Le bâti rural du XXe siècle, quel patrimoine

Le bâti rural du XXe siècle, quel patrimoine ?
Sortie terrain du 6 mai 2014
Territoire de la Communauté de Commune du Pays des Etangs
Programme de la journée
Départ de Saint-Ulrich à 8h45
9h15-11h00 Trois fermes de la Seconde Reconstruction construites par l’architecte
Joseph Denny.
Avricourt, ferme du Sânon (première stabulation libre) 20 mn
Moussey, Ferme Boisguillaume, construite après 1945, à l’entrée du village 10 mn
Ferme Marchal, située à l’écluse n°9 du canal de la Marne au Rhin 30mn
11h-11h45 Ferme du domaine de Hellocourt (1894-1993)
11h50-12h30 La cité de Bataville et visite de l’église (1930-1960)
12h30-14h Repas dans l’ancienne cantine de l’usine Bata
14h15-15h15 L’ancienne cité ferroviaire de Nouvel-Avricourt (gare, cité et temple 18741906)
15h30-16h L’écluse de grande chute de Réchicourt (1964)
16h15-17h30 Gondrexange, un village de la Seconde Reconstruction
Hellocourt (4)
Grande écluse (7)
Bataville (5)
Gondrexange (8)
3
2
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Nouvel-Avricourt (6)
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Sommaire
Le territoire du canton de Réchicourt - p. 3
Le patrimoine du 20e siècle - p. 4
Les fermes de la Seconde Reconstruction - p. 6
Avricourt, la ferme du Sânon - p. 7
Moussey, la ferme Boisguillaume - p. 11
Moussey, la ferme Marchal, écluse n°9 - p. 14
Le domaine de Hellocourt- p. 17
La cité et l’église de Bataville - p. 20
LA cité féroviaire de Nouvel-Avricourt - p. 24
L’écluse de Grande chute - p. 26
Gondrexange, un village de la Seconde Reconstruction - p. 27
Crédits
Textes
Catherine Zeller-Belville, avec la participation de Mireille-Benedicte Bouvet,
Elisabeth Dubois et Nicole Ory-Ropinski
Photographies
Bertrand Drapier, Alain George, Catherine Zeller-Belville, ©Région Lorraine
Inventaire Général, ©L’Europe vue du ciel
Cartes et Plans
Catherine Zeller-Belville avec la participation de Jean-Yves Henry
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Le territoire du canton de Réchicourt-le-Château
Le canton de Réchicourt-le-Château est situé dans la partie sud-est du département de
la Moselle. Il est constitué de 14 communes (Assenoncourt, Avricourt, Azoudange, Foulcrey,
Fribourg, Gondrexange, Guermange, Hertzing, Ibigny, Languimberg, Moussey, Réchicourt-leChâteau, Richeval, Saint-Georges) formant la Communauté de Commune du Pays des Etangs.
Celui-ci doit son origine à la volonté des seigneurs locaux, au Moyen Age, d’assainir une
région marécageuse. En drainant et en réunissant les marais, ces derniers devinrent des étangs
fournissant poisson et terre cultivable. L’étang de Réchicourt est attesté dans les textes depuis
le 13e siècle, celui de Gondrexange est aménagé au 14e siècle.
Le paysage est assez plat avec une altitude oscillant entre 210 et 355m, bénéficiant
d’une forte couverture forestière et de prairies. La population dont les chiffres ont tendance à
baisser était de 5019 habitants en 1962, 4554 en 1982, se stabilisant autour de 3900 depuis les
années 2000 (3953 en 2010) (source INSEE).
Le nombre de logements en 2010 était de 1970 dont 12% vacants. Depuis la fermeture du site
industriel de Bataville, l’activité se partage entre l’agriculture qui reste majoritaire, 59% ; le
commerce, les transports et les services 33% liés en partie à la présence du canal de la Marneau-Rhin et les petites entreprises de moins de 10 salariés.
L’architecture du 20e siècle.
L’architecture rurale avant le 20e siècle est caractérisée par un habitat groupé en village-tas
ou en village-rue composé de modestes fermes de trois travées de plan construites, dans la
partie nord du canton, parfois en pan de bois. Le territoire abrite aussi de grands domaines
agricoles, d’origine médiévale, souvent isolés, profitant des ressources de la pisciculture et
des forêts plus que de la richesse des terres peu fertiles.
Sources principales :
-Archives départementales de Meurthe-et-Moselle AD54 fonds anciens séries B, E et H, série
3S
-Fonds des archives conservées sur le site de VNF à Nancy
-Archives départementales de Moselle AD57, séries 45J fonds Joseph Denny, 2O, 5S, 15AL,
W, 35P, 10RP
-Archives Nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine, fonds de la direction de l’aménagement
foncier et de l’urbanisme.
