cheval_magazine_509

actualités interview
Propos recueillis par Vincent Lasseret
En vingt ans de carrière,
Frédéric Pignon et Magali
Delgado se sont produits un
peu partout dans le monde.
Pour préparer EQI, leur
nouveau spectacle, les deux
artistes à la réputation
internationale ont choisi de
s’installer avec leur troupe
à Monteux, près d’Avignon.
Ils ont accepté de dévoiler
à Cheval magazine leur
nouveau projet, et de parler
de la relation si particulière
qu’ils entretiennent avec
leurs chevaux.
C. M. : D’où vient le nom EQI ?
F. & M. : Au début, il y a eu des noms qui circu-
Ph. F. Chéhu®
laient. Certains fonctionnaient bien au premier impact, mais vieillissaient mal. Karma,
c’était très beau, mais c’était très lourd de
sens. Il fallait aussi que le nom soit international. Le théâtre Zingaro a amené une habitude
de noms, comme Battuta, Darshan, poétiques, porteurs de sens, d’odeurs… On a
voulu aller vers quelque chose d’un peu froid.
EQI c’est un peu froid, un peu mathématique.
A la première écoute, il n’amène nulle part, et
puis, il évoque quelque chose. C’est graphiquement que le nom prend du sens, qu’il se
met à fonctionner. Le jeu de mots résume bien
notre travail : le cheval, la liberté, l’équilibre.
Interview Frédéric Pignon & Magali Delgado
Sur la route d’
FRÉDÉRIC & MAGALI : On n’arrive pas à réaliser que
l’on va créer quelque chose chez nous, parce
que cela ne nous est jamais arrivé. Créer ce
spectacle près de Paris nous aurait semblé plus
réaliste. Mais le faire ici, à Monteux, là où les
parents de Magali sont installés depuis cinq
ans… Plus qu’un retour aux sources, cela correspond à un besoin d’encore plus contrôler ce
qu’on va faire et ce qu’on va faire faire à nos
chevaux. Cavalia était une superbe aventure,
mais on a parfois touché les limites de ce qu’un
cheval peut faire avec plaisir. Dans notre
conception du travail, si le cheval perd le plaisir, il perd cette esthétique, cette énergie que
l’on recherche. Là, nous allons maîtriser tout
cela car nous avons en main les rênes de la production. Et puis, il y a cette petite fierté de se
dire : “On fait un projet en France, alors qu’on
n’a pas pu se produire avec Cavalia en France.”
Donc, plus qu’un retour, nous remettons les
choses dans le bon ordre, en commençant à la
maison, avant de partir ensuite en tournée.
10 - Cheval magazine - avril 2014 - n° 509
C. M. : Vous allez vous installer en pleine
nature, dans un grand parc naturel. La
nature, l’écologie, une forme d’harmonie
entre les humains et les animaux
semblent vous inspirer particulièrement.
EQI est-il une manière de partager
ces préoccupations avec le public ?
F. & M. : En effet, c’est un peu le fil rouge du spectacle, une réflexion sur le rapport de l’homme
à la terre, à l’animal. Aujourd’hui, on communique par Internet, par e-mail, mais on n’a
aucune connaissance sur les possibilités de
communication avec l’animal. Pourtant,
apprendre à communiquer avec un cheval,
c’est aussi apprendre à mieux communiquer
avec l’homme. Le cheval est un peu le chaînon
manquant entre l’homme et la terre, celui qui
nous ramène à ces préoccupations fondamentales. C’est à travers lui que l’homme peut
revenir à ce qui est essentiel pour lui-même.
Le spectacle se penche sur cette question, sous
une forme très poétique, un peu comme nous
avions commencé à le faire dans Cavalia. Ces
thèmes nous sont venus en faisant un show à
Las Vegas, où tout est surfait, alors que le cheval nous ramène à la terre, et à nos origines.
