Dossier (pdf) - Compagnie Philippe Saire

2014 | dossier septembre 2014
chorégraphie pour 5 interprètes
création au Théâtre Sévelin 36, Lausanne (CH)
Première : 19 novembre 2014
coproduction Théâtre Forum Meyrin
version : CieSaire_UtopiaMia_F_140926
www.philippesaire.ch/index.php/fr/spectacles/utopia-mia
NOTE D’INTENTION
3
U-TOPIE3
LA SCÉNOGRAPHIE
4
LA DANSE
4
LES MUSIQUES
4
L’IMAGERIE DES 70’S
5
LE POLITIQUE
DANS LA DANSE
5
BIOGRAPHIES6
UTOPIA MIA
PÉRIODE DE CRÉATION
2014
DURÉE
env. 70 min.
COPRODUCTION
Théâtre Forum Meyrin, Meyrin (CH)
DISTRIBUTION
Chorégraphie
Philippe Saire
En collaboration avec les interprètes
Géraldine Chollet, Philippe Chosson, Lee Davern,
Maïté Jeannolin, Antonio Montanile
Dramaturge
Roberto Fratini Serafide
Assistante
Émilie Launay-Bobillot
Scénographie et lumières
Eric Soyer
Création vidéo
Renaud Rubiano
Création sonore
Stéphane Vecchione
Recherche musiques
Valérie Niederoest
Costumes
Isa Boucharlat
Maquillage
Nathalie Monod
Direction technique
Yann Serez, Benoît Michellod
Régie son
Xavier Weissbrodt
Captation vidéo et teaser
Pierre-Yves Borgeaud
A
près un printemps 2014 marqué par
des tournées à New York, Paris et au
Moyen-Orient, ainsi qu’une création,
NEONS, Philippe Saire présente une nouvelle
pièce en novembre 2014, coproduite par le
Théâtre Forum Meyrin.
Création pour 3 danseurs et 2 danseuses,
Utopia Mia interroge notre rapport intime
à l’utopie. Elle produit des images paradisiaques, scrute les élans militants, et en révèle
parfois les déceptions, sur fond de musiques
rebelles.
Utopia Mia nous rappelle les rêves éveillés
d’hier et d’aujourd’hui, des cités idéales de la
Renaissance aux hippies des années 1960-70.
Plus récemment, c’est le mouvement des
Indignados, né à Madrid, qui a poussé le chorégraphe à travailler sur les utopies. Comment
part-on de nos réalités troublées pour imaginer un avenir meilleur ? Utopia Mia, c’est le rêve
enchanté d’une île où tout peut être recommencé, où les mouvements des danseurs sont
porteurs de changement sensible, où la musique sublime les idéaux, juste là, sur scène, à
portée de main. L'utopie, à notre portée.
REPRÉSENTATIONS
Théâtre Sévelin 36, Lausanne (CH)
19 au 30 novembre 2014 – Première
Théâtre Forum Meyrin, Meyrin (CH)
4 et 5 décembre 2014
Théâtre Nuithonie, Fribourg (CH)
9 et 10 décembre 2014
Forum Saint-Georges, Delémont (CH)
11 et 12 décembre 2014
(dates supplémentaires à venir)
SOUTIENS ET PARTENAIRES
Ville de Lausanne, Canton de Vaud,
Pro Helvetia – Fondation suisse pour la culture,
Loterie Romande, Fondation de Famille Sandoz,
Fondation Meyrinoise du Casino, Fondation
Sophie & Karl Binding, Pour-cent culturel Migros,
Sixt, La Terrasse, 360°.
CONTACT
Administration & communication, presse
Valérie Niederoest
[email protected]
Diffusion & tour management
Gábor Varga
[email protected]
Cie Philippe Saire
Av. de Sévelin 36
CP 110
CH – 1000 Lausanne 20
T +41 21 620 00 12
[email protected]
www.philippesaire.ch
Design graphique & photographies
matière grise | Philippe Weissbrodt
P
hilippe Saire, figure majeure de la
danse contemporaine en Suisse, a
créé une trentaine de spectacles à ce
jour, sans compter les performances in situ,
court-métrages et ateliers.
Une volonté l’anime, celle de ne pas se répéter. Ses intérêts portent vers les arts visuels,
le théâtre, la musique, le cinéma, la performance, la lumière, avec toujours le caractère
de créations intenses et ciselées.