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Le patrimoine du 20e siècle dans le canton1
Le patrimoine rural du 20e siècle, dans le canton de Réchicourt-le-Château, est
particulièrement bien représenté par le bâti de la Seconde Reconstruction, même s’il n’est pas
exclusif. Il existe quelques fermes et maisons issues de la Première Reconstruction mais assez
peu.
Par son histoire particulière liée à sa situation géographique, le canton fait partie de ces
territoires annexés par l’Empire Allemand en 1871. On y observe donc une architecture
prenant des caractères particuliers comme cette cité ferroviaire de Deutsch-Avricourt, actuelle
Nouvel-Avricourt construite par l’occupant et organisée suivant une stricte hiérarchie sociale.
Cette architecture néo-classique va marquer les esprits et l’on retrouve encore en 1950 un
presbytère catholique dans la commune d’Avricourt construit avec une typologie proche de
celui de Nouvel-Avricourt quelques cinquante ans plus tôt, et ce, par un architecte agréé de la
seconde reconstruction.
©AD57, fonds de l’architecte J. Denny
1
N.B L’étude étant en cours, les documents présentés sont des reproductions provisoires provenant des archives
départementales de Moselle, © AD57.
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Le canton de Réchicourt-le-Château est traversé, en partie, par le canal de la Marne au
Rhin. L’étude de son tracé reliant la Marne au Rhin, entre Vitry-le-François et Strasbourg a
été réalisée en 1826 par l’ingénieur des ponts-et-chaussées M. Brisson. Les travaux
commencent en 1839 et se terminent en 1853. La première section entre Vitry et Nancy est
ouverte en 1851 et la seconde entre Nancy et Strasbourg en 1853, officiellement le 10 octobre
1853 (ingénieurs Colignon, Jaquiné, Lyautey). C'est un canal à petit gabarit accessible
seulement aux automoteurs de canal de 250 à 300 tonnes (gabarit Freycinet).
C’est un canal à deux biefs de partage dont le second, celui des Vosges,
nous
intéresse, de Réchicourt à Saint-Louis-Artzviller, entre les bassins de la Meurthe, de la Sarre
et du Rhin. Il est alimenté par les étangs-réservoirs dont ceux de Gondrexange, Mittersheim,
Réchicourt, Parroy et du Stock, eux-mêmes alimentés par la Sarre et ses affluents. Le canal
sur toute sa longueur (314km) comptait, à l’origine, 178 écluses ; il en subsiste 154
aujourd’hui.
Ici comme dans toute la Lorraine, l’industrialisation a très tôt été présente dans le
milieu rural. Deux cités marquent le bâti du canton, la cité ferroviaire de Nouvel-Avricourt et
Bataville.
Bataville, une cité industrielle de fabrication des chaussures Bata, est construite à
partir de 1930, après l’achat du domaine de Hellocourt, dans un premier temps et avant la
construction de l’usine et d’une cité ouvrière autonome dotée de commerces, d’écoles, d’une
piscine, et d’une église construite en 1960.
Ce sont ces différents patrimoines que nous allons découvrir aujourd’hui.
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Les fermes de la Seconde Reconstruction dans le canton de Réchicourt-le-Château
Les dommages subis lors du second conflit mondial sont nombreux et essentiellement
dus aux bombardements de 1940 et 1944.
©AD57, 45J277
Plusieurs types de construction représentent cette période :
-des fermes et maisons qui sont réparées et non reconstruites en totalité, sans changement de
leur plan et sans toujours adapter les nouvelles règles en matière d’hygiène et de sécurité
-des reconstructions complètes, en village, par un architecte agréé par le MRU.
Dans le secteur, celui qui a le plus travaillé est Joseph Denny (1932-1977) quelques
autres comme Weber à Foulcrey et Schott, (architecte de Sarrebourg) à Gondrexange ont
œuvré dans le canton.
Enfin, le bâti rural du 20e ce sont aussi :
-des constructions ex-nihilo avec de grosses structures répondant aux recommandations
d’hygiène et de sécurité, pour éviter la prolifération des maladies et les incendies.
-une organisation rationnelle de la vie agricole par une disposition réfléchie des différents
bâtiments et pour des soucis d’économie et de rationalisation, l’emploi d’éléments
d’architecture fabriqués en série comme ces mêmes appuis de fenêtre en tablettes débordantes
avec goutte d’eau et ces faux bandeaux que l’on retrouve de façon systématique à Avricourt.