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F. & M. : Lorsqu’on a entendu parler de ce parc,
nous avons rencontré le maire et c’est devenu
une évidence : lui voulait qu’on soit là, nous,
on voulait y être. Le lieu correspond bien au
projet, c’est un écoquartier, et nous, on parle
de la planète, du lien entre le cheval et la
terre… Au début, nous avons envisagé de
construire un théâtre, mais sa fabrication nous
a semblé compliquée. Erick Villeneuve (le metteur en scène d’EQI, NDLR) nous a alors dit :
“Pourquoi enfermer les gens dans un théâtre,
alors que ce pays est extraordinaire, et que les
gens viennent pour voir les paysages. Au
contraire, jouez avec l’espace, avec les éléments.”
A partir de là, on a commencé à concevoir un
théâtre à ciel ouvert. C’est un beau challenge,
qui va nous permettre de présenter les chevaux dehors, en extérieur.
C. M. : Comment travaillez-vous avec
Erick Villeneuve, qui a déjà mis en scène
Cavalia ?
F. & M. : Erick résume très bien notre collaboration en disant que nous, nous écrivons des
mots, avec nos chevaux, et que lui, essaye
d’écrire des phrases avec ces mots. Entre lui et
nous, une espèce d’alchimie se crée, presque
sans qu’il y ait besoin de parler. Il a une écoute
des gens, des choses. Il ne connaît rien aux
chevaux, mais il en a une perception très précise. Ce qu’il veut, c’est garder le cheval dans
son entité. Il a commencé par regarder toutes
Pourquoi
choisissons-nous
ce sujet ?
En cinq ans de tournée avec
Cavalia, Magali Delgado et
Frédéric Pignon ont réuni plus
de 5 millions de spectateurs,
en Amérique du Nord et en
Europe, mais hélas, jamais
en France. Nous avons donc
absolument voulu suivre
avec vous la création de
leur nouveau spectacle.
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Ph. DR/M. Brognon
Cheval magazine : Il y a presque dix ans,
vous partiez en Amérique du Nord pour
créer Cavalia. Cette fois, vous préparez
votre nouveau spectacle tout près
d’Avignon, dans votre Sud-Est natal.
Est-ce un retour aux sources ?
C. M. : Comment allez-vous utiliser
l’écoquartier de Beaulieu et ses 38 ha,
dont l’aménagement vient tout juste
d’être achevé ?
nos vidéos depuis la fin de Cavalia. Il veut
commencer par ça, par voir comment les chevaux sont, comment on est, comment évolue
notre travail.
C. M. : Après Cavalia, vous avez mis vos
chevaux à la retraite, pour repartir avec
une nouvelle cavalerie. Pour quelles
raisons ?
F. & M. : Comme nous avons commencé il y a
vingt ans, nous sommes arrivés à une étape
de notre vie où il fallait mettre au repos une
écurie entière, tous les chevaux avec lesquels
on avait démarré : Templado, Amoroso, Dao,
Bandolero… Il a donc fallu repartir avec des
plus jeunes. Pour EQI, nous avons voulu amener d’autres chevaux, proposer au public une
grande diversité de races. Certaines personnes nous disaient : “Pourquoi ne travaillezvous qu’avec des ibériques ?” Or, nous adorons
les chevaux en général. Donc, nous avons
acheté un groupe de huit pur-sang arabes,
que l’on verra pour la première fois dans le
show. Et puis six irish cob, tous aussi beaux
les uns que les autres, que l’on n’a jamais sortis non plus. Il y aura aussi nos frisons, et bien
entendu les chevaux de l’élevage Delgado (les
parents de Magali, NDLR). Pour tous ces chevaux, on a recherché une vraie qualité. Aussi
plaisants pour le grand public que pour le
connaisseur.
C. M. : Chaque race amène une tonalité
différente ?
