PARCOURS D'EXIL MARSEILLE 2013 1 WWW.EXILPLAN.COM 2 3 5 10 4 9 7 8 6 © Passage & Co., 2013 PLAN D'EXIL Un projet artistique de Passage & Co., Marseille/Berlin Notre association Passage & Co. – Echanges culturels franco-allemands en Europe organise, depuis 2007, l'atelier multimédia PLAN D'EXIL. Dans cet atelier, il s'agit, d'une part, de mettre en valeur, par la voie artistique, l'expérience de l'exil que vécurent les intellectuels, écrivains et artistes allemands en France dans les années 1930 – 1940 et, d'autre part, de rendre visible l'actualité de l'exil et des processus de migration. Après des années de recherche et de nombreuses expériences nourries d'approches artistiques sur le thème de l'exil, un parcours d'exil en 10 étapes a vu le jour à Marseille, parcours que nous vous proposons ici sous la forme d'un eBook. Un projet de Passage & Co., 2013. Avec le généreux soutien de l'OFAJ, dans le cadre de son programme « 50 ans – 50 projets », et en partenariat avec Marseille-Provence 2013. Direction de projet et conception de l'eBook: Sabine Günther 4 Développement de projet et traduction: Sarah Raquillet 4 Conception graphique: Oliver Schmoi 4 EXIL PLAN Marseille, capitale européenne de la culture 2013, fut, entre 1940 et 1944, tout autant un haut lieu de résistance antifasciste que le théâtre de la persécution et de la destruction. Ulrich Fuchs, sous-directeur de MP2013 et ancien directeur de la capitale culturelle « Linz09 », suggéra d'utiliser la résonnance de la capitale culturelle pour se souvenir de l'Histoire de la ville pendant la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, dans le cadre du projet ICIMÊME, des marquages furent peints sur le sol de 51 lieux de mémoire dans 22 la ville. TABLE DES MATIÈRES T TITRE PLAN D'EXIL – UN PROJET DE MÉMOIRE FRANCO-ALLEMAND, MARSEILLE - BERLIN INTRODUCTION E 1 LES ESCALIERS DE LA GARE SAINT-CHARLES I EXCURSION I – VILLA AIR-BEL 2 BOULEVARD D'ATHÈNES – HÔTEL SPLENDIDE II EXCURSION II – SANARY-SUR-MER 3 BOULEVARD D'ATHÈNES – HÔTEL NORMANDIE III EXCURSION III – LES MILLES 4 RUE THUBANEAU – LA RUE DES FAUSSAIRES 5 RUE DU RELAIS – HÔTEL AUMAGE M 6 LA CANEBIÈRE DOCUMENTS – PASSEPORTS, VISA, SAUF-CONDUITS, AFFIDAVITS 7 RUE BEAUVAU – HÔTEL CONTINENTAL L BIBLIOGRAPHIE, BIOGRAPHIES 8 10, COURS JEAN BALLARD – LES CAHIERS DU SUD C CHRONOLOGIE DU PROJET PLAN D'EXIL (2007 – 2013) 9 LES CAFÉS DU VIEUX PORT 10 LA DESTRUCTION DU PANIER MENTIONS LÉGALES / REMERCIEMENTS EXIL L' REND SEUL ET TUE. INTRODUCTION Immédiatement après l'accession d'Hitler au poste de chancelier du Reich allemand en 1933 fut instaurée la répression des intellectuels, artistes et écrivains juifs, antifascistes et communistes en Allemagne. La plupart d'entre eux abandonnèrent leur patrie et s'installèrent en France. Non seulement Paris devint un important épicentre culturel de l'exil germanophone, mais aussi Sanary-sur-Mer Æ III , située sur la côte méditerranéenne française. Lorsqu'en septembre 1939 la France déclara la guerre à l'Allemagne, les exilés allemands furent internés en tant qu'« étrangers indésirables ». L'un des camps d'internement sommaires pour l'hébergement contrôlé de milliers d'allemands et d'autrichiens vivants dans le Midi à ce moment là, fut l'ancienne briqueterie Les Milles Æ IV , à Aixen-Provence. Le pressentiment des émigrants, d'être désormais pris au piège en France, auquel il n'y aurait peut-être aucune échappatoire, devint en 1940 une certitude. L'accord d'armistice franco-allemand Æ M , duquel faisait partie la liste des fugitifs à livrer aux nazis, conduisit à la fuite massive du Nord occupé vers la « zone libre » au Sud. A partir de juin 1940 Marseille fut le seul port français duquel pouvaient appareiller des paquebots remplis de fugitifs. Qui avait réussi à arriver à Marseille n'était pourtant en aucune façon sûr de pouvoir fuir les troupes offensives allemandes, ni de quitter la France à temps – de quelque manière que ce soit. August Sander, portrait du peintre Anton Räderscheidt (1927). Anton Räderscheidt vécut à Sanary-sur-Mer dans les années 1930. Après son internement au camp des Milles, il réussit à s'exiler en 1942 en Suisse. Le destin de dix milliers d'émigrants était entre les mains du gouvernement de Vichy qui désormais collaborait ouvertement avec les nazis et qui, en raison de ses engagements dans l'accord d'armistice, non seulement laissa la Gestapo passer au peigne fin les camps d'internement, mais rendit également le port de Marseille infranchissable pour empêcher les départs transatlantiques. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 31 notes biographiques Lion Feuchtwanger | Varian Fry | Hans Natonek | Ernst Weiß | Walter Mehring | Hertha Pauli | Hans Sahl | Lisa et Hans Fittko | Daniel Bénédite | Mary Jayne Gold | Heinrich Mann | Golo Mann | Rudolf Breitscheid | Rudolf Hilferding | Carbone et Spirito | Anna Seghers | Alfred Kantorowicz | Franz et Alma Mahler Werfel | Alfred Döblin | Walter Benjamin | Hannah Arendt | Soma Morgenstern | Siegfried Krakauer | Jean Ballard | Ludwig Marcuse | Simone Weil | André Breton Cette photo montre Lion Feuchtwanger 4 derrière les barbelés du camp d'internement des Milles. Lorsqu'elle parut dans la presse américaine en 1940, elle choqua tellement le public que l'American Rescue Committee fut créé, de l'argent fut collecté et Varian Fry envoyé à Marseille. Sans autorisation de sortie du territoire français Æ M la seule solution possible pour s'enfuir était, jusqu'à la fin 1940, d'emprunter le chemin illégal menant à la frontière franco-espagnole par les Pyrénées, puis, de là, de continuer jusqu'à Lisbonne. Un réseau d'aide aux fugitifs fut monté avec le concours d'étrangers pour sauver les innombrables émigrants échoués à Marseille ou enfermés en camps d'internement, parmi lesquels de célèbres artistes, intellectuels, politiciens et syndicalistes tels que Lion Feuchtwanger, Heinrich Mann, Franz Werfel, Max Ernst, André Breton, Anna Seghers, Alfred Döblin, Hans Sahl, Hannah Arendt, Walter Benjamin, Siegfried Krakauer, Walther Mehring, Rudolf Breitscheid, Rudolf Hilferding – pour ne nommer qu'eux. Lorsque le journaliste américain Varian Fry Æ 1 arriva à Marseille en août 1940 sous l'ordre de l'American Rescue Committee pour sa mission de secours aux fugitifs, il put compter sur Frank Bohn et Fritz Heine, sur le soutien du vice-consul américain Hiram Bingham Æ 6 , et surtout sur celui du consul mexicain Gilberto Bosques Æ 6 , ainsi que sur les consulats tchèque et chinois. Pour toutes les organisations et personnes engagées dans l'aide aux fugitifs il s'agissait d'amener le plus d'émigrants possible parmi les cent mille bloqués en France, du moins les plus démunis, à sortir du pays au plus vite. Les exilés germanophones fréquentaient les mêmes cafés, habitaient en partie aux mêmes endroit que le cercle d'amis surréalistes autour d'André Breton et instaurèrent des collectifs de travail, comme la coopérative Croque-Fruits. Anna Seghers Æ 5 commença à travailler à son roman Transit, qui devait raconter le désespoir des sans-papiers de cette époque. D'autres au contraire, comme Hertha Pauli Æ 2 , essayèrent de sortir de leur propre chef de la souricière dans laquelle ils étaient pris. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C LES ESCALIERS DE LA GARE SAINT-CHARLES Marseille, pendant la Seconde Guerre mondiale, fut un lieu d'accueil pour de nombreux réfugiés qui fuyaient les Nazis. Beaucoup, le plus souvent arrivés en train, essayèrent de quitter la France par la voie maritime. 