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Avricourt, La ferme du Sânon
Cette ferme est édifiée par l’architecte agréé Joseph Denny, sur les crédits des
dommages de guerre, pour M. Léon Jung, entre 1949 et 1967, année où est construite la
bergerie. Elle a la particularité d’être la première stabulation libre en France. Les corps de
ferme sont dissociés par fonction et disposés autour d’une cour, pour respecter les conseils du
génie rural, la partie habitation est distincte des parties exploitations. C’est aussi une ferme
qui intègre les recommandations en matière d’hygiène par une stricte séparation des hommes
et des bêtes. La séparation des bâtiments répond aussi à différents types d’activités :
porcherie, bergerie, étable, écurie, grange, laiterie, poulailler, forge et garage sont autant de
parties distinctes. Le silo est un des premiers essais d’ensilage avec une distribution de la
nourriture par wagonnet permettant un gain de temps. Les matériaux de construction sont
typiques de cette période dans leur hétérogénéité, à la fois novateurs comme la charpente
métallique de l’étable, des matériaux issus de l’industrie en série comme les éléments en
béton et béton armé, mais aussi de la récupération comme l’utilisation des moellons récupérés
dans les ruines de l’ancienne douane.
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Plans sur papier ou sur calque des bâtiments (fonds d’archives de l’architecte Joseph Denny,
série 45J20, 45J 276 ©AD57).
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Les détails des travaux pour l’étable à stabulation libre (1953) signalent que les
crèches sont en béton armé. Dans la laiterie et la partie préparation des aliments, la
maçonnerie est en moellons bruts hourdés au mortier de ciment et en aggloméré. La charpente
est métallique avec ferme reposant sur poteaux treillis. L’éclairage est assuré par une faitière
et des plaques de verre ondulé. La couverture est en ciment amiante. Les portes sont en
menuiserie, cadre en chêne et frise de sapin. Le carrelage en grès cérame. La stabulation
dispose de la lumière électrique. L’installation sanitaire se compose d’un poste d’eau dans la
salle de préparation des aliments et la laiterie avec une évacuation en fonte.
45J 276 ©AD57
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Plans des dépendances et du logis (fonds d’archives de l’architecte Joseph Denny, série
45J20, 45J 276 ©AD57).
45J 276 ©AD57
45J 276 ©AD57
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Moussey, la ferme Boisguillaume, route de Moussey, construite entre 1947 et 1950.
Cette ferme, comme la précédente, est construite « a novo » sur un terrain vierge avec
les crédits de dommages de guerre sur des plans dressés par l’architecte Joseph Denny. Les
bâtiments s’articulent autour d’une cour ouverte assurant une circulation plus aisée.
L’habitation se distingue par sa hauteur et est bien distincte des bâtiments d’exploitation euxmêmes divisés par type d’activité. Le fourrage est entreposé directement depuis la cour dans
les greniers ouverts se situant au-dessus de l’étable. L’alimentation des bovins se fait par une
trappe. L’alimentation en eau des animaux est automatisée. La présence de la buanderie2 entre
l’exploitation et l’habitation marque la séparation entre hommes et animaux. Les organes de
circulation facilitent le travail de l’agriculteur notamment l’auvent protégeant des intempéries.
« La buanderie est, ici, un lieu destiné à la préparation des aliments pour le bétail où l’on trouve le bassin, l’emplacement du fourneau et
souvent le fumoir. La salle d’eau comprend au minimum un lavabo et une douche » in La Seconde Reconstruction dans l’est des Vosges,
revue In Situ, Jean-Yves Henry
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Plans sur papier ou sur calque des bâtiments (fonds d’archives de l’architecte Joseph Denny,
série 45J275, 45J147 ©AD57).
45J275©AD57
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Plans sur papier ou sur calque des bâtiments (fonds d’archives de l’architecte Joseph Denny,
série 45J275, 45J147 ©AD57).
45J275©AD57
45J275©AD57
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Moussey, la ferme de l’écluse n°9, ferme de M. Maurice Marchal reconstruite
de 1945 à 1963.
La première ferme est construite en 1936, c’est pourquoi, dès l’origine, il y a une
séparation nette entre habitation et exploitation. La maison abritait une épicerie et un hôtel
pour les mariniers et éclusiers, une écurie pour les chevaux de halage avant de servir aussi de
hangar pour les tracteurs tirant les bateaux, technique qui apparaît à partir de 1930. Le
propriétaire était aussi cultivateur et disposait également d’une grange et d’une écurie.
