Région DIMANCHE JUILLET 2014 (713 ö $)D7 üĎÃü 36 èí Née en 1015 (1) Descente vers les origines de la cathédrale Du 7 septembre 2014 au 6 septembre 2015, la cathédrale de Strasbourg fêtera ses mille ans. Chaque semaine de cet été, nous ferons entrevoir quelques merveilles de cette merveille. Visite, pour débuter, dans ses sous-sols, là où se terre le souvenir des origines. Ces pierres ont mille ans : elles sont nées avec la cathédrale. C’est un haut mur fait de petits moellons de grès. Pour avoir le privilège de le voir, il faut pouvoir descendre sous l’actuelle chapelle Saint-Laurent, située à l’angle de la nef et du bras nord du transept ; une trappe se soulève et un escalier nous mène dans une chambre souterraine. L’espace a été fouillé en 1968, 1970 et 1972 et de nouvelles recherches viennent d’y être effectuées, entre février et juin, par l’Institut national régional d’archéologie préventive (Inrap) et l’Institut national des sciences appliquées (Insa) de Strasbourg. Des pieux et des pieux Se dévoilent, au sol, les bases de maisons romaines qui devaient être plutôt cossues. Collés sur une paroi, des fragments d’os humains rappellent qu’un ossuaire, rassemblant les restes des cimetières alentours, prenait place ici du temps d’une précédente chapelle, dédiée à saint Michel (créée « Ils étaient nécessaires pour stabiliser la couche d’argile », rappelle Sabine Bengel, responsable du fonds documentaire de l’Œuvre Notre-Dame. Mais qu’on ne s’imagine pas des troncs énormes : leur longueur n’excède pas 2 m et leur diamètre une douzaine de centimètres. Pas un lac, mais la nappe Frédéric Degenève, de l’Œuvre Notre-Dame, devant un mur datant de la première cathédrale, bâtie à partir de 1015, il y a un millénaire. Ce vestige est visible sous l’actuelle chapelle Saint-Laurent. au début XIIIe siècle). Et voici donc, au fond, ce mur qui est l’un des rares vestiges visibles de la première version de l’actuelle cathédrale : la basilique voulue par le puissant évêque Wernher de Habsbourg (c’était un ami d’enfance du roi de Germanie Henri II), dont une chronique de l’abbaye de Marbach assure qu’elle a surgi de terre en 1015. Ce mur, qui devait déjà servir de fondation, est placé juste sous celui de la nef. Et c’est ce qui étonne d’emblée, quand on considère cette première cathédrale : au sol, elle avait déjà les dimen- sions énormes de l’actuelle ! Déjà, Strasbourg se distinguait : cette église de Wernher, assure l’historien Jean-Philippe Meyer, était alors « la plus vaste de Germanie ». Elle a probablement succédé à un précédent lieu de culte. L’endroit est stratégique : il occupe le centre de l’ancien camp romain. D’autres témoins de la basilique du XIe siècle sont repérables dans la crypte, sous le chœur : cette fois, ce sont de gros blocs de grès, surmontés d’une frise du XIIe. Dans cette même crypte, près de ce qui est le caveau des évêques de Strasbourg depuis Mgr Raess (XIXe), trois dalles peuvent se soulever, pour repartir dans les profondeurs. Elles ouvrent sur une galerie (creusée au XVIIesiècle) qui s’avance sous un pilier de la croisée. Celui qui y pénètre peut découvrir les traces des fondations des fondations : les trous laissés dans l’argile par des pieux de bois aujourd’hui disparus. Ainsi, dans cette cathédrale, il y a les pieux qui prient en surface et les pieux qui soutiennent en sous-sol… D’autres morceaux de bois subsistent sans doute encore un peu partout, sous l’édifice. Il faut aussi arrêter de croire qu’ils sont plantés dans un lac… « C’est une légende !, prévient l’historienne. Oubliez le lac navigable, avec un nain qui garde un trésor… En revanche, la nappe phréatique est bien présente à environ 8 m de profondeur. » L’ouverture d’un puits est d’ailleurs cachée sous d’autres dalles, du côté sud de la nef. En septembre, lorsque seront lancées les festivités du millénaire, l’Œuvre Notre-Dame exposera dans la cathédrale sa vision de la basilique de Wernher. « Ce n’est qu’une hypothèse… », avertit d’emblée Aymeric Zabollone, le tailleur de pierre chargé de la matérialiser sous la forme d’une maquette en grès. L’incertitude concerne surtout les parties hautes, mais cette proposition de pierre est éminemment recevable. Elle montre un bâtiment qui n’a rien de commun avec l’actuel, mais qui, d’une certaine façon, subsiste encore en lui. C’est aussi ça, le miracle de la cathédrale : dégager une si grande unité alors qu’elle n’a cessé de se transformer durant dix siècles. Textes : Hervé de Chalendar Photos : Thierry Gachon sanglantes mais toujours handicapantes, ont longtemps persisté entre ces divers intervenants. Il n’y a pas si longtemps, deux architectes, l’un nommé par l’OND, l’autre par l’État, se partageaient le bâtiment : la moitié sud pour l’un, la moitié nord pour l’autre. Maîtrise d’œuvre unique Lorsqu’elle est devenue ministre de la Culture, l’ancienne maire de Strasbourg Catherine Trautmann a fait en sorte que l’on aboutisse, en 1999, à une maîtrise d’œuvre unique, par le biais d’une convention entre la Ville et l’État. Dans le même temps, sous l’impulsion du chanoine Eckert (prédécesseur de l’actuel