22 1 ÉTAPE ÈRE QUI EST CET AMÉRICAIN EN COSTUME CHIC qui, par un matin brûlant du mois d'août 1940, descend le grand escalier de la gare Saint-Charles vers le boulevard d'Athènes ? I l se nomme Varian Fry, est âgé de 33 ans, et vient d'être envoyé dans la ville portuaire du Sud de la France par l'Emergency Rescue Committee (ERC) récemment fondé à New-York. Sa valise contient une liste de 40 noms d'émigrants notoires et quelques billets de dollars. Sa mission, gardée impérativement secrète, consiste à sauver le plus grand nombre possible d'artistes et de personnalités célèbres des mains des nazis. Varian Fry, qui n'avait encore jamais séjourné à Marseille, arrive par l'entremise de son collègue Frank Bohn à l'Hôtel Splendide sur le boulevard d'Athènes. Là, il installe son bureau au quatrième étage et se met au travail, car il ne dispose que de six mois pour accomplir sa mission de secours. Toute la journée, des flots de soldats et de réfugiés entrent ou sortent de la gare SaintCharles, montent ou descendent le boulevard Dugommier et la Canebière, entrent et sortent des cafés et des restaurants de la Canebière et du Vieux Port, se ruant dans les rues comme la foule après un match de football, qui envahit les plates-formes avant et arrière des trams, pousse, bouscule, joue des coudes. Mais tout cela sans bruit, épave vivante déposée sur la grève par un terrible désastre.. 4 Varian Fry Livrer sur demande T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C MÉDIAS GARE SAINT-CHARLES Æ Action des pochoirs Galerie de photographies Juillet 2009 Æ E – Notre atelier PLAN D'EXIL se termine par un happening sur les marches du grand escalier de la gare SaintCharles. Sur une bande de papier d'une longueur d'environ 10 mètres sont appliqués des pochoirs représentant des portraits de réfugiés. Ensuite, nous marchons de la gare jusqu'au Vieux Port, habillés de pancartes exposant des collages et dessins de Marseille, ville des exilés. Æ Julien Blaine « Chute-Chut! » Vidéo Dans le cadre de l'atelier PLAN D'EXIL et en préparation d'une action de rue sur les marches de la gare Saint-Charles, nous rencontrons le poète-performeur Julien Blaine au MAC. Il nous montre et explique son travail artistique à travers la grande rétrospective qui lui est consacrée. Dans le cadre de cette Æ exposition, nous visionnons le film « Chute-Chut », 1962-1982. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 2. ETAPPE BOULEVARD D'ATHÈNES HÔTEL SPLENDIDE L'ancien luxueux Hôtel Splendide (aujourd'hui Centre Régional de Documentation Pédagogique, CRDP ) fut la première adresse de Varian Fry lors de son arrivée à Marseille en 1940. Il y installa son bureau et y organisa un groupe de travail qui l'aida pour les missions d'aide légales et illégales du Centre Américain de Secours (CAS). 2 ÈME ÉTAPE DANS LES JOURS QUI SUIVENT L'OUVERTURE du Centre, nous tenons nos conférences dans ma chambre du Splendide. Ceux d'entre nous qui n'ont pas de chaise s'assoient sur le lit ou par terre, tandis que nous passons en revue les cas du jour et décidons de ce que nous pouvons faire pour chaque candidat. Varian Fry L'Hôtel Splendide se trouvait au croisement « Miss Pauli », dit-il d'un ton sec, « well – vous de la Canebière et du boulevard d'Athènes. A êtes bien sur ma liste ». […] mon grand étonnement je trouvai le hall vide, Mon nom se trouvait tout en haut, entre « Hans seulement deux flics guettaient les coins gauche Natonek 4, un humoriste tchèque » et « Ernst et droit. Je me risquai devant eux en direction Weiß 4, un nouvelliste tchèque ». J'ai déjà du portier. Il me vint trop tard à l'esprit que je ne trouvé Natonek, m'expliqua Fry. connaissais pas le nom de l'américain. Confuse, « Qu'en est-il de Ernst Weiß ? » voulut-il savoir. Je je balbutiai quelque chose qui, en fait, suffit. Traversant un sombre couloir je me dirigeai lui expliquai. Fry attrapa un crayon de papier Le portier fit un signe de la tête. « Admission vers un point éclairé et, lorsque je passai une et le raya de la liste. […] Juste sous ce trait seulement sur inscription ». Apeurée, je lui porte ouverte, une brise fraîche provenant de la se trouvait alors « Walter Mehring 4, un poète chuchotai mon nom, qu'il cria tout de suite dans fenêtre vint à ma rencontre. Dans le cadre de allemand ». le téléphone. Je vis les yeux des flics braqués la fenêtre, flottait, comme un tableau flou, la « Bar Mistral », nota Fry dans la marge. Ensuite son sur moi et me figeai comme sous le regard d'un silhouette de Notre-Dame de la Garde. visage à la Buster Keaton se tourna vers moi con- serpent. Le portier posa le combiné et dit tout Les murs étaient froids; un jeune homme en cluant : « Amenez Mehring demain. Au revoir. » naturellement : « quatrième étage, gauche, s'il manches de chemise, assis à une table vide, vous plaît ». étudiait la feuille de papier qu'il tenait dans Le hall avec les flics disparut devant moi la main au lieu de me considérer. J'attendis pendant que je montai par l'ascenseur. Dans la confuse et me demandai si j'étais bien au bon cabine étroite, je sentis le souffle me manquer. endroit. Là, le jeune homme leva distraitement Nous allons rester coincer, pensai-je. La porte la tête et me jeta un coup d'œil fugace à travers s'ouvrit – quatrième étage, gauche. ses lunettes. T E 1 2 4 Hertha Pauli Der Riss der Zeit geht durch mein Herz 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C W alter Mehring se cacha plusieurs semaines dans la chambre de Fry au Splendide. A la fin de l'année 1940 il y écrivit cinq des douze livres pour Hertha Pauli « Briefe aus der Mitternacht », dans lesquels il commémore ses amis et collègues disparus en exil: Erich Mühsam, Carl von Ossietzky, Kurt Tucholsky, Ernst Toller, Joseph Roth, Ernst Weiss, Theodor Lessing, Carl Einstein, Hans Olden et enfin Walter Hasenclever qui se suicida six mois auparavant à 20 km de distance du camp d'internement des Milles Æ IV avec une dose létale de Véronal. Avant la fin de ma première semaine à Marseille, la nouvelle s'est répandue partout, en zone non-occupée : un Américain est arrivé de New York, tel un ange tombé du ciel, les poches bourrées de billets et de passeports, et en contact direct avec le département d'Etat, de sorte qu'il peut obtenir n'importe quel visa en un clin d'œil. J'apprends même qu'à Toulouse un type entreprenant vend aux réfugiés mon nom et mon adresse pour 50 francs. Varian Fry Livrer sur demande Photo: Annette Riley-Fry A ma chambre, où je me fane, Le nouvel an frappe douze coups, Enonce d'une voix cave: ce fut … ce fut … Accroche sa couronne à la charpente, Flétri – asphyxié par l'atmosphère mensongère – Terrassé – accablé par la misère – Le meilleur millésime de la vigne teutonne Avant la récolte sa vie ainsi abandonne Portrait de l'écrivain Walter Mehring, George Grosz (1925) Walter Mehring Briefe aus der Mitternacht (Extrait) T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C Tâchez de vous imaginer : les frontières étaient bloquées, on était pris au piège. A chaque instant, on pouvait être emprisonné, la vie touchait à sa fin – et voilà que soudain se tient devant jeune toi un américain en Nous sommes les derniers. Questionnez-nous. manches de chemise, bourre ton sac de billets, t'entoure de son bras et profère avec une mine conspiratrice mal jouée : « Oh, il y a des chemins pour vous sortir de Nous sommes là pour ça. Nous colportons la boîte Contenant les fiches signalétiques de nos amis Comme un éventaire. Hans Sahl là », pendant que les larmes te coulent le long des joues, oui, d'horribles vraies grosses larmes, et que le type, le salaud, un ancien étudiant de Harvard d'ailleurs, prend son mouchoir de soie de sa veste posée sur la chaise et dit : « Tenez, prenez ça. Ce n'est pas tout à fait propre. Vous devez m'excuser ». Hans Sahl 4 Das Exil im Exil T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C Collaborateurs / trices du Centre américain de Secours (CAS) de gauche à droite : Lisa et Hans Fittko 4, Daniel Bénédite 4, Mary Jayne Gold 4 Fin mai [1941], quand nous faisons le bilan de notre action, nous constatons qu'en moins de huit mois plus de 15 0 00 personnes sont venues nous voir ou nous on écrit. Nous avons dû passer en revue chaque cas et prendre une décision pour chacun. Nous avons considéré que 1 8 00 relevaient de notre compétence. En d'autres termes, il s'agissait bien de réfugiés politiques ou d'intellectuels qui avaient toutes leurs chances d'émigrer bientôt. Sur ces 1 8 00 cas, représentant en tout environ 4 0 00 personnes, nous avons versé par semaine des allocations à 560 et en avons fait évader un millier. Pour le reste, nous faisons ce qui est en notre pouvoir, ce qui veut dire, selon les cas, les faire libérer des camps d'internement ou leur trouver un dentiste. Varian Fry V arian Fry remonte les escaliers de la gare Saint-Charles le 29 août 1941 conduit par des gendarmes français. Renvoyé de France, oublié plus tard aux Etats-Unis par ceuxlà mêmes qui lui devaient la vie, Varian Fry mourut le 13 septembre 1967 d'un « cœur brisé ». Le CAS à Marseille continua son activité sous la direction de Daniel Bénédite jusqu'à sa fermeture ordonnée par la police en juin 1942 et permit encore l'évasion de 300 exilés. