DIABETE ET RAMADAN - Le Fascicule de la Santé

Hors série
N° 1 Juin 2014
LE FASCICULE
DE LA SANTÉ
REVUE ALGÉRIENNE DE MÉDECINE
Le Fascicule de la Santé - Hors Série N° 1 - Juin 2014
Diabète et Ramadan
Pr Ali Lounici
Pr Zakia Arbouche
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Le Fascicule de la Santé
Diabétologie - Hors série n° 1 - Juin 2014
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Le Fascicule de la Santé
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Interne, EHU 1er Novembre 54, Oran
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EPH de Ain Taya, Alger
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Le Fascicule de la Santé
Revue Algérienne de Médecine
É DITORIAL
[email protected]
L
e jeûne du Ramadan est l’un des cinq piliers de l'Islam, et cons/tue un rite sacré dans le
monde musulman. Bien que le texte coranique autorise à ne pas jeûner dans certaines
situa/ons excep/onnelles comme la maladie, beaucoup de pa/ents jeûnent malgré le
risque que peut représenter le jeûne pour leur santé, menaçant parfois le pronos/c vital. Ceci
est dû probablement au manque d'informa/on et à la crainte du regard de la société.
On sait que la période du jeûne pendant le Ramadan s'accompagne d'un changement du mode
de vie avec notamment une alimenta/on riche en sucres rapides et en graisses ainsi qu'une
perturba/on du cycle du sommeil. Ces condi/ons sont délétères pour le pa/ent diabé/que.
Les risques liés au jeûne sont variables selon le type du diabète, l’existence de complica/ons
chroniques, la thérapeu/que et les par/cularités de chaque pa/ent. Ainsi l'observance du jeûne
peut être cause de complica/ons métaboliques aiguës comme l'hypoglycémie, l'hyperglycémie
et l’acidocétose. De plus, il existe un risque de déshydrata/on, d'autant que le Ramadan se
déroule actuellement en été avec des durées de jeune allant jusqu'à 18h par grande chaleur.
Les pra/ciens, avec l’aide des hommes de culte, ne doivent pas se lasser d'expliquer au pa/ent
et à son entourage que le jeûne, par/culièrement chez le diabé/que de type 1 déséquilibré, le
diabé/que de type 2 compliqué, la femme diabé/que enceinte ou allaitante, est associé à des
risques mul/ples. Notre religion offre des alterna/ves compensatrices au jeûne comme
«nourrir un pauvre» (Sourate El-Bakarah, verset 184).
Au final, le jeûne est une ques/on spirituelle dont la réponse en dernier ressort revient au
pa/ent idéalement préparé, éduqué et conseillé par des enseignements religieux et médicaux.
Pour aider les pra/ciens dans la prise en charge des pa/ents diabé/ques qui insistent pour
accomplir le jeûne durant le Ramadan, au détriment souvent de leur santé, les auteurs de ce
numéro hors série proposent des recommanda/ons pra/ques inspirées des consensus
d’experts interna/onaux publiés récemment.
Z. Arbouche
Présidente
De la Société Algérienne de Diabétologie
Le Fascicule de la Santé - Hors série n° 1 – Juin 2014
1
DIABÈTE ET RAMADAN
Diabète et Ramadan
Pr Ali Lounici
Maître de Conférences, Université d’Alger
Service de Médecine Interne - Hôpital Salim Zemirli, El Harrach, Alger
Vice président de la Société Algérienne de Diabétologie
E-mail : [email protected]
Pr Zakia Arbouche
Chef de Service de Diabétologie - CHU Nedir Mohamed, Tizi Ouzou
Présidente de la Société Algérienne de Diabétologie
Cet article a été revu et enrichi par le Pr Aissa Boudiba
Chef de Service Diabétologie CHU Mustapha Pacha - Alger
Avant propos
Ce travail est inspiré de deux principales références portant sur les recommandations de la prise en charge des diabétiques
durant le Ramadan publiées en 2005 et mises à jour en 2010 dans la revue «Diabetes Care».
1. Al-Arouj M, et al. Recommendations for management of diabetes during Ramadan. Diabetes Care 2005;28:2305–2311
2. Al-Arouj M, et al. Recommendations for management of diabetes during Ramadan: Update 2010. Diabetes Care
2010;33:1895–1902
E
Introduction
N 2009, le nombre de musulmans a été
estimé à 1,57 milliards, représentant environ 23% de la population mondiale,
avec une augmentation d’environ 3% par an [1].
Le jeûne durant le Ramadan, mois sacré de
l’islam, est une obligation pour tous les adultes
en bonne santé.
