actualités interview Propos recueillis par Vincent Lasseret En vingt ans de carrière, Frédéric Pignon et Magali Delgado se sont produits un peu partout dans le monde. Pour préparer EQI, leur nouveau spectacle, les deux artistes à la réputation internationale ont choisi de s’installer avec leur troupe à Monteux, près d’Avignon. Ils ont accepté de dévoiler à Cheval magazine leur nouveau projet, et de parler de la relation si particulière qu’ils entretiennent avec leurs chevaux. C. M. : D’où vient le nom EQI ? F. & M. : Au début, il y a eu des noms qui circu- Ph. F. Chéhu® laient. Certains fonctionnaient bien au premier impact, mais vieillissaient mal. Karma, c’était très beau, mais c’était très lourd de sens. Il fallait aussi que le nom soit international. Le théâtre Zingaro a amené une habitude de noms, comme Battuta, Darshan, poétiques, porteurs de sens, d’odeurs… On a voulu aller vers quelque chose d’un peu froid. EQI c’est un peu froid, un peu mathématique. A la première écoute, il n’amène nulle part, et puis, il évoque quelque chose. C’est graphiquement que le nom prend du sens, qu’il se met à fonctionner. Le jeu de mots résume bien notre travail : le cheval, la liberté, l’équilibre. Interview Frédéric Pignon & Magali Delgado Sur la route d’ FRÉDÉRIC & MAGALI : On n’arrive pas à réaliser que l’on va créer quelque chose chez nous, parce que cela ne nous est jamais arrivé. Créer ce spectacle près de Paris nous aurait semblé plus réaliste. Mais le faire ici, à Monteux, là où les parents de Magali sont installés depuis cinq ans… Plus qu’un retour aux sources, cela correspond à un besoin d’encore plus contrôler ce qu’on va faire et ce qu’on va faire faire à nos chevaux. Cavalia était une superbe aventure, mais on a parfois touché les limites de ce qu’un cheval peut faire avec plaisir. Dans notre conception du travail, si le cheval perd le plaisir, il perd cette esthétique, cette énergie que l’on recherche. Là, nous allons maîtriser tout cela car nous avons en main les rênes de la production. Et puis, il y a cette petite fierté de se dire : “On fait un projet en France, alors qu’on n’a pas pu se produire avec Cavalia en France.” Donc, plus qu’un retour, nous remettons les choses dans le bon ordre, en commençant à la maison, avant de partir ensuite en tournée. 10 - Cheval magazine - avril 2014 - n° 509 C. M. : Vous allez vous installer en pleine nature, dans un grand parc naturel. La nature, l’écologie, une forme d’harmonie entre les humains et les animaux semblent vous inspirer particulièrement. EQI est-il une manière de partager ces préoccupations avec le public ? F. & M. : En effet, c’est un peu le fil rouge du spectacle, une réflexion sur le rapport de l’homme à la terre, à l’animal. Aujourd’hui, on communique par Internet, par e-mail, mais on n’a aucune connaissance sur les possibilités de communication avec l’animal. Pourtant, apprendre à communiquer avec un cheval, c’est aussi apprendre à mieux communiquer avec l’homme. Le cheval est un peu le chaînon manquant entre l’homme et la terre, celui qui nous ramène à ces préoccupations fondamentales. C’est à travers lui que l’homme peut revenir à ce qui est essentiel pour lui-même. Le spectacle se penche sur cette question, sous une forme très poétique, un peu comme nous avions commencé à le faire dans Cavalia. Ces thèmes nous sont venus en faisant un show à Las Vegas, où tout est surfait, alors que le cheval nous ramène à la terre, et à nos origines. www.chevalmag.com F. & M. : Lorsqu’on a entendu parler de ce parc, nous avons rencontré le maire et c’est devenu une évidence : lui voulait qu’on soit là, nous, on voulait y être. Le lieu correspond bien au projet, c’est un écoquartier, et nous, on parle de la planète, du lien entre le cheval et la terre… Au début, nous avons envisagé de construire un théâtre, mais sa fabrication nous a semblé compliquée. Erick Villeneuve (le metteur en scène d’EQI, NDLR) nous a alors dit : “Pourquoi enfermer les gens dans un théâtre, alors que ce pays est extraordinaire, et que les gens viennent pour voir les paysages. Au contraire, jouez avec l’espace, avec les éléments.” A partir de là, on