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C MÉDIAS HÔTEL FREI Æ Action – Hôtel Frei Vidéo Avril 2007 – Journée d'action au Centre Régional de Documentation Pédagogique (l'ancien Hôtel Splendide) « Conférence de presse » du CAS, jouée par les élèves du Waldörfergymnasium de Hambourg, des stagiaires et des artistes. Une rencontre au CAS. De gauche à droite : André Breton, Jacqueline Lamba, Varian Fry et Max Ernst (derrière V. Fry) Les trois « clients » de Fry étaient, durant l'hiver 1940 – 41, ses hôtes dans la Villa Air-Bel. Æ I T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 3. ETAPPE BOULEVARD D'ATHÈNES HÔTEL NORMANDIE L'Hôtel Normandie, aujourd'hui Hôtel Balladins, se trouvait exactement en face de l'Hôtel Splendide sur le boulevard d'Athènes. En 1940 -1941 y séjournèrent Heinrich Mann, sa femme Nelly et son neuveu Golo, ainsi que les deux politiciens de la République de Weimar activement recherchés par la Gestapo Rudolf Breitscheid et Rudolf Hilferding. 3 ÉTAPE ÈME MANN EST ARRIVÉ QUELQUES JOURS PLUS TÔT à Marseille avec sa femme et ils sont descendus au Normandie, où logent également Breitscheid et Hilferding. Quand je leur parle de mon projet, ils sautent immédiatement sur l'occasion. Varian Fry P eu après son arrivée à Marseille, Varian Fry décida d'accompagner lui même Heinrich 4 , Nelly et Golo Mann 4 , ainsi que le couple Franz Werfel et Alma MahlerWerfel Æ 6 qui logeait sur la Canebière dans le luxueux Hôtel du Louvre et de la Paix, de Perpignan jusqu'à la frontière francoespagnole à Port-Bou en passant par les Pyrénées. Pour Heinrich Mann agé de presque 70 ans, le chemin par les Pyrénées représentait un effort extraordinaire. Je n'avais pas escaladé de montagne aussi importante depuis des décennies, j'étais à présent vieux et pataud: je tombais très souvent dans les épines. Elles s'enfonçaient dans mes pieds et je n'avais plus qu'à les arracher à la main. Mon neveu me soutint plusieurs fois, puis il se mit à disposition de ma femme, qui l'aurait bien voulu pour elle toute-seule. Heinrich Mann Ein Zeitalter wird besichtigt Æ 6 T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C L orsqu'ils furent arrêtés et livrés à la Gestapo en février 1941, Rudolf Hilferding 4 et Rudolf Breitscheid 4 avaient déjà leurs billets pour embarquer sur le Wyoming. Hilferding mourut « d'une façon non élucidée » le 12 février à la prison de La Santé à Paris et Breitscheid fut déporté et mourut le 28 aout 1944 dans le camp de concentration de Buchenwald. Quelques jours plus tard Rudolf Breitscheid était assis dans un café bondé de la Canebière. Breitscheid, un homme remarquable et beau garçon, grand et mince, m'adressa la parole à haute voix en allemand : « Je n'ai pas l'intention de partir. Je réclame mon droit d'asile, qu'on m'a prolongé en tant que réfugié politique. » « Pas si fort, dis-je, on nous comprend à la table d'à côté, nous devons être plus prudents. » « Je n'ai pas l'intention d'être prudent », dit Breitscheid. « Je ne souhaite pas participer Baby [Walter Mehring] part enfin. Il a tous à votre hystérie collective. M. Fry m'a déjà ses papiers et visas pour passer par la proposé différents passeports. Un tchèque, Martinique et le bateau part demain matin un danois, que sais-je encore… Naturelle- (mardi) à 10 heures. Il lui fallait 9 0 00 francs : ment, j'ai décliné sa proposition, et là, il a 4 0 00 pour le voyage, 5 0 00 comme garantie voulu me louer un bateau entier – n'importe (pour autoriser son départ, les autorités quoi. J'ai adressé une requête à Laval et je lui Françaises et la compagnie Transat lui ai expliqué qu'en tant que réfugié politique demandaient de fournir une somme de je voudrais quitter la France légalement… » 5 0 00 francs comme garantie qu'il ne serait « Avec votre foi en la légalité, vous avez déjà à la charge d'aucun budget pendant son perdu la république, dis-je, maintenant vous séjour à la Martinique en attendant l'autre allez également perdre votre vie ». départ pour New York). J'ai cru devoir lui consentir cette somme comme loan. Qu'il parte vaut bien cela ! Ne pensez-vous pas ? Hans Sahl Daniel Bénédite Note interne de Daniel Bénédite, un jour avant le départ de Walter Mehring. En fin de compte, c'est Walter Mehring qui reçut le billet pour le bateau Wyoming. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C MÉDIAS HÔTEL NORMANDIE Æ Atelier sténopé Photos Juin 2011 Æ E – Atelier à Marseille avec un sténopé (camera obscura). La photographe et cinéaste Pilar Arcilar avait apporté un sténopé fait de ses propres mains et expliqua aux participants venant de Hambourg et Marseille comment les photos sont réalisées et quelles conditions doivent être respectées dans ce processus. Les photos ont été prises pendant la visite de la ville animée par Sabine Günther sur les traces des exilés. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 4. ETAPPE RUE THUBANEAU LA RUE DES FAUSSAIRES 4 ÉTAPE ÈME DANS LA CLANDESTINITÉ MARSEILLAISE les faussaires ne manquaient pas de travail. Ils fournissaient des papiers à tous les prix. On pouvait obtenir un billet validant la sortie d'un camp d'internement pour 1 000 à 1 500 Francs. Une Carte d'Identité ou un Certificat d'Identité qui n'arrivèrent jamais et jamais ne partirent, et de Voyage pour les refugiés provenant les commissions allemandes de contrôle, d'Allemagne coûtait, en fonction de sa finition, qui devaient empêcher le départ ou la fuite entre 5 000 et 20 000 Francs – les prix fluctuaient des hommes mobilisables et de ceux qui Æ M , mais la tendance était plutôt à la hausse. étaient sur les listes de gens à livrer, la Si les comités d'aide se procuraient eux-mêmes gendarmerie les cartes d'identité particulièrement risquées, étrangers indésirables et qui envoyait ses je n'en sais rien. Mais qu'ils considéraient proies soit dans l'une des prisons françaises, impératif de changer d'identité lors du passage soit dans un camp, ou, le cas échéant, livrait de la frontière espagnole est un sujet de les vainqueurs – bref : de faux papiers qui littérature mondiale. ne ressemblaient pas à des originaux et l'on Papiers, papiers, passeports, n'en sortait pas vivant. française, qui les Alfred Kantorowicz Exil in Frankreich visa de sortie, visa de transit, visa d'entrée, Et qu'est un homme sans papier ? Encore moins qu'un papier sans homme! Joseph Roth traquait Æ 5 passage à la frontière, bateaux-fantômes T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C L a rue Thubaneau fut jusqu'au milieu du 19 siècle une rue prestigieuse dans laquelle se trouvaient des hôtels et restaurants renommés. Le club local des Jacobins y siégeait pendant la Révolution Française, club où fut créée la Marseillaise, que les troupes de volontaires chantèrent lors de leur invasion de Paris et qui devint plus tard l'hymne national français. Dans la première moitié du 20 ème siècle le quartier Belsunce devint un quartier d'immigrés, ainsi qu'une part importante du réseau de la Mafia corse de Carbone et Spirito 4 , à laquelle appartenait la contrefaçon de papiers, autant que le trafic de drogue et la prostitution. Les deux photos de droite : Pascale-Hélène Martinez T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C Beamish (de son vrai nom Albert O. le lieu