archiprêtre de la cathédrale, Michel Wackenheim), une commis- sion tripartite a été instituée pour réunir autour d’une même table les représentants de l’État (dont le conservateur régional des Monuments historiques), de l’Œuvre Notre-Dame et de l’archevêché, et du conseil de fabrique. Elle siège environ toutes les six semaines. Tout ce qui concerne les compétences de chacun est abordé ensemble. À chaque séance, comme pour un conseil municipal ou une plénière d’assemblée départementale ou régionale, un copieux ordre du jour attend la douzaine de participants. Mais dans cette enceinte, il n’y a pas de vote. Et si un désaccord se fait jour ? « Eh bien, on continue à discuter, tout simplement… », témoigne Marie-Pierre Siffert, coopératrice pastorale en charge de l’événementiel de la cathédrale. « Peu d’institutions peuvent s’appuyer sur 2 000 ans de vie comme le christianisme ; peu de bâtiments peuvent afficher 1 000 ans de construction comme la cathédrale. Dans un monde où tant de réalités sont éphémères, voire jetables, il est bon de disposer d’éléments stables et durables. » Mgr Grallet, archevêque de Strasbourg, sur le site internet www.cathedralestrasbourg-2015.fr Insolite Os collés Ces morceaux blancs que l’on distingue entre ces pierres d’un mur du sous-sol de la chapelle Saint-Laurent rappellent qu’ici se trouvait autrefois un ossuaire… En mille ans Le conseil des trois partenaires Toutes les six semaines, une commission tripartite réunit les trois grands partenaires de la cathédrale. C’est encore une spécificité alsacienne. La cathédrale de Strasbourg est tiraillée entre trois grands partenaires (dont nous présenterons les rôles dans le cadre de cette série) : l’État, l’Église et la Ville. L’État est son propriétaire, l’Église est son affectataire, autrement dit son locataire ; quant à la Ville, elle intervient en particulier à travers l’Œuvre Notre-Dame (OND), fondation créée au XIIIe siècle pour collecter les fonds nécessaires à la construction du bâtiment et gérer les interventions des corps de métiers. Il fallut une bataille pour qu’elle dépende de la Ville et non plus du clergé : celle de Hausbergen, en 1262. D’autres batailles, moins Paroles Tailleur de pierre à l’Œuvre Notre-Dame, Aymeric Zabollone sculpte une maquette proposant une vision de la cathédrale du XIe siècle. Au menu du millénaire Trois grandes fêtes religieuses D’un point de vue religieux, cette année du millénaire sera marquée par trois grandes fêtes : une diocésaine pour débuter, une strasbourgeoise ensuite, et une européenne pour terminer. • La fête diocésaine lancera cette année anniversaire le dimanche 7 septembre 2014. À 15 h sera proposée la Solennité de la dédicace, une grande célébration qui se déroulera en présence de catholiques issus des 14 zones pastorales d’Alsace. « On remplira la cathédrale avec des personnes venues de tout le diocèse », annonce Marie-Pierre Siffert. • Le 15 août 2015, la fête patronale sera célébrée en présence d’un légat pontifical, sans doute un cardinal, représentant le pape François. Une procession autour de la cathédrale est prévue à 15 h. 1015 : pose de la première pierre de la cathédrale par l’évêque Wernher de Strasbourg. Cette basilique est achevée vers 1048-1050. XIIe siècle : suite à plusieurs incendies (dont un en 1176), la cathédrale est reconstruite dans le style roman. Début XIIIe siècle : la fondation de l’Œuvre Notre-Dame est créée par le clergé de la cathédrale pour gérer les finances et l’organisation du chantier. XIIIe siècle : malgré la guerre qui oppose l’évêque et les bourgeois de la Ville (et qui se termine en 1262 par la victoire des Strasbourgeois), le chantier de construction de la cathédrale connaît un grand renouveau avec l’arrivée, vers 1225, du style gothique né en Ile-de-France. Un nouveau maître d’œuvre élève le pilier des Anges dans ce style. À suivre… SOURCES Chronologie issue de l’Œuvre Notre-Dame et du site internet : www.cathedrale-strasbourg2015.fr Un pèlerinage dans le monument Le caveau des évêques de Strasbourg, dans la crypte. Malgré sa haute taille, Mgr Grallet s’était aventuré en novembre 2012 dans les profondeurs de sa cathédrale. On accède à cette galerie de 1,50 m de hauteur à partir de dalles de la crypte. Photo Dominique Gutekunst • Cette année se conclura avec une nouvelle Solennité de la dédicace, le dimanche 6 septembre. Mgr Grallet a souhaité que cette dernière fête ait une dimension européenne. Des évêques de pays et diocèses voisins (Allemagne, Suisse, Metz, Nancy…) seront invités. Enfin, à partir d’octobre, un pèlerinage à l’intérieur de la cathédrale, et en présence d’un chanoine titulaire, sera proposé aux fidèles des différentes zones pastorales. Il s’effectuera les mercredis, sauf pour les pèlerins de la communauté urbaine, invités à venir les samedis. EN SAVOIR PLUS Sur le site du millénaire, mis en ligne par l’archevêché : www.cathedrale-strasbourg-2015.fr Cette frise qui se trouve dans la crypte est du XIIe, mais la pierre qui la soutient date, elle, des origines : elle remonte au XIe.
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