a commencé à concevoir un théâtre à ciel ouvert. C’est un beau challenge, qui va nous permettre de présenter les chevaux dehors, en extérieur. C. M. : Comment travaillez-vous avec Erick Villeneuve, qui a déjà mis en scène Cavalia ? F. & M. : Erick résume très bien notre collaboration en disant que nous, nous écrivons des mots, avec nos chevaux, et que lui, essaye d’écrire des phrases avec ces mots. Entre lui et nous, une espèce d’alchimie se crée, presque sans qu’il y ait besoin de parler. Il a une écoute des gens, des choses. Il ne connaît rien aux chevaux, mais il en a une perception très précise. Ce qu’il veut, c’est garder le cheval dans son entité. Il a commencé par regarder toutes Pourquoi choisissons-nous ce sujet ? En cinq ans de tournée avec Cavalia, Magali Delgado et Frédéric Pignon ont réuni plus de 5 millions de spectateurs, en Amérique du Nord et en Europe, mais hélas, jamais en France. Nous avons donc absolument voulu suivre avec vous la création de leur nouveau spectacle. www.chevalmag.com Ph. DR/M. Brognon Cheval magazine : Il y a presque dix ans, vous partiez en Amérique du Nord pour créer Cavalia. Cette fois, vous préparez votre nouveau spectacle tout près d’Avignon, dans votre Sud-Est natal. Est-ce un retour aux sources ? C. M. : Comment allez-vous utiliser l’écoquartier de Beaulieu et ses 38 ha, dont l’aménagement vient tout juste d’être achevé ? nos vidéos depuis la fin de Cavalia. Il veut commencer par ça, par voir comment les chevaux sont, comment on est, comment évolue notre travail. C. M. : Après Cavalia, vous avez mis vos chevaux à la retraite, pour repartir avec une nouvelle cavalerie. Pour quelles raisons ? F. & M. : Comme nous avons commencé il y a vingt ans, nous sommes arrivés à une étape de notre vie où il fallait mettre au repos une écurie entière, tous les chevaux avec lesquels on avait démarré : Templado, Amoroso, Dao, Bandolero… Il a donc fallu repartir avec des plus jeunes. Pour EQI, nous avons voulu amener d’autres chevaux, proposer au public une grande diversité de races. Certaines personnes nous disaient : “Pourquoi ne travaillezvous qu’avec des ibériques ?” Or, nous adorons les chevaux en général. Donc, nous avons acheté un groupe de huit pur-sang arabes, que l’on verra pour la première fois dans le show. Et puis six irish cob, tous aussi beaux les uns que les autres, que l’on n’a jamais sortis non plus. Il y aura aussi nos frisons, et bien entendu les chevaux de l’élevage Delgado (les parents de Magali, NDLR). Pour tous ces chevaux, on a recherché une vraie qualité. Aussi plaisants pour le grand public que pour le connaisseur. C. M. : Chaque race amène une tonalité différente ? FRÉDÉRIC : Oui. L’énergie qu’elles dégagent est très différente. Quand on voit se succéder les frisons, puis les arabes, sur la piste, ça n’a rien à voir. Quand les arabes arrivent, on dirait des petits lutins, ils sont légers, ils ne font pas de bruits, la queue en l’air. Ça donne une espèce d’énergie légère, aérienne. Les frisons, ce sont ces gros dinosaures qui débarquent, avec leurs grandes crinières. Les lusitaniens arrivent avec leur élégance. On ne travaille pas du tout de la même manière un frison qu’un pur-sang arabe. Ce sont presque des opposés, d’un point de vue mécanique, mais aussi psychologique, au niveau de la réactivité. L’arabe est hyper réactif. Le frison est très peu réactif, mais très sensible. Je travaille très peu techniquement les pur-sang arabes, car je veux qu’ils amènent l’esprit liberté. Ils vont arriver sur scène pour dire “On est libres !” Je veux éviter la soumission, l’aspect mécanique… Je crois que l’émotion se joue là. Je n’ai jamais vu autant de gens sortir en pleurant qu’à Cavalia. Ils pleuraient parce que les chevaux avaient suscité des émotions. Mais voilà, les chevaux ont cette force uniquement si euxmêmes vivent des émotions aussi fortes. avril 2014 - n° 509 - Cheval magazine - 11 Magali s’offre un passage dans l’eau avec Galito : règle n° 1, que le cheval continue à s’amuser dans le travail. C. M. : Comment choisissez-vous chaque cheval avec lequel vous travaillez ? Photos DR/G. Boiselle Estelle Delgado, la sœur de Magali, est en selle sur Cuellar. Quant aux parents de Magali, Joëlle monte Jao et Pierrot, Lyrico. Enfin, Magali est sur Galito et Frédéric, Macao. Tous ces lusitaniens sont issus de l’élevage familial. 