de naissance correspondant – et le Hirschman) a trois problèmes sur les bras. lieu de résidence ainsi que l'adresse de rési- Premièrement, mettre au point une nouvelle dence. Quand j'obtenais ensuite la propre filière pour les passeports. Deuxièmement, signature du commissaire, l'œuvre n'était pas nous procurer un stock de cartes d'identité. encore achevée. Car, en fonction de sa date Et, troisièmement, trouver le moyen de faire d'émission, la carte d'identité devait avoir entrer en France des sommes d'argent assez l'air plus ou moins vieille et abîmée. Quelques conséquentes sans que les autorités en tâches de café, un peu de poussière, des soient informées. […] gouttes d'eau, quelques coups de semelles En guise de fournisseur de faux papiers de chaussures aidaient à merveille. Et enfin d'identité, Beamish recrute un caricaturiste je la piétinais pieds nus. viennois, Bill Freier. Celui-ci a été avant- Bil Spira 4 guerre l'un des dessinateurs humoristiques les plus populaires de France, mais ensuite il a connu le sort de beaucoup : internement, Il me donna des encres spéciales avec évasion, fuite à Marseille. C'est un petit jeune lesquelles je devais fabriquer les tampons homme adorable, qui semble être, et qui est, nécessaires dans leurs couleurs originales. j'en suis sûr, quelqu'un de profondément Avec intègre, qui veut venir en aide aux autres propriétaire possédait un nouveau passé réfugiés en gagnant juste assez d'argent authentique. pour pouvoir se nourrir. des Varian Fry un tel cartes passeport, J'appris son aussi d'identité. à nouveau fabriquer Normalement, on achetait une telle carte préimprimée, mais non remplie, dans le trafic de tabac. Avec celle-ci, on allait au commissariat de Police, où on la faisait remplir et tamponner. Pour procurer aux protégés du comité une nouvelle identité plausible, j'ajoutais à leurs Dessins de Bil Spira Autoportrait (ci-dessus) L'homme au café (ci-dessous) cartes leurs photos et un tampon alsacien. Ils recevaient un nom répandu en Alsace et T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C MÉDIAS LA RUE DES FAUSSAIRES Æ Action de rue – La Rue des faussaires Vidéo Avril 2008 Æ E – Dans le cadre d'un atelier franco-allemand PLAN D'EXIL, 15 étudiants se rendirent avec 30 passeports vides et d'innombrables tampons dans la rue Thubaneau. Une partie de l'étroite rue fut bloquée, puis une table installée, et les passants furent invités à se procurer un faux passeport. La fréquentation fut tellement importante qu'au bout d'une demi-heure, tous les passeports étaient utilisés. Si un tampon manquait, les participants devaient aller au « marché noir » et raconter leur histoire d'exil. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C LA RUE DES FAUSSAIRES COMPTE-RENDU DU MARCHÉ NOIR LIA ABDELNOUR Française d'origine albanaise. Algérien, en situation irrégulière. Est venu PROPRIÉTAIRE DE Après avoir répété plusieurs fois qu'elle en France avec un visa de tourisme il y a L'HÔTEL AÏDA n'avait aucune histoire à nous raconter, 5 ans. Travaille au black. A Marseille il a Elle est restée 4 ans sans papier, soudain, elle a dit que ses parents étaient deux frangines qui sont mariées avec des et c'est grâce aux nouvelles lois venus clandestinement en français. Il nous dit de l'immigration sur la scolarisation France d'Albanie. Son père KARIM qu'il est coincé en des enfants… C'est pour remercier avait 8 ans et il est venu avec Né à Marseille, grandi à Marseille, France car, s'il rentre sa fille qu'elle a nommé l'hôtel ses propres parents, à pied et souffre à Marseille. en Algérie, il ne peut Aïda du prénom de sa fille. Je « la à cheval. Ensuite ils ont eu le Il y a 6 milliards de personnes plus revenir en France. remercie chaque » jour a-t-elle statut de réfugiés politiques. qui vivent hors de leurs frontières Il dit qu'il n'a jamais ajouté. humaines. J'ai la contradiction entre fait de « bêtises », qu'il la vie réelle et mon intérieur. veut être un exemple. Il prend le passeport MOHAMMED de la rue des faussaires D'origine comorienne, il nous dit comme un « porte-bonheur », MÉZIANE qu'il est un « Français de papier ». car il espère un jour avoir Est venu d'Algérie il y a 5 ans. A mis Il nous raconte l'histoire de son des papiers. 4 mois pour venir, en passant par la mariage manqué. Hongrie, la Tchécoslovaquie, l'Autriche et l'Italie. Son voyage a duré 4 mois. Cela a été toute une histoire. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 5. ETAPPE RUE DU RELAIS HÔTEL AUMAGE où l'auteure allemande Anna Seghers, réfugiée à Marseille, a habité. Son mari était alors interné au camp des Milles et son fils ainsi que sa fille scolarisés au lycée Thiers. La famille put embarquer pour les Antilles en mars 1941. 30 5 ÉTAPE ÈME ON M'ENVOYA RUE DU RELAIS, une rue minuscule, près du Cours Belsunce. C'est là, à l'Hôtel Aumage, chambre 83, qu'habitait un médecin autrefois connu, ancien directeur de l'hôpital de Dortmund. Anna Seghers Transit D ans cette maison, l'ancien Hôtel Aumage, vécut Anna Seghers 4 avec ses enfants Pierre (15 ans) et Ruth (13 ans) du 30 décembre 1940 au 24 mars 1941. Pendant que son mari Johann-Lorenz Schmidt restait interné au camp des Milles Æ IV et que ses enfants étaient à l'école, Anna Seghers s'occupait des papiers nécessaires à leur émigration. Alors qu'elle faisait la queue devant le Consulat, elle eut l'idée de son prochain livre : un jeune émigrant serait à la recherche d'une femme à travers Marseille et deviendrait témoin d'une situation qui paraîtrait d'abord transitoire et surmontable, mais deviendrait ensuite un état permanent, un sort fixé pour l'éternité. Le roman Transit parut d'abord en 1944 en espagnol, puis en 1948 en allemand. L'Hôtel Aumage apparaît dans le roman en tant que lieu de résidence temporaire de l'ancien directeur de l'hôpital de Dortmund. Cette nuit-là, je n'avais guère fait attention à l'immeuble. Sa façade se dressait, étroite et sale, dans l'affreuse rue du Relais. L'hôtel, d'une étonnante profondeur, avait une grande quantité de chambres. Elles s'alignaient le long d'étroits couloirs qui débouchaient dans la haute cage d'escaliers. Au rez-de-chaussée, dans un corridor latéral, un petit poêle dont le tuyau montait jusqu'au 2ème étage répandait un peu de chaleur. Plusieurs locataires étaient assis autour du fourneau et faisaient sécher du linge; une grande bassine occupait le couvercle du poêle. Dans les méandres du tuyau, on avait posé des petits récipients pleins d'eau. Les gens nous regardèrent quand nous entrâmes. C'étaient tous des clients de passage; et qui donc aurait choisi pour y demeurer un endroit pareil? Le genre de maison que l'on supporte dans la mesure où l'on sait qu'on la quittera Anna Seghers Æ 9 T E 1 2 3 bientôt. 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C A bord du paquebot Capitaine Paul Lemerle se trouvaient non seulement la famille d'Anna Seghers mais aussi Friedel et Alfred Kantorowicz 4 et le sociologue Gottfried Salomon. Du côté français étaient présents André Breton avec sa femme, sa fille et son cercle d'amis surréalistes : Tristan Tzara, André Masson, Wifredo Lam et Victor Serge. A la dernière minute, il arriva à Alfred Kantorowicz ce que tous craignaient qu'il arrivât : Nous présentâmes nos billets au fonction- « Vous êtes arrêté ». Les gendarmes nous Moi, je suis Alfred Kantorowicz. » Il leva les naire du bureau du port qui devait apporter encerclèrent tout de suite, me fouillèrent yeux, compara nos photos de passeport et le dernier tampon à nos papiers. Il y jeta un et nous commandèrent de les suivre sans dit : « Ah, c'est vous – alors… ! » Après quoi, il œil, attrapa le tampon et feuilleta mollement résistance. prit le tampon du bureau du port, l'appliqua le fichier posé devant lui. Il en dégagea la fini. moitié d'une fiche, compara les noms et m'emmènerait dans une prison et là-bas authentification, son regard s'éveilla soudain. « Vous êtes on me livrerait à la Gestapo. J'avais perdu, l'ordre d'arrestation et vociféra : « Fichez le