La prévalence élevée du diabète de type 2
(6,6% des adultes âgés entre 20 et 79 ans) couplée à l’étude EPIDIAR 2001 (Epidemiology of
Diabetes and Ramadan), qui a porté sur 12243
diabétiques de 13 pays musulmans, a révèle
que 43% des patients ayant un diabète de type1
et 79% des patients avec un diabète de type 2
jeûnent durant le Ramadan [2] donnant une estimation de 50 millions de diabétiques jeûneurs
dans le monde durant le Ramadan.
Le Ramadan est un mois lunaire qui dure entre 29
et 30 jours. La durée du jeûne peut varier selon la
Le Fascicule de la Santé - Hors série n° 1 – Juin 2014
saison et la situation géographique, variation de
quelques heures à 20 heures. L’abstinence du
lever au coucher du soleil porte sur les aliments,
les boissons et le tabac. La majorité des pratiquants consomment deux repas, un après le coucher du soleil (IFTAR) et un autre avant le lever du
soleil (SUHUR).
Le coran exempt les patients malades (Sourate El Bakarah, Versets 183-185), particulièrement si le jeûne les expose à des risques. Les
patients diabétiques rentrent dans cette catégorie car leur maladie métabolique chronique
les expose aux risques de complications variées si les apports alimentaires et liquidiens
sont déséquilibrés. En pratique beaucoup de
patients diabétiques insistent pour jeûner durant le Ramadan, créant ainsi des problèmes
de prise en charge pour eux-mêmes et un défi
pour leurs médecins.
Ali Lounici
Physiopathologie du jeûne
L’insulino-sécrétion, qui favorise le stockage du glucose au
niveau du foie et du muscle en glycogène, est stimulée par
l’alimentation chez les sujets sains. Durant le jeûne, le taux
de glucose circulant tend à baisser, à l’origine de la diminution de la sécrétion d’insuline. Au même moment les taux de
glucagon et de catécholamines augmentent. Ce qui stimule
l’utilisation du glycogène, et au même moment la néoglucogenèse est augmentée [3].
Si le jeûne se prolonge pendant plusieurs heures, les réserves de glycogène chutent, et le taux bas d’insuline circulant permet la libération des acides gras libres provenant des
adipocytes. L’oxydation des acides gras libres génère des
cétones qui servent de sources énergétiques aux muscles
squelettiques et cardiaques, foie, rein, et le tissu adipeux,
économisant ainsi le glucose pour une utilisation continue
par le cerveau et les érythrocytes.
Chez les sujets indemnes de diabète, ce processus est régulé
par un équilibre entre insulinémie et hormones contre-régulatrices qui permettent le maintien de la glycémie à des taux physiologiques. Chez les patients diabétiques, l’homéostasie du
glucose est perturbée par la physiopathologie sous-jacente et
devient difficile à contrôler par les médicaments visant à améliorer ou complémenter la sécrétion d’insuline.
Dans le diabète de type 1, la riposte à l’hypoglycémie peut être altérée par une baisse de la sécrétion adrénergique et du glucagon
en raison de la neuropathie autonome, de l’ancienneté de l’affection et de la récurrence des hypoglycémies antérieures [3].
Chez les patients avec un déficit sévère d’insuline, un jeûne prolongé sans apport d’insuline provoque une utilisation excessive
du glycogène et une augmentation de la néoglucogenèse et de
la cétogenèse, menant à l’hyperglycémie et à l’acidocétose.
Les diabétiques de type 2 peuvent avoir des perturbations similaires en réponse au jeûne prolongé. Cependant, l’acidocétose
est rare et la sévérité de l’hyperglycémie dépend du degré d’insulino-résistance et/ou du niveau d’insulinopénie.
Risques associés au jeûne chez les diabétiques
L’étude EPIDIAR, qui a porté sur 12243 diabétiques ayant
jeuné durant le Ramadan montre une fréquence élevée de
complications [2]. Les complications majeures sont reportées
dans le tableau 1.
Hypoglycémie
La diminution des apports alimentaires est un facteur de risque
d’hypoglycémie connu [4]. On estime que 2 à 4% de la mortalité
chez le diabétique de type 1 est liée à l’hypoglycémie [5].
Tableau 1. Risques majeurs associés au jeûne chez les diabétiques
Hypoglycémie
Hyperglycémie
Acidocétose diabétique
Déshydratation et thromboses
Il n’existe pas d’estimation concernant la contribution de l’hypoglycémie dans le diabète de type 2. Cependant, il semble
que l’hypoglycémie est une cause rare de mortalité dans le
diabète de type 2.
Le risque d’hypoglycémie est beaucoup plus élevé chez le diabétique de type 1 par rapport au type 2 [2].
L’effet du jeûne durant le ramadan sur l’incidence de d’hypoglycémie chez les diabétiques n’est pas connu avec certitude. L’étude EPIDIAR a montré que le jeûne durant le
ramadan augmente le risque d’hypoglycémie sévère (définie
par l’hospitalisation) de 4,7 fois dans le type 1, et de 7,5 fois
dans le type 2. Cette étude sous estime l’incidence des hypoglycémies sévères car elle ne tient compte que des cas
nécessitant une hospitalisation. L’hypoglycémie sévère était
plus fréquente chez les patients qui ont subi des modifications de la posologie des médicaments oraux ou d’insuline et
chez ceux qui ont rapporté des changements dans les habitudes alimentaires [2].
