CJOT — Vol. 53 No. 3 Ergothérapie et éducation alimentaire par Françoise Bernard etPierre- Yves Therriault travail de l'ergothérapeute et sa capacité d'intervenir dans le vécu quotidien de son client, l'alimentation nous apparaît comme un champ d'intervention tout indiqué. L'alimentation est un aspect important, voire essentiel de la vie de tout individu, on doit se nourrir quotidiennement et sainement pour se maintenir en bonne condition physique et mentale. Les aliments avec lesquels l'individu se nourrit sont le reflet de sa façon de vivre et d'être, on ne peut pas isoler le comportement alimentaire des autres comportements. Dans la littérature, les diététistes, les psychologues et les médecins attachent une attention particulière à l'anyseducomprtalintaire mais malheureusement peu d'ergothérapeutes semblent s'y être intéressés. De par la spécificité du Françoise Bernard, B.Sc., erg., est le chef de service d'ergothérapie intérimaire à l'Hôpital Notre-Dame, 1560 est rue Sherbrooke, Montréal, Québec 112L 4MI. Pierre-Yves Therriault, B.Sc., erg., est chargé de formation pratique, à l'École de réadaptation, Faculté de médecin, Université de Montréal, Montréal, Québec, H3C 3J7. June/Juin 1986 Les aliments avec lesquels l'individu se nourrit sont le reflet de sa façon de vivre et d'être. Nous aborderons dans cet article les aspects théoriques reliés à. la symbolique de l'aliment et à l'action de s'alimenter. De plus, nous identifierons les raisons qui motivent les ergothérapeutes à mettre sur pied un groupe d'éducation alimentaire. L'approche ergothérapique et les groupes réalisés à l'hôpital NotreDame seront par la suite décrits. Théorie Avant de discuter de l'approche ergothérapique, il nous apparaît essentiel d'aborder les aspects théoriques de l'alimentation. Nous les avons regroupés sous trois thèmes principaux: soient les symboles, i.e. tout ce qui est plus spécifiquement relié à l'aliment; les fonctions, i.e. tout ce qui est relié à l'action de se nourrir ou de nourrir les autres; et les habitudes alimentaires. a) les symboles La nourriture est l'une des premières choses que l'on demande en venant au monde (Pumpian-Mindlin, 1954). Biologiquement, c'est la vie. Selon Babcock (1961) et Zetterstrom (1962), les premières expériences du bébé se font par l'intermédiaire de la nourriture et bien qu'elle soit depuis le jour de la naissance associée à l'intimité, elle transmet non seulement les sentiments de sécurité, de protection, d'amour et de 141 CJOT — Vol. 53 — No. 3 force, mais aussi le sens de la douleur, du rejet, de la privation et de la terreur de la famine Certains individus ont aussi découvert l'effet sédatif de la nourriture lorsqu'ils sont anxieux, tristes, en colère ou désappointés (Pumpian-Mindlin, 1954, Zetterstrom 1962, Grifft, Washbon et Harrison, 1972). De nos jours, la nourriture peut être perçue comme une source de danger, possiblement en raison de sa trop grande abondance: le sucre amène les caries dentaires, la pomme de terre fait engraisser, les additifs amènent le cancer (Grifft et al., 1972). On peut donc supposer que chez toute personne, le choix d'aliments a une grande signification émotionnelle, de par l'association avec des expériences passées tant positives que négatives. b) Fonctions À travers les âges, l'alimentation a eu des rôles différentes. Ainsi, par exemple, l'homme préhistorique se nourrissait principalement pour assurer sa survie; chez les romains, le plaisir a pris une place importante et, plus près de nous, l'alimentation peut refléter une philosophie de vie particulière comme par exemple: le végétarisme. Plusieurs des activités alimentaires de l'homme représentent donc les valeurs personnelles de son groupe. Gladston (1952) parle de l'alimentation comme d'une activité hautement émotionnalisée. Manger joue un grand rôle dans la vie de chaque individu. En plus du fait de se nourrir, elle peut être utilisée pour soulager l'anxiété, pour nier des besoins, pour augmenter le sentiment d'acceptation ou de sécurité et pour moduler les réponses ou le comportement d'une autre personne. Babcock (1948) reconnaît trois principales fonctions aux problèmes de nutrition de