FRÉDÉRIC : Oui. L’énergie qu’elles dégagent est
très différente. Quand on voit se succéder les
frisons, puis les arabes, sur la piste, ça n’a
rien à voir. Quand les arabes arrivent, on
dirait des petits lutins, ils sont légers, ils ne
font pas de bruits, la queue en l’air. Ça donne
une espèce d’énergie légère, aérienne. Les
frisons, ce sont ces gros dinosaures qui
débarquent, avec leurs grandes crinières. Les
lusitaniens arrivent avec leur élégance. On
ne travaille pas du tout de la même manière
un frison qu’un pur-sang arabe. Ce sont
presque des opposés, d’un point de vue
mécanique, mais aussi psychologique, au
niveau de la réactivité. L’arabe est hyper réactif. Le frison est très peu réactif, mais très
sensible. Je travaille très peu techniquement
les pur-sang arabes, car je veux qu’ils amènent l’esprit liberté. Ils vont arriver sur scène
pour dire “On est libres !” Je veux éviter la
soumission, l’aspect mécanique… Je crois
que l’émotion se joue là. Je n’ai jamais vu
autant de gens sortir en pleurant qu’à Cavalia. Ils pleuraient parce que les chevaux
avaient suscité des émotions. Mais voilà, les
chevaux ont cette force uniquement si euxmêmes vivent des émotions aussi fortes.
avril 2014 - n° 509 - Cheval magazine - 11
Magali s’offre
un passage
dans l’eau avec
Galito : règle n° 1,
que le cheval
continue à
s’amuser dans
le travail.
C. M. : Comment choisissez-vous chaque
cheval avec lequel vous travaillez ?
Photos DR/G. Boiselle
Estelle Delgado, la
sœur de Magali, est en
selle sur Cuellar. Quant
aux parents de Magali,
Joëlle monte Jao et
Pierrot, Lyrico. Enfin,
Magali est sur Galito et
Frédéric, Macao. Tous
ces lusitaniens sont
issus de l’élevage
familial.
12 - Cheval magazine - avril 2014 - n° 509
FRÉDÉRIC : Ce sont des coups de cœur, des histoires… La vraie réponse, c’est que ce sont
les chevaux qui nous choisissent. Fasto, par
exemple, je sais que c’est lui qui m’a choisi.
J’en suis à peu près sûr. A un moment donné,
je crois qu’il y a quelque chose qui se passe.
Lorsque j’ai acheté mon frison Phoebus, je
l’avais vu seulement en photo. Et je m’étais
demandé : “Suis-je capable d’avoir un coup de
cœur sur une photo ?” Et avec lui, ça a marché :
j’ai eu le même coup de cœur en le voyant en
vrai. Pour les pur-sang arabes, j’avais un type
très précis dans la
tête. C’est la première fois que je
fais ça. Je les voulais alezans, avec
des balzanes, entre
3 et 5 ans, pour
avoir le temps de les
travailler, et puis
d’une certaine taille.
Je me suis quand
même demandé
si je n’étais pas en
train de faire une
erreur. A partir de
là, j’ai vraiment laissé parler le coup de cœur.
En voyant chaque cheval, je suis capable de
me dire : “Lui, je veux travailler avec lui !”,
“Lui, non, lui, il me laisse froid.” A un moment
donné, il y en a un que je prends alors qu’il est
très compliqué. Mais en le voyant bouger, je
me dis : “Quel beau spécimen, lui, je le veux.”
Voilà, il avait 3 ans, aucune notion de la vie
sociale, toujours seul, en liberté, au pré. Un
diable. Avec lui, quand les postérieurs partaient, c’était avec une vitesse, une puissance… Il me sautait dessus. On aurait dit un
lion. Je l’ai travaillé deux mois dans son box,
sans le sortir. Deux mois après, c’était un
agneau. Je ne l’ai pas soumis : un cheval, plus
il est méchant, plus il faut être gentil avec lui.
J’ai juste passé deux mois à être gentil avec.
Enfin, pas que gentil. J’ai commencé à le travailler, à lui demander de se déplacer un peu,
il a accepté. Je lui ai appris la caresse.