Vacarme, Étude sur la Légèreté, Vie et Mœurs
du Caméléon Nocturne, La Haine de la Musique,
Les Affluents, [ob]seen, Est-ce que je peux me
permettre d’attirer votre attention sur la brièveté de la vie ? et Black Out comptent parmi
les créations qui ont permis à la Compagnie
Philippe Saire d’acquérir une notoriété au-delà des frontières suisses.
Depuis sa fondation en 1986, la compagnie a donné plus de 1’000 représentations
dans plus de 180 villes d’Europe, d’Asie, du
Moyen-Orient, d’Afrique et d’Amérique.
En 1995, Philippe Saire inaugure son lieu de
travail et de création, le Théâtre Sévelin 36.
Situé à Lausanne, ce lieu est entièrement
consacré à la danse contemporaine, il contribue à la circulation d’œuvres de dimension
© Gregory Batardon
internationale, tout en programmant des
compagnies locales dont il favorise l’émergence. Le Théâtre Sévelin 36 est le lauréat du
« Prix spécial de danse 2013 » de l’Office fédéral de la culture.
Conduit de 2002 à 2012, le projet
Cartographies, mêlant performances en ville
de Lausanne et création vidéo, témoigne
d’une envie de sortir la danse des murs du
théâtre. Les 11 chorégraphies in situ, filmées
par 9 
réalisateurs romands dont Lionel
Baier, Fernand Melgar, Bruno Deville, PierreYves Borgeaud et Philippe Saire lui-même,
sont sorties en collection complète au printemps 2013 sous la forme d’un livre-DVD et
continuent leur parcours dans les festivals de
par le monde.
NOTE D’INTENTION
Philippe Saire
J
e n’ai pas manifesté en 68, j’étais trop
jeune, j’étais en Suisse. Je n’étais pas à
Woodstock.
Mon passage à l’âge adulte a baigné
dans ces années 1970 qui ont prolongé tous
ces mouvements. J’étais contre la guerre,
j’ai manifesté, j’étais contre la société de
consommation – j’ai aujourd’hui un iPad et un
iPhone – j’étais non-violent, je croyais qu’on
pouvait changer le monde en s’y mettant
tous ensemble, je croyais sérieusement à tout
ça. Je n’ai pas fumé de joints, pas pratiqué
l’amour libre. J’ai enseigné, puis arrêté, trouvé
que l’école ne jouait pas son rôle de former
des gens capables de libre-arbitre, de faire
évoluer le monde, détesté la TV comme manipulateur de masse, regardé la TV, détesté la
TV… Je n’ai pas eu le sentiment de m’être pour
autant résigné, malgré l’iPad et l’iPhone, mais
de m’être « arrangé ».
Et j’ai fait de la danse, du spectacle, de
l’utopie en barres. Me demandant parfois à
quoi ça servait, le demandant une fois aux
spectateurs, avec la réponse véhémente de
l’un d’entre eux qui me disait combien c’était
essentiel pour lui, quel espace de liberté ça
lui apportait, et combien ma mise en doute le
fâchait.
Je me suis dit que peut-être ce que je faisais
servait à cela : rendre et garder sensible, et
résister, à la disparition de l’altérité, à la disparition du regard qu’on pose sur autrui, à nos
yeux captivés et capturés par les écrans, …
Que mon utopie se concrétisait là, peut-être.
NOTE DE TRAVAIL | Philippe Saire, août 2014
Imaginons une scène, un horizon marin, une plateforme inclinée qui déverse des danseurs
sur le plateau. Des musiques qui démarrent le pied posé sur le sol et qui nous meuvent. Qui
nous ébranlent. Qui réveillent ce que, peut-être, nous avons enfoui sous les compromis et les
contentements. Qui nous remuent. Nouvelle mue. Des corps qui articulent ce que les mots
n’ont pu dire, une lame de fond qui les secoue.
Si le repos est nécessaire, si le regard se dilue dans la mer, les aquariums et les lampes
psychédéliques, ce congé ne saurait être qu’un répit. Notre inapaisement émergera à nouveau,
bousculant nos chaises longues, appelant de sa corne de brume nos souvenirs d’adolescents
questionneurs et querelleurs. Ce temps béni et incommode de l’ennui et de la réfection des
promesses du monde.
Nous n’avons pas à accepter les choses telles qu’elles sont. Dans le fond nous le savons.