Hyperglycémie
Les études DCCT et UKPDS ont démontré le lien entre l’hyperglycémie chronique et les complications micro vasculaires
et peut être les complications macro-vasculaires [4,6]. Cependant, nous ne disposons pas d’information sur l’effet répétitif
de l’hyperglycémie de courte durée (4 semaines) sur les
complications du diabète. L’étude EPIDIAR a montré que l’incidence de l’hyperglycémie sévère nécessitant une hospitalisation est 5 fois plus élevée chez le type 2 et 3 fois plus
élevée dans le type 1 (avec ou sans acidocétose) [2]. L’hyperglycémie peut être due à une réduction excessive des médicaments pour éviter l’hypoglycémie. Les apports importants
d’aliments et/ou de sucreries augmentent le risque d’hyperglycémie sévère [2].
Acidocétose diabétique
Les patients diabétiques, particulièrement ceux de type 1, qui
jeûnent durant le ramadan ont un risque important de développer une acidocétose diabétique, surtout si le diabète est mal
contrôlé avant le Ramadan [2]. De plus le risque d’acidocétose
peut être augmenté par la réduction excessive des doses d’insuline du fait de la réduction des apports alimentaires.
Déshydratation et thromboses
La déshydratation liée à la limitation des apports liquidiens, surtout si le jeûne est prolongé, peut être sévère par excès de
transpiration en climat chaud et humide et chez les patients
exerçant un travail physique dur et pénible et dans toutes les
conditions de transpirations importantes.
L’hyperglycémie peut provoquer une diurèse osmotique et créer
une déplétion hydro-électrolytique. L’hypotension orthostatique
peut se manifester particulièrement en cas de neuropathie autonome. Une syncope, les chutes, et les fractures peuvent résulter de l’hypovolémie et de l’hypotension. De plus la contraction
du volume intra-vasculaire peut contribuer à un état d’hypercoagulabilité bien connu chez les diabétiques [7]. Les diabétiques
ont un état d’hypercoagulabilité due à une augmentation des
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DIABÈTE ET RAMADAN
facteurs de coagulation, une diminution des anticoagulants endogènes et une altération de la fibrinolyse. L’augmentation de la
viscosité sanguine secondaire à la déshydratation augmente le
risque de thrombose et d’AVC [8].
En Arabie Saoudite, il a été constaté une augmentation de l’incidence de l’occlusion de la veine rétinienne chez les diabétiques
qui jeûnent durant le ramadan [9].
Cependant, les hospitalisations liées aux événements coronariens et cérébraux n’augmentent pas durant le Ramadan [10].
Il n’existe pas de données concernant l’effet du jeûne sur la mortalité chez les patients avec ou sans diabète.
Classification par catégorie de risque du jeûne
chez les diabétiques
Le médecin doit classer le patient par catégorie de risque
selon le nombre et l’extension des facteurs de risque. Il
existe 4 catégories de risque de survenue d’événement défavorable chez les diabétiques de type 1 ou 2 qui décident
de faire le Ramadan (Tableau 2).
Considérations générales
Individualisation
La question la plus cruciale est que la prise en charge doit être
très individualisée et la planification du traitement est spécifique
pour chaque patient.
Surveillance fréquente des glycémies
Il est important que les patients disposent de moyens pour surveiller leurs glycémies durant la journée.
La surveillance de la glycémie capillaire est particulièrement indispensable chez les diabétiques de type 1 et de type 2 qui sont
sous insuline et à risque d’hypoglycémies.
Nutrition
Les habitudes alimentaires changent considérablement durant
le mois du Ramadan. La plupart des problèmes de santé sont
liés à une alimentation inappropriée ou comme conséquence
d’une suralimentation et d’une durée de sommeil insuffisante.
Pour cela la diététique durant le Ramadan ne doit pas être dif-
Tableau 2. Catégories de risque chez les patients diabétiques qui jeûnent durant le Ramadan
Risque très élevé
- Hypoglycémie sévère survenue dans les 3 mois précédant le Ramadan.
- Antécédents d’hypoglycémies récurrentes.
- Patients inconscients du risque d’hypoglycémie.
- Patients mal équilibrés.
- Acidocétose dans les 3 mois précédant le Ramadan.
- Diabète type 1.
- Affection aiguë.
- Coma hyperosmolaire survenu dans les 3 mois précédant le Ramadan.
- Patients qui ont un travail physique intense.
- Grossesse.
- Patients dialysés.