Habitaient aussi sur place deux valets de culture et quatre pensionnaires. Le 17 juin 1940 le
bâtiment est détruit par bombardement incendiaire d’artillerie, lors de la traversée du canal de
la Marne au Rhin. (Fonds J.Denny, 45J AD57)
Le bâtiment, avant la reconstruction, comprenait une cave à charbon, vins et légumes
(127m2), un café-épicerie-cuisine-chambre et étable (156m²), le logement du propriétaire et
les chambres meublées pour les pensionnaires (127m²), 4 chambres de domestiques et le
grenier (127m²), la grange, l’étable à vaches, génisses, l’écurie à chevaux et la porcherie
(332,50m²) et enfin, le grenier à foin (332,50m²).(fonds J.Denny)
L’écurie était en maçonnerie de briques de 0,25 d’épaisseur, la grange en bardage de
sapin. La charpente en sapin des Vosges.
Sa reconstruction, à partir de 1945, montre une adaptation de reconstruction à partir
des éléments existants. Alors que l’habitation est « réparée », les bâtiments d’exploitation sont
reconstruits en totalité. La pénurie de matériaux explique l’usage pour la charpente de sapins
non équarris et de poutres de chemin de fer pour le solivage (voir document p.15). Le
mélange de matériaux dans les maçonneries des étables, brique, parpaing d’agglo, moellon
calcaire montre là aussi une obligation de s’adapter au manque de matériaux et une
récupération de l’existant.
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Moussey, ferme de l’écluse n°9
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Moussey, ferme de l’écluse n°9
45J152©AD5
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45J296©AD57
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La ferme de Hellocourt 3
Hellocourt appelée à l’origine La Brocque est un ancien domaine rural, isolé,
appartenant au seigneur de Rixing. Au 12e siècle, l’abbaye de Haute-Seille y a droit de vaine
pâture. Le domaine devient fief de la châtellenie de Lagarde et est affermé à un certain Didier
Hellot qui donnera son nom actuel au domaine. Le domaine passe entre plusieurs mains, il
comprenait un moulin, trois étangs, une maison, une grange, des terres labourables, des prés
jardins, des chènevières, un bois et une marcairerie de 40 vaches. Il est agrandi par le général
Charles Dieudonné Louis, baron Grandjean, qui s’y fait construire une maison de maître
appelée « château ». Le domaine appartient aux territoires annexés en 1871, il est ainsi racheté
par un industriel allemand, Wilhem Lorentz. Il est alors en mauvais état et Lorentz y
entreprend des travaux importants et y construit une grande ferme modèle. Ecurie, étable à
« ovins », étable à « bovins », porcherie, les différents bâtiments s’organisent autour d’une
vaste cour comprenant aussi la maison du régisseur. Les bâtiments sont édifiés entre 1890 et
1894. L’écurie est le bâtiment exceptionnel : voûte en brique sur croisées d’ogives, piliers et
bouches d’aération en fonte. Outre l’utilisation de matériaux produits industriellement comme
la fonte, la brique, la mise en œuvre des matériaux, la fonctionnalité des bâtiments la
modernité dans ce domaine c’est aussi le mode d’alimentation des bovins par un wagonnet sur
rail évitant les lourdes manipulations du fourrage. Le domaine comprend, 40 personnes qui y
résident, 46 vaches et 2 taureaux, 48 chevaux, 200 porcs. L’activité la plus rémunératrice est
la pisciculture, tout le poisson était envoyé à Berlin. En témoignent les maisons de maîtres
construites pour les négociants allemands en commerce de poisson à Avricourt. En 1919, lors
du retour de l’Alsace-Lorraine à la France, Lorentz et son régisseur sont expulsés du
domaine.
L’industriel tchèque Thomas Bata cherche un site pour installer son usine de
chaussures en 1931. Le 23 octobre 1931, il achète le domaine d’Hellocourt, soit 143 ha de
bois, 284 de terre et 60 d’étangs. Hellocourt devient le siège social du site industriel avant le
transfert à l’usine et surtout le producteur des denrées agricoles nécessaires à l’alimentation
des ouvriers de l’usine et de la cité avec la création d’un service agricole. Le château est
détruit en 1993. La ferme est rachetée en 2003 par M. et Mme Jung les actuels propriétaires.
© AD54, H620 plan de La Brocque, 1705
L’étude de cette ferme a été réalisée par le Service Régional de l’Inventaire dans le cadre de l’inventaire topographique du canton de Vic-sur-Seille et publiée
dans : Le canton de Vic-sur-Seille / Inventaire général du patrimoine culturel, Région Lorraine, réd. Claire Decomps, Marie Gloc Paris : Somogy, 2011.
– Les textes sont tirés en partie de l’ouvrage de GATTI, Alain. Chausser ceux qui vont pieds nus, Bata-Hellocourt, 1931- Metz : Ed. Serpenoise, 2004.