Pas réalistes, les hippies, les « Indignados » et les autres ? Et alors, c’est quoi, notre réel ? De
quelle matière est-elle faite, cette existence, qu’on ne puisse y toucher ? D’un argile si friable,
de béton ? Un sac de nœuds tel qu’on ne parvient pas à le dénouer, dont on se trouve captif si
on s’y aventure ?
A l’ère de l’introspection, des multiples thérapies et techniques de développement
personnel, le questionnement de notre société est cantonné à un plan très secondaire. Si je
ne parviens pas à me sentir bien dans un contexte, le problème vient aussi de ce contexte.
Déserter le camp de l’impuissance et prendre celui de l’innocence est salutaire. La candeur de
la table rase.
« Utopia Mia », c’est un spectacle de danse. Il ne va faire ni discours ni révolution.
Les corps, les images vont être imprégnés de toutes ces tensions qui nous traversent, de nos
aspirations, de nos refus, de nos luttes, de nos tentatives. De notre fondamental désir d’être
biens au monde, et dans un monde bien.
Un spectacle porté par des musiques qui nous soulèvent comme des vagues.
Et quelques références hippies, vers la fin, non par nostalgie ou pour en signifier l’échec,
mais pour garder la mémoire de cet épisode, et se rappeler d’en inventer de nouveaux.
septembre 2014
Cie Philippe Saire | Utopia Mia
U-TOPIE
L
e projet de ce spectacle sur l’utopie est
venu avec l’émergence du mouvement
des Indignados, démarré à Madrid
en 2011. Mouvement qui a tiré son nom du
livre de Hessel, Indignez-vous. Je réalisai là
concrètement que, depuis les années 1970,
c’était la première fois que je voyais un
groupe de gens se mettre ensemble pour
réfléchir de manière constructive à notre
monde, soutenus par une large population
qui percevait là un début de solution. J’ai
trouvé ça très émouvant, et ça m’a renvoyé
à mon propre parcours de vie, à ce que
j’avais bien pu faire de mes convictions de
jeune adulte. Et à ce que nous en faisons
tous, à comment nous nous « arrangeons ».
Au-delà de l’émotion, j’ai également été
touché par le souvenir de l’enthousiasme qui
m’animait alors, un élan, un transport lié à
ce monde qu’on rêvait autre, ou susceptible
de changer. Et de constater que cet enthousiasme s’est chez moi déplacé dans des
formes artistiques, d’une portée à la fois plus
concrète et décalée.
L’U-topie : la contrée qui n’est nulle part,
qu’on ne pourra donc pas trouver. Peut-être
est-ce justement cet inatteignable qui motive, enchante, soulève ! Cette attitude « donquichottesque » : ce « rêver d’un impossible
monde » qui donne un supplément de vie et
pose un regard dynamique et actif sur nos
actes.
Utopia Mia est né de l’envie d’interroger
notre rapport à l’utopie au travers la mémoire collective de mai 68 et de ces années
1970 qui ont amené un réel changement dans
l’imaginaire collectif. Un point de vue totalement personnel. Pas le lieu de produire une
pièce didactique, historique, désabusée ou
teintée d’une quelconque nostalgie. Cette
période, à la fois proche et lointaine, nous
l’utiliserons pour ses signes génériques, son
imagerie. Nous allons par contre nous appliquer à rendre intemporel ce qui traverse le
interprètes.
Un questionnement, le plus ludique et
joyeux possible, sur la nécessité de nos élans
et désirs de changement, et ce que nous en
faisons, sur l’absurdité fondamentale de la situation. De quel monde nous rêvons, et comment nous nous y projetons.
3
LA SCÉNOGRAPHIE
T
homas More situait son « Utopie »
– 
sa république idéale 
– sur
une île. Toutes les tentatives
concrètes de créer un monde différent
ont été faites dans l’isolement, dans
la coupure avec la civilisation. Une
forme d’autarcie, repliée sur elle-même,
avec ses propres règles, au final très
contraignantes, voire totalitaires.
Le topos de l’île a inspiré la scénographie, une plate-forme y fait allusion.
En fond, une projection de mer renforce
cette idée et évoque par son traitement
les lampes psychédéliques à bain d’huile
des années 1970.
LA DANSE
Q
ue peut faire la danse pour
explorer nos rapports à l’utopie ?
Certainement pas illustrer ou
expliquer, ce n’est pas son domaine.
La danse comme éloge de la sensation.
