Problèmes de propreté des enfants avec trouble du

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NEUADO-974; No. of Pages 10
Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence (2014) xxx, xxx—xxx
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ScienceDirect
www.sciencedirect.com
MISE AU POINT
Problèmes de propreté des enfants avec
trouble du spectre autistique et retard
mental
Toileting issues in children with autistic spectrum disorder and
mental retardation
E. Boucher a, T. Maffre b,c, J.-P. Raynaud c,∗,d
a
Institut médico-éducatif « Les Papillons-Blancs » d’Albertville, accompagnement jeunesse,
10, avenue Sainte-Thérèse, BP 52, 73202 Albertville cedex, France
b
Centre ressources autisme Midi-Pyrénées, hôpital La Grave, TSA 60033, 31059 Toulouse
cedex 9, France
c
Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, hôpital La Grave, CHU de
Toulouse, TSA 60033, 31059 Toulouse cedex 9, France
d
UMR1027, Inserm—université Paul-Sabatier, 31000 Toulouse, France
MOTS CLÉS
Troubles du spectre
autistique ;
Retard mental ;
Problèmes de
propreté ;
Encoprésie ;
Énurésie
∗
Résumé Dans les interventions auprès des enfants et des adolescents présentant un trouble
du spectre autistique (TSA) avec retard mental, les problèmes de propreté (énurésie, encoprésie) constituent un frein majeur pour le développement des capacités d’autonomie et pour
l’intégration sociale. La Haute Autorité de santé (HAS) préconise d’accorder une attention particulière à l’évaluation et à la participation active des parents au processus d’élaboration du
projet de vie de ces enfants. L’objectif de cette mise au point est de recenser les travaux
portant sur l’évaluation des problèmes de propreté, afin d’identifier les outils qui pourraient
être proposés aux enfants porteurs à la fois de TSA et de retard mental, aux parents, aidants et
professionnels. Dans un premier temps, nous définissons les problèmes de propreté de manière
générale et présentons une sélection d’apports issus des approches psychodynamique et développementale, qui nous paraissent susceptibles d’éclairer, de fac
¸on complémentaire et utile,
ces questions d’acquisition de la propreté. Nous décrivons ensuite les spécificités relatives
aux TSA et au retard mental. Notre revue de la littérature a retrouvé peu de travaux concernant les problèmes de propreté et aucun sur la population TSA avec retard mental. Elle a
toutefois permis d’identifier un outil générique d’évaluation des problèmes de propreté, développé par Matson et son équipe : le POTI (Profile of Toileting Issues ou Profil des problèmes
de propreté). Nous présentons le POTI, qui peut être utile aux familles et aux professionnels,
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. Raynaud).
http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.06.001
0222-9617/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Boucher E, et al. Problèmes de propreté des enfants avec trouble du spectre autistique et retard
mental. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.06.001
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E. Boucher et al.
et mettons en perspective l’intérêt d’en évaluer la pertinence auprès de cette population
spécifique. Il serait également pertinent d’étudier l’effet du niveau d’autisme ou de retard
mental sur ces problèmes de propreté.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS
Autistic spectrum
disorders;
Mental retardation;
Toileting issues;
Bowel and urine
incontinence
Summary
Background. — Caring for children with autism spectrum disorders (ASD) and mental retardation
toward a better independence is one of the aims of the caregiver. In this handicap context,
toileting issues represent one more obstacle in the social integration of this population. In this
way, the French National Authority for Health (Haute Autorité de santé [HAS]) recommends that
education and cares help children with ASD or pervasive developmental disorders (PDD) to reach
more autonomy. In this goal, HAS recommends an assessment of this population’s self-care skills
through observation and evaluation methods. Personalized projects have to be elaborated both
by the parents and caregivers.
Objectives. — This review makes an inventory of the toileting issues observation and assessment
and works in the aim to identify tools which could be used in children with both ASD and mental
retardation.
Methods. — From selected documentation, general definition of toileting issues has been detailed and then used as initial point to focalize toward ASD and mental retardation specificities.
For that purpose, we chose to talk about two distinct approaches, the psychoanalytic and the
developmental ones, which appear in the end complementary.
Results. — Classifications and selected articles allowed us to define the toileting question as
the persistence or apparition of both bowel and urine toileting according to specific criteria
such as age, context and medical causes. Particularly, mental retardation is characterized by
communication and understanding issues about toileting problems. In the specific case of ASD,
two approaches complement each other, the psychoanalytic on the one hand which considers
the perception particularities and explains the perception-related fears and on the other hand
the developmental approach which considers children developmental, social and familial environment. The most interesting assessment tool identified in this review is the Profile of Toileting
Issues (POTI) developed by J.L. Matson et al. This inventory is a measure of toileting issues based
on specifics variables in adults with mental retardation.
Conclusions. — Few toileting issues works and no in the specific case of the studied population
are identified in this review. Despite this point, the present work underlines the interest to
assess the POTI relevance on children with ASD and mental retardation. In this case, it would
be interesting to study the effect of autism and mental retardation levels on toileting issues
scores evaluated towards the POTI.
© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
Pour les personnes qui présentent un trouble du spectre
autistique (TSA) et un retard mental, la question de la propreté (énurésie, encoprésie) est un problème important.
Tout déficit de compétences en termes d’autonomie représente un handicap supplémentaire dans la vie quotidienne
et peut être préjudiciable à l’intégration sociale.
Pour les professionnels travaillant auprès de ces enfants
et de leurs parents, l’apprentissage du contrôle sphinctérien représente une source d’interrogations et de difficultés,
aussi bien dans la compréhension des étapes du développement de ces enfants qu’au niveau des interventions
concrètes qui pourraient être mises en place. Bien souvent, les enfants avec un TSA sont ceux qui soulèvent le
plus de questions. En effet, il apparaît qu’il est plus difficile de trouver une logique ou une étiologie à ce type de
difficultés chez ces enfants que chez les enfants sans TSA,
chez lesquels des causes d’ordre médical sont plus souvent
identifiées. Les équipes de soins se mobilisent depuis longtemps sur ces questions mais restent encore bien souvent en
difficulté.