Risque élevé
- Hyperglycémie modérée (glycémie moyenne entre 1,5 et 3 g/l, A1c 7,5 à 9%).
- Insuffisance rénale.
- Complications macrovasculaires évoluées.
- Patient vivant seul et traité avec insuline ou sulfamides.
- Patients avec co-morbidités et qui présentent d’autres facteurs de risque.
- Personne âgée et malade.
- Médicaments qui peuvent affecter la vigilance.
Risque modéré
- Patients bien équilibrés traités avec des insulino-sécrétagogues d’action courte.
Risque bas
- Patients bien équilibrés traités avec diététique seule, ou metformine, acarbose ou glitazones et/ou incrétines.
Ces patients sont par ailleurs en bonne santé.
Cette classification est largement basée sur des opinions d’experts et non sur des données scientifiques.
Le Fascicule de la Santé - Hors série n° 1 – Juin 2014
Ali Lounici
férente de la diététique saine et équilibrée. Les conseils diététiques doivent être adaptés en fonction des besoins et des problèmes médicaux. Le but est de maintenir un poids constant.
Les apports excessifs d’aliments riches en glucides et en lipides,
particulièrement lors de l’IFTAR doivent être évités. Les glucides
à absorption lente peuvent être conseillés lors du SUHUR et les
glucides à index glycémique élevés lors de l’IFTAR.
Il est aussi recommandé d’augmenter les apports liquidiens
entre IFTAR et IMSAK et que le repas du SUHUR doit être pris
le plus tardivement possible, proche de l’IMSAK.
nés individuellement aux patients concernant les risques potentiels qu’ils doivent accepter s’ils décident de jeûner.
Pendant cette évaluation, les changements nécessaires de diététique ou médicamenteux doivent être opérés pour que le patient débute le jeûne dans des conditions stables et sécurisées.
Cette évaluation doit aussi toucher les patients qui ne désirent
pas jeûner du fait qu’ils sont exposés au risque d’hypoglycémie
et d’hyperglycémie durant le Ramadan.
Exercice physique
Il faut conseiller une activité physique régulière. Cependant il faut
éviter les exercices physiques intenses qui peuvent augmenter
le risque d’hypoglycémies, particulièrement quelques heures
avant la rupture du jeûne. On peut proposer une activité physique deux heures après l’IFTAR. La prière du TARAWIH, doit
être considérée comme une partie du programme de l’exercice
physique quotidien. Chez certains diabétiques de type 1 mal
équilibrés, l’exercice peut provoquer une hyperglycémie sévère.
En général, les diabétiques de type 1, sont à très haut risque de
développer des complications sévères. Ce risque est particulièrement élevé chez les patients mal équilibrés, inconscients du
risque hypoglycémique, avec un contrôle glycémique instable,
et des hospitalisations fréquentes, ainsi que les patients non
couverts par la sécurité sociale. De plus les patients qui ne peuvent pas surveiller leurs glycémies plusieurs fois dans la journée
sont à très haut risque. On doit fortement conseiller à ces catégories de patients de ne pas jeûner durant le Ramadan.
Les études DCCT et EDIC ont montré que le strict contrôle de
la glycémie permet d’éviter les complications micro vasculaires
et que ce bénéfice dure dans le temps [4,11]. Pour obtenir une
glycémie proche de la normale, il faut en général plusieurs injections d’insuline par jour (trois ou plus) ou l’utilisation continue
d’insuline par pompe. Une surveillance stricte et des ajustements fréquents des doses d’insuline sont essentiels pour atteindre les objectifs glycémiques optimaux et éviter l’hypoglycémie et l’hyperglycémie.
Certains patients avec un diabète de type 1, prennent la décision de jeûner. Ils changent leur schéma d’insulinothérapie
juste avant, durant et quelques jours après le Ramadan. Des
études très limitées ont évalué l’efficacité et la sécurité des différents protocoles d’insulinothérapie chez le diabétique de
type 1 qui jeûne durant le Ramadan.
La surveillance des glycémies doit être renforcée notamment en
fin d’après midi ou devant tout symptôme ou événement clinique.
A notre avis le diabète de type 1 crée une condition qui nécessite une auto prise en charge rapprochée avec un ajustement
horaire conciliant les apports alimentaires, les aptitudes physiques et l’ajustement thérapeutique avec une concomitance la
plus étroite possible. Ces impératifs sont impossibles à respecter avec un jeûne dépassant 6 à 8 h. le jeûne doit être interdit
et au minimum fortement déconseillé.
L’incompatibilité avec la physiologie n’autorise pas le praticien
à proposer des schémas thérapeutiques hasardeux notamment
avec l’insuline et à risques imprévisibles.