Kantorowicz, Alfred, né le 12 août 1899 à j'avais épuisé mes forces. Toute tentative de camp! Faites en sorte de disparaître le plus Berlin? » J'acquiesçai. Il lança un regard au combat serait vaine […] vite possible. » gendarme présent à son poste de contrôle, Le commandant vérifia l'ordre arrêté contre tira mon feuillet du fichier comme il aurait moi, quand je dis à voix basse, mais avec extrait une fiche signalétique – et pour cause: insistance : « Mon Colonel, le Colonel Riverdi c'était une fiche signalétique! – et s'écria : vous a parlé de nous. A C'était cette fini. minute, C'était vraiment j'abandonnai. T E 1 On 2 sur les visa, qui reçurent ainsi leur dernière déchira en morceaux Alfred Kantorowicz 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C MÉDIAS HÔTEL ANNA Æ Action de rue – Hôtel Anna Vidéo Avril 2008 Æ E – Dans le cadre du projet PLAN D'EXIL nous organisâmes, avec des élèves et étudiants allemands et français, l'action de rue Hôtel Anna dans la rue du Relais. Au dessus des volets fermés fut fixée une banderole exposant le titre de cette performance en lettres capitales. Un troisième volet servit de support à la biographie d'Anna Seghers. Nous lûmes des passages de Transit, et montrâmes aux passants une « valise d'exil » contenant des textes et des objets, ainsi qu'un grand « livre d'exil » conçu par l'artiste Catherine Ricoul. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C MÉDIAS LES HÔTELS DE BELSUNCE Æ Action de rue sur le Cours Belsunce 2007 Æ Les hôtels de Belsunce 2009 Vidéo Photos Installation vidéo de Gesa Matthies Eté 2007 Æ E – Pour conclure l'atelier PLAN D'EXIL, de jeunes allemands et français se rendirent dans la rue et établirent avec les passants du quartier Belsunce un dialogue ludique sur l'origine des mots, des choses et des hommes. 2008 / 2009 Æ E – Les nombreux petits hôtels du quartier Belsunce, où cohabitent aujourd'hui essentiellement des populations immigrées, commerçants arabes et chinois, firent plusieurs fois, dans le cadre du projet PLAN D'EXIL, partie intégrante d'ateliers, actions de rue et installations artistiques. De nombreuses photos et une installation vidéo furent créées. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 6. ETAPPE LA CANEBIÈRE La Canebière est, jusqu'à ce jour, la magistrale artère de la ville portuaire. A l'époque de la Seconde Guerre mondiale s'y trouvaient encore un grand nombre de cafés du 19 ème siècle richement décorés et quelques hôtels de luxe, comme l'Hôtel du Louvre et de la Paix, où Alma Mahler-Werfel et Franz Werfel logèrent. Non loin de la Canebière se trouvait également le Consulat américain, devant lequel les émigrants faisaient la queue pour obtenir leur visa. 6 ÈME ÉTAPE LA RUE PRINCIPALE DE MARSEILLE était activement contrôlée par la police française en 1940, même si l'ordre venait de plus loin. Mais qui voulaient-ils encore arrêter, puisque les conjurés gouvernaient déjà ? Varian Fry Mais les papiers : celui qui n'a pas ses opportun de garder la tête haute. La situation papiers, ou pas les bons, on vient le m’ordonna d’expliquer urgemment quelque chercher au Grand Café. Celui-ci brille de chose, fût-ce de me faire passer pour le Préfet statues en stuc plus grandes que nature et des Bouches-du-Rhône. Le commandant de de tableaux de ce type de femmes qui était la troupe me crut, il me laissa libre, on était particulièrement attrayant en 1890. Leur sain et sauf. reflet vous sourit, leur image passée entoure, Heinrich Mann capiteuse, le consommateur de 1940 assis Hans et Lisa Fittko sur la Canebière devant son mauvais alcool qui n'est autorisé que trois fois par semaine – et bientôt on va lui demander ses papiers. Nous descendîmes Un soir où l'air était particulièrement lourd, marchait toujours au bord du trottoir. Il nous restâmes trop longtemps assis dans la avait pris cette habitude lors de son séjour rue. Nous vîmes une troupe s’approcher de illégal à Berlin en 1933 et ça lui était devenu nous ; il ne nous restait pas d’autre solution instinctif. On a une meilleure visibilité, disait- que d’aller à sa rencontre. Lorsque nous il, et, en cas de rafle, on peut s'en sortir plus avançâmes, elle bloqua le trottoir, l’officier aisément. épiait chaque passant sous son chapeau, la Canebière. Hans Lisa Fittko Mein Weg über die Pyrenäen qu’il portait enfoncé sur le visage. Je trouvai T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C U ne des toutes premières tâches de Varian Fry après son arrivée à Marseille fut de rendre visite au couple Franz et Alma Werfel 4 à l'Hôtel du Louvre et de la Paix sur la Canebière. Ils se tenaient tout en haut de la « première liste » de personnalités à sauver. Ce soir-là, je dîne avec M. et Mme. Werfel. J'ai rencontré à Lisbonne la sœur de l'écrivain, et c'est par elle que j'ai eu leur adresse. Ils sont descendus à l'Hôtel du Louvre et de la Paix, sur La Canebière, sous le nom du compositeur Gustave Mahler, ex-mari d'Alma Werfel. Ils s'entourent de mystère à l'hôtel, et je dois patienter un certain temps avant Depuis la Canebière on accédait à la rue Saint-Ferréol vers le Consulat américain. Le CAS y avait trouvé en la personne du Vice-consul Hiram Bingham, « Harry », son seul soutien américain pour les actions de secours et l'élaboration de chemins illégaux. Par exemple, Bingham aida Varian Fry à sortir Lion Feuchtwanger du camp d'internement Saint-Nicolas et le cacha plusieurs semaines dans son appartement à Marseille avant que la famille Feuchtwanger ne soit emmenée illégalement à la frontière franco-espagnole en septembre 1940. Alfred Döblin 4 raconta plus tard dans ses mémoires qu'il dut lui aussi se mettre dans la file d'attente du Consulat américain, place Félix Baret, à côté de la Préfecture. Nous arrivâmes sur une grande place oblongue dont une des moitiés était à l'ombre d'arbres magnifiques. La chaleur devenait écrasante… La place était le terminus d'une ligne de tram. Près de la petite maison où s'arrêtaient les trams, les gens se séparèrent en deux groupes : les uns se précipitèrent vers le tram, les autres se dirigèrent vers une maison affichant une petite plaque de cuivre qui portait l'inscription suivante : « Consulat Américain ». […] Encore une chose: entre nous, exilés, il n'y avait pas de solidarité. Déjà auparavant, nous avions vécu notre vie de façon très privée. A présent, nous nous isolions encore plus. En voyant les autres au Consulat, on hochait la tête : « Aha, toi aussi, tu es là », et personne d'être autorisé à monter dans leur chambre. n'avouait quels étaient ses projets, ni sur […] Werfel ressemble trait pour trait à ses qui il comptait. On gardait jalousement son photographies : gros, courtaud et blafard, secret. Suspicion, peur que l'autre se tourne pareil à un sac de farine moitié vide. […] Il vers la même issue et lui prenne sa place. paraît enchanté de me voir mais fort inquiet Alfred Döblin Schicksalsreise. Bericht und Bekenntis à l'idée qu'on apprenne sa présence. Varian Fry T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C A l'extrémité haute de la Canebière se trouvait le Consulat mexicain, dirigé par Gilberto Bosques dès 1940. Bosques fournit les visas pour Mexico à 40 000 fugitifs – juifs, antifascistes, républicains espagnols et brigadistes – et rendit ainsi possible la fuite d'Anna Seghers et d'Egon Erwin Kisch, entre autres. Bien que ce ne fût pas en son pouvoir, il obtint également des permis d'entrée à des personnes qui étaient internées. Les persécutés furent hébergés dans deux châteaux français dans les environs de Marseille, le temps d'attendre leur départ pour Mexico. En mai 1942 Mexico entra en guerre au côté des Alliés. Bosques et l'ensemble des salariés du Consulat furent emprisonnés par la Gestapo et assignés à résidence à Bad Godesberg. Après plus d'un an, ils furent échangés contre des prisonniers de guerre allemands. Quand Bosques arriva à Mexico par le train en mars 1944, des milliers d'hommes à qui il avait sauvé la vie lui réservèrent un accueil triomphal. Le consul du Mexique, Gilberto Bosques, aide et sauve des centaines de républicains espagnols, de membres des brigades internationales et de juifs. Après l'Occupation, il est assigné à résidence en France, puis en Allemagne. T E 1 2 3 4 5 6 7 29 8 9 10 I II III M L C 7. ETAPPE RUE BEAUVAU HÔTEL CONTINENTAL Dans la rue Beauvau à l'extrémité basse de la Canebière vécurent en 1940 à l'Hôtel Continental deux personnalités importantes qui se sont peutêtre croisées dans le hall de l'hôtel : Mary Jayne Gold, une jeune et richissime américaine qui resta à Marseille par amour pour un jeune voyou et qui fut l'une des plus étroites collaboratrices du comité Fry, et Walter Benjamin, célèbre théoricien de la culture allemand pour lequel un passeport américain était à disposition au Consulat américain dès l'été 1940. 