Le choix d’une danse qui ne travaille pas
sur la distance, la théâtralisation ou la parodie, mais sur une réelle implication. Elle se
doit d’explorer des chemins hors-normes,
eux aussi utopiques. Elle se doit aussi de fuir
toute formalisation, et de trouver une écriture
gestuelle qui garde des parts de liberté et de
prises de risques.
Pour construire la danse, nous nous appuyons sur :
• des éléments très spécifiques à l’utopie, tels la colère, la contagion, l’élan, la
construction commune, l’urgence, l’enthousiasme,…
• sur des sensations très personnelles aux
danseurs et danseuses, sur ce que j’ap-
LES MUSIQUES
L
NOTE DE RECHERCHE MUSICALE | Valérie Niederoest,
septembre 2014
a musique comme pouvoir rassembleur et projection individuelle : nous allons nous appuyer sur la force contestataire
des musiques de diverses époques, dont certaines ont marqué
la mémoire collective.
La pensée politique faisait parfois défaut en mai 68 et dans les années 1970. De manière lapidaire, on pourrait dire que l’idéologie était
remplacée par des chansons. Woodstock est autant perçu comme un
rassemblement contestataire que comme un concert.
Avec le développement d’internet, la musique reste un média
contestataire qui peut toucher rapidement les masses. Tout en reproduisant les paradoxes associés : la forme même de la chanson est-elle
compatible avec une réelle contestation ? Issue du système, va-t-elle
pour voir le changer ? La mélodie, le look, ne vont-ils pas prendre le
dessus sur le fond ?
Pascal Quignard, dans La Haine de la musique – de fait un livre
d’amour de la musique – a décrit les mécanismes de cette puissance
rassembleuse, ses dérives aussi : la musique implique une perte de soi,
bienfaisante souvent, mais dangereuse lorsque manipulée. À ce propos, Lénine disait : « Là où on veut des esclaves, il faut beaucoup de
musique. »
Forts de ces constats, avertis des dérives possibles, il nous a paru
essentiel de mettre la musique au centre d’Utopia Mia. Que les chansons soient ici la seule parole, ou succédané de parole et de projet politique. Tous les mots du spectacle, projetés, dits, chantés, proviennent
exclusivement des chansons.
Ainsi, la pièce est pensée et structurée comme un disque, avec ses
morceaux et ses interludes. Chaque piste avec son titre et son action
propre, comme autant de tentatives de refaire le monde, le sien.
Chaque chanson comme une île.
4
pelle le « ce que ça nous fait », en quoi ces
questions-là nous touchent. C’est donc
une très grande sollicitation en ce sens qui
est demandée aux interprètes.
On le voit dans la suite de ce dossier :
l’univers sonore de la pièce, ses costumes
et sa scénographie sont parcourus par de
nombreuses références visuelles et musicales, d’imaginaire collectif, d’éléments très
signifiants : le mouvement peut, lui, se trouver
comme « débarrassé » de toute obligation de
connotation explicite, et peut se concentrer
sur des états de corps.
Pour donner physiquement cette ambivalence entre nos rêves et nos compromis.
Une série de morceaux triturés, allongés, raccourcis, mis en
boucle, forment les « plages » de la pièce. Ils sont issus d’un style
musical porteur de rébellion depuis deux générations en Occident :
le rock.
Dans la recherche musicale effectuée pour « Utopia Mia »,
les sous-genres et dérivés du rock – au sens large – que nous explorons sont le protopunk, le folk, le rock psychédélique, le punk, le
post-punk, le post-hardcore, le post-rock, et l’électro-rock.
Nous ne souhaitons pas offrir un catalogue de musiques contestataires et anticonformistes, ni une chronologie, encore moins être
exhaustifs. Il s’agit de créer un univers sonore qui ait une cohésion
de sens et de son, et d’apporter avec les paroles de certains morceaux
un contenu textuel, une charge explicative que la danse a choisi de
ne pas endosser.
Par souci de cohérence, nous nous sommes limités à un style, un
seul, le rock, sans perdre de vue que le blues, le rap, le funk, le reggae,
le grime, le ska, la chanson française, la musique électronique, eux
aussi, ont été et sont aujourd’hui les bandes-son de mouvements
contestataires ou anti-conformistes de par le monde.