Si l’on se réfère aux recommandations de bonnes pratiques publiées par la Haute autorité de santé (HAS)
et l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité
des établissements et services sociaux et médico-sociaux
(Anesm) intitulées Interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent [1], il est
souligné concernant l’accompagnement de l’enfant ou de
l’adolescent porteur d’autisme ou autres troubles envahissants du développement (TED) que « L’éducation et les soins
visent à favoriser son épanouissement personnel, sa participation à la vie sociale et son autonomie, ainsi que sa qualité
de vie. » Ainsi, en référence à la Classification internationale
du fonctionnement, du handicap et de la santé [2], la HAS
et l’Anesm préconisent également de réaliser régulièrement
des évaluations « dans le domaine de l’autonomie dans les
activités quotidiennes ».
Pour citer cet article : Boucher E, et al. Problèmes de propreté des enfants avec trouble du spectre autistique et retard
mental. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.06.001
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Problèmes de propreté des enfants avec TSA et retard mental
La propreté, un aspect essentiel de
l’autonomie
La HAS et l’Anesm précisent : « cette évaluation fonctionnelle comprend le suivi du développement des capacités
fonctionnelles de l’enfant/adolescent en fonction de son
âge, en particulier les capacités liées à l’entretien personnel (ex. : se laver, prendre soin de son corps, aller aux
toilettes, s’habiller, manger, boire, prendre soin de sa santé,
veiller à sa sécurité) [. . .]. Cette évaluation est complétée
par des temps fréquents, plus informels, d’échanges avec
la famille pour repérer les difficultés quotidiennes et les
moyens d’y faire face ». En effet, ce type d’apprentissage
est au cœur du métier des professionnels travaillant dans des
établissements du médico-social dans l’accompagnement
des personnes au quotidien. Notamment autour des projets
de vie qui visent à permettre à ces personnes d’acquérir
le plus d’autonomie possible et de garantir leur bien-être.
C’est pourquoi la HAS et l’Anesm conseillent également que
« tout projet personnalisé comporte des objectifs fonctionnels dans le domaine de l’autonomie dans les activités de
la vie quotidienne (habillage, toilette, courses, activités
ménagères, repas, transport, etc.), en vue de favoriser le
développement d’une autonomie personnelle et sociale ».
De l’intérêt de la prise en compte des
parents dans cette problématique
Les préoccupations autour de la propreté sont également
une source d’inquiétude et de stress importante pour les
parents. Les recommandations de la HAS et l’Anesm insistent
d’ailleurs sur l’idée que « L’environnement familial est un
domaine auquel une attention particulière doit être portée
par l’équipe d’interventions, pour tout enfant/adolescent
avec TED, tout au long de son parcours, afin de veiller
à ce que l’organisation des interventions soit compatible avec le fonctionnement de la cellule familiale. » Les
parents expriment leurs inquiétudes, leur désarroi et leurs
problèmes pour socialiser leur enfant compte tenu de ce
handicap supplémentaire [3]. Les étapes dans les acquisitions de différentes compétences apparaissent souvent
beaucoup plus tard chez les enfants avec un retard de développement. Les parents d’enfants porteurs d’un handicap,
quel qu’il soit, « ont proportionnellement plus de demandes
et plus besoin d’aide que les parents d’enfants sans handicap alors qu’ils se confrontent à moins de ressources
et moins de réponses » [3]. Ces familles sont également
plus souvent confrontées à leur impuissance et peuvent
parfois se vivre elles-mêmes comme défaillantes. Les difficultés de contrôle sphinctérien, quels que soient le niveau
de retard, la pathologie ou l’intensité de ces problèmes,
peuvent favoriser la survenue de perturbations dans les routines du quotidien et dans les interactions familiales. Les
parents étant les premiers « donneurs de soins » et les principaux intervenants auprès de ces enfants, il est crucial de
prendre en compte leurs préoccupations et leurs attentes
afin d’obtenir des meilleurs résultats dans l’acquisition de
la propreté. La HAS et l’Anesm [1] vont dans ce sens et
recommandent « que le projet personnalisé d’interventions
soit l’objet d’une co-élaboration entre les parents et les
3
professionnels, afin d’aboutir à une adhésion partagée par
l’ensemble des acteurs (objectifs visés, moyens envisagés,
modalités de mise en œuvre) ».
Nous avons constaté que peu de recherches ont porté sur
les problèmes de propreté dans le domaine du handicap.
Si les stratégies d’intervention ont fait l’objet de quelques
études, les domaines de l’observation et de l’évaluation ont,
quant à eux, été beaucoup moins explorés. L’évaluation des
problèmes de contrôle sphinctérien est souvent englobée
dans des mesures plus générales du comportement adaptatif, telles que les échelles de Vineland [4]. La majorité
des personnes avec TSA et retard mental présentant un problème de propreté consultent des pédiatres ou des médecins
généralistes. Ce domaine précis gagnerait à être davantage étudié et nécessite l’élaboration d’outils d’évaluation
standardisés, permettant de mieux guider le diagnostic, le
traitement et/ou les procédures éducatives pour aider à
l’acquisition d’une meilleure autonomie. Dans ce contexte,
nous avons étudié la littérature concernant l’observation de
l’acquisition de la propreté chez les enfants porteurs de TSA
et de retard mental.
Méthode
Nous nous sommes d’abord appuyés sur des définitions
générales, pour nous focaliser progressivement sur les
considérations spécifiques concernant les personnes avec
autisme. Le point de départ a été une définition des critères diagnostiques d’énurésie et d’encoprésie, selon les
classifications en vigueur, avec comme illustration des éléments de la psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent
concernant les troubles du contrôle sphinctérien. Ensuite,
nous avons centré notre analyse sur la question du contrôle
sphinctérien dans un contexte de retard mental, pour aboutir à des considérations spécifiques aux TSA concernant
les problèmes de propreté. La conclusion de cette étude
de la littérature a porté sur les outils d’observation et
d’évaluation des problèmes de propreté.