12 - Cheval magazine - avril 2014 - n° 509 FRÉDÉRIC : Ce sont des coups de cœur, des histoires… La vraie réponse, c’est que ce sont les chevaux qui nous choisissent. Fasto, par exemple, je sais que c’est lui qui m’a choisi. J’en suis à peu près sûr. A un moment donné, je crois qu’il y a quelque chose qui se passe. Lorsque j’ai acheté mon frison Phoebus, je l’avais vu seulement en photo. Et je m’étais demandé : “Suis-je capable d’avoir un coup de cœur sur une photo ?” Et avec lui, ça a marché : j’ai eu le même coup de cœur en le voyant en vrai. Pour les pur-sang arabes, j’avais un type très précis dans la tête. C’est la première fois que je fais ça. Je les voulais alezans, avec des balzanes, entre 3 et 5 ans, pour avoir le temps de les travailler, et puis d’une certaine taille. Je me suis quand même demandé si je n’étais pas en train de faire une erreur. A partir de là, j’ai vraiment laissé parler le coup de cœur. En voyant chaque cheval, je suis capable de me dire : “Lui, je veux travailler avec lui !”, “Lui, non, lui, il me laisse froid.” A un moment donné, il y en a un que je prends alors qu’il est très compliqué. Mais en le voyant bouger, je me dis : “Quel beau spécimen, lui, je le veux.” Voilà, il avait 3 ans, aucune notion de la vie sociale, toujours seul, en liberté, au pré. Un diable. Avec lui, quand les postérieurs partaient, c’était avec une vitesse, une puissance… Il me sautait dessus. On aurait dit un lion. Je l’ai travaillé deux mois dans son box, sans le sortir. Deux mois après, c’était un agneau. Je ne l’ai pas soumis : un cheval, plus il est méchant, plus il faut être gentil avec lui. J’ai juste passé deux mois à être gentil avec. Enfin, pas que gentil. J’ai commencé à le travailler, à lui demander de se déplacer un peu, il a accepté. Je lui ai appris la caresse. A accepter que je lui dise non. Au début, lorsque je lui disais non, il m’attaquait ! C’est une belle aventure. Il s’appelle Garibaldi. Aujourd’hui, c’est devenu un amour. On lui fait une confiance aveugle. Plus jamais il ne donnera un coup de pied. MAGALI : Le choix d’un cheval, il faut que ce soit un coup de cœur. Qu’on le rencontre sur l’élevage quand il naît, ou poulain. Tu ne le choi- Ph. DR/G. Boiselle actualités interview EQI en quelques mots EQI réunira sur scène une quarantaine de chevaux et une trentaine d’artistes, cavaliers, danseurs, voltigeurs, cascadeurs, musiciens, chanteurs, pour un show d’1 h 40. Des numéros en liberté, à pied, monté, en solo ou en groupe évoqueront le respect, la sincérité et le rêve qui unit et réunit humains et équidés. Les premières représentations d’EQI seront données à Monteux (84), où la troupe s’est installée, à partir de la fin juin, puis pendant tout l’été. Le spectacle partira ensuite sur les routes pour une grande tournée internationale. Infos : http://eqi-le-show.com sis pas parce qu’il est mieux qu’un autre. Mais il a un œil qui t’attire, ou quelque chose d’autre. Tous les pur-sang arabes, tous les irish, nous ont attirés. On a besoin de sentir que le cheval nous attire et nous dit : “Je veux que tu me prennes, je veux aller chez toi.” On sait qu’on va s’investir pendant vingt ans, trente ans, et on a besoin de sentir que le cheval a cette envie. Parmi les chevaux que je monte, certains sont issus de l’élevage de mes parents. Mandarin, par exemple, je l’ai choisi tout petit, dès qu’il est né. J’ai vraiment eu un coup de cœur pour lui. Il est né sur l’élevage et je rêvais à ce moment-là d’avoir un cheval isabelle. J’ai vu ce petit poulain naître et je me suis dit : “Il est trop beau, faisons un petit bout de chemin ensemble.” Voyons son potentiel et dans quelle direction je peux l’entraîner. Il mesure 1,70 m, il a beaucoup de présence. Il est très beau, très talentueux. C’est un cheval très doué avec un beau galop, un très beau piaffer, une très belle expression. Pour ce show, j’ai aussi Quellam, qui est beaucoup plus jeune. C’est un cheval