De ces registres musicaux, le rock y-compris, tous ont été militants et aussi tous ont été récupérés par l’industrie de la musique,
utilisés dans des publicités d’opérateurs téléphoniques, vidés de leur
sens premier : la revendication d’un mode de vie différent, et parfois
d’un changement politique. Il reste que derrière le bling-bling, on
trouve toujours des poches de subversion, des désirs de prise de
parole, dans le rap comme dans le rock et l’électro. À ce moment-là,
la musique peut devenir intéressante ; lorsque l’urgence fait partie
de son processus de création, lorsque la recherche de rupture artistique et/ou politique est à son fondement.
Cie Philippe Saire | Utopia Mia
septembre 2014
LE « CE QUE ÇA NOUS FAIT »
J’ai dit à plusieurs reprises vouloir que
cette pièce soit joyeuse. Je sens qu’il est
essentiel que la pièce ne se contente
pas d’être un discours sur l’utopie, mais
qu’elle tente elle-même d’en être une.
Une des meilleures manières de traiter
du sujet est de passer par la sensation,
de réveiller ce qui existe en nous d’une
jubilation possible. Il y a une forme de salubrité dans
l’utopie. C’est probablement son propre
que d’ouvrir un sentiment de puissance
et d’espérance, et une des meilleures
voies pour ne pas retourner la colère
contre soi. C’est aussi le choix de la voie
oblique plutôt que de la ligne droite. Une
relation particulière à notre temps: jouer
sur le décalage et déjouer les formes
routinières.
Notre résolution de l’utopie, c’est
peut-être aujourd’hui de «tendre vers»
plutôt que bêtement chercher à aboutir.
L’IMAGERIE DES 70’S
L’
imagerie attachée aux années
post-68 arrive en force à la fin
de la pièce. Elle est clairement
celle d’une apparence un peu foutraque,
débridée, en opposition aux codes
vestimentaires et sociétaux de l’époque.
On en reste très souvent à ce cliché-là, et
à réduire un mouvement traduisant des
aspirations vitales à un rassemblement de
hippies excentriques.
La confrontation soulevée ici m’intéresse :
comment concilier l’interrogation essentielle
des bienfondés de notre société avec une apparence qui rebute, prête à sourire, ou en tout
cas met à mal le sérieux du questionnement
et des revendications ? En quoi notre regard
péjore-t-il ce qui devrait nous impliquer ? En
quoi prend-il le pouvoir sur le fond ? Au final,
en quoi nous pénalisons-nous ?
La condescendance envers le look décalé
des hippies, Indignados et autres altermondialistes en dit long sur notre « époque de l’emballage ». Les liens tendus entre l’apparence
et la prise au sérieux ont finalement bien
peu évolué depuis Diogène, qui, au passage,
défendait quelques idées intéressantes : Les
conventions font tous nos maux ? Renversonsles et soyons libres et heureux. La civilisation c’est
la guerre ? Soyons barbares mais pacifiques. Les
beaux discours servent le pouvoir? Aboyons,
mordons…
Les références visuelles aux années 1970,
à la fin du spectacle, ne nous renvoient pas à
une quelconque nostalgie, elles sont là pour
rendre compte de l’héritage de cette période.
Mai 68, dans notre culture francophone, est
un événement proche qui, déjà, est entré dans
l’Histoire, et qui a changé les fondements de
notre société. Cette balise de la mémoire collective a été un référent à plusieurs étapes de
notre travail.
Il nous a semblé important de la faire apparaître dans la pièce, ce d’autant plus que l’isolement et le déni du passé sont des caractéristiques récurrentes à la majorité des utopies, et
peut-être une des raisons de leurs échecs.
LE POLITIQUE
DANS LA DANSE
I
l y a une sorte d’adéquation, ou de
tension, à trouver ici : la danse n’a que
peu exploré explicitement en Europe les
positionnements politiques. Elle a peu joué
sur la tension générée par le réel amené
dans l’artefact. C’est un axe de travail qui
m’importe : référer pour détourner dans
une forme singulière, et ainsi ouvrir sens,
réflexion et mémoire personnelle.