Rupture du jeûne avant IFTAR
Tous les diabétiques doivent comprendre qu’il faut arrêter le
jeûne en cas de survenue de signes d’hypoglycémie (Tableau 3), car la glycémie peut chuter davantage en cas de
retard de prise en charge. Le jeûne doit être rompu si la glycémie est inférieure à 0,7 g/l durant les premières heures
après l’IMSAK, particulièrement si les patients ont pris lors
du SUHUR un traitement à base d’insuline, de sulfamides
hypoglycémiants ou de repaglinide.
Le jeûne doit être rompu si la glycémie est supérieure à 3
g/l. Les patients doivent éviter de jeûner s’ils sont souffrants
d’une autre pathologie.
Tableau 3. Signes annonciateurs d’hypoglycémie
Sueurs
Tremblements
Palpitations
Accès de pâleur
Sensation de malaise
Vertiges
Anxiété
Troubles visuels
Anomalies du comportement
Confusion
Difficulté de parler
Irritabilité
Evaluation médicale avant le Ramadan
Tous les patients avec un diabète désirant jeûner durant le Ramadan doivent se préparer par une évaluation médicale et s’intégrer dans un programme éducationnel structuré pour observer
un jeûne le moins risqué possible.
Cette évaluation doit se faire 1 à 2 mois avant le Ramadan. Elle
portera sur le contrôle de la glycémie, de la pression artérielle
et des lipides. Un bilan biologique approprié doit être demandé
et analysé. Des conseils médicaux spécifiques doivent être don-
Prise en charge des diabétiques de type 1
Prise en charge des diabétiques de type 2
Patients sous diététique seule
Chez les patients avec un diabète de type 2 qui sont bien équilibrés sous diététique seule, le jeûne comporte un risque faible
de complications.
Le seul problème est la survenue d’hyperglycémie postprandiale après l’IFTAR et le SUHUR si les patients abusent en
quantité dans le repas. On peut proposer de répartir la ration
Le Fascicule de la Santé - Hors série n° 1 – Juin 2014
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DIABÈTE ET RAMADAN
en trois «petits» repas dans l’intervalle entre l’IFTAR et l’IMSAK, pour prévenir une excursion glycémique excessive
postprandiale.
Le programme de l’activité physique doit être modifié en intensité et en horaire pour éviter les épisodes d’hypoglycémies. On
peut proposer une activité physique 2 heures après l’IFTAR.
Patients sous médication orale
Le choix des agents oraux doit être individualisé. En général,
les médicaments qui augmentent l’insulino-sensibilité ont un
risque très faible d’hypoglycémie par rapport aux médicaments
qui augmentent l’insulino-sécrétion.
Metformine
Les patients sous metformine seule peuvent jeûner car le risque
d’hypoglycémie sévère est minime. Il faut juste modifier les posologies des prises. Les auteurs recommandent que deux tiers
de la dose totale doivent être pris lors de l’IFTAR et le tiers restant lors du SUHUR.
Glitazones
Les patients sous glitazones, qui sont des agents insulino-sensibilisateurs, ont un risque faible d’hypoglycémie. Mais ces molécules peuvent amplifier l’effet hypoglycémique des sulfamides,
des glinides et de l’insuline. Les glitazones peuvent provoquer
une prise de poids et une augmentation de l’appétit.
Le problème majeur reste l’augmentation de la fréquence de
l’insuffisance cardiaque, malgré l’avancée dans la compréhension du mécanisme de cet effet secondaire qui semble être lié
plûtot à une réabsorption rénale hydro-sodique tubulaire et non
par effet direct sur la contractilité myocardique. Plus récemment,
une appréhension a émergé concernant l’augmentation de la
fréquence de l’œdème maculaire et des fractures osseuses,
particulièrement chez les femmes ménopausées.
La question pratique, d’importance significative est que les glitazones nécessitent 2 à 4 semaines pour voir l’effet substantiel
anti-hyperglycémique. Pour cela ces molécules ne peuvent pas
être rapidement remplacées par des molécules provoquant une
hypoglycémie durant les périodes de jeûne [13].
Sulfamides hypoglycémiants
Du fait du risque d’hypoglycémie, l’utilisation de cette classe de
médicaments est théoriquement incompatible avec le jeûne. Cependant l’hypoglycémie sévère fatale est une complication relativement rare des sulfamides. Ils doivent être utilisés avec
précaution en fonction de chaque patient. Le chloropropamide
est formellement contre-indiqué durant le Ramadan car il comporte un risque élevé d’hypoglycémie prolongée et non prévisible. On pense que le glyburide ou le glibenclamide peuvent être
associés avec un risque élevé d’hypoglycémie par rapport aux
sulfamides de seconde génération, en particulier le gliclazide, le
glimiperide et glipizide [14,15].
Pour proposer de fortes recommandations, des études sont
nécessaires pour évaluer l’utilisation des sufamides chez les
patients qui jeûnent durant le Ramadan. Néanmoins, du fait
de leur utilisation mondiale et du faible coût, ces molécules
peuvent être utilisées durant le Ramadan avec précaution.