l'enfant. Celles-ci peuvent sûrement jouer le même rôle à l'âge adulte. Ce sont: premièrement, la protection du statut de dépendance de l'enfant pour obliger la mère à subvenir à ses besoins; deuxièmement, une vengeance contre la mère pour une privation présente ou passée, et, troisièmement, l'abnégation de l'enfant pour soulager la 142 taisons motivant le groupe ciété actuelle, la nourriture a plusieurs raisons d'être, autres que la survie de l'individu. L'homme occidental vit dans un monde où il y a abondance de nourriture et les différentes significations des aliments sont souvent plus importantes pour lui que leur présence (Moore, 1952). La stimulation de l'appétit devient souvent insuffisante pour le faire manger quand ses sentiments ou ses besoins personnels entrent en contradiction avec la nourriture offerte (Babcock, 1961). La nourriture semble donc un médium intéressant pour aménager un traitement ergothérapique. Comme il est impossible de faire fonctionner efficacement une voiture en lui fournissant une essence de qualité inférieure, de la même façon le corps humain ne peut donner son plein rendement tant sur le plan physique que psychique avec une nourriture de qualité inférieure (Foisy, 1982). L'aspect symbolique de la nourriture et ses différentes fonctions sont, nous l'avons vu, d'une telle importance que l'ergothérapeute doit s'impliquer face à cette activité humaine courante. En plus de ses aspects physiologiques et émotionnels importants, cette activité nous fournit un terrain propice au traitement des habiletés de tâche de l'individu. Elle nous permet de varier d'une façon infinie notre intervention et ce du simple au complexe en apportant une gratification presqu'immédiate. De plus, l'alimentation nous ouvre des portes sur le milieu de vie de l'individu. La nourriture rehausse notre sentiment de bien-être et charme nos sens. Pour Grifft et al., (1972), peu d'autres activités répétitives ont un tel potentiel d'apport de plaisir dans notre vie. Pourtant, chez nos clients, elle est souvent devenue une source d'anxiété, et en tant qu'intervenant, il nous semble essentiel de les remettre en contact avec le plaisir. Le groupe d'éducation alimentaire nous donne donc la possibilité d'intervenir tant sur l'aspect psychologique, physiologique que social. a) Choix du médium b) Clientèle À la suite de cette étude théorique, nous pouvons dire que, dans la so- Dans notre expérience de travail avec la clientèle psychiatrique, nous culpabilité qui émerge de l'agression envers la mère qui a frustré ses demandes. Selon Moore (1952), l'alimentation peut servir comme une arme, une technique de punition et de récompense ou un symbole de réussite sociale. Le sentiment d'intimité, la relation avec l'autre et le sentiment de confiance et de non confiance peuvent être détectés à travers la manipulation et l'utilisation de la nourriture. Ainsi l'alimentation pourra perdre sa signification physiologique pour une autre plus sociale et donc être perçue comme un outil de communication verbale et non verbale entre les humains. c) Habitudes alimentaires Selon Hamburger (1958), c'est t travers les expériences de l'enfant dans son environnement et par des actes caractéristiques et répétitifs que les habitudes alimentaires vont prendre forme. Une fois établies, elles vont tendre à contrôler le comportement d'un individu et seront affectées par l'équilibre atteint entre l'acceptation d'un sentiment de dépendance et du désir de maîtrise. En plus de rejoindre l'aspect nutritionnel, les habitudes alimentaires peuvent aussi rencontrer des buts sociaux et culturels. Ainsi par les choix que l'individu fait et qui deviennent par la suite des habitudes à force de répétition, il cherche des satisfactions comme la sécurité, le confort, le plaisir et l'estime de soi (Grifft et al., 1972). Les habitudes peuvent aussi servir à couvrir les défauts d'un individu et tenter de fortifier son image personnelle. Pour Simon (1960), il est intéressant de noter que, dans la maladie, l'individu, pour se protéger et se sécuriser, a tendance à retourner à des anciennes habitudes alimentaires. Selon Eppright (1974), nous devons également considérer que