spectaculaire, un fils de Dao et de la jument de Véronique Jeannot. Il est charismatique, avec une personnalité. C. M. : Quelle est votre philosophie de travail avec les chevaux ? FRÉDÉRIC : Personnellement, avant de travailler techniquement un cheval, je passe entre six mois et un an à le connaître. Je fais des choses très basiques, mais une fois qu’on se connaît, ça se passe très bien. Le dressage, c’est l’étape numéro deux. Ce n’est pas moi qui l’ai inventé, c’est mon père qui nous l’a inculqué à mon frère Jean-François et à moi. Il ne voulait pas qu’on aille dans les centres équestres. Il nous disait, vous irez le jour où vous saurez. Pour lui, dans un centre équestre, on apprenait la technique, mais on n’apprenait pas le cheval. Ça reste encore un peu vrai aujourd’hui, même si les choses ont bien évolué depuis vingt ou trente ans. Le dressage n’a pour moi rien à voir avec la soumission. L’idée est de proposer et de voir comment le cheval réagit. On a la chance dans le spectacle d’avoir beaucoup plus de liberté. On peut demander au cheval : “Qu’est-ce que tu aimes faire ? Qu’est-ce que tu as envie de faire dans ta vie ?” Parfois, nous échangeons nos chevaux avec Magali. Au début, j’avais pris Dao pour faire de la voltige. Et puis un jour, elle l’a pris pour faire du dressage, en fonction de ses envies à lui, de ses capacités. C’est une écoute réciproque. MAGALI : Notre objectif est de proposer des numéros dans lesquels les chevaux nous ont dit qu’ils avaient envie d’aller. Simplement parce qu’on a envie qu’ils soient heureux dans Frédéric travaille Lancelot en liberté en extérieur : complicité et harmonie au sein de la nature. www.chevalmag.com www.chevalmag.com leur discipline. Ça nous paraît normal, car on les considère comme nos partenaires. Je me sentirais trop mal si je sentais que mes chevaux étaient allés trop loin. Je l’ai fait, pour la compétition, et je l’ai regretté. J’ai appris de ces erreurs et j’ai passé un cap dans ma vie. On n’a pas envie de pousser la technique au summum. Chaque cheval a son potentiel. FRÉDÉRIC : La course à l’armement, à l’exploit technique m’a toujours inquiété dans le monde du cheval… Elle fait faire des erreurs, car on n’est plus dans l’écoute du cheval, mais dans l’écoute de ce qu’on veut présenter. Dans l’ego. A la maison, tous mes chevaux se couchent, piaffent… Parfois, il y en a un qui ne piaffe pas, un qui ne se couche pas. C’est comme ça, je n’insiste pas. A aucun moment, je ne veux aller à l’encontre de ce que veut mon cheval. Je tiens cela de tout petit. Naturellement, un cheval est beau, et peut tout faire. C’est à nous de donner l’envie. S’il n’a pas envie de faire quelque chose, tant pis. Il fera autre chose. Tout à coup, il se révélera dans le piaffer… C. M. : Les chevaux se comportent différemment quand on les écoute ? FRÉDÉRIC : Les chevaux ont une sorte de capacité de lecture intuitive. Ils doivent donc penser que la plupart des humains sont stupides, car on n’a aucune capacité de lecture. Or, toutes les autres espèces en sont capables entre elles. Le cheval est très mal à l’aise avec l’homme. Un cheval qui a passé sa vie à ne pas être entendu, ne communique plus du tout. Alors qu’ils ont beaucoup à dire. Dès qu’on essaye, les chevaux se révèlent. Avec les miens, je ne fais plus du tout de rappel, ils viennent naturellement vers moi. Dans le spectacle, je vois que des gens ont peur de perdre leur cheval en liberté. Il y a une angoisse que le cheval se sauve. Moi, je trouve que ça fait partie du jeu. Si tu es convainquant, il va revenir. Cette lecture-là nous amène à être plus juste dans notre relation. MAGALI : Je trouvais Mandarin trop sérieux dans le dressage. Il s’embêtait un peu. Alors, j’ai cherché d’autres choses et j’ai commencé à le faire jouer au ballon, tranquillement. Au début, ça ne l’intéressait pas. J’ai persévéré deux ans. Après chaque séance de travail, je sortais le ballon. Jusqu’à ce qu’il trouve un peu d’intérêt à le pousser, puis à le suivre… A un moment, il a commencé à se prendre au jeu, à se focaliser sur le ballon, à courir derrière. Il est sorti de sa torpeur, il a commencé à