7 ÈME ÉTAPE JE FINIS PAR TROUVER UNE CHAMBRE AU CONTINENTAL, un hôtel de classe moyenne, assez propre et confortable. En 1939, j'étais une jeune fille de la bonne un jeune aventurier qui venait de déserter société américaine protestante résidant à la Légion étrangère. Quelques semaines Paris dans un appartement de la très élégante plus tard, je rejoignais le Centre américain avenue Foch. Je partageais mon temps de secours de Varian Fry, qui préparait entre cette ville, Londres et les stations chic, l'opération « Mouron Écarlate » consistant à me sentant chez moi aussi bien à Cannes, faire secrètement sortir de France, par des à Biarritz, à Majorque qu'à Saint-Moritz. La moyens légaux ou illégaux, des centaines déclaration de guerre sonna le glas de cette de réfugiés antinazis, aussi bien juifs que existence dorée … non juifs. A ce moment sans précédent de Les bouleversements qui accompagnèrent ma vie, je décidai immédiatement de rester la défaite de la France me jetèrent, en même à Marseille … temps que des milliers de réfugiés français et étrangers, dans les rues de Marseille. 4 Mary Jayne Gold Marseille, années 40 La carte postale montre l'Hôtel Continental dans les années 1960. J'avais l'intention de mettre de l'ordre dans Merci à Alain Paire, galeriste, critique d'art et auteur de nombreux essais sur la vie culturelle marseillaise des années 1930 et 1940. mes papiers et de rentrer aux États-Unis. Mais il se trouva que je me laissai entraîner Æ Galerie Alain Paire en quelques jours dans une relation avec T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C W alter Benjamin 4 vécut également à l'Hôtel Continental en août 1940. A l'initiative des deux philosophes Max Horkheimer et Theodor W. Adorno, qui vivaient déjà aux Etats-Unis, un visa pour l'Amérique se tenait à disposition de Benjamin au Consulat américain. Lors de son séjour à Marseille, il rencontra la philosophe Hannah Arendt 4 , à qui il confia d'importants manuscrits. L'écrivain Soma Morgenstern 4 , qui logea quelques temps à l'Hôtel Aumage Æ 5 , rencontra Walter Benjamin sur la Canebière et le reconnut à peine. Dessin de Frédéric Pajak dans son livre Manifeste incertain, tome 1 Avec Walter Benjamin, rêveur abîmé dans le paysage, 2012 Æ Les éditions Noir sur Blanc Il s'était laissé pousser la barbe, avait un Nous le saluâmes et – quel était le thème chapeau noir et avait l'air d'un fantôme. Ses constant à Marseille ? Visa. Visa espagnol, premiers mots furent : « Dans la rue, nous ne visa portugais, visa de sortie. Chacun de parlons qu'en français. ». Ça m'interpela. Car nous avait déjà eu celui-ci et celui-là, et on se trouvait sur la Canebière, sûrement la même plusieurs fois. Mais tous se périmèrent rue la plus bruyante de la ville, où l'on pouvait avant l'arrivée du tant attendu visa de sortie entendre parler beaucoup allemand, comme français, qui n'arriva jamais. Le visa portugais si l'on était encore au camp. […] de Krakauer ainsi que mon visa espagnol Un jour à Marseille nous allâmes ensemble expirèrent. Avant que nous n'allions plus loin, à la Préfecture, pour apprendre encore une j'interrogeai Krakauer : « Que va-t-il advenir fois que notre espoir d'obtenir un permis de de nous, Krak ? ». Ce à quoi il répondit, sans sortie était vain. En chemin nous aperçûmes même réfléchir, d'une façon étonnamment notre ami Siegfried Krakauer 4 qui écrivant rapide et apodictique : « Soma, nous allons ardemment devant une tasse de café … tous devoir nous suicider ici. » Soma Morgenstern T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C A vant que Walter Benjamin n'emprunte la voie illégale par les Pyrénées, il se rendit chez Lisa Fittko non loin de la frontière espagnole et ils testèrent ensemble le chemin que le groupe devait utiliser plus tard. Benjamin marchait lentement et régulièrement. A intervalles réguliers – environ toutes les dix minutes je crois – il marquait une pause et se détendait environ une minute. Ensuite, il repartait du même pas régulier. Comme il me l'expliqua, il avait mis en place ce procédé durant la nuit. Lisa Fittko A la fin septembre tout était prêt. Walter Lorsque Hannah Arendt apprit la mort de Benjamin quatre semaines plus tard, elle Benjamin se mit en chemin pour Cerbère, à la frontière franco-espagnole, écrivit à Gershom Scholem, l'ami de Benjamin, en Palestine : avec Mme Gurland et son fils, accompagnés par Lisa Fittko. Avant le départ, il avait partagé ses réserves de poison avec Les juifs meurent en Europe et on l'écrivain Arthur Koestler sur la Canebière. les enterre comme des chiens. Le groupe pu passer la frontière française, mais fut refusé au poste-frontière espagnol. Par conséquent, Walter Benjamin rebroussa chemin vers l'hôtel à Portbou et se suicida dans la nuit du 26 au 27 septembre 1940. Dessin de Elric Dufau (ci-contre) Passages – Mémorial pour Walter Benjamin à Portbou, de l'artiste israélien Dani Karavan (à droite) T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 8. ETAPPE 10, COURS JEAN BALLARD LES CAHIERS DU SUD Au 4 ème étage du 10, cours du Vieux Port ( actuellement : Cours Jean Ballard ), se trouvait dans les années 1940-42 le siège de la revue littéraire Les Cahiers du Sud, dirigée par Jean Ballard. Il devint aussi un refuge pour des écrivains français et étrangers dont beaucoup furent publiés par les Cahiers. 16 8 ÉTAPE ÈME JUSTE À CÔTÉ DU VIEUX PORT, dans un ancien grenier, se trouvait la rédaction de la revue fondée par Marcel Pagnol et Jean Ballard 4 Les Cahiers du Sud. Dans les années 1920 y furent publiés les premiers textes des surréalistes. D urant la Seconde Guerre mondiale l'écrivain Ernst Erich Noth se cacha dans ces locaux de temps en temps. Malgré le manque de papier et la censure, la revue subsista et publia même en 1943 un numéro spécial sur la littérature et la culture occitanes, sous la direction de la philosophe et résistante française Simone Weil 4. D ans ses Mémoires d'un allemand se trouve une anecdote qui en dit long sur Marseille et sur la situation des exilés dans le Sud de la France. Noth a rendez-vous avec Ballard pour une première rencontre dans les locaux de la rédaction : Noth continua son récit : Quand je trouvai enfin l'adresse donnée: Environ un an plus tard, Ludwig Marcuse 4 , 10, Cours du Vieux Port, je secouai la tête que j'accompagnais là-bas pour une visite à incrédule, avançai puis reculai hésitant. Je la rédaction, m'avoua alors avec un sourire comparai encore une fois le numéro de la embarrassé qu'il avait eu, au cours de cette maison avec celui que Ballard m'avait donné : ascension sinistre, le sentiment coupable, je ne me trompais pas. La maison, façade, mais subitement plausible, que je pourrais cage être un agent de la Gestapo qui l'avait attiré d'escalier, dégageaient une Elle abritait une revue littéraire mondialement connue, laquelle paraissaient les auteurs français et internationaux les plus connus de l'époque. telle impression de délabrement qu'elle paraissait Couverture du numéro spécial des Cahiers du Sud. « Le Génie d'Oc » dans dans un guet-apens. inquiétante … Ernst Erich Noth Cité dans : Alain Paire, Chroniques des Cahiers du Sud, Paris 1993 T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 9. ETAPPE LES CAFÉS DU VIEUX PORT Le café Au Brûleur de Loups, sur le quai des Belges, fut, pendant la Seconde Guerre mondiale, le lieu de rendez-vous de nombreux intellectuels, écrivains et artistes, réfugiés à Marseille. Il était fréquenté, en particulier, par les surréalistes. 