les habitudes alimentaires sont complexes et que peu d'aliments se consomment de façon isolée. June/Juin 1986 CJOT — Vol. 53 — No. 3 avons remarqué plusieurs caractéristiques constantes. On y retrouve plus de femmes et de personnes seules d'un niveau socio-économique inférieur. À cause de ces facteurs et bien sûr des pathologies psychiatriques, la vie de ces individus est souvent monotone et ils ont de la difficulté à s'adapter à de nouvelles situations. Pour Zetterstrom (1962), l'équilibre émotionnel d'une personne qui reçoit des aliments adéquats sur une base régulière est meilleur que celui d'un individu qui a à se préoccuper de son prochain repas; la pauvreté devient donc un problème dans la maladie mentale. Citons quelques statistiques: selon Merchant (1964), les familles à faible revenu dépensent 40% de l'argent disponible mensuellement pour l'achat de nourriture, comparativement à 19% chez les familles à revenu moyen. Même si ce 40% est un gros pourcentage du revenu, cela représente un montant moindre que chez les riches. Il est possible de bien se nourrir avec peu d'argent, mais cela demande plus de connaissances, plus d'habileté d'organisation et une meilleure discipline personnelle. D'autres statistiques d'une étude de Coltrin et Bradfield (1970), nous indiquent que les pauvres ont tendance à acheter plus de conserves que d'aliments frais. Au niveau de l'approvisionnement, ces auteurs rapportent que les gens à faible revenu n'ont pas la même opportunité que les gens à revenu élevé à faire leurs achats dans les supermarchés. 60% des pauvres vont au supermarché et 34% chez les dépanneurs tandis que 77% des riches vont dans les supermarchés et 10% chez les dépanneurs. De plus, même s'il y a disponibilité des aliments à proximité, le manque d'argent influence encore l'alimentation car la possibilité de mettre des aliments en réserve et d'en transporter de grandes quantités est réduite. L'évitement des aliments non familiers est un trait général de tout individu, mais il est accentué chez les pauvres qui ne peuvent se permettre de faire une erreur dans le choix de leurs aliments. En effet, le peu de mobilité, les méthodes de paiement, les quantités à acheter et le manque de connaissance des praJune/Juin .1 6 tiques de consommation sont des facteurs qui limitent le choix des pauvres (Grifft et al., 1972). La présence d'un pair affecte favorablement la qualité de la nourriture qu'un individu va préparer et manger, car l'entourage stimule le goût de la variété et de bonnes habitudes alimentaires (Grifft et al., 1972). Nous pouvons relier cette observation à la clientèle des milieux psychiatriques qui vit souvent seule en appartement ou en chambre et qui ne reçoit que de l'aide sociale comme revenu. Une même situation peut également être notée chez les familles monoparentales qui vivent dans les mêmes conditions et avec des stress supplémentaires. Selon Grifft et al., (1972), le stress, qu'il soit d'ordre physiologique ou psychologique affecte la qualité nutritionnelle et celle-ci, en retour, affecte la capacité de l'individu à faire face au stress. Le groupe d'éducation alimentaire nous donne donc la possibilité d'intervenir tant sur l'aspect psychologique, physiologique, que social. Le groupe d'éducation alimentaire offre donc un point d'intervention priviligié pour briser ce cercle vicieux car il apporte à l'individu des connaissances pratiques et théoriques qui lui permettent de varier son régime alimentaire. Ceci nous semble important car il a été démontré par Siegel et Pilgrim (1958) que la répétition d'une activité génère un sentiment de monotonie et la pulsion de cesser cette activité. Approche ergothérapique L'approche ergothérapique que nous avons favorisée à l'intérieur du groupe d'éducation alimentaire soustend trois thèmes: le vécu quotidien, les besoins de l'individu et les apprentissages. Le déroulement du groupe est donc axé vers la prise de conscience par l'individu de ce qui motive son existence, la découverte de ses besoins et des moyens pour y répondre. a) Cadre théorique — Vécu quotidien Mosey (1970), décrit le comportement humain en termes d'équilibre dynamique entre les pulsions, les