la cantatrice cecilia bartoli joue les divas russes

30 OCT 14
Quotidien
OJD : 275310
Surface approx. (cm²) : 812
80 BOULEVARD AUGUSTE-BLANQUI
75707 PARIS CEDEX 13 - 01 57 28 20 00
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MUSIQUE
LA CANTATRICE
CECILIA BARTOLI
JOUE LES DIVAS
RUSSES
VERSAILLES
3293681400505/GAB/OTO/1
Tous droits réservés à l'éditeur
30 OCT 14
Quotidien
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CULTURE
Ladivacoiffelachapka
Le dernier disque
de Cecilia Bartoli,
«StPetersburg»,
connaît un succès
mondial. La cantatrice
romaine y interprète
des airs dè musique
italienne composés
pour la cour de Russie
au XVIIIe siècle et
qu'elle a redécouverts
LYRIQUE
une série de teasers opportunément distillés
sur le Web cet été.
Après l'opéra romain interdit aux femmes
e demier album de Cecilia Bar- (°Pera proibita, 2005) et la destinée tragique
toli, St Petersburg, sorti il y a à de Maria Malibran, première pop star de
peine quinze jours, s'affiche déjà l'opéra (Maria, 2007) ; après le drame des castrats
entêté des ventes aux Etats-Unis
sacrifiés sur l'autel du chant (Sacriflc/um 2O
en France, au Danemark, en Bel> °9) et la sulfureuse résurrection
gique, en Grande-Bretagne... et d>un Pretre esPion catholique et composipromet d'être le best-seller musical de l'an- teur- Agostino Steffani (Mission, 2012), voici
née. Depuis 1999 et son fameux Vivaldi Al- ce«e fois StPetersburg ou la musique itabum, la cantatrice romaine surfe sur un eon- lienne à la cour de Russie au XVIIP siècle,
cept discographique savamment élaboré, Chacune des métamorphoses de la star
dont le succès semble inépuisable A chaque transformiste vaut légion, de la naïade fellifois, les mêmes ingrédients plus ou moins nienne façon Dolce Vita dans Opera proibita
a la statue
déclinés : un bouquet d'airs inédits soigneuasexuée de Sacrificium, en passant
sèment choisis dans quelque bibliothèque Par le sosie identificatoire - Maria. C'est peu
d'Europe ; l'élaboration d'un scénario me- dire que le passage du prêtre exorciste de
lant la grande Histoire et l'exhumation musi- Mission à la tsarine d'opérette de St Peterscale. Le tout assorti d'une campagne de pro- burd est saisissant. Ni crâne rasé ni crucifix,
motion au cordeau, comme en témoigne Cedlia « Petrovna » a revêtu, non sans huMARIE-AUDE ROUX
L
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maur, les robes juvéniles d'un bal des débutantes, les fourrures et chapka d'une reine
des neiges dans les plaines de Russie.
STAR DU BAROQUE
Le projet est né il y a sept ans. « En préparant
Sacrificium, j'ai découvert que plusieurs compositeurs italiens avaient travaillé en Russie,
raconte-t-elle. J'ai commencé à chercher les
partitions en Italie, à Naples, à Venise, mais
leur musique demeurait introuvable. Je me
suis dit qu'elles devaient être restées à la bibliothèque du Théâtre Mariinsky à Saint-Pétersbourg. » La téméraire diva, qui déteste
l'avion, décide alors d'embarquer de Lubeck
pour l'ancienne capitale des tsars. « Trois
jours et demi de navigation dans une eau gelée, avec ce bruit incroyable que fait le briseglace -. pour une femme de la Méditerranée,
réaliser que la mer peut être glacée, c'est un
choc ! Mais c'est aussi l'aventure. »
Une aventure qui tourne court. Cecilia au
pays des Soviets se heurte à l'impondérable :
la bibliothèque du Mariinsky est fermée pour
cause de réfection de nombreux ouvrages. Il
faudra revenir. Mais la star du baroque possède la détermination des tsarines russes, qui,
au long du XVIIIe siècle, s'efforcèrent de rivaliser avec les cours européennes.
L'aide du maestro Valery Gergiev, maître
du Mariinsky, appelé à la rescousse, s'avérera
déterminante. Les microfilms des partitions
de Francesco Araia, Domenico Dall'Oglio,
Luigi Madonis, Vincenzo Manfredini, Domenico Cimarosa ou Hermann Raupach affluent à Zurich, où réside la chanteuse. Ils seront compilés et déchiffrés par Cecilia Bartoli et son chef d'orchestre, Diego Fasolis.
« Nous avons constaté à notre grande surprise que la musique italienne s'infléchissait
au contact de la Russie. Elle devient moins follement virtuose, plus profonde et plus mélancolique. Les grands airs à vocalises laissent
place à l'élégie et au pathétique, peut-être l'influence de l'âme russe... »
Démonstration en direct le 6 octobre au
château de Versailles. Le concert privé organisé par Universal pour le lancement du disque a vu les invités accourir d'une vingtaine
de pays. Certes, l'hiver est encore ici de pure
rhétorique quand s'avance, marmoréenne,
la Bartoli de blanc vêtue, dans la galerie des
Glaces. La longue robe est flanquée d'une
traîne interminable qui fige les regards
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CHAQUE MOT,
CHAQUE SYLLABE,
CHAQUE LETTRE
PARFOIS
DE LA CANTATRICE
SE TEINTE
DANS L'INTENTION
DRAMATIQUE
émoustillés par la martiale et dansante
ouverture de l'Altsesta d'Hermann Raupach
donnée en introduction par les musiciens d'I
Barocchisti que dirige du clavecin Diego Fasolis. La mezzo souveraine entame alors la
berceuse « Vado a morir » de La Forza
dell'amore e dell'odio que le Napolitain Francesco Araia, premier compositeur à la cour
de Russie, présenta en 1736 au Palais d'hiver
de la tsarine Anna Ivanovna.