Dans cette revue de la littérature, nous avons sélectionné certaines contributions de deux courants de pensée
qui nous paraissent apporter un décentrage et un éclairage
intéressants et complémentaires sur cette question difficile
de l’acquisition de la propreté : des apports de la psychanalyse dans l’analyse des processus psychologiques et des
apports de la psychologie développementale et comportementale dans le domaine de la mise en place de procédures
d’observation et d’interprétation.
Sur le plan méthodologique, ont été examinés les études
et les ouvrages portant sur ce thème précis : les difficultés de
contrôle sphinctérien chez l’enfant présentant un TSA et/ou
un retard mental. La recherche documentaire initiale a donc
porté sur une combinaison de termes comprenant : autisme,
retard mental, énurésie, encoprésie, toilette, apprentissage
propreté. À partir des articles ainsi recensés, une sélection
a été établie, prenant en compte les critères d’inclusion suivants : les méthodes d’observation de l’apprentissage de la
propreté, l’étude des différentes étapes dans le développement du contrôle sphinctérien, le point de vue des parents
dans l’acquisition de cette compétence. Ainsi, les études
centrées uniquement autour des traitements pharmacologiques, des programmes d’intervention ou d’entraînement
Pour citer cet article : Boucher E, et al. Problèmes de propreté des enfants avec trouble du spectre autistique et retard
mental. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.06.001
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E. Boucher et al.
à la propreté, les études de cas et celles faisant référence
à d’autres pathologies ont été exclues.
Les critères diagnostiques d’énurésie et
d’encoprésie
Le DSM 4-TR [5] répertorie l’énurésie et l’encoprésie dans
les « troubles du contrôle sphinctérien ». Il ne s’agit pas d’un
trouble des fonctions d’élimination mais d’un trouble du
contrôle de ces fonctions. La CIM-10 [6], quant à elle, décrit
l’énurésie et l’encoprésie non organiques comme des affections de type fonctionnel. La CIM-10 et le DSM 4-TR décrivent
différents types d’énurésie et d’encoprésie. Concernant
l’énurésie, sont décrites l’énurésie diurne, nocturne et une
énurésie qui associe les deux, diurne et nocturne. Concernant l’encoprésie, la CIM-10 décrit trois critères :
• défaut d’acquisition du contrôle sphinctérien physiologique ;
• acquisition du contrôle sphinctérien adéquat, avec émission de selles normales dans des endroits inappropriés ;
• souillures associées à une émission de selles excessivement liquides (débordements secondaires à une rétention
fécale).
Le DSM 4-TR décrit deux axes :
• encoprésie avec constipation et incontinence par débordement ;
• encoprésie sans constipation ni incontinence par débordement.
Dans les deux cas, énurésie et encoprésie, si la propreté
n’a jamais été acquise, on parle d’énurésie ou encoprésie
primaire ; à l’inverse, si l’on a déjà observé une période
de propreté, l’énurésie ou l’encoprésie sera de type secondaire.
L’apprentissage de la propreté est défini comme la
mise en œuvre de fonctions biologiques d’élimination [7].
L’énurésie et l’encoprésie deviennent pathologiques quand
la durée d’apprentissage de la propreté sort de la norme,
c’est-à-dire quand on observe une persistance au-delà d’une
certaine période de développement. Des variations interindividuelles sont observées, avec des écarts importants
quand il existe un retard mental chez l’enfant. L’âge chronologique ou le niveau de développement équivalent où l’on
considère que l’on passe dans le registre pathologique se
situe aux environs de cinq ans pour l’énurésie et de quatre
ans pour l’encoprésie. Il apparaît primordial de prendre en
compte le contexte développemental et social de l’enfant
ainsi que de pratiquer un examen médical approfondi, afin
notamment d’éliminer une étiologie organique : dans 10 %
des cas, les troubles du contrôle sphinctérien sont associés
à une affection organique [7].
Spécificités du contrôle sphinctérien dans
le retard mental et les troubles du spectre
autistique
Dans le cadre plus précis du handicap et du retard mental, l’énurésie est décrite comme l’apparition d’urines en
dehors du lieu prévu, au-delà d’un âge où l’on s’attend à ce
que le contrôle soit acquis. On se heurte à des problèmes de
communication et de compréhension chez l’enfant, en fonction de son niveau de retard mental. Il est donc préconisé
que soit mise en place une surveillance médicale [8].
Selon certains auteurs se référant à la psychanalyse,
l’enfant avec autisme vivrait au moment de l’apprentissage
de la propreté des angoisses qui sont spécifiquement liées à
sa pathologie [9]. En effet, dans le développement normal
de l’enfant, l’apprentissage de la propreté ferait apparaître
chez l’enfant deux types d’attitudes : l’attitude narcissique (où l’enfant recherche son propre plaisir) et l’attitude
objectale (où l’enfant hyper-investit la zone anale, qui
est alors le moyen de faire plaisir ou pas, de donner ou
de garder). Ainsi, l’approche psychodynamique décrit le
stade anal comme une période cruciale au cours de laquelle
l’enfant adopte des attitudes d’opposition ou d’acceptation,
fait l’expérience de donner et de perdre, d’être passif ou
d’être actif. L’énurésie est considérée comme liée à une
angoisse, l’enfant s’opposant par des mécanismes inconscients en devenant énurétique. L’encoprésie quant à elle
apparaîtrait sur un mode plus régressif, se traduisant soit par
des conduites dites « agressives » où l’enfant s’exprime par
l’agir, soit par un fonctionnement plus passif où l’enfant ressentirait une forte anxiété ; on observe peu d’organisation
dans la structuration de la personnalité, en lien avec un
manque de règles.
Concernant les enfants avec autisme, il a été décrit des
« angoisses précoces d’écoulement ou d’assèchement » [9].
Ces enfants ressentiraient une forte angoisse de mort par
écoulement et liquéfaction. Ces angoisses entreraient en
résonance avec les pulsions d’autoconservation du nourrisson, qui sont nécessaires à la survie et représentent la
satisfaction des besoins vitaux tels que la faim et la nutrition
ou bien l’élimination des fèces et des urines. L’apprentissage
de la propreté réveillerait des problématiques liées à un
vécu périnatal et activerait des angoisses de mort liées à des
problèmes de régulation des liquides internes (vécu intrautérin) [10].