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La maison du régisseur du domaine de Hellocourt
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La ferme de Hellocourt, l’étable
Intérieur de l’écurie
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La cité et l’église de Bataville
©l’Europe vue du ciel
La cité industrielle est édifiée à partir de 1932, elle doit être « une cité industrielle
idéale » à l’image de l’usine mère de Zlin (Tchéquie).
L’église4 s’insère dans l’ensemble industriel établi par l’industriel Bata comprenant :
l’usine de chaussures et la tannerie construites entre 1932 et 1937 par l’architecte
tchèque Frantisek Gahura (1896-1958) et la cité ouvrière construite de 1932 à 1935. En 1939,
les usines Bata de Moussey font appel à Joseph Denny5, il y réalise la cité-jardin de Moussey.
L’entreprise s’étant d’abord repliée dans l’Eure, il s’installe à Saint-Marcel, près de Vernon,
et y œuvre à la reconstruction des usines Steiner et pour les Manufactures de Saint-Marcel,
filiale de Bata (1940-1944), dressant le plan de la nouvelle cité et reconstruisant les ateliers de
fabrication de caoutchouc et bonneterie. Il y réalise notamment une salle des fêtes à décor
alsacien.
Le projet d’une église à Bataville et les motivations des dirigeants de l’entreprise
Avant la construction d’une église sur le site, les ouvriers de Bataville se rendaient à l’église
de Moussey, les dirigeants de l’entreprise réalisent rapidement la nécessité d’avoir une église
sur place, équipement indispensable à tout village et symbole par excellence de toute
communauté.
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5
Etude réalisée par Martine Tronquart chercheuse au SRI Lorraine, à l’occasion des journées du patrimoine de 2012.
Bibliographie de Joseph Denny réalisée par les AD 57
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La construction est reportée à quelques années car non prioritaire dans les projets
d’urbanisme contrairement à l’école, la piscine et l’agrandissement du bureau de poste.
Officiellement, Bata insiste sur l’importance de l’église comme lieu de structuration de la
communauté, qu’il sait attachée à ses croyances.
Une chapelle provisoire est installée en 1940, dans une baraque en bois (le père Demerlé
ayant obtenu de l’occupant allemand l’autorisation d’ouvrir un lieu de culte). Elle est agrandie
en 1946 par le service menuiserie de l’entreprise. Cette chapelle n’a pas de statut canonique et
est dépourvue de l’autorisation de l’évêché. Elle n’est consacrée qu’en août 1961 comme
chapelle de secours.
En décembre 1960 : l’entreprise Bata cède des terrains aux conseils de fabrique de Réchicourt
et de Moussey pour la construction d’une église.
©L’Europe vue du ciel
L’église est édifiée par l’architecte Vladimir Janyta (1909- ?), à partir de 1962. Elle est
consacrée le 19 mars 1966 et dédiée à Saint-Vincent-de-Paul.
C’est une église de « modèle de tente du désert » composée d’une nef de 28 m de long et 13
de large, pouvant accueillir 400 personnes. La hauteur maximum est de 16m « soit exactement
la hauteur de notre bâtiment de fabrication » ; ainsi le lieu de culte ne dépasse pas le temple
consacré à ce que Bata considère comme la seule religion, à savoir le travail. L’église adopte
la forme d’une tente, ce qui est un concept nouveau dans l’architecture religieuse et
correspond à une symbolique forte. L’image de la tente trouve sa réminiscence dans celle que
Moïse construisit, selon la Bible, durant l’exode des Hébreux. Un certain nombre d’édifices
en milieu rural ou urbain en Lorraine va ainsi adopter cette forme et rompre avec le
vocabulaire des toits à versants traditionnels.
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Exemples : Saint-Michel de Saint-Max (Tauvel, 1961), Marbache (Dominique Louis,
1955),Saint-Paul de Laxou (Mazerand, 1969), chapelle du couvent de la Sainte Alliance à
Nancy (JM Collin, 1992). Les matériaux et leur volume sont remarquables par leur simplicité
et leur harmonie : la pierre, le béton, les vitraux et la façade crépie et ajourée ; seules les
dépendances (sacristie, salle de réunion, salle de patronage) reçoivent un traitement en brique
rouge, rappel discret du matériau dominant de la cité. Il faut mentionner la place importante
de ces espaces, car l’église des années 60 n’est plus uniquement conçue comme un lieu de
prière, mais également comme un espace de rencontre et de vie. La même harmonie et la
même simplicité se retrouvent à l’intérieur avec un décor minimaliste dans une ambiance
chaleureuse par une utilisation importante du bois (celui du plafond scandé par des
arbalétriers en béton).