A accepter que je lui dise non. Au début,
lorsque je lui disais non, il m’attaquait ! C’est
une belle aventure. Il s’appelle Garibaldi.
Aujourd’hui, c’est devenu un amour. On lui
fait une confiance aveugle. Plus jamais il ne
donnera un coup de pied.
MAGALI : Le choix d’un cheval, il faut que ce soit
un coup de cœur. Qu’on le rencontre sur l’élevage quand il naît, ou poulain. Tu ne le choi-
Ph. DR/G. Boiselle
actualités interview
EQI en quelques mots
EQI réunira sur scène une quarantaine
de chevaux et une trentaine d’artistes,
cavaliers, danseurs, voltigeurs,
cascadeurs, musiciens, chanteurs,
pour un show d’1 h 40. Des numéros
en liberté, à pied, monté, en solo ou
en groupe évoqueront le respect,
la sincérité et le rêve qui unit et réunit
humains et équidés. Les premières
représentations d’EQI seront données
à Monteux (84), où la troupe s’est
installée, à partir de la fin juin, puis
pendant tout l’été. Le spectacle partira
ensuite sur les routes pour une grande
tournée internationale.
Infos : http://eqi-le-show.com
sis pas parce qu’il est mieux qu’un autre. Mais
il a un œil qui t’attire, ou quelque chose d’autre. Tous les pur-sang arabes, tous les irish,
nous ont attirés. On a besoin de sentir que le
cheval nous attire et nous dit : “Je veux que tu
me prennes, je veux aller chez toi.” On sait
qu’on va s’investir pendant vingt ans, trente
ans, et on a besoin de sentir que le cheval a
cette envie. Parmi les chevaux que je monte,
certains sont issus de l’élevage de mes
parents. Mandarin, par exemple, je l’ai choisi
tout petit, dès qu’il est né. J’ai vraiment eu un
coup de cœur pour lui. Il est né sur l’élevage
et je rêvais à ce moment-là d’avoir un cheval
isabelle. J’ai vu ce petit poulain naître et je
me suis dit : “Il est trop beau, faisons un petit
bout de chemin ensemble.” Voyons son potentiel et dans quelle direction je peux l’entraîner. Il mesure 1,70 m, il a beaucoup de présence. Il est très beau, très talentueux. C’est
un cheval très doué avec un beau galop, un
très beau piaffer, une très belle expression.
Pour ce show, j’ai aussi Quellam, qui est
beaucoup plus jeune. C’est un cheval spectaculaire, un fils de Dao et de la jument de
Véronique Jeannot. Il est charismatique, avec
une personnalité.
C. M. : Quelle est votre philosophie de
travail avec les chevaux ?
FRÉDÉRIC : Personnellement, avant de travailler
techniquement un cheval, je passe entre six
mois et un an à le connaître. Je fais des choses
très basiques, mais une fois qu’on se connaît,
ça se passe très bien. Le dressage, c’est l’étape
numéro deux. Ce n’est pas moi qui l’ai
inventé, c’est mon père qui nous l’a inculqué à
mon frère Jean-François et à moi. Il ne voulait
pas qu’on aille dans les centres équestres. Il
nous disait, vous irez le jour où vous saurez.
Pour lui, dans un centre équestre, on apprenait la technique, mais on n’apprenait pas le
cheval. Ça reste encore un peu vrai
aujourd’hui, même si les choses ont bien évolué depuis vingt ou trente ans. Le dressage n’a
pour moi rien à voir avec la soumission. L’idée
est de proposer et de voir comment le cheval
réagit. On a la chance dans le spectacle
d’avoir beaucoup plus de liberté. On peut
demander au cheval : “Qu’est-ce que tu aimes
faire ? Qu’est-ce que tu as envie de faire dans ta
vie ?” Parfois, nous échangeons nos chevaux
avec Magali. Au début, j’avais pris Dao pour
faire de la voltige. Et puis un jour, elle l’a pris
pour faire du dressage, en fonction de ses
envies à lui, de ses capacités. C’est une écoute
réciproque.