Une des évolutions manifeste dans la
revendication utopique, c’est que l’ennemi à
combattre ou l’idéal à atteindre ne semblent
plus clairement définis :
« Et que la guerre ne soit pas bonne, que
les diverses formes de déshumanisation
soient générées par la pauvreté, matérielle,
économique, ou culturelle via la saturation de
l’espace mental par un certain type d’images,
voilà qui façonne un large consensus mais
ne suffit sans doute pas à redessiner du
sens politique. Il semble largement entendu
aujourd’hui qu’aucun principe de vérité ne
peut plus être posé comme horizon utopique
septembre 2014
Cie Philippe Saire | Utopia Mia
de notre présent social. Mais la question de
la transformation du monde et celle du rôle
que l’art peut y tenir demeure présente, fût-ce
en termes moins tranchés. » (Nancy Delhalle,
in Alternatives théâtrales, n° 100 : Poétique et
politique)
Plus que dans l’aspect tranché du bien
et du mal, c’est dans la révélation de nos
ambivalences que se trouve sans doute aujourd’hui la matière que la scène peut révéler.
La tension entre la dimension collective et la
dimension individuelle. Ce n’est sans doute
pas le lieu de changer le monde, mais modestement d’aider à rendre conscient que le
monde a besoin d’être changé.
Personnellement, si je me suis généralement inspiré de thèmes sociétaux, tels l’insécurité ou le divertissement, je l’ai fait toujours
de manière très allusive. Il est vrai que c’est
une des forces, et parfois un travers de la
danse contemporaine que d’avoir la crainte
de trop dire…
5
BIOGRAPHIES
PHILIPPE SAIRE
11 chorégraphies in situ, filmées par
l’amène à la danse en 1997. Suivent
Prague, Rome, Montréal, Tallin,
Chorégraphe
9 réalisateurs romands dont Lionel
d’autres projets chorégraphiques
Tel-Aviv, Wuppertal…).
Baier, Fernand Melgar, Bruno Deville,
et cinématographiques avec Bruno
Algérie, où il passe les cinq premières
Pierre-Yves Borgeaud et Philippe Saire
Dizien, Laura de Nercy, Mathieu
Punto con Fondo (2002), Niedich (2003)
années de sa vie. Établi à Lausanne,
lui-même, sont sorties en 2013 sous
Poirot-Delpech (réalisateur), Laure
et Un Fascio di nervi (2008 – honoré du
il se forme en danse contemporaine
la forme d’un livre-DVD et souvent
Bonicel, Coline Serreau (réalisatrice),
prix « Moving » de Fabbrica Europa
et suit des stages à l’étranger et
programmées en festivals.
Pascal Montrouge, Michèle Rust,
Dance Festival en Italie).
Philippe Saire est né en 1957 en
notamment à Paris. En 1986, il crée sa
Pareil goût pour l’expérimentation
Jean-Marc Heim, Héla Fattoumi et
Il est aussi le chorégraphe de
Antonio a travaillé avec Caterina
propre compagnie. Implantée dans
a aussi conduit à la création de
Eric Lamoureux, Benjamin Silvestre
Sagna pendant 7 ans, notamment
la région lausannoise, elle développe
Black Out en 2011 – 100e représentation
(réalisateur).
sur Basso Ostinato, Relation Publique,
son travail de création et participe à
en 2014 –, une chorégraphie qui se
l’essor de la danse contemporaine à
déroule dans un carré, avec une
2005 et travaille depuis 2008 avec
Sandroni, Maria Clara Villalobos sur
travers toute la Suisse.
audience en nombre limité, placée en
Christian Rizzo (l’association fragile).
le spectacle pour enfants Têtes à Têtes,
En 1995, la Compagnie Philippe
Il rejoint la Cie Philippe Saire en
surplomb.
Pompei, HeilTanz ; aussi avec Simone
et sur la Cartographie no.11 et plusieurs
LEE DAVERN
Saire inaugure son lieu de travail et de
création, le Théâtre Sévelin 36. Situé
GÉRALDINE CHOLLET
à Lausanne, ce lieu est entièrement
Danseuse
Danseur
En 2005, à l’âge de 23 ans, après
autres pièces de Philippe Saire.
Il a obtenu le Diplôme d’état au
CND de Lyon comme professeur de
consacré à la danse contemporaine,
Née en Suisse en 1975, Géraldine
il contribue à la circulation d’oeuvres
Chollet s’est formée au Laban Centre
diplômé de la Northern School of
à dimension internationale, tout
(Londres). De retour en Suisse, elle
Contemporary Dance de Leeds au
MAÏTÉ JEANNOLIN
en programmant des compagnies
travaille et danse avec différentes
Royaume-Uni, concluant trois années
Danseuse
locales dont il favorise l’émergence.
compagnies (Cie Gaspard Buma,
de formation professionnelle en son
Le Théâtre Sévelin 36 est le lauréat
Cie Fabienne Berger, Cie Prototype
sein. Rapidement, il a travaillé comme
chorégraphe travaillant actuellement
du « Prix spécial de danse 2013 » de
Status, Cie Jessica Huber, Cie T2+,
danseur en Angleterre. Partageant
à Bruxelles. Après avoir étudié dans
l’Office fédéral de la culture.
