’importance de la sérotonine dans
l’organisme, seul 1 % du Trp utilisé pour le
métabolisme est dédié à la synthèse de ce
neuromédiateur. En fait, près de 99 % du Trp
sont utilisés pour fabriquer des composés
Kynurénines et Alcool
Comme nous venons de le voir, les voies de la
sérotonine et des kynurénines se retrouvent
clairement en compétition directe vis-à-vis de
l’utilisation du tryptophane. Ce faisant, tout
processus, physiologique ou pathologique,
activant l’une de ces voies entraînera, de façon
plus ou moins directe, une inhibition de la
seconde. Les modifications sérotoninergiques
observées au cours de consommations
d’alcool seraient ainsi en partie attribuées à un
déséquilibre sérotonine/kynurénines, et plus
particulièrement à des variations d’activité de la
tryptophane 2,3-dioxygénase ou TDO, enzymeclé de la voie des kynurénines :
- l’activité de TDO serait notamment multipliée
par 4 dans les heures suivant une prise aiguë
d’alcool. Ce mécanisme, non totalement élucidé,
contribuerait à l’effet biphasique de l’alcool sur
les taux cérébraux de sérotonine ;
- une consommation chronique tendrait quant
à elle à diminuer l’activité de TDO, et donc
la métabolisation du Trp en kynurénines.
Cela expliquerait qu’une consommation
aiguë d’alcool chez des individus dépendants
n’entraîne pas ou peu de diminution des taux
sériques en Trp, comparée à la diminution des
taux observée chez des volontaires sains(13) ;
- enfin, une période de sevrage alcoolique
entraînerait un effet rebond de l’activité
de TDO dans les jours suivant l’arrêt de la
consommation, avant un retour à la normale
au bout de 10 jours environ. Cet effet
rebond pourrait expliquer certains troubles
comportementaux observés au cours de
cette phase. En effet, une activité de TDO
Métabolisme du Tryptophane
L-Tryptophane
TDO
Synthèse protéique
TPH
IDO
Kynurénine
KMO, QPRT, etc.
KAT
Autres kynurénines
Acide kynurénique
> Composés neuroactifs
> Antagoniste des récepteurs
au glutamate (NMDA)
> Phénomènes de mémorisation
Sérotonine
5-HTT
R5-HT
> Inhibition comportementale
> Contrôle de l’impulsivité
> Humeur
TDO, IDO, KMO, QPRT et KAT sont des enzymes de la voie des kynurénines
NMDA: récepteurs au glutamate de type N-méthyl-D-aspartate
5-HTT et R 5-HT sont respectivement le transporteur et les récepteurs de la voie de la sérotonine
plus importante est susceptible d’augmenter
significativement la production de kynurénines
neuroactives, notamment l’acide quinolinique,
puissant agoniste des récepteurs glutamate
de type N-méthyl-D-aspartate (NMDA), et
impliqué dans l’hyperexcitabilité neuronale et
la neurotoxicité(12). En parallèle, la suractivation
de la voie des kynurénines s’accompagnerait
d’un déficit en sérotonine, à l’origine de troubles
du comportement et de l’humeur, souvent
observés chez les alcoolodépendants en début
de sevrage.
Ivresse Pathologique :
le tryptophane en
ligne de mire
Le déséquilibre de la balance sérotonine/
kynurénines pourrait ainsi avoir des
conséquences graves lors de l’ingestion aiguë
d’alcool en grande quantité, couramment
appelée binge drinking, et ainsi donner lieu à des
ivresses alcooliques compliquées ou ivresses
pathologiques. En effet, l’alcool activant la voie
des kynurénines par augmentation transitoire
de l’activité de TDO, une consommation
massive de type binge pourrait donc provoquer
une suractivation de l’enzyme, conduisant
à un « siphonnage » du Trp par la voie des
kynurénines, au détriment de la synthèse de
sérotonine. Dans certaines proportions, ce
déficit en sérotonine se traduirait alors par une
perte de l’inhibition, avec des accès impulsifs et
agressifs incontrôlés. Dans un second temps,
la suractivation de la voie des kynurénines
augmenterait le taux cérébral d’acide d’acide
kynurénique, un antagoniste des récepteurs
NMDA jouant un rôle dans des processus de
mémorisation, avec pour conséquence des
pertes de mémoire, voire une véritable amnésie
ou « blackout », qui, associé aux accès de
violence sous alcool, constitue une ivresse
pathologique.
5-HIAA dans le LCR, serait caractéristique
des alcoolodépendants dits de type II,
sous-population présentant également une
personnalité agressive et impulsive de base(14).
L’origine des différences de comportement entre
les individus après une consommation d’alcool
est aussi explorée sur le plan génétique. Ainsi,
plusieurs mutations appelées polymorphismes,
affectant les gènes codant pour les acteurs
du métabolisme du tryptophane, pourraient
expliquer cette variabilité. A ce jour, plusieurs
gènes candidats ont été évoqués, mais seuls
quelques polymorphismes affectant les gènes
de la voie de la sérotonine ont été identifiés.