Le baptistère, dans l’église contemporaine, prend une nouvelle importance ; les fonts
baptismaux se trouvent au centre d’une véritable piscine comme à Saint-Michel de Saint-Max
ou à Saint-Paul d’Epinal, par exemple.
De façon globale, Il y a une volonté évidente de dépouillement, ce qui met en valeur
l’architecture et la lumière.
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La cité ferroviaire de Nouvel-Avricourt 6
©L’Europe vue du ciel
Depuis 1852, Igney et Avricourt possèdent une gare commune sur la ligne ParisStrasbourg. Avricourt est aussi, depuis 1864, une gare d’embranchement avec la ligne
rejoignant Dieuze pour l’exploitation des salines. En 1870, la ligne privée d’AvricourtBlâmont-Cirey-sur-Vezouze, est mise en service (ligne ABC). Après l’Annexion, le tracé de la
nouvelle frontière coupe par deux fois les lignes, handicap certain pour le trafic commercial
(bois, céréales et manufacture des glaces de Cirey) et les voyageurs qui perdent beaucoup de
temps. Par une convention signée le 12 octobre 1871 à Berlin, l’Allemagne rend la commune
d’Igney et une partie de celle d’Avricourt (aujourd’hui en Meurthe-et-Moselle) avec la gare à
la France. En contrepartie, la France s’engage à financer la construction d’une nouvelle gare
frontière dans la partie allemande, c’est la naissance de Deutsch-Avricourt.
La construction de la gare débute assez vite, elle est terminée en 1875. C’est un
bâtiment imposant, véritable manifeste politique, face à la petite gare française d’IgneyAvricourt située à 300m. Le bâtiment, aujourd'hui amputé d’une partie suite au 1er conflit
mondial mesurait 100m de long sur 18 de large. De style néo-roman, construit en pierre de
taille, il est doté de quatre tours d’angle, de cinquante-sept fenêtres et dix portes dont une
centrale dotée d’un escalier monumental. Les trains français circulaient à gauche, ils avaient
pour terminus la gare de Deutsch-Avricourt. Les passagers étaient débarqués et aussitôt le
train repartait à vide stationner en gare d'Igney-Avricourt. Les voyageurs disposaient de trois
salles d’attente et de deux buffets pour patienter entre les contrôles policiers, douaniers et le
changement de locomotive.
Une poste est construite à côté de la gare, une grande halle aux marchandises et une
rotonde de dépôt. En 1914, 26 trains de voyageurs desservent la gare de Deutsch-Avricourt,
soit 40% du trafic entre la France et l’Allemagne. En 1940, de nombreux trains de déportés
passent par DA, un réseau clandestin qui permet à 2500 prisonniers de s’évader d’Allemagne.
La gare est aussi desservie par la ligne locale Avricourt Dieuze qui, depuis 1931, desservait
la cité industrielle de Bataville.
Les textes sont tirés de l’exposition montée à l’occasion des journées du patrimoine de septembre 2013 par Catherine Zeller-Belville,
chercheuse au SRI de Lorraine. Les panneaux sont actuellement visibles au temple de Nouvel-Avricourt.
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En 1969, la gare est définitivement fermée à tout trafic. En 1983, la poste est détruite. La gare
est rachetée par une association en 1985. L’électrification des lignes, après la guerre, entraîne
la disparition du dépôt.
©L’Europe vue du ciel
Une colonie d’employés allemands
L’aménagement de la cité pour loger les employés nécessaires au
fonctionnement de la station est organisé suivant une stricte hiérarchie sociale, en
distinguant des quartiers spécifiques aux différentes fonctions, douane, poste ou
chemin de fer. Les structures et les matériaux de construction sont très proches d’un
pavillon à l’autre, cependant, le traitement architectural et les volumes témoignent
d’une hiérarchie. Les deux pavillons destinés aux cadres, face à la gare, ont une façade
antérieure agrémentée de décors de style néo-classique absents dans les autres
pavillons. Pour les classes les moins aisées, les pavillons divisés en 4 appartements
n’ont pas d’éléments de décor. Ils sont divisés en travées parallèles avec une entrée
séparée. Chaque bâtiment dispose d’un grand jardin potager et fruitier et d’une
annexe. Ces dernières sont en pan de bois avec hourdis de brique rouge.