Cie Utilité Publique). Depuis 2006, elle
son emploi-du-temps avec du service
des formations pré professionnelles
se forme auprès d’Ohad Naharin et
comme barman, il a dansé avec Attik
en France (Roanne, Junior ballet
« Grand Prix » de la Fondation vau-
de la Batsheva Dance Company pour
Dance, Wired Aerial Theater et Protein
d’Aquitaine/Bordeaux), puis en
doise pour la promotion et la création
l’enseignement du langage de mouve-
Dance.
Hollande (Codarts) et plus récem-
artistiques. Cette même année, il est
ment GaGa aux professionnel-le-s et
également lauréat du « Prix d’auteur »
aux amateurs/trices de la danse et du
Theatre of Ireland (Dublin), Alias
maintenant basée – avec un groupe
du Conseil général de Seine-Saint-
théâtre. Elle enseigne notamment à la
(Genève), Jasmin Vardimon (Londres)
d’artistes – dans un espace alternatif
Denis (France), aux VI Rencontres
Manufacture (HETSR), au Bern:Ballett
et participé à deux productions et
à Bruxelles, mélangeant arts visuels,
chorégraphiques internationales pour
et au Marchepied à Lausanne.
tournées avec DV8 Physical Theater
studio d’enregistrement et espaces
Etude sur la légèreté. En 2004, Philippe
De plus, elle poursuit une recherche
(Londres) : To be strait with you et Can
de travail.
Saire reçoit le « Prix suisse de danse
personnelle sur le mouvement et la
we talk about this.
et de chorégraphie » décerné par
voix.
En 1998, Philippe Saire obtient le
e
le mouvement à la Manufacture –
Haute école de théâtre de Suisse
romande.
La Compagnie Philippe Saire
Depuis, il a travaillé avec le Dance
Ensuite, Lee s’est installé à Paris,
ProTanz, Zürich.
Dès 2003, Philippe Saire enseigne
avoir été plombier, Lee Davern est
danse contemporaine.
Maïté Jeannolin est une danseuse-
ment à Bruxelles (P.A.R.T.S), elle est
Elle a dansé tant ses propres
créations que celles d’autres
et après un court épisode dans Médée
chorégraphes en Belgique et dans
PHILIPPE CHOSSON
au Théâtre des Champs-Elysées, il
d’autres multiples pays (Birdwatching
Danseur
a travaillé chez Christian & François
4x4 de Benjamin Vandewalle, Drifting,
Ben Aïm CFB 451, et dansera bientôt
Ville Tentaculaire). Elle a été invitée
avec Le Guetteur (Paris).
comme intervenante pour des ateliers
Né en 1969, Philippe Chosson
commence par le travail d’acteur,
en 1987 il reçoit le « Prix de l’humour »
en France (Centre de danse Belleville)
compte à ce jour 30 spectacles,
du Conservatoire d’art dramatique
ANTONIO MONTANILE
et en Lettonie (Latvian Academy of
plus de 1000 représentations dans
Rhône-Alpes, section improvisation.
Danseur
Arts) tout en organisant elle même
180 villes d’Europe, d’Asie, d’Afrique,
Il entame alors sa formation
Antonio Montanile entre à 18 ans
ces 3 dernières années des ateliers de
avec des études de mime à l’École
à l’Accademia Isola Danza de la
danse contemporaine dans les Alpes
Internationale de Mimodrame de
Biennale de Venise. Il intègre ensuite la
françaises.
régulièrement dans des expositions,
Paris Marcel Marceau, puis avec
compagnie de Carolyn Carlson pour y
galeries d’art, jardins, espaces urbains
Corinne Soum et Steven Wasson
travailler pendant 4 ans.
et autres lieux extérieurs à la scène.
(assistant-e-s d’Étienne Decroux).
du Moyen-Orient et d’Amérique.