TORRENTS « CASTAFIORESQUES »
Le lamento de Minerve, condamnée à mort
par son père, ouvre le premier des onze inédits enregistrés à partir des archives de la
« Collection de l'opéra italien du XVIIIe » du
Mariinsky. La cantatrice y déploie un art supérieur de la modulation sur les ailes du souffle,
surpassant encore en maîtrise stylistique son
incroyable vélocité virtuose. Chaque mot,
chaque syllabe, chaque lettre parfois, se teinte
dans l'intention dramatique ou l'émotion
portée aux limites de l'impalpable. Les amateurs de torrents « castafioresques » ne sont
pas en reste : Bartoli leur darde un content de
vocalises missiles aussi stupéfiant que galvanisant. Changement de robe (la même en
bleu) pour le « Pastor che a notte ombrosa »
du Seleuco de Araia. La belle fera alors la chattemite avec le hautbois obligé qui accompagne la peur nocturne du berger perdu dans les
bois. Mais c'est en manteau et sceptre impériaux que la diva en toque fourrée chantera le
terrible « Razverzi pyos gortani, laya »
(« Ouvre, chien, ta gueule aboyante »), de Raupach, qui marque le défi d'Hercule bravant les
Enfers pour en ramener Alceste qui s'est sacrifiée pour son époux. « Beaucoup se sont inquiétés de savoir si la fourrure était vraie. Bien
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sûrque non ! », raconte-t-elle.
Quèlques jours plus tard, le 10 octobre, exit
les atours impériaux : la diva est vêtue d'un
simple tailleur noir, les cheveux remontés en
simple queue de cheval, lorsque nous la rencontrons au siège de la société Rolex - dont
elle a été ambassadrice -, avenue Ruysdaël, à
Paris. « On ignorait jusqu'alors la présence de
ces compositeurs italiens à la cour de Russie,
jubile-t-elle. J'ai donné la preuve que l'opéra
russe commence un siècle plus tôt que Glinka
avec son emblématique Une vie pour le tsar
de 1836. Il s'agit bien sûr de musiques italiennes et de sujets baroques, mais sur des textes
de poètes russes comme Alexandre Soumarokov. » Pour elle, comme pour nous, la découverte musicale s'appelle Hermann Raupach.
Pour chanter les deux airs de son Altsesta, antérieur de neuf ans à lAlceste de Gluck, Cecilia
Bartoli a dû se familiariser avec la langue
russe. «J'ai travaillé avec deux coachs, un
pour la langue, l'autre, une violoniste, pour la
musique de la langue. » Emballée, la chanteuse se prend à rêver de monter, pourquoi
pas, l'intégralité de l'opéra in scena.
Commencée le 22 octobre à Berlin, la tournée « pétersbourgeoise » de la cantatrice se
terminera à Vienne le 28 novembre, la dernière des quatorze dates. Seul Paris bénéficiera de deux concerts au Théâtre des
Champs-Elysées, les ier et y novembre. La
« Bartolievskaïa » y chantera le programme
du disque assorti de quèlques airs et morceaux instrumentaux supplémentaires. «A
ce stade de ma carrière, c'est sûr que je pourrais me contenter défaire des disques de Noël,
raille-t-elle. Mais ce ne serait plus moi. » rn
Concerts de Cecilia Bartoli, I Barocchisti,
Diego Fasolis (direction), les i" et
7 novembre à 20 heures au Théâtre des
Champs-Elysées, Paris 8e. Tél. : 01-49-52-5050. Des€à 175€. Theatrechampselysees.fr
St Petersburg, i livre-CD, Decca Classics
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Hermann Raupach redécouvert
Révélation musicale de l'album St Petersburg, le compositeur
Hermann Friedrich Raupach (1728-1778) est né à Stralsund, en
Allemagne. Engagé en 1755 à Saint-Pétersbourg comme claveciniste dans l'orchestre de la cour impériale, il en devient, trois ans
plus tard, maître de chapelle et compositeur, écrivant certains de
ses opéras en russe, comme ceM/tsesto (Alceste) de 1758. En 1762,
il quitte la Russie pour Hambourg puis Paris, où il côtoie lejeune
Mozart durant son séjour, de novembre 1763 à avril 1764. Il improvise à quatre mains avec l'enfant prodige. De cette rencontre, la
musique de l'Autrichien gardera les traces, comme en témoignent
les concertos pour clavecin K. 37, K. 39 et K. 41, écrits d'après le recueil de sonates pour clavier avec accompagnement de violon
(op. I n° I et 5) de Raupach publié à Paris en 1756. Retourné à
Saint-Pétersbourg en 1768 comme professeur de composition et
de chant à l'Académie des beaux-arts, Raupach y mourra en 1778,
laissant une œuvre peu abondante mais d'une grande qualité.
Image non disponible.
Restriction de l'éditeur
Cecilia Bartoli lors
d'un concert privé,
organisé à Versailles,
pour le lancement
de « St Petersburg »,
le 6 octobre.
XAVIER PARIS/DECCA CLASSICS
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