Le Fascicule de la Santé - Hors série n° 1 – Juin 2014
Insulinosécrétagogues d’action courte
Les molécules de cette classe (repaglinide et nateglinide) sont
utiles et pratiques du fait de leur courte durée d’action. Elles
peuvent être administrées en deux prises par jour avant (IFTAR
et SUHUR). Une étude chez les diabétiques de type 2 qui ont
jeûné a montré que l’utilisation de repaglinide est associée avec
moins d’hypoglycémies en comparaison avec le glibenclamide
[16]. Une étude tunisienne à montré que l’utilisation du repaglinide chez le diabétique de type 2 pendant le Ramadan contrôle
les glycémies post prandiales sans exposer à un risque d’hypoglycémies diurnes [17]. La molécule nateglinide a la plus courte
durée d’action et donc un risque bas d’hypoglycémie sévère
parmi les sécrétagogues.
Traitement par les incrétines
Les traitements relevant du système incrétine comprennent les
analogues du GLP-1 (exenatide et liraglutide) et les inhibiteurs
de la DDP-4 (alogliptine, saxagliptine, sitagliptine, et vildagliptine). Ces molécules ne provoquent pas d’hypoglycémie, mais
peuvent augmenter l’effet hypoglycémiant des sulfamides, des
glinides et de l’insuline.
L’exenatide en particulier, peut être prescrit avant les repas pour
réduire l’appétit et favoriser la perte pondérale. Avec sa courte
demi-vie de 2 h, il n’est pas associé avec un effet substantiel
sur la glycémie à jeun. Le liraglutide est donné une fois par jour,
indépendamment des repas, et est plus efficace dans le
contrôle des glycémies à jeun. Les deux molécules nécessitent
des ajustements des doses sur une période de 2 à 4 semaines,
et donnent des nausées dans la moitie des cas.
Les inhibiteurs de la DDP-4 sont les mieux tolérés dans le traitement du diabète. Ils sont légèrement moins efficaces que le GLP1 dans la baisse de l’A1c, mais fait important vis-à-vis du traitement
durant le Ramadan, ils ne nécessitent pas d’ajustement de doses.
Certains auteurs vantent leur rôle potentiel de substitution aux sulfamides. Cependant, il n’y a pas d’études spécifiques concernant
l’utilisation des incrétines durant la période du jeûne [18].
Inhibiteurs de l’alpha-glucosidase
Acarbose, miglitol, et voglibose sont des molécules qui ralentissent l’absorption des hydrates de carbone quand elles sont
prises au début du repas. Du fait de leur non-association avec
l’hypoglycémie, particulièrement en période de jeûne, ces molécules sont particulièrement utiles durant le Ramadan, mais
elles ont un effet modeste sur la glycémie à jeun, et sont souvent associés aux molécules qui contrôlent la GAJ. Elles donnent fréquemment des effets secondaires gastro-intestinaux
légers à modérés, particulièrement une flatulence. En utilisant
des faibles doses et une initiation progressive du traitement, on
peut réduire la fréquence de ces effets secondaires [19].
Diabétiques de type 2 traités par insuline
Le problème du diabète de type 2 sous insuline est similaire
aux diabétiques de type 1, avec une moindre incidence d’hypoglycémie. Les personnes très âgés avec un diabète de type
2 sous insuline peuvent être à haut risque.
Le but est de maintenir des doses nécessaires d’insuline basale pour prévenir l’hyperglycémie à jeun.
Ali Lounici
Une stratégie efficace serait l’utilisation judicieuse d’insuline
intermédiaire ou à longue durée d’action plus une insuline
d’action courte, avant les deux principaux repas (IFTAR et
SUHUR) pourrait assurer une couverture satisfaisante tant que
la posologie de chaque injection est individualisée. Bien que
l’hypoglycémie est moins fréquente, il y’a toujours un risque,
particulièrement chez les patients sous insulinothérapie pendant plusieurs années ou chez ceux où le déficit de la sécrétion d’insuline est important.
Pour les patients de type 2 avec sécrétion basale d’insuline persistante, une seule injection d’insuline intermédiaire pourrait suffire pour avoir un équilibre acceptable. Cependant, la plupart des
patients nécessiteront une insuline d’action rapide associée à une
intermédiaire ou longue pour pallier à l’excursion glycémique
postprandiale de l’IFTAR. De plus plusieurs patients nécessiteront un complément d’insuline d’action courte lors du SUHUR.
Certaines études suggèrent que l’utilisation d’insuline analogue
d’action rapide au lieu de l’insuline classique avant les repas
chez les diabétiques de type 2 qui jeûnent durant le Ramadan
ont moins d’hypoglycémies et une faible excursion glycémique
postprandiale [20,21].
