actualités reportage Texte : Anne-Claire Letki, photos : Alain Laurioux Magali a dessellé Mandarin et le laisse en liberté pour qu’il ait le loisir de se promener, de brouter, de rendre visite à ses voisins de box. Les frisons Phoebus et Paulus au travail : Frédéric et Magali aiment former des duos car cela rassure les chevaux. De retour à l’écurie, Magali prend soin de tresser à nouveau la crinière de Paulus pour que les longs crins d’ébène ne s’abîment pas. Pourquoi choisissons-nous ce sujet ? Frédéric Pignon et Magali Delgado préparent un nouveau spectacle, EQI, qui sera présenté cet été à Monteux, près d’Avignon. Dans le dernier numéro de Cheval magazine (avril 2014, n° 509), les deux artistes ont expliqué la philosophie de leur projet. Cette fois, Cheval mag vous propose de faire connaissance avec les personnages principaux de l’aventure, les chevaux ! Phoebus, Mandarin, Bambou, Makao… vous font partager leur quotidien, entre moments de détente et séances de travail. Le feuilleton EQI se poursuit ! Entre l’Isle-sur-la-Sorgue et Monteux, dans le Vaucluse, une quarantaine d’artistes se préparent pour le spectacle EQI… Frisons, pur-sang arabes, lusitaniens, irish cobs, ils répètent leurs gammes sous la conduite de Frédéric Pignon et Magali Delgado. Cheval mag est parti à la rencontre des futures stars d’EQI. Plongée au cœur de leur intimité… SUR LA ROUTE Au rythme des artistes 18 - Cheval magazine - mai 2014 - n° 510 www.chevalmag.com www.chevalmag.com ereins, Mandarin et Nacarado attendent dans leurs boxes voisins la sortie matinale. Si apaisés même, que l’aîné s’autorise une courte sieste couché… Nés à un an d’écart à l’élevage Delgado, les deux lusitaniens sont frères et inséparables. Pour EQI, ils interpréteront un tango sous la selle de leurs partenaires, Magali Delgado et Frédéric Pignon. Aujourd’hui pourtant, il n’est point question de danse argentine, mais d’une ballade provençale… A peine leurs cavaliers ont-ils mis le pied à l’étrier que les deux étalons bombent leur poitrail et dressent leur encolure. Sur le chemin d’un champ de cerisiers en fleurs, ils hâtent leurs pas, exprimant leur enthousiasme et dévoilant leur tempérament sanguin. Le soleil, qui transperce une brume légère, offre des reflets dorés à leur robe isabelle. Soudain, ils ont compris ! Ils ont repéré le photographe qui pointe son objectif dans leur direction. Nacarado amorce alors un passage, aussitôt imité par Mandarin. Les deux lusitaniens semblent vouloir jouer leur répertoire… De retour à la maison, Magali desselle Mandarin devant l’écurie, et lui donne quartier libre pour la matinée. Il ne rentrera au box que pour déjeuner. Au menu, une ration de céréales bio. En attendant, il se promène dans son jardin, broute l’herbe qui se présente à lui, et joue avec Craquotte, la chienne… S Energie et puissance Patients, Phoebus et Paulus prêtent leur crinière aux doigts experts de Magali et Frédéric, qui dénattent puis brossent soigneusement leurs longs crins couleur d’ébène. Frisons majestueux, ils évolueront dans un numéro en liberté pour le prochain spectacle, associés à deux congénères à la robe grise… Ce matin, ils s’entraînent en duo. “Je les sors souvent un par un, précise toutefois Frédéric. Je les travaille beaucoup en main, en licol ou en filet, et il m’arrive de les monter pour une promenade. En spectacle, je les présente uniquement en liberté, car je souhaite préserver leur belle énergie.” De l’énergie, de la puissance, ces deux-là en font la démonstration ce matin dans la carrière. Flanc contre flanc, ils galopent d’un coin à l’autre et se cabrent. Ils impressionnent. Puis, tête-bêche, Phoebus et Paulus s’adonnent à un grooming, avant de se coucher