MAGALI : Notre objectif est de proposer des
numéros dans lesquels les chevaux nous ont
dit qu’ils avaient envie d’aller. Simplement
parce qu’on a envie qu’ils soient heureux dans
Frédéric travaille Lancelot en
liberté en extérieur : complicité et
harmonie au sein de la nature.
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leur discipline. Ça nous paraît normal, car on
les considère comme nos partenaires. Je me
sentirais trop mal si je sentais que mes chevaux étaient allés trop loin. Je l’ai fait, pour la
compétition, et je l’ai regretté. J’ai appris de
ces erreurs et j’ai passé un cap dans ma vie.
On n’a pas envie de pousser la technique au
summum. Chaque cheval a son potentiel.
FRÉDÉRIC : La course à l’armement, à l’exploit
technique m’a toujours inquiété dans le
monde du cheval… Elle fait faire des erreurs,
car on n’est plus dans l’écoute du cheval, mais
dans l’écoute de ce qu’on veut présenter. Dans
l’ego. A la maison, tous mes chevaux se couchent, piaffent… Parfois, il y en a un qui ne
piaffe pas, un qui ne se couche pas. C’est
comme ça, je n’insiste pas. A aucun moment,
je ne veux aller à l’encontre de ce que veut
mon cheval. Je tiens cela de tout petit. Naturellement, un cheval est beau, et peut tout
faire. C’est à nous de donner l’envie. S’il n’a
pas envie de faire quelque chose, tant pis. Il
fera autre chose. Tout à coup, il se révélera
dans le piaffer…
C. M. : Les chevaux se comportent
différemment quand on les écoute ?
FRÉDÉRIC : Les chevaux ont une sorte de capacité de lecture intuitive. Ils doivent donc penser que la plupart des humains sont stupides,
car on n’a aucune capacité de lecture. Or,
toutes les autres espèces en sont capables
entre elles. Le cheval est très mal à l’aise avec
l’homme. Un cheval qui a passé sa vie à ne pas
être entendu, ne communique plus du tout.
Alors qu’ils ont beaucoup à dire. Dès qu’on
essaye, les chevaux se révèlent. Avec les
miens, je ne fais plus du tout de rappel, ils
viennent naturellement vers moi.
Dans le spectacle, je vois que des gens ont peur
de perdre leur cheval en liberté. Il y a une
angoisse que le cheval se sauve. Moi, je trouve
que ça fait partie du jeu. Si tu es convainquant,
il va revenir. Cette lecture-là nous amène à
être plus juste dans notre relation.
MAGALI : Je trouvais Mandarin trop sérieux dans
le dressage. Il s’embêtait un peu. Alors, j’ai
cherché d’autres choses et j’ai commencé à le
faire jouer au ballon, tranquillement. Au
début, ça ne l’intéressait pas. J’ai persévéré
deux ans. Après chaque séance de travail, je
sortais le ballon. Jusqu’à ce qu’il trouve un peu
d’intérêt à le pousser, puis à le suivre…
A un moment, il a commencé à se prendre au
jeu, à se focaliser sur le ballon, à courir derrière. Il est sorti de sa torpeur, il a commencé à
s’extérioriser, à jouer, à communiquer. Le jeu a
changé mon cheval, il est devenu extraverti,
plus joyeux, plus sûr de lui. Et ça lui a permis
de passer le cap des applaudissements, sans
qu’à aucun moment je n’aie eu à le forcer.
avril 2014 - n° 509 - Cheval magazine - 13
A suivre
Cette rencontre avec Magali et Frédéric n’est qu’un début.
En effet, dans les prochains numéros, nous suivrons avec
toute la troupe d’EQI la préparation, les répétitions et les
coulisses du spectacle. Jusqu’à la grande première, fin juin.