Dans une étude récente, l’utilisation d’une prémix lispro mélangée à une protamine lispro dans un ratio 50/50 lors de l’IFTAR
et de l’insuline NPH (70/30) lors du SUHUR, en comparaison
avec l’insuline NPH (30 /70) deux fois par jour est associé à une
amélioration modérée du contrôle glycémique sans augmentation de l’incidence de l’hypoglycémie [22].
Quelque soit le schéma de l’insulinothérapie, la surveillance des
glycémies plusieurs fois dans la journée est nécessaire.
Prise en charge de l’hypertension
La déshydratation, l’hypovolémie et une tendance à l’hypotension peuvent survenir lors du jeûne. Surtout si le jeûne est
prolongé et associé à une transpiration excessive. Les posologies et les classes thérapeutiques des antihypertenseurs
peuvent nécessiter des réajustements pour prévenir l’hypotension. Les diurétiques peuvent être inappropriés durant le
Ramadan pour certains patients.
Chez les personnes âgées, souvent avec une hypertension artérielle et une dyslipidémie, la restriction hydrique et la déshydratation peuvent augmenter le risque de thrombose.
Prise en charge de la dyslipidémie
La prise excessive d’aliments hypercaloriques et riches en
graisses est une «coutume» durant le Ramadan. Des conseils
appropriés doivent être donnés pour éviter cette pratique.
Les malades qui sont sous traitement de la dyslipidémie doivent le maintenir.
Grossesse et jeûne durant le Ramadan
La grossesse est un état d’augmentation d’insulino-résistance et
d’insulino-sécrétion et une réduction de l’extraction hépatique
de l’insuline. Les glycémies à jeun sont basses, les glycémies
post-prandiales et les niveaux d’insuline sont substantiellement
élevés chez les femmes enceintes saines par rapport aux
femmes non-enceintes. L’augmentation de l’A1c chez la femme
enceinte est associée avec un risque élevé de malformations
congénitales. Le jeûne pendant la grossesse semble provoquer
un risque élevé de morbidité et de mortalité pour le fœtus et sa
mère, bien que ce risque soit controversé [24]. Alors que les
femmes enceintes sont exemptées du jeûne, certaines, ayant
un diabète (type 1, type 2, ou gestationnel) insistent pour faire
le Ramadan. Ces femmes constituent un groupe à très haut
risque et leur prise en charge nécessite des soins intensifs [25].
En général les femmes avec diabète pré-gestationnel doivent
être fortement conseillées de ne pas jeûner. Si elles insistent,
une surveillance très stricte doit être assurée. Leur prise en
charge doit se faire dans les consultations de grossesses à haut
risque et multidisciplinaires. L’évaluation médicale est essentielle avant le Ramadan.
La prise en charge des femmes enceintes durant le Ramadan
est basée sur une diététique appropriée et une insulinothérapie
intensive. Les questions discutées dans le chapitre de la prise en
charge du diabète type 1 et 2 sont applicables à ce groupe, avec
une surveillance glycémique et des ajustements des doses d’insuline qui doivent être nécessairement plus fréquents.
Conclusion
Les diabétiques qui jeûnent durant le Ramadan sont exposés
à un risque de complications. En général, les diabétiques de
type 1 qui sont à très haut risque de complications vitales doivent être fortement conseillés de ne pas jeûner.
Néanmoins, la réduction excessive des doses d’insuline chez
ces patients (pour éviter l’hypoglycémie) peut les exposer au
risque d’hyperglycémie et de cétose diabétique. L’hypoglycémie et l’hyperglycémie peuvent aussi survenir chez les patients avec un diabète de type 2, mais sont généralement
moins fréquentes et ont moins de conséquences fâcheuses
que dans le diabète de type 1.
La décision de jeûner doit être prise après discussion approfondie avec le médecin traitant sur les risques encourus.
La prise en charge doit être individualisée. Un suivi strict est essentiel pour réduire le risque de complications.
La survenue du mois de Ramadan en saisons chaudes avec
des journées de plus de 16 heures de jeûne rendent très difficile
l’implication du praticien dans des recommandations qui vont à
l’encontre de la physiologie.
Le Ramadan est mois sacré qui un poids spirituel important.
Dans ce contexte il est très difficile de convaincre nos patients
de s’abstenir de jeûner malgré les préceptes religieux dans
l’exemption bien établie dans cette maladie.
Le médecin doit juger au cas par cas avec toute l’autorité et la
sagacité nécessaires pour accompagner son patient. Il ne s’agit
pas de prouesses d’endurances à négocier, mais de risques,
souvent silencieux, indolores même sur de courtes périodes.
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DIABÈTE ET RAMADAN
Tableau 4. Changements de traitements recommandés chez les diabétiques de type 2 qui jeûnent durant le Ramadan
Avant Ramadan
Durant Ramadan
Patients sous diététique et exercice physique sans médicaments.
- Modifier horaire et intensité de l’exercice physique.