sur l’indication de leur dresseur. Une atmosphère de jeu s’installe sur la carrière. “Cherche”, demande Frédéric. Et Phoebus de se diriger vers la badine posée sur la clôture… Et de bifurquer vers l’herbe ! La tentation était trop grande, mais le frison revient finalement vers l’objet, l’attrape du bout des lèvres et le livre à son dresseur. La séance ne dure pas longtemps pour prévenir toute fatigue. Les che- mai 2014 - n° 510 - Cheval magazine - 19 actualités reportage Frédéric démêle la crinière du pur-sang arabe Bambou, sa “merveille” comme il l’appelle. - Bambou réalise un beau cabrer. Espiègle, l’alezan a un passé d’enfant gâté et Frédéric est toujours vigilant pour le recadrer si nécessaire. Quand Estelle Delgado a récupéré l’irish cob Chanel, il y a quatre ans, sa crinière était moitié moins longue. Grâce aux soins attentifs de sa cavalière, il arbore des crins magnifiques. Une nouvelle vie “Nos chevaux sont joyeux. C’est notre maître-mot. Nous ne cherchons pas à les soumettre, à les contraindre. Au contraire, nous vivons à leur rythme”, souligne Magali A ses débuts Makao était timide, mais aujourd’hui, en confiance avec Magali, il révèle tout son brillant, toute sa souplesse et sera prêt pour son solo en dressage. Pour leur spectacle, Magali Delgado et Frédéric Pignon ont non seulement constitué une nouvelle cavalerie, mais ils ont également recruté une trentaine d’artistes… bipèdes ! Parmi eux, les Belges Trixi Tobin et Virginie Truyen (photo), respectivement ex-employée dans la finance et consultante… L’an dernier, Trixi revient d’un séjour chez les Delgado avec une jument et une information : la tenue prochaine d’un casting. Les deux amies cavalières décident de se présenter et passent un test… concluant ! “Lorsque j’ai reçu la réponse en janvier, j’ai démissionné de mon poste du jour au lendemain ! C’est le début d’une nouvelle vie”, s’enthousiasme Virginie. Une nouvelle vie rythmée par les soins aux chevaux et les séances de travail. “Chaque cavalier doit s’occuper d’un piquet de trois chevaux qu’il prend en charge du matin au soir, précise Magali Delgado. Je souhaite responsabiliser les artistes, et qu’ils deviennent partie prenante de la vie de l’écurie.” SUR LA ROUTE 20 - Cheval magazine - mai 2014 - n° 510 www.chevalmag.com vaux regagnent l’écurie et, sans perdre une minute, leurs longues crinières sont à nouveau tressées pour les protéger des salissures et des nœuds ! La beauté des artistes s’entretient jour après jour… Elle naît surtout “de l’amour qu’on leur porte, souligne Magali. Un cheval qui se sent important aux yeux de son propriétaire devient beau. Mais on veille à ne pas les surprotéger, afin qu’ils restent “cheval”.” Généreux, Makao lance ses antérieurs devant lui comme s’il cherchait à atteindre les fleurs des arbres… Dans le champ de cerisiers, le lusitanien à la robe grise offre à sa cavalière un pas espagnol d’une grande amplitude. “Il est très souple, c’est un chat ! Je prépare un solo de dressage avec lui. Il a commencé les spectacles l’an dernier, mais c’est cette saison qu’il se révélera, prédit Magali. Au début, Makao était très tendu, il avait peur de tout. Alors Frédéric l’a travaillé en liberté, et depuis, il s’est apaisé.” Bien que Magali et Frédéric s’attribuent les chevaux en fonction de leurs affinités, il leur arrive de les échanger… “La liberté et le dressage sont complémentaires. Par exemple, Frédéric peut me confier un cheval pour améliorer un mouvement ou affiner la musculature grâce au dressage. Et moi je peux lui en prêter un pour travailler son mental en liberté”, explique-t-elle. Alors que Magali et Makao s’apprêtent à rentrer à l’écurie, ils font une halte dans une prairie