On observerait dans la problématique de l’autisme deux
types de manifestations compromettant la mise en place de
la propreté : soit le manque d’investissement du corps (que
ce soit au niveau des orifices, du tonus ou de la sensibilité), c’est-à-dire que le corps n’assurerait pas sa fonction
de contenant, il n’y aurait pas de différenciation entre le
monde extérieur et le monde intérieur ; soit des capacités excessives à la rétention, c’est-à-dire une alternance
disharmonieuse de rétention-relâchement conduisant à des
troubles sphinctériens où le corps serait plus investi en
tant que contenant et où l’on peut faire l’hypothèse d’une
ébauche de relation au monde. À noter que ces deux types
de manifestations pourraient exister successivement chez
une même personne.
Les conduites de serrage ou d’hyper-serrage musculaire
sont comparées à des conduites de défense telles que
l’agrippement [11]. D’autre part, l’hyper-maîtrise des
sphincters est comparée par Haag au concept du « moipeau » [12,13]. Les problèmes de propreté chez les enfants
avec autisme sont analysés comme un moyen de renforcer cette enveloppe, de participer aux mécanismes de
défense vis-à-vis de l’autre, de la même fac
¸on que la rétention du langage, la limitation des échanges sociaux et la
mise à distance de l’autre [9]. La « grille d’évaluation de
Pour citer cet article : Boucher E, et al. Problèmes de propreté des enfants avec trouble du spectre autistique et retard
mental. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.06.001
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Problèmes de propreté des enfants avec TSA et retard mental
Tableau 1 Spécificités du contrôle sphinctérien dans
le développement normal de l’enfant et dans le
cas de trouble du spectre autistique (TSA). Approche
psychodynamique.
Développement normal
Pulsions
d’autoconservation
(satisfaction des besoins
vitaux)
Attitudes narcissiques
(recherche de plaisir)
Stade anal
(surinvestissement de la
zone anale)
Attitudes objectales
(expériences de donner
et de garder)
Trouble du spectre
autistique (TSA)
Angoisses précoces
d’écoulement et
d’assèchement (vécu
intra-utérin, problèmes de
régulation des liquides
internes)
Manque d’investissement
du corps
Capacités excessives à la
rétention (conduites de
serrage ou
d’hyper-serrage
musculaire)
l’autisme traité » de G. Haag peut contribuer au repérage
des mécanismes défensifs à l’œuvre autour de la question
sphinctérienne [10].
Ces spécificités du contrôle sphinctérien en fonction de
la pathologie sont synthétisées dans le Tableau 1.
Dans leur ouvrage principalement dédié aux familles
d’enfants atteints d’autisme, Baker et Brightman [15] proposent aux parents un protocole pour accompagner leur
enfant dans l’apprentissage de la propreté. Ils reprennent
notamment les différentes compétences requises pour que
ce type d’apprentissage, qu’ils déclinent en plusieurs
étapes. Ils considèrent que l’enfant est prêt à la propreté
quand il peut suivre des instructions simples : rester assis sur
une chaise pendant cinq minutes et attendre au moins une
heure et demie entre deux besoins d’aller uriner. Baker et
Brightman soulignent la difficulté pour interpréter les observations chez l’enfant autiste du fait qu’il n’y ait pas dans la
majeure partie des cas de modèle régulier d’élimination.
L’encoprésie primaire est le type d’encoprésie le plus souvent observé chez les enfants avec un développement
normal, contrairement à l’encoprésie secondaire. Ils font
l’hypothèse que la forme d’encoprésie secondaire est surreprésentée dans la population d’enfants avec autisme [15].
Les capacités à être propre pourraient être abordées
selon quatre domaines :
• la dimension physiologique : les difficultés des enfants
avec TSA se situeraient au niveau du traitement des sensations du corps ; la grande difficulté à transposer cette
compétence (éliminer aux toilettes plutôt que dans une
couche), pourrait être due à leur hypersensibilité sensorielle ;
• les capacités motrices : faiblesse dans les manipulations
comme l’habillage et au déshabillage liées à un déficit de
motricité fine ;
• les capacités de communication : difficulté à communiquer le besoin d’utiliser les toilettes, qui peut être palliée
par l’utilisation de systèmes de communication alternative ou augmentative ;
5
• l’ouverture sociale et les habilités sociales : déficit dans
le processus de socialisation qui consiste à apprendre à
aller dans un lieu approprié pour uriner ou déféquer et
dans l’apprentissage de l’ensemble des règles sociales en
lien avec la propreté.
Ainsi, les enfants porteurs de TSA rencontrent un
ensemble de difficultés qui empêche de mettre en
place la continence. Les auteurs s’intéressent aux raisons pour lesquelles l’enfant autiste ferait d’une certaine
manière le choix de souiller ses sous-vêtements plutôt que
d’expérimenter la propreté [16]. Pour cela, ils rapportent
leurs échanges entre les familles et les praticiens. Plusieurs
raisons apparaissent :
• l’anxiété : peur de s’asseoir, de « laisser partir » les selles
dans la cuvette, l’enfant autiste n’a pas appris le fonctionnement de ses intestins et du processus de digestion,
et la sensation physiologique d’élimination est alors une
source d’angoisse ;
• le contrôle : la fonction première de contrôle du corps
que les enfants apprennent est celle relative à tout ce
qui entre et sort du corps (manger et déféquer). Pour les
enfants avec autisme, leur monde environnant est imprévisible et ils ont un besoin impérieux de retenir ce qui est
en eux en lien avec leurs problèmes de conscience des
limites corporelles ;
• une expérience précédente négative de défécation aux
toilettes : le fait que l’enfant associe aux toilettes une
expérience où la défécation a été inconfortable ou douloureuse marque de fac
¸on significative les lieux ;
• la performance des habiletés : le maintien de
l’apprentissage de la propreté passe par la répétition des expériences. Le fait d’aller aux toilettes n’est
pas suffisamment vécu dans le quotidien des enfants avec
autisme pour que ceux-ci l’incluent dans leur routine.