15 9 ÈME ÉTAPE DE MA PLACE, J'EMBRASSAIS DU REGARD LE VIEUX PORT. Une petite canonnière était ancrée devant le quai des Belges. Le soleil d'après-midi brillait au dessus du fort. Le mistral avait-il recommencé ? Les passantes avaient mis leur capuchon. bavardage non plus écœurant, mais splendide. ragots phéniciens et crétois, ragots grecs et Les gens qui entraient par la porte tournante C'étaient des romains, jamais la race des bavards ne s'est avaient le visage tendu de froid et de hâte. ports, aussi vieux que le Vieux Port lui-même, éteinte, de ceux qui tremblaient pour leur Personne ne se souciait du soleil sur la encore plus vieux peut-être. Merveilleux et place sur un bateau ou pour leur argent, mer, des créneaux de l'église Saint-Victor, antiques ragots des ports, qui jamais ne se de ceux qui fuyaient tous les périls réels et des filets qui séchaient le long de la jetée. sont tus, depuis qu'il y a une Méditerranée, imaginaires de ce monde. Ils jacassaient tous les antiques commérages sans Anna Seghers arrêt, parlant de transits, de passeports périmés, des eaux territoriales et du cours du dollar, du visa de sortie et encore et toujours du transit. Je voulais me lever et partir. Ça m'écœurait. Et tout à coup mon humeur changea. Comment? Je ne sais jamais comment ça se produit, chez moi, ces sautes d'humeur. Couverture de l'édition française du roman Transit d'Anna Seghers Tout à coup, je trouvai ce T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C Mères qui avaient perdu leurs J'entrai enfants, enfants qui avaient perdu dans leur mère, résidus des armées café. décimées, esclaves échappés à bien Le définitivement refusé, c'est pour ça qu'elle leurs chaînes, troupeaux humains café s'appelait aux bouffait l'argent du voyage. Mais on ne chassés de tous les pays et qui Brûleurs des loups. pouvait guère acheter que du vin et des arrivaient finalement à la mer, où […] Il y a parfois de huîtres. L'après-midi passait, on fermait les ils se précipitaient sur les bateaux vrais aux consulats. C'est alors que les « transitaires », d’où ils seraient de nouveau chassés, tous Brûleurs des loups. Ils parlent non de visas, torturés par la peur, déferlaient aux Brûleurs fuyaient devant la mort, jusqu’à la mort. C’est ici mais de combines raisonnables. J'entendis des loups et à tous les endroits possibles que toujours les bateaux avaient jeté l’ancre, même qu'on mentionnait certain bateau et imaginables. Leur bavardage insensé juste à cet endroit-là, parce qu’ici finissait pour Oran. Tandis qu'au Mont-Ventoux les remplissait l'air, cet absurde mélange de l’Europe, parce qu’icicommençait la mer. C’est habitués détaillaient toutes les circonstances conseils embrouillés et de désarroi total. La ici, c’est à cet endroit- d'une traversée, les gens discutaient ici tous faible lumière des môles caressait déjà la là, que toujours s’était les problèmes d'un chargement de cuivre. surface toujours plus obscure du Vieux Port. Le Vieux Port était bleu. Vous connaissez, Je laissai l'argent sur la table, pour passer n'est-ce pas ? Cette claire lumière d'après- au Mont-Ventoux. dressée une auberge, parce qu’ici la route se 8 le aussitôt à la coiffure imposante. Elle ingurgitait une prochain quantité effarante d'huîtres. Gloutonnerie Qu'aurais-je pu faire? Français jetait dans la mer. midi qui luit froidement dans tous les Je me sentais immensément vieux, vieux de recoins du monde, quand tous milliers d’années, parce que j’avais déjà vécu les tout cela, et je me sentais intensément jeune, désolés. A ma longue table avide de tout ce qui allait encore se produire; je était assise une grosse femme recoins du monde du désespoir. Son visa lui avait été Anna Seghers sont me sentais immortel. Mais une fois encore mon humeur changea; ce sentiment était trop fort pour ma faiblesse. Le désespoir me submergea, le désespoir et le mal du pays. Je regrettai mes vingt-sept ans gâchés, ensevelis dans des terres étrangères. […] Carte postale montrant le Vieux Port tel qu'on le voit depuis les cafés. En arrière-plan le célèbre Pont Transbordeur. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 10.ETAPPE ETAPPE 10. LA DESTRUCTION DU PANIER Le 24 janvier 1943 la Wehrmacht et les SS, avec l'aide de la police française, firent évacuer les vieux quartiers du port. Près de 15 0 00 personnes, conduites à la gare d'Arenc, furent transférées dans des camps à Fréjus. 2 10 ÉTAPE ÈME MIDI N'A JAMAIS SONNÉ comme il le fut le 1er février 1943 – une corne de brume sur le quai. Un officier allemand en casque d'acier sort d'une ruelle des environs du Pont Transbordeur en courant et disparaît derrière la porte d'un bâtiment du port. Durant quelques secondes, le quai reste silencieux. E n novembre 1942 l'armée allemande possédait également la moitié Sud de la France et envahissait Marseille. Au même moment, les plans de destruction du Panier, le plus vieux quartier de la ville, étaient mis en place du côté français. Il ne manquait plus qu'une petite concertation entre l'état-major allemand et la police française pour préparer le dynamitage. La police française évacua la population du Panier et commenca la déportation d'environ 800 habitants, aboutissant à la plus grande rafle qui se fut jamais produite en France. 14 hectars du quartier portuaire furent rasés par les bombardements de l'armée allemande en février 1943. Le célèbre Pont Transbordeur fut par là-même en partie détruit. Curieusement, l'Hôtel de Cabre dans la rue Caisserie échappa aux bombardements. En tant qu'immeuble le plus ancien de la ville, il dut être conservé après la guerre ; c'est pourquoi il fut placé sur des rails et tourné sur lui même afin de s'adapter au nouveau tracé de la rue. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C MÉDIAS DES STOLPERSTEINE A MARSEILLE Dans le cadre d'un voyage à Berlin en février 2009 avec le projet PLAN D'EXIL (Æ Diaporama), nous rencontrâmes Æ Christiane Trümper-Portella qui avait commandé à Æ Gunter Demnig une Stolperstein pour Otto Oldenburg au numéro 6 de la rue Revaler Straße à Berlin. Nous l'interrogeâmes et écrivîmes un article sur les Stolpersteine pour le magazine français Æ Berlin Poche. (Lire cet article Æ ) En juillet 2010, des élèves et étudiants franco-allemands posèrent ainsi des Stolpersteine sous forme d'actions artistiques dans le quartier du Panier. En juillet 2009 nous rencontrâmes Jessica Cohen à Marseille, l'ancienne coordinatrice française des Stolpersteine. Elle nous raconta que personne n'avait encore réussi à installer de Stolpersteine en France. C'est pourquoi nous décidâmes d'organiser une action de rue dans le Panier pour faire connaître les Stolpersteine. