Elèves de 6e année d’études (école Aldringen) 1948-1949 3, à partir du bas, de gauche à droite: - 1e rangée: Marcel Leurs, Paul Dickes, Arthur Klees, Emile Hellers, André Kass, Maurice Hauben, Charles Rippert; - 2e rangée: Pierre Weber, Paul Eyschen, Roger Sulbout, Pierre Leonard, Jean Mersch, Kurt Siedler, Roger Scheer, Jean-Pierre Wolff, Paul Wennmacher, André Potvin, Pierre Friederes; - 3e rangée: Paul Mischo, Guy Scharff, Ady Schammo, Jean Schmit, Mathis Wildanger, Ben Fayot, Ernest Delvaux, (?), Georges Ferring, (?); - 4 e rangée: Jean Wagner, Roger Lepage, Klaus Schlüter, Charles Reckinger, Jacques Brausch, Yves Crauser, Guillaume Schanen, Robert Masson, Nicolas Feller, Pierre Zimmer, Marc Ferres. L’instituteur Edouard Feitler se tient au milieu derrière la 4 e rangée. Ce qu’une photo d ’autrefois peut nous apprend re su r l a v i l le d ’aujou rd ’ hu i J e regarde souvent la photo de ma classe de 6e année d’études prise en juillet 1948 dans le parc de la ville de Luxembourg sur laquelle sont alignés trente-neuf écoliers. Quatre garçons manquent sur la photo de la classe qui en comptait quarante-trois en tout. Cinquante et un ans, costume cravate, l’air assuré, mi- sévère mi- souriant, leur instituteur Edouard Feitler est debout au milieu de la dernière rangée, dominant la classe1. Le rapport d’autorité est visible; le maître n’avait pas de peine à gérer sa classe et à enseigner sérieusement ses élèves. Mais la décontraction des garçons est également visible; l’air narquois des uns, le sourire de commande des autres, un défi au regard pour certains. Ils allaient bientôt quitter le maître et l’école, les vacances et la grande liberté approchent, une vie nouvelle s’annonce. Des quarantetrois élèves la moitié venait de passer l’examen d’admission à l’enseignement secondaire, les uns pour le LGL, la plupart pour l’Athénée, sis rue Notre-Dame, plus proche pour la plupart de leur domicile. C’était une classe homogène à tout point de vue, dirait-on aujourd’hui, par opposition à l’hétérogénéité qu’on évoque en parlant de la population scolaire actuelle. Certes, l’âge des garçons se situait entre onze, douze à quatorze ans. Il y avait donc des redoublants quelque part. Leurs familles étaient bien implantées dans la ville dont certaines depuis longtemps. Elles créaient la richesse de la ville par leurs activités diverses. Le plus grand nombre vivait du commerce et de l’artisanat. On note quelques professions libérales, mais aussi des fonctions dirigeantes, des activités de service comme portier ou huissier, quelques ouvriers. Bref, une belle diversité sociale qui re- flétait l’activité économique de ce centre ville et lui donnait son charme et sa vie. Et tous les enfants se retrouvaient à l’école publique! Les garçons vivaient et évoluaient en ville, la plupart depuis toujours et donc se connaissaient, tous baignaient dans le milieu urbain. Ce pourquoi cette photo m’a interpellé, aussi longtemps que j’étais membre du conseil communal de la ville, ce n’est pas tellement l’activité économique de leurs pères et mères, mais le fait que tous ces garçons habitaient le centre ville. Le relevé des élèves conservé au service de l’enseignement de la ville de Luxembourg2 confirme en effet que l’école de la rue Aldringer était une vraie école de proximité. Excepté quelques élèves «excentriques», notion toute relative dans le cas présent! – l’un habitait boulevard de la Pétrusse, un autre boulevard de la Foire, trois au début du Rollingergrund, deux «boulevard extérieur» (boulevard Grande-Duchesse Charlotte), un encore rue Adames – tous les autres avaient des adresses en plein centre. J’en ai relevé quatre à la rue Notre-Dame, cinq rue Louvigny, deux rue Philippe II, un rue des Capucins, deux place Guillaume II, donc au Knuedler, deux place d’Armes, trois rue des Bains, deux à la Porte Neuve, deux rue de la Boucherie, un à la Corniche, un au boulevard Royal, un avenue Pescatore, un rue Aldringer et deux avenue Monterey. On habitait alors partout! Ce modèle de société urbaine m’a toujours paru harmonieux, par le lien étroit entre activité économique, habitat et vie urbaine. Ce lien s’est de plus en plus distendu depuis lors, pour beaucoup de raisons. Il ne reste pour le centre ville que l’activité économique qui s’arrête dès le début de la soirée. La ville se vide alors et les habitants se font rares. Souvent, elle n’est plus qu’une coulisse pour toutes sortes d’amusements au grand dam de ceux qui s’accrochent. Ce modèle urbain est-il définitivement passé, objet d’une nostalgie vieillotte? Il reste qu’il garde pour moi un grand attrait. Les grandes villes les plus intéressantes que j’aime visiter et où j’aimerais habiter sont celles où tous les quartiers, même centraux, sont vivants d’habitants. Je persiste à penser qu’un des grands défis de l’urbanisme moderne est de repeupler les quartiers centraux de notre ville d’une population dense, diverse et implantée dans la durée, d’y mettre au monde des enfants qui y sont élevés, y vont à l’école, y jouent et y circulent, créant ainsi un milieu urbain attrayant et vivable. Le commerce ordinaire y retrouve sa vigueur, à côté du luxe de la ville moderne. L’activité citoyenne de même, comme la vie culturelle qui n’est pas seulement celle des grands noms. Certes, ce ne sera plus jamais pareil à ce que la photo de mes douze ans révèle au spectateur blasé d’aujourd’hui. Et je sais aussi que le manque de confort et l’étroitesse de l’habitat d’alors ne seraient plus acceptés aujourd’hui bien que certains studios et appartements de notre temps soient aussi exigus sinon plus qu’autrefois. Mais l’avenir de notre ville exige de réinventer un nouvel urbanisme pour le centre! Ben Fayot 1 2 3 Edouard Feitler, né en 1897 à Arsdorf, est l’auteur d’un livre sur la ville «Luxemburg deine Heimatstadt» qui a connu quatre éditions jusqu’en 1967. Relevé communiqué grâce à l’obligeance de l’archiviste de la ville Madame Eva-Marie Bange et de Madame Mandy Frisch du service de l’enseignement. Je remercie Jean-Pierre Wolff et Jacques Brausch de m’avoir aidé à mettre des noms sur 37 des 39 écoliers reproduits. 21
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