Plan de la colonie, 1874 © AD57 AD57 9AL50
24
Les employés allemands venus peupler la colonie proviennent en majorité de
Prusse et d’Allemagne du nord et sont de confession luthérienne. En 1884, Deutsch
Avricourt abritait une communauté de 300 protestants. Pour ses membres, après
plusieurs avant-projets, décision est prise de construire une école. Le plan est dressé
par l’architecte communal Leidig. Elle est édifiée sur des terrains cédés par la
direction impériale des chemins de fer, elle doit accueillir des salles de classes, des
locaux affectés à la mairie, au culte protestant et au logement de l’instituteur.
En 1894, un poste de pasteur auxiliaire est créé pour faire face à une demande
croissante de la part des fidèles. Un premier projet est dressé en 1885 par l’architecte
communal Leidig, puis modifié par Joseph Ernst (architecte d'arrondissement de
Sarrebourg, où il est actif de 1887 à 1918). Il a également réalisé les plans des temples
de Sarrebourg (1899), d'Abreschviller (1901) et de Dieuze (1903-1904). Le temple de
Nouvel-Avricourt est achevé en 1897 et inauguré en 1898.
L’
L’école et le temple de Nouvel-Avricourt
Un presbytère est construit entre 1904 et 1906, après l’érection de la
communauté en paroisse indépendante, en 1900.
De style néo-gothique, c’est le dernier bâtiment construit après l’école et le
temple. Edifié en pierre de taille, sur deux niveaux d’habitation avec un garde-corps
orné de quadrilobes ajourés taillés dans le grès et protégé à l’origine par une véranda.
Le pasteur jouissait de deux étages d’habitation pour lui et sa famille, d’un grand
jardin potager et d’un petit bâtiment annexe dans ce même jardin. L’architecture du
bâtiment est particulièrement soignée ainsi que les deux portails d’entrée et la grille en
fonte de fer entourant la propriété.
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L’écluse de Grande chute de Réchicourt-le-Château
L'écluse de grande chute de Réchicourt-le-Château a été construite pour remplacer les
six écluses manuelles qui contournaient l'étang de Réchicourt. Elle est mise en service le 15
juillet 1964. Sa construction a nécessité des aménagements sur l'étang de Réchicourt dont une
digue traversant le plan d'eau. La construction a été supervisée par les ingénieurs des Ponts et
Chaussées du 2e arrondissement du service de navigation de Nancy, M Crouslé, Ingénieur
d'arrondissement et M. Vaudot, Ingénieur en chef.
L'écluse possède une chute d'eau comprise entre 16,10 m et 15,45 m suivant la cote
des biefs amont et aval, c'est la plus haute de gabarit Freycinet en France et une des plus
hautes tous gabarits confondus. Le temps de passage est le même que pour une écluse
normale grâce au dispositif de remplissage et de vidange spécialement conçu, c'est-à-dire
30mn. On gagne 2h par rapport à l'ancien tracé passant par une échelle de 6 écluses. Des
bollards flottants installés dans les bajoyers de l'écluse facilitent le passage. L'écluse est
construite en béton massif. La porte amont est une porte busquée, celle aval est une porte
levante manœuvrée par un vérin hydraulique de 7 mètres. Les éléments de manœuvre de la
porte aval ont été fabriqués dans les ateliers et chantiers de constructions techniques
hydrauliques Bendel, situés à Sarralbe. Les portes, les vannes, l'éclairage et l'appareillage ont
été fabriqués par la S.A Mineur-Bécourt de Valenciennes, lauréate du concours lancé pour la
construction de l’écluse. Le sas contient 3768m3 d'eau, afin de ne pas gaspiller les réserves
d’eau, une station de pompage permet de récupérer l’eau. Les vérins hydrauliques sont
actionnés depuis une cabine de manœuvre. En cas de sécheresse, la section à l’aval de la
Grande Écluse (écluses 7 à 22) est alimentée par une chaîne de pompage prélevant l’eau dans
la Meurthe. Une petite réserve est parfois constituée par l’étang du Parroy, mais de manière
occasionnelle.
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Gondrexange, un village de la Seconde Reconstruction
Lorsque les destructions sont trop importantes, un programme d’aménagement et de
reconstruction est mis en place pour le village ou une zone déterminée. Il est placé sous la
responsabilité du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme. Les lois Cornudet de 1919
et 1924 contraignent à l’établissement d’un plan d’aménagement.
Le village a été bombardé en 1944 par l’aviation américaine, sur 202 maisons, 107
sont détruites, les 89 autres sont partiellement sinistrées. Le plan d’aménagement et de
reconstruction a été établi par M. Albert Michaut architecte urbaniste. Dans son rapport, il
note que ce village étant essentiellement agricole, « le plus urgent est la reconstruction des
fermes et d’aménager la voirie… » le plan de M. Michaut a reçu l’accord du conseil
municipal le 17 octobre 1945.7
35P©AD57
Le cadastre de 1814 nous permet de comprendre les principales modifications dans la
structure du village. Avant 1949 (date du plan de reconstruction), l’habitat est mitoyen avec
des fermes en profondeur, des usoirs utilisés pour le fumier et des petites ruelles de service.