Les outils d’observation des problèmes de
propreté adaptés à la population TSA avec
retard mental : échelle de Vineland, PEP 3
et inventaire POTI
L’échelle de Vineland [4] est un outil qui permet une
évaluation multidimensionnelle des acquis et des dysfonctionnements dans la vie quotidienne et qui fait ressortir
les points forts et les points faibles de la personne dans
quatre principaux domaines (communication, autonomie,
socialisation et motricité), en suivant une progression développementale des acquisitions. Cette échelle, de plus en
plus largement utilisée par les équipes de terrain, mesure les
comportements socioadaptatifs ; elle n’est pas un outil spécifique de l’autisme, l’évaluation peut se faire de l’enfance
à l’âge adulte. Sa passation prend la forme d’un entretien
semi-structuré avec les parents ou bien avec les personnes
de terrain qui s’occupent principalement de la personne
concernée. Sont évalués les compétences de la vie quotidienne (les soins généraux, comme la toilette, se nourrir,
s’habiller), la communication (écouter, parler, écrire), les
compétences motrices, les relations interpersonnelles, le
jeu et les loisirs, ainsi que les compétences occupationnelles
et l’autonomie. Les résultats sont exprimés en équivalence
Pour citer cet article : Boucher E, et al. Problèmes de propreté des enfants avec trouble du spectre autistique et retard
mental. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.06.001
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d’âge, c’est-à-dire que pour chaque secteur testé, le résultat exprime le niveau moyen de compétence atteint par la
personne dans ce secteur. Cette échelle a le mérite de montrer de manière très pragmatique, pour les parents et pour
tous ceux qui interviennent, les capacités de la personne
évaluée. Elle met en évidence les domaines qui peuvent
faire l’objet plus particulièrement d’un travail approfondi.
Cependant, les habiletés précises qui nous intéressent,
autour de l’acquisition de la propreté, sont absorbées dans
des domaines plus larges et ne font pas l’objet d’une évaluation détaillée.
De même, le profil psycho-éducatif de Schopler, plus
spécifique aux problématiques autistiques, inclut dans
sa dernière version (PEP 3) une échelle d’évaluation de
l’autonomie, renseignée par les parents et/ou les éducateurs de l’enfant [17]. Elle vient compléter les résultats
de l’évaluation des fonctions cognitives de base exprimés en âges de développement, avec distinction possible
entre capacités acquises et capacités émergentes (en cours
d’acquisition). L’ensemble des données de l’évaluation
peut permettre de définir des objectifs et des stratégies d’intervention, parmi lesquelles dominent l’aide à
l’anticipation et la clarification de l’environnement par
l’utilisation de supports visuel. Le contrôle sphinctérien
peut ainsi constituer un des objectifs d’un programme
d’intervention global.
Dans le cas des difficultés du contrôle sphinctérien
chez des adultes présentant un retard mental [18], il est
relevé que ce manque de compétence représente très
fréquemment un déficit supplémentaire. Ces difficultés spécifiques entravent de manière significative l’autonomie des
personnes. C’est pourquoi un inventaire reprenant les différents problèmes de propreté (Profile of Toileting Issues
[POTI]) a été développé. Cet outil est une nouvelle mesure
des problèmes de propreté fondée sur les indicateurs les
plus fréquemment rencontrés chez des personnes présentant un retard mental. Les items sont le résultat d’une
analyse approfondie de la littérature, alliant les instruments
de mesure existants sur le sujet et les évaluations médicales concernant les problèmes de propreté. Le premier
objectif de cet outil est de combler la lacune au niveau des
recherches sur les problèmes de contrôle sphinctérien et
ainsi fournir aux cliniciens un outil de repérage. Un second
objectif est l’aide à l’identification d’un éventuel traitement.
Une étude visant à valider le POTI sur un échantillon
d’adultes présentant un retard mental et des problèmes
de propreté a porté sur différentes variables [19]. On
y compare les items les plus fréquemment considérés
comme des problèmes de propreté, ainsi que les items
les moins fréquemment considérés comme des problèmes
de propreté. Pour cela, sont constitués différents groupes
en fonction de variables telles que les compétences verbales, les capacités motrices, l’utilisation de fibres ou de
laxatifs, le genre, la présence de troubles épileptiques,
l’âge, l’utilisation de psychotropes, les origines ethniques
et le niveau de retard mental. Les résultats de l’étude
montrent que peu d’items ressortent de manière significative pour l’ensemble de la population. Seuls cinq items sur
les 56 ont été cotés positifs pour la majorité des individus.
Considérant les scores totaux, les auteurs observent une différence significative entre certaines variables : les capacités
verbales, motrices, l’utilisation de fibres ou de laxatifs et le
niveau de retard mental. L’une des conclusions principales
est qu’étant donné que les problèmes de propreté représentent des déficits d’adaptation, il n’est pas surprenant
qu’un score global élevé au POTI soit en lien avec le faible
niveau du fonctionnement adaptatif.
Cet inventaire des problèmes de propreté est composé
de 56 items. Il est renseigné individuellement par des cliniciens avec l’aide des référents des personnes évaluées,
qui apportent alors les informations issues de leurs observations au quotidien. Les 56 items sont décomposés en quatre
grands facteurs :
• la propreté ;
• les accidents ;
• les problèmes émotionnels ou sociaux ;
• les problèmes d’ordre physique.
La cotation à chaque question se fait en fonction de trois
critères de réponse : « ne pose pas de problème » (0), « pose
problème » (1) ou « ne s’applique pas » (X).
On calcule un score global en faisant la somme des items.
Plus le score global est élevé, plus on est en présence d’un
problème de propreté important. La population ciblée pour
le POTI est constituée d’individus présentant un retard mental de l’âge de 4 ans à l’âge adulte, chez lesquels on suspecte
un diagnostic d’encoprésie ou d’énurésie, en se basant sur
des critères d’âge.