- On peut proposer une activité physique 2 heures après l’IFTAR.
- Assurer une réhydratation adéquate.
Patients sous médicaments oraux
- Assurer une réhydratation adéquate.
- Glitazones, Inhibiteurs α–glucosidase, Incrétines.
- Pas de changements.
- Biguanides : exemple Metformine 500 mg 3 fois par jour.
- Sulfamides hypoglycémiants
Une prise par jour : exemple Glimepiride 4 mg, Gliclazide MR 60 mg.
Deux prises par jour : exemple Glibenclamide 5 mg/ Gliclazide 80 mg
(matin et soir).
Patients sous insuline
Exemple : Patients sous schéma Premix, Mixtard (70/30) deux
injections par jour, exemple 30 unités matin et 20 unités le soir.
- Metformine 1000 mg au moment de l’IFTAR, 500 mg au moment du
SUHUR.
- Une prise doit se faire avant l’IFTAR, ajuster les doses en fonction des
glycémies et du risque d’hypoglycémies.
- Utiliser la moitie de la dose au moment du SUHUR (Glibenclamide 2,5
mg/ Gliclazide 40 mg) et la dose totale au moment de l’IFTAR (Glibenclamide 5 mg/ Gliclazide 80 mg).
- Assurer une réhydratation adéquate.
- Utiliser la posologie du matin lors de l’IFTAR et la moitie de la dose
du soir lors du SUHUR (30 unités le soir au moment de l’IFTAR et 10
unités le matin au moment de SUHUR).
On peut faire des appoints en préprandiale avec une insuline d’action rapide.
Ces recommandations sont basées sur des opinions d’experts cliniques et non basées sur des preuves scientifiques. Elles doivent être ajustées pour chaque
patient. Adapté de l’article Akbani et al [23].
Abréviations
IFTAR
SUHUR
IMSAK
TARAWIH
EPIDIAR
DCCT
UKPDS
EDIC
GLP-1
DPP-4
GAJ
AVC
Repas au moment de la rupture du jeûne lors du coucher du soleil.
Repas de l’aube avant IMSAK.
Moment du début du jeûne lors du lever du soleil.
Multiples prières réalisées chaque soir du mois de ramadan après IFTAR.
Epidemiology of Diabetes and Ramadan.
Diabetes Control and Complications Trial.
UK Prospective Diabetes Study.
Diabetes Interventions and Complications.
Glucagon-like peptide-1.
Dipeptidylpeptidase-4.
Glycémie à jeun.
Accident Vasculaire Cérébral.
Le Fascicule de la Santé - Hors série n° 1 – Juin 2014
Ali Lounici
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Le Fascicule de la Santé - Hors série n° 1 – Juin 2014
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s
L
’obstination de jeûner durant le ramadan est une décision importante
que le patient diabétique prendra à la lumière des recommandations
des exemptions religieuses et après évaluation minutieuse des risques
potentiels du jeûne en consultation avec le médecin traitant. Les patients
qui insistent pour faire le Ramadan doivent être informés des risques qu’ils
encourent et prêts à adhérer aux conseils de leurs médecins pour diminuer
ces risques.
Après avoir expliqué au patient diabétique tous les risques du jeûne
particulièrement les patients sous insuline. Le médecin doit accompagner
et respecter la décision de son patient qui a opté de jeûner, et doit tenir
compte de la dimension spirituelle que procure le jeûne au patient, en lui
prodiguant les conseils appropriés.
Les pa/ents avec un diabète de type 1 qui font des hypoglycémies récurrentes
ou qui sont inconscients du risque d’hypoglycémie ou qui sont mal équilibrés,
et ceux qui ne peuvent pas surveiller leurs glycémies durant la journée, sont
à risque très élevé de développer une hypoglycémie sévère. On doit fortement
conseiller à ces catégories de pa/ents de ne pas jeûner durant le Ramadan.
Les pa/ents avec un diabète de type 2, par/culièrement ceux qui sont sous
insulines ou sulfamides hypoglycémiants, ont aussi un risque d’hypoglycémie
même s’il est rela/vement moins fréquent et moins sévère. Ils nécessitent
une surveillance glycémique renforcée.
Les pa/ents qui décident de jeûner doivent subir une évalua/on avant le
Ramadan et recevoir une éduca/on par/culière et des instruc/ons
spécifiques. La prise en charge doit être individualisée. Un suivi strict est
essen/el pour réduire le risque de complica/ons.
Le jeûne doit être rompu en cas de survenue de signes d’hypoglycémie et si la
glycémie est inférieure à 0,7 g/L durant les premières heures après l’IMSAK.
L’espoir reste dans les nouveaux médicaments qui ont un risque amoindri
d’hypoglycémie et peuvent avoir des avantages spécifiques durant le Ramadan.
Dr Abdelhamid SALAH LAOUAR