Une partie des fermes des 18e et 19e siècles n’ont pas été détruites, nous pouvons ainsi
observer dans les rues de Grondrexange, face à face (rue de Herga), l’habitat ancien et
l’habitat de la seconde reconstruction.
7
Archives Nationales 19770695/21 ; 19810181/29
27
Photographie de Gondrexange,, prise avant 1944, on peut y voir encore les usoirs, les tuiles
creuses sur les toits ou les fermes non alignées à la voieries autant d’éléments qui
disparaissent avec le plan d’aménagement.
©AD57 45J93
28
Les plans d’aménagement et de reconstruction :
Un premier plan délimite la zone à reconstruire avec un emplacement spécifique pour
les bâtiments publics et le terrain de sport. Une zone de compensation est définie en 1952.
Certaines rues sont élargies alors qu’une ruelle disparaît, les angles des rues sont arrondis. La
zone reconstruite est facilement identifiable même si les bâtiments reconstruits ne sont pas
révolutionnaires. Sur le plan d’aménagement et de reconstruction, la zone en bleu détermine
le périmètre de reconstruction, la zone en pointillé la zone de compensation, les bâtiments en
rouge sont ceux totalement détruits.
La profondeur des bâtiments et la nette séparation entre le logis et les bâtiments
d’exploitation sont les principaux changements dans la structure des fermes. Une circulation
plus fluide, un alignement des rues et les adductions d’eau sont des éléments marquants de ces
villages de la seconde reconstruction. Pour les fermes de Gondrexange, deux architectes
travaillent, Schott domicilié à Sarrebourg et Joseph Denny. L’emploi systématique du
soubassement en béton strié, des appuis de fenêtre moulés et des corniches de même type
montre l’utilisation de modèles produits en série et repris par les deux architectes.
©AN19810182/29
Plan de reconstruction de Gondrexange, 1946
29
Un plan d’aménagement et de reconstruction est conservé aux AM de Sarrebourg8, il
comprend les bâtiments existants en bleu et les différents programmes de reconstruction par
date (1951 en rouge, 1952 en vert, transparent à venir), l’emplacement des baraquements
provisoires en jaune et le nom des propriétaires.
©AMSarrebourg, 21W231
8
AM Sarrebourg, 21W213
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Ferme reconstruite par Schott, même disposition que celle de M Gangloff en face,
Il ne reste que quelques rares témoins des nombreux baraquements provisoires.
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Plan du projet de reconstruction de la propriété de M Hyppolyte Gangloff, par
l’architecte P. Schott
©AMSarrebourg
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Ferme de Joseph Masson édifiée par l’architecte Schott
33
©AM Sarrebourg
Reconstruction par Joseph Denny de deux maisons et dépendances.
Construction d’une maison à deux logements, 1948-1962. 9
« Détails de quelques travaux : habitation : maçonnerie en brique ordinaire de 0,25m
d’épaisseur, appuis de fenêtre et encadrement de porte en pierre factice. Dépendance : rigole
en terre de toute nature pour fondation remplissage des fondations en béton de gravier.
Isolation des fondations en feutre asphalté. Maçonnerie en agglomérés de 20/20/40cm
hourdée au mortier de ciment et toutes sujétions. Cloison de séparation en dalle de scories de
0,08m. Linteaux en B.A. dans maçonnerie d’agglos.
Appuis de fenêtre en béton mouluré compris coffrage chape ciment lisse à la truelle. Enduit à
la chaux, 2 couches, la dernière couche lissée à la taloche sur maçonnerie brique et agglos.
Auges en grès vernissé pour porcherie en fourniture et pose. Fourniture et pose de barres en
fer rond scellées dans la maçonnerie de brique, dalle en béton armé de 0,20 d’épaisseur en
dosage de 350kg/m3 pour fumoir, y compris coffrage et toutes sujétions.
Charpente, fourniture et pose charpente équarri en sapin des Vosges compris assemblage,
ancrages et boulons. Fourniture et pose de plancher de grenier en sapin de 2cm rainé
raboté »
Plan du bâtiment annexe à l’arrière.
©AD57
©AD57
9
Description des travaux, fonds Denny, 45J 93
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Habitation et dépendance de M. Lucien Rizy architecte J.Denny.
©AD57 45J289
©AD57 45J289
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