Matson et al. [18] ont évalué comme bonnes les propriétés psychométriques, la consistance interne et la fidélité
inter cotateurs.
Dans le cadre de notre mise au point sur les outils évaluant les problèmes de propreté chez des enfants avec un
TSA et un retard mental, nous avons procédé à une étude
préliminaire comparative entre des participants présentant
un retard mental, avec ou sans TSA en utilisant une version adaptée du POTI. La grille a été traduite et l’ordre
d’apparition des items a été remanié en fonction des quatre
facteurs. Cette version du POTI est présentée sur l’Annexe 1.
Les participants étaient au nombre de 12 enfants et adolescents accueillis dans un IME dont l’agrément est le retard
mental de moyen à profond. Ils présentaient tous des difficultés dans l’acquisition de la propreté et avaient déjà tous
rec
¸u un diagnostic d’énurésie ou d’encoprésie, ou les deux.
Les résultats de cette étude préliminaire nous encouragent à utiliser le POTI comme un outil supplémentaire
à l’élaboration des projets personnalisés. Cette grille
semble pertinente pour évaluer de manière longitudinale
l’évolution de l’autonomie des enfants avec une évaluation
de départ et des réévaluations régulières. Ce travail pourrait se mener aussi bien en institution qu’en famille, afin
de souligner les évolutions dans ce domaine précis. De plus,
en fonction de l’analyse du POTI pour une personne donnée,
des objectifs concrets ainsi que des méthodes d’intervention
pourraient être définis en équipe pluridisciplinaire, avec la
contribution de la famille.
Discussion
L’apprentissage de la propreté est défini comme la mise
en œuvre de fonctions biologiques d’élimination [7].
L’énurésie et l’encoprésie sont considérées comme pathologiques quand la durée d’apprentissage de la propreté
Pour citer cet article : Boucher E, et al. Problèmes de propreté des enfants avec trouble du spectre autistique et retard
mental. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.06.001
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Problèmes de propreté des enfants avec TSA et retard mental
sort de la norme, conformément aux critères diagnostiques établis. Toutefois, des variations interindividuelles
sont observées et majorées dans le cas de retard mental
chez l’enfant. En présence de ce caractère pathologique,
après avoir éliminé les potentielles affections organiques
qui s’accompagnent de troubles du contrôle sphinctérien,
il convient de s’intéresser également au contexte développemental et social de l’enfant. En effet, le retard mental se
caractérise aussi par des problèmes de communication et de
compréhension chez l’enfant face au problème de propreté
[8]. Plus spécifiquement, dans le cas des enfants présentant
un TSA qui souffrent de problèmes de propreté, le point
de vue psychanalytique, centré autour du sujet et de sa
dynamique interne, s’intéresse aux particularités de perception et des mécanismes de défense à prendre en compte
dans l’accompagnement quotidien. Cette approche insiste
notamment sur la portée de certains gestes du quotidien
qui nous semblent anodins mais qui font vivre à ces enfants
d’importantes angoisses.
Le champ de la psychologie du développement et des
théories comportementales intègre l’environnement de
l’enfant, ses interactions avec son entourage et le contexte
dans lequel il évolue. Le développement global de l’enfant
et sa construction identitaire sont ici considérés sous un
angle plus pragmatique et intégrés au principe de réalité
du quotidien.
En termes d’évaluation et de maîtrise de la propreté,
deux outils ressortent. L’échelle de Vineland [4] permet
d’évaluer les acquis et les lacunes de la personne en la
situant dans quatre principaux domaines : communication,
autonomie, socialisation et motricité. Cet outil indique les
capacités de la personne de manière très pragmatique aux
différents acteurs de son entourage. Il n’est cependant spécifique ni aux enfants ni au TSA et au retard mental et
englobe les problèmes de propreté dans d’autres domaines
plus larges, comme le fait le PEP 3 [17]. Le POTI développé
par Matson et son équipe [18] est une mesure des problèmes
de propreté fondée sur des indicateurs précis rencontrés
chez des adultes présentant un retard mental. L’étude met
notamment en évidence la pertinence de cet outil pour
déceler les problèmes de propreté chez cette population
spécifique.
Cet état de l’art nous amène à prendre en considération
les points essentiels suivants.
Il apparaît intéressant de prendre en compte la synergie
entre les approches psychodynamique et développementale
quant à la problématique du contrôle sphinctérien chez
l’enfant avec autisme. Il est nécessaire de considérer simultanément l’aspect pragmatique lié au principe de réalité
du quotidien dans le développement global de l’enfant et
les particularités de perception, les mécanismes de défense
ainsi que les angoisses spécifiques.
D’autre part, il est essentiel d’intégrer le rôle des parents
dans l’accompagnement de l’apprentissage de la propreté
chez les enfants autistes [14]. Les recommandations de
bonne pratique délivrées par la HAS et l’Anesm peuvent nous
guider dans la prise en compte de ces problèmes spécifiques
et incitent les professionnels de santé à s’y conformer pour
mener à bien les projets de vie des usagers. La participation
active des familles en fait partie puisqu’elle représente un
élément indispensable de la prise en compte de ces problèmes de propreté [1].
7
Les travaux sur le POTI cités précédemment nous
paraissent particulièrement intéressants puisqu’ils ont le
mérite d’explorer de manière très spécifique le niveau
d’acquisition de la propreté dans une population présentant
un trouble du développement [18,19].
En dépit des considérations précédentes, le principal
constat de ce travail bibliographique est le déficit de travaux concernant les difficultés du contrôle sphinctérien. En
effet, cette synthèse n’a pas permis de mettre en évidence
de travaux spécifiques à l’observation des problèmes de propreté pour la population qui nous intéresse. D’autre part,
le peu de travaux existant portent principalement sur une
population d’enfants présentant un autisme mais rarement
un retard mental ou si c’est le cas le degré de retard mental
est léger. Dès que nous prenons en compte conjointement
les deux critères TSA et retard mental, nous ne pouvons
que constater les lacunes dans ce domaine, dans un premier temps au niveau de l’observation mais également dans
la prise en charge concrète, puisque les outils et les procédures existantes ne sont pas adaptés aux particularités de
cette population spécifique.