et exécutent dans les herbes hautes un piaffer aérien. L’œil de l’étalon pétille. De ses mouvements se dégagent énergie et charisme. Sous la selle de Magali Delgado, le timide lusitanien se révèle même frimeur ! “Nos chevaux sont joyeux. C’est notre maître-mot. Nous ne cherchons pas à les soumettre, à les contraindre. Nous ne les poussons jamais dans leurs limites. Au contraire, nous vivons à leur rythme”, souligne Magali. Ainsi, chaque journée s’articule autour d’une ou deux courtes séances de travail complétées d’une promenade et d’un moment de liberté. “Tous les dimanches, c’est repos, ajoute Magali. Quant aux jeunes, ils travaillent un jour sur deux.” Vif, Bambou s’agite sur l’aire de pansage. Il s’est sali pendant la nuit, et Frédéric s’emploie à le faire briller… “Ne fais pas ton douillet !”, murmure-t-il à son oreille alors qu’il dirige le spray démêlant vers sa crinière. Pur-sang arabe alezan âgé de 7 ans, Bambou est un vrai petit personnage. “C’est un entier. Lorsqu’il nous a rejoints, il n’avait pas de très bonnes habitudes… Coquin, il se comportait comme un enfant gâté. J’ai dû réinstaurer quelques règles dans le travail. Et je reste toujours vigilant”, explique Frédéric. Bambou est fin prêt, sa longue crinière aux reflets écureuil habille son épaule gracile. Dans la carrière, Frédéric annonce : “A la une, à la deux, à la trois”, et détache le licol du pur-sang arabe. Bambou s’éloigne au petit trot, le nez par terre… Il a l’intention de se rouler… Mais encouragé par son dresseur, le cheval s’élance au galop… Des petites foulées, rasantes, légères… A toute vitesse, bien sûr ! La queue en panache, le nez au ciel, Bambou ronfle. Il s’approche de Frédéric et se cabre. “Oui, c’est beau ça !”, complimente l’homme. Cette fois, Bambou se roule pour de bon. Puis il vient poser sa tête sur l’épaule de son dresseur. D’un instant à l’autre, il passe de la fougue à la tendresse. Nouvelles recrues “Avant, je ne pouvais pas jouer avec lui. Il ne se contenait pas, il pouvait courir pendant des heures sans s’arrêter ! Maintenant, il est plus calme”, raconte Frédéric. Sa “merveille”, comme il aime le surnommer, a été dévoilée en 2012 dans La leçon indispensable de Frédéric et Jean-François Pignon, un documentaire signé Valérie Guignabodet, puis a testé l’année suivante les pistes de spectacle lors du salon Equitana. A côté des stars comme Mandarin ou Phoebus, Bambou fait partie des nouveaux de la bande, mais il compte bien créer la surprise pour EQI dans un numéro en liberté avec ses acolytes pur-sang arabes… Puissant, Watson compte, lui aussi, parmi les nouvelles recrues de la troupe. Tout droit venu de la verte Erin, Watson est un irish cob, à la longue, très longue, crinière couleur crème, et aux fanons si garnis qu’ils donnent à ses membres un style pattes d’eph’… Son physique exceptionnel lui valait bien d’être rebaptisé Chanel par sa cavalière Estelle Delgado ! “Je lui ai toujours promis qu’il deviendrait une star. Il a quelque chose en plus, confie Estelle. Depuis deux ou trois ans, je le prépare avec d’autres irish cobs pour un numéro de poste hongroise. Ce sont des chevaux lourds, alors j’ai dû effectuer un important travail d’assouplissement.” Dans le jardin du gîte Delgado, entre romarin et olivier, la cavalière promène, à cru, son géant pie. Il a gardé une tresse bicolore à son toupet pour que le photographe puisse saisir la douceur qui émane de son regard. Si tôt le shooting terminé, Estelle noue la crinière de l’étalon. Soigner l’esthétique, préparer le physique, répéter le numéro, s’accorder des pauses… C’est ça la vie d’artiste ! mai 2014 - n° 510 - Cheval magazine - 21
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