Elle se produit également
En 2001, la Biennale de Venise, en
coproduction avec le Teatro Massimo
ROBERTO FRATINI SERAFIDE
Dramaturge
Après des études à l’École
Conduit de 2002 à 2012, le projet
Il s’oriente vers le théâtre gestuel à
Cartographies, mêlant performances
partir de 1993 en compagnie de Laura
de Palermo, lui passe commande et
Normale Supérieure de Pise en théorie
en ville de Lausanne et création vidéo,
Scozzi.
il crée son premier solo Quduo’, qui
théâtrale, Roberto Fratini Serafide
entamera par la suite une tournée
devient assistant et co-dramaturge
internationale (Londres, Milan, Tunis,
du chorégraphe Micha van Hoecke de
témoigne de cette envie de sortir
la danse des murs du théâtre. Les
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Sa rencontre décisive avec
Bernard Glandier (Cie Alentours)
Cie Philippe Saire | Utopia Mia
septembre 2014
1995 à 1998. Il crée ses propres spectacles à Palerme en 1997-1998 avec la
compagnie Substanz. Il est professeur
de théorie de la danse à l’Université de Pise depuis 2002 ainsi qu’au
Conservatoire Supérieur de Danse de
Barcelone depuis 2003. Il donne aussi
des conférences sur l’histoire de la
danse et écrit des articles de théorie
de la danse dans des revues italiennes
et étrangères.
Il est également l’auteur de Nodo
Parlato, recueil de poèmes édité
en 2000 chez Crocetti en Italie.
Depuis 2001, il travaille avec
Caterina Sagna comme dramaturge
et auteur des textes de scène dans
Sorelline, Relation Publique, Heil Tanz!
ou encore Basso Ostinato.
ERIC SOYER
Créateur lumières et scénographe
Après des études autour
des architectures éphémères à
l’École Boulle, Eric Soyer conçoit des
scénographies et des éclairages pour
septembre 2014
de nombreux metteurs en scène et
chorégraphes sur les scènes d’Europe.
Il signe plusieurs collaborations
depuis 2006 avec Hermès pour qui
il crée les espaces lumineux des
spectacles du Salon de Musique,
pièces musicales et chorégraphiques
uniques avec Shantala Shivalingappa
et Ferran Salva, Raphael Delaunay et
Antoine Hervé, Ofesh Shechter, David
Drouard puis Rachid Ouramdan.
Eric Soyer entame une collaboration avec l’écrivain et metteur
en scène Joël Pommerat en 1997
qui se poursuit aujourd’hui autour
de la création d’un répertoire de
18 spectacles de la compagnie Louis
Brouillard plusieurs fois récompensée.
Il s’initie à l’art chorégraphique
en 2005 avec la Chorégraphe Nacera
Belaza et poursuit cette exploration
entre autre avec Thierry Thieu
Niang. Il aborde également l’opéra
contemporain avec les compositeurs
Oscar Strasnoy, Oscar Bianchi, Daan
Jansen et Philippe Boesmans.
Il reçoit un prix du Syndicat de la
critique journalistique française pour
son travail en 2008 et en 2012.
interprète, et NEONS Never Ever, Oh !
Noisy Shadows.
VALÉRIE NIEDEROEST
STÉPHANE VECCHIONE
Recherche musicale
Créateur sonore et interprète
Musicienne au sein de plusieurs
groupes tels que Toboggan, Meril
Wubslin – avec Christian Garcia
membre de Velma – et Wild Guys,
Valérie Niederoest a été membre
fondatrice et co-directrice artistique
du Romandie Rock Club, à Lausanne,
après des études en sciences
politiques à l’Université de Lausanne
et un passage en entreprise. Elle
est par ailleurs l’administratrice et
chargée de communication de la Cie
Philippe Saire.
Stéphane Vecchione s’est formé
au Conservatoire de Lausanne,
à la Section Professionnelle d’Art
Dramatique (SPAD), de 1995 à 1999. Il
travaille ensuite – en qualité de performer ou musicien – pour de nombreux
artistes et compagnies, notamment
Stefan Kaegi, Denis Maillefer,
Massimo Furlan, Nicole Seiler, Corinne
Rochet et Nicholas Pettit. Il est par
ailleurs membre du groupe Velma,
avec lequel il a reçu le prix « Jeunes
Créateurs Musique » de la Fondation
vaudoise pour la promotion et les
créations artistiques.
Stéphane Vecchione a créé les
musiques des plusieurs pièces de
Philippe Saire : Je veux bien vous croire,
Black Out, La Dérive des continents
– pièce dans laquelle il est aussi
Cie Philippe Saire | Utopia Mia
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Cie Philippe Saire | Utopia Mia
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