besoins, l'affect, les processus cognitifs, et les désirs. À travers ces divers éléments, l'homme se relie aux objets pour réaliser son potentiel. L'interrelation entre ces éléments est rarement parfaite et l'inattention à ,soi et à l'environnement provoque un déséquilibre. Les actions reliées à la préparation de la nourriture ou à l'alimentation en général parlent souvent aussi fort que les mots et, à certains moments donnés, peuvent être même plus effectives (Grifft et al., 1972). Par le groupe, nous tentons d'amener le patient à l'exploration affective de la nourriture. Nous supposons que celle-ci lui offre un terrain pour la chaleur et la croissance, ou pour la rebellion, la peur ou la compétition. L'utilisation de la nourriture est une activité quotidienne émotionnalisée. Elle permet ainsi l'expression de sentiments comme l'anxiété, la dépression, la rage et l'amour. — Besoins Selon Grifft et al., (1972)., la motivation est un déterminant puissant de chacun des comportements humains. Celle-ci est engendrée par un . désir qui dirigera l'individu vers un objectif ou qui l'en éloignera.., L'homme est décrit par Maslow (1970) comme un être en perpétuel désir. Un désir, une fois gratifié, devient vite un besoin indispensable et ce patron se répète à mesure que de nouveaux désirs sont créés. Les besoins de l'homme sont hiérarchisés. Un besoin doit être suffisamment satisfait pour en faire émerger un autre. La hiérarchie proposée par Maslow (1970) comprend cinq étapes: les besoins physiologiques, de sécurité, d'amour et d'appartenance, d'estime et de réalisation de soi. Krech, Crutchfield et 143 CJOT — Vol. 53 — No. 3 Ballachey (1962) décrivent aussi d'autres considérations motivationnelles. Ce sont les désirs d'affiliation, d'acquisition, de pouvoir, d'altruisme et de curiosité. Selon Mosey (1970), les émotions sont inhérentes à la satisfaction ou à la non satisfaction des besoins. L'individu a une connaissance suffisante et exacte de lui-même quand il est conscient de ses besoins, de ses émotions et valeurs, quand il connaît ses capacités et ses limites et quand il peut reconnaître les effets de son comportement sur les autres et viceversa. Pour Watanabe (1968), un individu responsable sera donc capable de combler ses besoins sans brimer ceux des autres, il sera en mesure de maîtriser l'environnement humain et non humain de façon adéquate et de faire des choix en fonction de ses habiletés et besoins plutôt que passivement. — Apprentissage On peut percevoir les dysfonctions psychosociales comme un manque de compréhension de soi et l'inhabileté à participer dans des tâches complexes et variées de la vie quotidienne (Mosey, 1976). Pour les traiter, il est important de mettre l'accent sur la maîtrise de l'environnement, et les objets peuvent être utilisés pour améliorer la conscience de soi et les relations interpersonnelles. Il y a donc un processus de croissance par l'action. L'apprentissage doit se faire en développant des habitudes appropriées aux coutumes de la société tout en satisfaisant les besoins individuels (Grifft et al., 1972). Les études de Vandenberg et Kielhofner (1982) démontrent que «regarder» et «faire» amènent l'apprentissage mais que le «faire» est un mécanisme supérieur au «regarder». b) Mode d'intervention Selon Kielhofner (1980), dans le cycle de la vie, les habitudes sont constamment transformées comme une part de l'ontogénèse normale. Par exemple, l'enfant apprend de nouvelles habitudes quand il devient étudiant et par la suite travailleur. Donc pour l'adaptation, les habitu144 des doivent être assez consistantes pour organiser le comportement mais aussi flexibles pour répondre aux changements du système. En thérapie on se doit d'amener l'individu à prendre conscience des habitudes qui ne lui permettent pas une adaptation satisfaisante, de faire en sorte qu'il puisse en prendre de meilleures, de voir comment il utilise son espace vital et de le changer au besoin (Mosey, 1976). Notre but n'est donc pas d'altérer immédiatement le comportement de l'individu mais de l'aider à en devenir conscient et de lui permettre de vérifier ce qu'il produit chez les autres. Par le groupe, nous