Nous notons également au travers de cette revue que
la question du lien avec les familles dans l’observation
des problèmes de propreté et l’élaboration des projets
est extrêmement peu traitée, quels que soient les travaux
recensés. Les manques ainsi repérées dans ce domaine nous
poussent à constater que ce type de question de santé ne
retient pas l’attention des différents acteurs.
Perspectives
Compte tenu de cet état des connaissances, nous nous demadons s’il est possible de traiter les problèmes de propreté
de la même manière chez des enfants présentant un TSA
et des enfants présentant un retard mental. Il semble probable qu’un niveau d’autisme important ou qu’un niveau
de retard mental important soient à prendre en compte
dans la manière d’appréhender ce type d’incapacité. Par
ailleurs, nous gardons à l’esprit l’importance de travailler,
dans toutes les situations, en lien avec les familles, notamment concernant les habiletés liées à l’autonomie dans le
quotidien.
Il serait utile de mener une étude des problèmes de propreté chez des enfants et adolescents avec un TSA et un
retard mental. Pour cela, la grille d’observation POTI nous
semble intéressante et son utilisation avec une population
présentant un TSA permettrait de vérifier sa pertinence
auprès d’une population porteuse de ce handicap. Par
ailleurs, les travaux concernant le POTI ne portant que sur
une population d’adultes, il nous semblerait pertinent de
réaliser une étude avec des enfants présentant un TSA et
différents degrés de retard mental.
Ce type d’expérimentation permettrait d’étendre le
champ de recherche autour de ce thème précis, d’identifier
les aspects spécifiques de cette population et de mesurer
l’impact sur l’intégration sociale et l’autonomie. Déterminer les sous-domaines liés à cette acquisition participerait
à l’élaboration des objectifs dans les projets de vie des
personnes porteuses d’un TSA et d’un retard mental.
Enfin, l’avantage de ce type de recherches serait aussi
d’approfondir le travail de co-élaboration des projets entre
Pour citer cet article : Boucher E, et al. Problèmes de propreté des enfants avec trouble du spectre autistique et retard
mental. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.06.001
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8
E. Boucher et al.
les familles et les professionnels dans le choix des objectifs
et les procédures à mettre en place de fac
¸on efficace et
pérenne.
Conclusion
Cette revue de littérature a permis de faire le point
en 2014 sur les problèmes de propreté chez les enfants
présentant un TSA et un retard mental. Une définition
générale des problèmes de propreté est notamment rapportée, pour être ensuite enrichie des spécificités des
enfants atteints de retard mental puis des caractéristiques propres aux TSA. La recherche d’outils permettant
d’observer et d’évaluer les difficultés du contrôle sphinctérien dans une population de TSA et retard mental a
notamment mis en évidence le recours possible à un outil :
le POTI [18]. Cet outil, très intéressant dans l’analyse de
ces problèmes et le suivi de leur évolution, n’est toutefois
pas spécifique des populations d’enfants avec TSA et retard
mental.
Le principal constat de ce travail bibliographique reste
le très faible intérêt de la communauté scientifique face à
cette problématique, mis en évidence par le manque de travaux concernant les problèmes de propreté chez les enfants
présentant un TSA et un retard mental.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
Annexe 1. Profile of Toileting Issues (POTI)
(D’après Matson, et al., traduction et
adaptation : Boucher E, et al.)1
Nom et prénom de l’enfant:
Date de naissance:
Âge:
Date:
Référent(s):
Cotation : 0 = jamais, 1 = quelquefois, 2 = souvent, 3 = toujours
(*Items inversés)
No
Items
Commentaires
sur les items
1/ Problèmes de propreté : niveau d’autonomie
1
La personne n’urine pas aux toilettes
2
La personne ne défèque pas aux toilettes
23
La personne retient délibérément ses selles de manière inappropriée
25
*La personne communique à travers les mots ou les gestes « je n’ai pas
besoin d’aller à la salle de bain »
26
La personne refuse d’utiliser les toilettes lorsqu’elle y est invitée
27
La personne cache ses vêtements mouillés
30
La personne n’arrête pas une activité préférée pour utiliser les
toilettes
32
La personne ne communique pas le besoin d’aller aux toilettes
33
La personne cache ses vêtements souillés
36
La personne ne laisse pas ses parents ou les éducateurs savoir si elle a
souillé ou mouillé ses vêtements
41
La personne n’effectue pas de manière autonome de soins sur soi
42
La personne nécessite beaucoup d’encouragements pour utiliser les
toilettes
43
La personne manifeste des problèmes de comportement quand on lui
demande d’aller aux toilettes
45
*La personne tente d’aller aux toilettes même si elle n’a pas déféqué
depuis 24 à 48 heures passées
1 Le COPI a été traduit et adapté avec l’accord de John Matson.
Il fait l’objet d’un copyright et est accessible en ligne sur le site :
www.disabilityconsultants.org).