C. M. : En spectacle, il arrive qu’ils vous
proposent des choses qui n’étaient pas
prévues ?
Réagissez !
Avez-vous envie
d’assister au futur spectacle Eqi ? Aviez-vous vu
Cavalia ? Que pensezvous de la philosophie équestre de Frédéric
et Magali ?Réagissez avec votre mobile sur
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MAGALI : Oui, on leur laisse de la liberté pour
qu’ils nous proposent des choses. C’est pour
ça qu’on les laisse improviser. Puis, on s’en
sert en leur proposant de recommencer
chaque soir. Aetès, notre croisé frison, une
fois qu’il était allongé, il ne voulait pas s’asseoir, ni faire la cabrade. A tel point qu’il voulait toujours rester comme ça. Fred partait et
faisait cabrer les autres chevaux, et lui attendait que les autres aient fait la cabrade pour
se relever.
FRÉDÉRIC : Il y a des jeux qui s’installent comme
ça. Une fois, en Allemagne, mon cube était à
30 m des chevaux. Au lieu de faire la cabrade
avec les autres, Aétès va vers le cube et
comme il ne veut pas me décevoir, il fait une
jambette magnifique. Les gens se demandaient comment je faisais pour en avoir deux
qui faisaient la cabrade d’un côté et un autre
la jambette à 30 m de là ! Mon cheval faisait
juste ça pour me faire plaisir ! Templado m’a
aussi fait des trucs comme ça. En Suède, il fait
la révérence, et au moment où il se relève, il
ne me voit pas partir en courant à cause de la
lumière. Alors, comme il ne me trouve pas, il
fait une petite volte et il refait une révérence.
J’étais très touché. Quand les chevaux sont
bien dans ce qu’ils font, ils nous proposent des
choses très différentes.
C. M. : Comment gérez-vous leur travail
en tournée ?
F. & M. : En fait, on travaille très peu nos che-
vaux. Ce ne sont pas des fous de travail. Et
nous non plus d’ailleurs (rires). Non, non, on
14 - Cheval magazine - avril 2014 - n° 509
Photos DR/P. Domec
actualités interview
bosse. Bien sûr, c’est le travail qui paye. Mais
pas la surcharge de travail. Dans le monde du
sport, on travaille trop les chevaux. Particulièrement en dressage. Ils vont toujours à la
limite de ce que les chevaux veulent donner,
voire ils la dépassent. Alors, que nous, on est
toujours en dessous de la limite. Les cavaliers
sous-estiment toujours les capacités de leur
cheval. Ils ont tendance à trop les travailler.
Or, quand on connaît un peu mieux les chevaux, on comprend qu’il n’est pas besoin de
leur expliquer pendant des heures. Chaque
cheval travaille en moyenne 15 minutes par
jour. Ce qui compte, ce n’est pas le temps de
travail, mais la qualité. En revanche, on est
capable de passer beaucoup de temps à ne rien
faire avec un cheval. Quand il a trop d’énergie,
on s’arrête, on souffle. On lui raconte des histoires. Nous travaillons beaucoup sur la respiration, surtout avec les entiers. Le stress
amène beaucoup d’agressivité. Pour enlever
ce stress, il faut faire de la relaxation. C’est
pourquoi nous mettons en pratique la
méthode de Linda Tellington-Jones.
C. M. : Et à quel moment vous dites-vous
qu’un cheval est prêt pour le spectacle ?
F. & M. : C’est lui qui nous le dit. Globalement,
les gens vont trop vite avec les chevaux. Il faut
du rendement. Or, la notion du temps est primordiale. Nous, on se donne le luxe de prendre notre temps. Certains des chevaux qui
vont faire EQI cet été ont 10 ans et n’ont
jamais fait de show. Là, on les sent prêts.
Du coup, comme on a pris notre temps, et
qu’on les entretient bien, ce sont des chevaux
qui vont garder la forme, qui ne sont pas
du tout usés.
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