fournissons à l'individu une situation où il peut tester ses habiletés par l'essai et l'erreur. Selon Grifft et al., (1972), le succès de l'essai découle des facteurs suivants: ce que nous proposons doit être faisable et applicable dans la réalité de l'individu, avec une préparation préliminaire adéquate, un support approprié et le droit aux erreurs pour permettre l'adaptation. Le support dans le présent contexte est d'accepter l'expérience de l'autre et non de la taire. II est essentiel de laisser émerger de la part de l'individu ses émotions «tant positives que négatives». Le leader doit être assez ouvert pour accepter et comprendre l'expérience de l'autre même si elle lui semble étrange. Il doit aussi être capable d'arrêter le jugement des individus du groupe qu'il soit verbal ou non verbal. Il peut le faire de deux façons, soit souligner que l'individu donne un jugement ou amener l'individu qu'il vient de juger à explorer son vécu dans la situation qui se présente. Nous devons respecter le vécu de l'individu dans son expérience tout en lui faisant prendre conscience que plus il fait des interprétations face à son vécu ou à celui des autres, plus il perd de sa propre «awareness» (Stevens, 1971). La réalité particulière de l'approche ergothérapique implique donc non seulement les incapacités de l'individu mais aussi l'opportunité de faire des choix par lesquels il peut découvrir la signification de sa propre existence et réaliser son potentiel en harmonie avec cette signification (Yerxa, 1967). Groupe d'éducation alimentaire Nous allons maintenant parler du groupe d'éducation alimentaire en décrivant sa clientèle, son déroulement, les objectifs visés et les résultats obtenus à date. a) Clientèle La clientèle qui participe au groupe d'éducation alimentaire comprend des bénéficiaires de la clinique externe du département de psychiatrie de l'Hôpital Notre-Dame. Elle est composée de clients à diagnostics multiples âgés de 18 à <60 ans; la majorité provient d'un milieu socioéconomique défavorisé (famille monoparentale, personne seule) ` et vivant exclusivement de l'aide sociale. Dans les groupes, nous notons un pourcentage beaucoup plus élevé de femmes que d'hommes, d'âge très variable et de niveau d'instruction plutôt bas. Les participants doivent avoir des problèmes au niveau de leur alimentation et bénéficier d'une thérapie ' par l'intermédiaire d'un médium commun: la nourriture. Ils doivent aussi avoir un certain potentiel d'apprentissage. b) Description Conjointement avec la diététiste,' des programmes de 10 semaines sont élaborés pour rejoindre les objectifs thérapeutiques et éducationnels. Il s'agit d'un groupe fermé, composé de six à huit participants, mené par deux ergothérapeutes et une diététiste. Le groupe se déroule à l'extérieur des murs de l'hôpital, dans un appartement composé d'une cuisinette équipée qui ouvre sur une salle de séjour, d'une chambre et d'une salle de bain. Chacune des séances dure de une heure et demi à deux heures aux heures de repas. Après la présentation de la recette du jour, les participants sont amenés à se séparer en petits groupes pour préparer les aliments. Pendant la cuisson du plat, la diététiste présente le thème du jour. Des jeux, des brochures, des modèles sont utilisés pour stimuler l'apprentissage des notions plus théoriques. Suit une période de déJune/Juin 1986 CJOT — Vol. 53 — No. 3 gustation accompagnée d'une discussion. Le groupe termine la séance par une période de nettoyage et de rangement. e) Objectifs Par, le groupe d'éducation alimentaire, nous tentons de rejoindre deux niveaux d'objectifs: des ' objectifs éducationnels davantage reliés au travail de la diététiste et des objectifs plus spécialement ergothérapiques. Chaque individu du groupe est amené à'' bien identifier avec l'aide du thérapeute ses sphères de dysfonction. Les principaux objectifs éducationnels visent l'acquisition de connaissances théoriques et pratiques au point de vue nutrition, l'enseignement de notions alimentaires de base, l'analyse de l'aspect nutritif des aliments et de leurs coûts, et l'augmentation de la variété des aliments en fonction des groupes alimentaires. En ce qui concerne