s’extérioriser, à jouer, à communiquer. Le jeu a changé mon cheval, il est devenu extraverti, plus joyeux, plus sûr de lui. Et ça lui a permis de passer le cap des applaudissements, sans qu’à aucun moment je n’aie eu à le forcer. avril 2014 - n° 509 - Cheval magazine - 13 A suivre Cette rencontre avec Magali et Frédéric n’est qu’un début. En effet, dans les prochains numéros, nous suivrons avec toute la troupe d’EQI la préparation, les répétitions et les coulisses du spectacle. Jusqu’à la grande première, fin juin. C. M. : En spectacle, il arrive qu’ils vous proposent des choses qui n’étaient pas prévues ? Réagissez ! Avez-vous envie d’assister au futur spectacle Eqi ? Aviez-vous vu Cavalia ? Que pensezvous de la philosophie équestre de Frédéric et Magali ?Réagissez avec votre mobile sur Facebook en utilisant ce flashcode ou accédez directement au forum de Cheval mag sur www.goo.gl/vBrG1T MAGALI : Oui, on leur laisse de la liberté pour qu’ils nous proposent des choses. C’est pour ça qu’on les laisse improviser. Puis, on s’en sert en leur proposant de recommencer chaque soir. Aetès, notre croisé frison, une fois qu’il était allongé, il ne voulait pas s’asseoir, ni faire la cabrade. A tel point qu’il voulait toujours rester comme ça. Fred partait et faisait cabrer les autres chevaux, et lui attendait que les autres aient fait la cabrade pour se relever. FRÉDÉRIC : Il y a des jeux qui s’installent comme ça. Une fois, en Allemagne, mon cube était à 30 m des chevaux. Au lieu de faire la cabrade avec les autres, Aétès va vers le cube et comme il ne veut pas me décevoir, il fait une jambette magnifique. Les gens se demandaient comment je faisais pour en avoir deux qui faisaient la cabrade d’un côté et un autre la jambette à 30 m de là ! Mon cheval faisait juste ça pour me faire plaisir ! Templado m’a aussi fait des trucs comme ça. En Suède, il fait la révérence, et au moment où il se relève, il ne me voit pas partir en courant à cause de la lumière. Alors, comme il ne me trouve pas, il fait une petite volte et il refait une révérence. J’étais très touché. Quand les chevaux sont bien dans ce qu’ils font, ils nous proposent des choses très différentes. C. M. : Comment gérez-vous leur travail en tournée ? F. & M. : En fait, on travaille très peu nos che- vaux. Ce ne sont pas des fous de travail. Et nous non plus d’ailleurs (rires). Non, non, on 14 - Cheval magazine - avril 2014 - n° 509 Photos DR/P. Domec actualités interview bosse. Bien sûr, c’est le travail qui paye. Mais pas la surcharge de travail. Dans le monde du sport, on travaille trop les chevaux. Particulièrement en dressage. Ils vont toujours à la limite de ce que les chevaux veulent donner, voire ils la dépassent. Alors, que nous, on est toujours en dessous de la limite. Les cavaliers sous-estiment toujours les capacités de leur cheval. Ils ont tendance à trop les travailler. Or, quand on connaît un peu mieux les chevaux, on comprend qu’il n’est pas besoin de leur expliquer pendant des heures. Chaque cheval travaille en moyenne 15 minutes par jour. Ce qui compte, ce n’est pas le temps de travail, mais la qualité. En revanche, on est capable de passer beaucoup de temps à ne rien faire avec un cheval. Quand il a trop d’énergie, on s’arrête, on souffle. On lui raconte des histoires. Nous travaillons beaucoup sur la respiration, surtout avec les entiers. Le stress amène beaucoup d’agressivité. Pour enlever ce stress, il faut faire de la relaxation. C’est pourquoi nous mettons en pratique la méthode de Linda Tellington-Jones. C. M. : Et à quel moment vous dites-vous qu’un cheval est prêt pour le spectacle ? F. & M. : C’est lui qui nous le dit. Globalement, les gens vont trop vite avec les chevaux. Il faut du rendement. Or, la notion du temps est primordiale. Nous, on se donne le luxe de prendre notre temps. Certains des chevaux qui vont faire EQI cet été ont 10 ans et n’ont jamais fait de show. Là, on les sent prêts. Du coup, comme on a pris notre temps, et qu’on les entretient bien, ce sont des chevaux qui vont garder la forme, qui ne sont pas du tout usés. www.chevalmag.com
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