L’étude du transporteur de la sérotonine (5HTT), principal modulateur de la transmission
sérotoninergique, en est l’exemple le plus
documenté. Un polymorphisme affectant
ce gène (appelé 5-HTTLPR) entraîne chez
des individus porteurs de l’allèle court une
diminution de l’expression du transporteur
et de sa capacité à fixer la sérotonine(15). Ce
polymorphisme serait ainsi impliqué dans
la vulnérabilité à plusieurs addictions dont
l’alcoolodépendance, et serait plus fréquent
chez des sujets alcooliques de type II par
rapport aux alcooliques de type I (16), ainsi que
chez des sujets binge drinkers par rapport à des
alcoolodépendants non binge drinkers(17).
Alcool,
Violence et Tryptophane :
pas tous égaux…
Bien sûr, tous les individus ne répondent
pas de la même façon à un verre d’alcool.
Tous ne deviendront pas dépendants, et tous
ne deviendront pas violents à la suite d’une
consommation aiguë excessive. De la même
façon, il est possible de classer les personnes
souffrant d’alcoolisme en deux groupes distincts
selon différents critères : âge de début de
consommation, sur un mode plus ou moins
compulsif, accompagné ou non de violence,
et associé ou non à une attirance pour les
situations à risque (Classification de Cloninger).
D’après cette classification, un déficit de
la neurotransmission sérotoninergique,
notamment exprimé par des taux faibles de
Comparée à la sérotonine, très peu d’études se
sont intéressées à la variabilité interindividuelle
des kynurénines. Toutefois, des chercheurs
lillois ont récemment mis en commun leur
expertise en addictologie, neurosciences, et
biologie moléculaire pour explorer l’hypothèse
d’une prédisposition de certains individus
aux ivresses pathologiques en lien avec un
dysfonctionnement de la voie des kynurénines.
Grâce à un petit échantillon de patients, ils ont
ainsi pu constater des différences d’activité de
cette voie chez des alcoolodépendants ayant ou
non des antécédents d’ivresses pathologiques.
Des recherches supplémentaires dans des
populations de patients plus importantes
permettraient de déterminer si ces
polymorphismes pourraient entraîner des
variations significatives d’expression et/ou
d’activité de TDO à la suite d’un binge drinking.
Si cette hypothèse s’avérait exacte, de telles
études pourraient donc également expliquer les
différences de comportements pathologiques
observés au cours d’une alcoolisation aiguë(19).
Enfin, ces recherches ouvriraient surtout la
voie à de nouvelles pistes thérapeutiques,
préventives ou curatives, des troubles du
comportement sous alcool.
Tryptophane, Alcool
et Comportement :
influence des mesures
hygiéno-diététiques
En attendant de trouver ces solutions
thérapeutiques, certains moyens permettent
de prévenir ou de corriger différents troubles
du comportement sous alcool. Dans un
contexte d’ivresse caractérisée, certains
individus présentant un taux de sérotonine
cérébral inférieur à la moyenne sont par
exemple susceptibles de développer plusieurs
complications : dépendance, dépression,
anxiété, troubles psychotiques, troubles
mnésiques, comportements violents, etc. Parmi
les stratégies actuelles visant à prévenir ou
corriger ces différents troubles, l’augmentation
du taux de sérotonine cérébrale a permis
d’obtenir des résultats encourageants.
L’utilisation d’agents pharmacologiques
tels que les inhibiteurs de la recapture de la
sérotonine ou certains agonistes/antagonistes
des récepteurs sérotoninergiques ont ainsi
démontré une efficacité relative dans le
traitement de l’anxiété, du sevrage ou de la
dépression, mais seulement dans le cas d’une
minorité de patients alcoolodépendants(20).
Des solutions non médicamenteuses existent
également pour redresser le taux de sérotonine
cérébrale, telles que des mesures hygiénodiététiques visant à augmenter la fraction
de Trp passant de la circulation générale
dans le cerveau via la barrière hématoencéphalique (BHE). Au niveau de la BHE, le
Trp se retrouve en compétition avec d’autres
acides aminés (acides aminés en compétition
ou CAA), et tous nécessitent un transporteur
membranaire presque toujours saturé en
conditions physiologiques. Le taux de Trp
disponible pour atteindre le cerveau peut ainsi
s’exprimer par le ratio de la concentration de
Trp circulant sur la somme totale des acides
aminés en compétition au niveau de la BHE.
Par conséquent, la fraction de Trp pouvant
traverser la BHE, soit le ratio Trp/CAA, peut
être modulé en faisant varier la quantité de Trp
circulant et/ou celle des CAA. Ainsi, un régime
riche en carbohydrates diminue la quantité
de CAA dans l’organisme via une activation
de l’insuline, et permet donc d’augmenter la
disponibilité du Trp pour le cerveau. A l’inverse,
une alimentation riche en protéines est
relativement pauvre en Trp. Ce faisant, un tel
régime tendrait à diminuer le ratio Trp/CAA et
cela, au détriment de la synthèse de sérotonine
REPRODUCTION INTERDITE - OCTOBRE 2014