les objectifs ergothérapiques, nous tentons, en relation avec la tâche, d'améliorer la capacité à suivre des directives, l'attention, la, mémoire, la concentration, la tolérance à la frustration, l'initiative et l'autonomie du client, la capacité de planification et d'organisation, et de stimuler l'indépendance et le sens des responsabilités. Au niveau du groupe, nous voulons favoriser un partage des responsabilités, un sentiment d'appartenance, la socialisation, une plus grande conscience des autres, et améliorer les relations interpersonnelles. Au niveau de l'individu, nous travaillons à favoriser l'affirmation de soi. la confiance en soi, l'estime de soi. l'expression d'émotions en rapport avec la situation vécue dans le groupe qui peut correspondre à des expériences vécues dans le passé et dans le présent et à amener l'individu â se gratifier. Globalement, le groupe est axé sur l'apprentissage de modes usuels et appropriés d'apprêt des aliments; il favorise l'élaboration de menus équilibrés et de liste d'achats, permet un usage plus rationnel des ressources budgétaires pour l'achat d'aliments de même qu'une meilleure utilisation des ressources du milieu. Nous comptons donc rejoindre le patient à différents June/^' uin 1986 niveaux, et intervenons sur différents aspects tels: l'aspect social (meilleure connaissance du milieu et des ressources, etc...), l'aspect de l'apprentissage (équilibre de menus, du budget, etc...), l'aspect psychologique (interaction de groupe, estime de soi, etc...), l'aspect physique (mobilisa- tion du corps, stimulations sensorielles). d) Résultats et discussion La formule présentée ici a été adaptée au fil de notre expérience qui s'échelonne sur une période de quatre ans. Diverses façons ont été envisagées et expérimentées afin de répondre le mieux possible aux objectifs de départ. Nous croyons que le déroulement présenté ici est le plus approprié à ce type de groupe et de clientèle. but devient donc d'aider l'individu à voir la santé comme une manière de vivre qui l'aidera à obtenir des buts individuels. Notre Les résultats obtenus à date nous semblent positifs et nous encouragent à poursuivre notre démarche. Ainsi nous avons pu constater chez nos clients une attitude beaucoup plus saine et mature face à leur alimentation. Au niveau éducationnel, à la suite de l'analyse du questionnaire sur l'évaluation des connaissances en nutrition rempli par le client avant et après le groupe, le patient ne se laisse plus ou se laisse moins influencer par des croyances populaires et culturelles quant au choix et à la qualité nutritive des aliments. De plus, le patient a élargi son champ de connaissance théorique et a pu démystifier l'utilisation d'aliments moins traditionnels. En rapport avec la tâche, il est bien évident que le groupe fournit un milieu des plus propices à l'exploration des capacités du patient mais on doit tenir compte dans l'analyse qualitative des résultats, des limites de chaque individu. Dans l'ensem- ble, nous notons des changements majeurs dans la, relation entre le patient et le médium de même que dans ses habiletés de fonctionnement à l'intérieur du groupe. On note une meilleure maîtrise de l'environnement, une plus grande confiance en lui-même, une satisfaction plus adéquate de ses besoins et aussi le développement d'un sentiment de plaisir que l'on peut rattacher à l'aspect social et universel de la nourriture. Les patients, de leur côté, expriment des sentiments de satisfaction générale envers le groupe. Ils relient cette satisfaction avec l'élargissement de leurs habitudes alimentaires, l'apport d'information verbale et écrite adéquate, intéressante et accessible. De plus, ils notent qu'ils ont retrouvé le goût de manger et de se faire à manger. Cependant, notre projet initial d'ouvrir le groupe le plus possible vers la communauté ne fut qu'à demi satisfait. Effectivement, des limites administratives, le manque de temps pour explorer davantage le milieu de vie du patient et des facteurs d'ordre pratique nous ont limités. Nous sommes en train d'évaluer ces points afin de raffiner le plus possible notre intervention. À la lumière de ces observations, il nous