Pour citer cet article : Boucher E, et al. Problèmes de propreté des enfants avec trouble du spectre autistique et retard
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Problèmes de propreté des enfants avec TSA et retard mental
9
Annexe 1 (Suite)
No
Items
48
*Une fois que la personne est dans les toilettes, elle tente de déféquer
49
*Une fois que la personne est dans les toilettes, elle tente d’uriner
51
La personne se réveille fréquemment la nuit pour uriner
Commentaires
sur les items
2/ Accidents
3
La personne a des accidents la journée
4
La personne a des accidents la nuit
5
La personne a eu ses sous-vêtements mouillés au cours du mois passé
6
La personne a eu ses sous-vêtements souillés au cours du mois passé
9
Les parents ou les éducateurs remarquent des tâches dans ses
sous-vêtements
15
La personne a une envie forte et incontrôlée d’utiliser les toilettes
avant un accident
47
La personne ne semble pas gênée après un accident
3/ Problèmes émotionnels et sociaux
10
L’entourage se plaint d’odeurs
24
La personne exprime des peurs à propos de l’utilisation des toilettes
28
La personne se fait gronder parce qu’elle n’a pas utilisé les toilettes
29
La personne se plaint de problèmes sociaux avec ses pairs
34
La personne subit des remarques à cause de ses accidents ou des odeurs
38
La personne croit que les accidents sont de sa faute
39
La personne est rejetée par ses pairs à cause de ses problèmes de
propreté
46
La personne se fait gronder parce qu’elle utilise les toilettes
4/ Problèmes d’ordre physique
7
La personne ne défèque régulièrement que tous les trois jours
13
La personne urine/défèque quand elle éternue, tousse ou se livre à
une activité physique
14
La personne n’urine/ne défèque qu’en petites quantités
16
La personne a des difficultés à commencer à uriner
17
La personne a un flux faible ou discontinu au moment d’uriner
18
La personne a des résidus qui dégoulinent après avoir uriné
19
La personne nécessite l’utilisation de suppléments de fibres ou de
laxatifs pour déféquer
20
La personne se plaint (à travers les mots ou les gestes) de se sentir
pleine après avoir uriné/déféqué
31
La personne se plaint de maux d’estomac
35
La personne se plaint de douleurs pelviennes
37
La personne a un manque d’appétit
44
La personne se plaint de douleur quand elle urine ou défèque
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10
E. Boucher et al.
Annexe 1 (Suite)
No
Items
52
La personne a les urines troubles
53
La personne a du sang dans ses selles
54
La personne a du sang dans les urines
55
La personne a des selles dures
56
La personne a des selles molles ou liquides
Commentaires
sur les items
5/ Éléments du parcours médical en lien avec des problèmes de propreté (partie réservée au personnel médical)
No
Items
8
La personne était autrefois capable d’être propre de manière autonome
mais a perdu cette compétence
11
La personne présente un diagnostic gastro-intestinal
12
La personne avait des problèmes de constipation avant l’âge de trois mois
21
La personne présente des allergies alimentaires
22
La personne est sous traitement avec des effets connus de constipation
40
La personne a des problèmes moteurs qui interfèrent avec une propreté
autonome
50
La personne a eu au moins un diagnostic d’infection urinaire
Références
[1] Haute autorité de santé (HAS) et Agence nationale de
l’évaluation et de la qualité des établissements et services
sociaux et médico-sociaux (Anesm). Autisme et autres troubles
envahissants du développement : interventions éducatives et
thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent.
Synthèse élaborée par consensus formalisé. Paris: Haute autorité de santé; 2012.
[2] Classification internationale du fonctionnement, du handicap
et de la santé. Version pour enfants et adolescents. CIF-EA.
Genève: Organisation mondiale de la santé; 2008.
[3] Macias MM, Roberts KM, Saylor CF, Fussell JJ. Toileting concerns, parenting stress, and behavior problems
in children with special health care needs. Clin Pediatr
2006;45(5):415—22.
[4] Sparrow SS, Cicchetti DV, Balla DA. Vineland adaptive behavior
scales. 2nd ed. Circle Pies, MN: American Guidance Service;
2005.
[5] American Psychiatric Association [text revised (DSM-IV-TR)]
Diagnostic and statistical manual of mental disorders. 4th ed.
Washington, DC: American Psychiatric Association; 2000.
[6] CIM 10 : Classification statistique internationale des maladies
et des problèmes de santé connexes, 10e révision. OMS; 1993 /
1995 / 1996.
[7] Dumas JE. Psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent : les
troubles du contrôle sphinctérien : l’énurésie et l’encoprésie.
3e éd. Éditions De Boeck; 2007 [revue et augmentée. Chapitre
11].
[8] Dalla Piazza S, Dan B. Handicap et déficiences intellectuelles.
Éditions De Boeck, Questions de personne. Le contrôle sphinctérien; 2001.
Oui
Non
Commentaires
[9] Barabé N. Le réveil des angoisses précoces découlement ou
d’assèchement lors de l’apprentissage de la propreté, 152.
Éditions Érès, Dialogue; 2001/2. p. 99—106.
[10] Haag G. Grille de repérage clinique des étapes évolutives de l’autisme infantile traité. Psychiatr Enfant
1995;XXXVIII(2):495—527.
[11] Tustin F. Les états autistiques chez l’enfant. Éditions du seuil;
2003.
[12] Haag G. Rencontres avec Francès Tustin. In: Perron R, Ribas
D, editors. Autisme de l’enfance, monographie de la Revue
franc¸aise de psychanalyse. Paris: PUF; 1994. p. 69—90.
[13] Anzieu D. Le Moi peau. Paris: Dunod; 1995 [200 p.].
[14] Bick E. The experience of the skin in early object-relations.
¸aise Haag G,
Int J Psychoanal 1968;49:484—6 [traduction franc
Haag M. L’expérience de la peau dans les relations d’objet précoce. Explorations dans le monde de l’autisme. Payot;1980:
240—4].
[15] Baker BL, Brightman AJ. L’autonomie pas à pas : enseigner les
compétences quotidiennes aux enfants qui ont des difficultés
d’apprentissage. 2e éd. Monans Sartoux: AFD Éditions; 2008.
[16] Radford JO, Anderson M. Encopresis in children on the autistic
spectrum. Early Dev Care 2003;173(4):375—82.
[17] Lansing MD, Marcus LM, Reichler RJ, Schopler E. PEP-3 profil
psycho-éducatif. De Boeck; 2010.
[18] Matson JL, Neal D, Hess JA, Kozlowski AM. Assessment of toileting difficulties in adults with intellectual disabilities, an
examination using the profile of toileting issues (P.O.T.I.). Res
Dev Disabil 2011;32:176—9.
[19] Matson JL, Horovitz M, Sipes M. Characteristics of individuals
with toileting problems and intellectual disability using the
profile of toileting issues (P.O.T.I.). J Ment Health Res Intellect
Disabil 2011;4(1):53—63.
Pour citer cet article : Boucher E, et al. Problèmes de propreté des enfants avec trouble du spectre autistique et retard
mental. Neuropsychiatr Enfance Adolesc (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2014.06.001