apparaît évident que le groupe d'éducation alimentaire, dans le traitement global de l'invidivu, s'avère un outil des plus pertinents. Qualité de vie Grifft et al., (1972) définissent la santé d'une manière fonctionnelle: la qualité de vie implique 'l'interaction dynamique et l'interdépendance entre le bien-être physique d'un individu, ses réactions émotionnelles et mentales et le complexe social dans lequel il évolue. Pour améliorer sa qualité de vie, l'homme doit agir (Smith et Tempone, 1968). Il faut donc lui donner les moyens pour produire les changements à l'intérieur de sa vie. Nous avons, en tant qu'aidants, une responsabilité fondamentale pour aider l'individu à fonctionner quotidiennement de façon plus satisfaisante. Nous croyons que le groupe d'éducation 145 CJOT - Vol. 53 - No. 3 alimentaire permet à l'individu de vivre des expériences reliées de près à son vécu de tous les jours et par le fait même à mieux prendre conscience de ses besoins et ainsi faire des apprentissages pour les combler. Notre but devient donc d'aider l'individu à voir la santé comme une manière de vivre qui l'aidera à obtenir des buts individuels, et à utiliser son potentiel pour son bien-être, celui de sa famille et de sa communauté. Conclusion Conscients que l'utilisation de l'alimentation en thérapie n'est pas chose nouvelle, nous croyons qu'elle demeure un outil de choix dans l'élaboration de nos traitements ergothérapiques, d'où la nécessité de développer cette sphère particulière qui prend une grande place dans la vie quotidienne de chaque être. L'alimentation est intimement mêlée au vécu, elle utilise des objets simples, familiers et s'inscrit bien dans un processus ergothérapique global. Donc, pour nous ergothérapeutes formés à, intervenir sur plusieurs aspects du vécu de l'individu, nous nous devons d'explorer cette sphère. Nous n'avons pas l'intention de nous arrêter ici, nous aimerions poursuivre nos recherches sur le sujet, étendre le cadre du groupe à la communauté, le milieu de vie, créer avec le patient des jardins communautaires, faire ces groupes dans la maison du client. Il est absolument nécessaire d'élargir notre intervention pour arriver à atteindre les individus dits «normaux» et agir à un niveau de prévention. REFERENCES Babcock, C.G. (1948). Food and Its Emotional Significance. Journal of the American Dietetic Association, 42, 390-393. Babcock, C.G. (1961). Attitudes and the use of food. Journal of the American Dietetic Association, 38, 546-551. Coltrin, D.M. et Bredfield, R.B. (1970). Food Buying Practices of Urban Low-Income 146 Consumers - A Review. Journal of Nutrition Education, 1, 16-17. Eppright, E.S. (1947). Factors Influencing Food Acceptance. Journal of the American Dietetic Association, 23, 579-587. Foisy, R. (1982). L'Alimentation et notre santé psychique. Montréal: Éditions La Presse. Gladston, I. (1952). Nutrition from the Psychiatric Viewpoint, Journal of the American Dietetic Association, 28, 405-409. Grifft, H., Washbon, M. et Harrison, G. (1972). Nutrition, Behavior and Change, New-York: Prentice-Hall Inc. Hamburger, W.W. 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This project entails the formation of a therapeutic out patient group which meets the everyday essential needs of every individual nutrition. Using an existential and acquisitional approach, two occupational therapists and a dietitian were involved in this program with the following objectives: I. educational, 2. learning, 3. occupational therapy at the task level, at the individual and group levels. The authors discuss the reasons for forming a group in nutrition counselling, as well as their approach in helping the individual to respect him/herself, respect others, improve the quality of life, become more open and take advantage of the community surrounding him/her. The results obtained to date, which demonstrate changes noted in the clients alimentary habits, their relationships with group members and a better social integration in the community, have motivated the authors in believing in the value of this Occupational Therapy intervention. June/Juin 1986
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