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C MÉDIAS ARTICLE SUR LES STOLPERSTEINE Durant vos balades dans leur croyance ou leur engagement politique. discret et visible pour tous. Pour à peine les rues de Berlin, avez- Ce qui était au début une idée conceptuelle 100 euros, chacun peut faire poser une pierre vous remarqué mise en place par l'artiste sans demander devant le dernier logement d'un déporté. ces petites plaques en aucune autorisation a vite pris de l'ampleur C'est laiton souvent déposées grâce à son succès auprès du public Portella en 2007 pour rendre hommage à devant interpellé par l'originalité du projet. Otto Oldenburg, un député communiste sur lesquelles on peut Fin 2008, plus de 17 000 pierres ont été mort lire un nom, une date de déposées dans 402 lieux en Allemagne. Sachsenhausen. Il vivait dans la Revaler naissance, un lieu et une date de mort ? Seule la ville de Munich refuse à ce jour Straße 6. Dans le cadre de notre projet Mine de rien, ces pavés dorés représentent de voir ces pierres sur ses trottoirs « pour franco-allemand PLAN D'EXIL , nous avons eu le plus décentralisé ne pas profaner la mémoire des victimes ». l'occasion de rencontrer Madame Trümper- au monde par l'artiste Pour nous, ce n'est pas un bon argument. Portella et de l'interviewer à propos de allemand Gunter Demnig. Ils rappellent Nous pensons que l'idée de Gunter Demnig son action. le destin de milliers de personnes, connues d'incruster de petites plaques dans le ou inconnues, déportées sous le régime trottoir est non seulement très originale nazi à cause de leur race, leur sexualité, mais aussi judicieuse car c'est à la fois grand initié déjà des monument en 1996 immeubles T E 1 2 ce au qu'a camp fait Christiane de Trümper- concentration de Article dans Berlin Poche, Avril 2009 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C MÉDIAS ACTION ARTISTIQUE MA PIERRE DANS LE PANIER Æ Action artistique – Ma Pierre dans le Panier Photos Juillet 2010 Æ E – Chacun avait rapporté deux pierres de la plage et écrivit une phrase sur l'une des deux. Lors de l'atelier, chacun choisit sur une carte du Panier un endroit précis où il envisageait de déposer sa pierre et dessina une carte imaginaire de cet endroit. Nous discutâmes de la mise en place de ces « Stolpersteine » (littéralement : pierres à trébucher) éphémères dans un quartier où presque un millier de personnes ont été déportées en février 1943. Pour rappeler l'histoire de la Shoah et l'histoire de l'exil en général, chacun rédigea un petit commentaire sur une feuille de papier en guise d'enveloppe pour un bonbon, qui servirait de remerciement à la personne qui participerait à notre action en écrivant quelque chose sur la deuxième pierre. Les préparations terminées, tout le monde se mit en marche en direction du Panier, à la recherche des points de dépôt choisis préalablement. Nous ne savons pas exactement ce qui s'ensuivit, mais nous espérons que certains ont trébuché sur ces pierres et lu leurs inscriptions. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C I EXCURSION VILLA AIR-BEL L es Surréalistes vécurent les mois d'hiver 1940 – 41 dans une villa dénichée par Mary Jayne Gold Æ 7 pour Varian Fry Æ 2 dans le quartier de la Pomme: la Villa AirBel. Ce manoir délabré du Dr. Thumin, qui disposait de plus de 18 chambres meublées, fut tout de suite accaparé par Victor Serge, André Breton 4 et leurs femmes et enfants. Le week-end, le jardin et la maison se remplissaient d'amis des artistes qui se remontaient le moral grâce à des mises aux enchères fictives et à l'invention d'un jeu de cartes surréaliste: le Jeu de Marseille. André du Breton, surréalisme « pape » et jadis incorrigible cancre de Dada, a été médecin dans l'armée française pendant la Première Guerre mondiale. A Air-Bel il collectionne les insectes, les morceaux de porcelaine brisée que la mer a polis et les vieilles revues. superbe et toujours Il parle beaucoup avec d'entrain de tout et de tout le monde. Il tient des réunions surréalistes le dimanche après-midi, auxquelles assistent tous les vieux habitués Villa Air-Bel (ci-dessus) André Breton (en haut, à droite) Portrait d'André Breton, par André Masson (en bas, à droite) des Deux-Magots, toujours aussi cinglés qu'avant. Varian Fry T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C I EXCURSION JEU DE MARSEILLE L e Jeu de Marseille fut dessiné par les artistes Victor Brauner, André Breton, Oscar Dominguez, Max Ernst, Jacques Hérold, Wifredo Lam, Jacqueline Lamba, André Masson et Fréderic Delanglade en 1940 dans la Villa Air-Bel à Marseille, sur la base d'un simple jeu de 52 cartes et 2 jokers. Ici le roi Ubu incarne l'un des jokers. Le roi, la dame et le valet furent remplacés par le génie, la sirène et le magicien. Le trèfle devint la serrure noire du savoir, le carreau la tâche de sang de la Révolution, le pic se transforma en étoile noire du rêve et le cœur en flamme rouge de l'amour. Le jeu de cartes ne fut publié qu'en 1983 par André Dimanche dans la maison d'édition du même nom. Les éditions André Dimanche se trouvent aujourd'hui dans les anciens locaux du journal de littérature Les Cahiers du Sud. Æ 8 T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C MÉDIAS VILLA AIR-BEL ET JEU DE MARSEILLE Æ Reconstruction virtuelle de la Villa Air-Bel Æ Photos du Jeu de Marseille 2008 par les étudiants de l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Marseille, octobre 2013, www.villaairbel1940.fr Le jeu de cartes de PLAN D'EXIL fut conçu par des élèves du lycée Waldorf à Hambourg en juillet 2008 d'après le modèle du Jeu de Marseille surréaliste. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C II EXCURSION E SANARY-SUR-MER SIÈGE DE LA LITTÉRATURE ALLEMANDE EN EXIL ntre 1930 et 1941 vécurent, dans la petite ville portuaire de la Côte d'Azur, de célèbres écrivains et intellectuels tels que: Lion Feuchtwanger, la famille Mann, Franz Werfel et Alma-Mahler-Werfel, René Schickele, Franz Hessel, Friedrich Wolf et beaucoup d'autres. Depuis les années 1990 un parcours de mémoire existe à Sanary avec des textes et des photos devant les maisons des exilés. De temps à autre la crème de la littérature allemande se trouvait au village et alors assise dans le « Marine » ou chez la « Veuve Et pourtant il redonne vie aussi et donne de Schwab ». Sanary ressemblait à un vaste café nouvelles forces. roman, avec ses petites tables en marbre et En exil, le café devient le seul lieu de ses maillots de bains. Notamment en été, ce ralliement permanent. Je me suis assis dans nid se remplissait de rois de la littérature. les cafés d'une douzaine de terres d'exil, L'atmosphère était chargée de traits d'esprit et c'était toujours le même café, en bord originaux, d'indiscrétions et de fâcheries. de mer, entre des montagnes, à Londres, à Paris, dans les ruelles d'Amsterdam, ou au Ludwig Marcuse milieu des couvents de Bruges. www.sanarysurmer.com Æ J'étais assis En exil, le café devient maison et pays natal, église et parlement, désert et champ au café de l'exil de bataille, ainsi que le berceau des illusions et le cimetière. L'exil rend seul et j'écrivais. et tue. Hermann Kesten T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C MÉDIAS SANARY-SUR-MER P our raconter la captivante histoire de la communauté d'émigrants à un jeune public, nous avons développé un parcours d'exil à travers Sanary, dans lequel il s'agissait, comme dans un véritable jeu de piste, de trouver les lieux des écrivains de l'exil et, en se fondant sur des extraits de textes, de rendre à nouveau vivante l'atmosphère de cette époque. Æ Jeu de piste à Sanary-sur-Mer 2010 (Vidéo) Avec un itinéraire et une caméra à l'épaule à Sanary-sur-Mer. Vidéo-documentation du jeu de piste en 10 étapes. Æ Photos Æ Exil à Sanary (Film) 2013 Un film-reportage sur l'exil à Sanary-sur-mer de Maëlys Meyer et Stéphanie Clopin, dans le cadre du séminaire européen Grundtvig, en février 2013 T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C III EXCURSION E LES MILLES ANCIEN CAMP D'INTERNEMENT ET DE DÉPORTATION tant donné que l'expérience de l'exil n'est pas un fait historique isolé, mais l'expérience de millions d'hommes, qui doivent quitter leur pays pour des raisons aujourd'hui économiques, politiques ou climatiques, la confrontation avec le passé nous aide à comprendre le présent et à l'observer d'un regard critique. L'ancien camp d'internement et de déportation des Milles vers Aix-en-Provence possède une signification particulière. En tant que camp pour les « étrangers indésirables » (1939/40), puis camp de transit pour les émigrants en attente de documents (1941) et, enfin, camp de rassemblement pour 1928 enfants, femmes et hommes juifs qui furent déportés vers Drancy et Auschwitz (août/ septembre 1942), l'ancienne tuilerie abrite une leçon d'histoire inouïe. Jusque dans les années 1980, peu de gens en France savaient que des prix Nobel, des membres de l'orchestre philharmonique, des écrivains et artistes importants qui avaient fuit l'Allemagne durent survivre dans ce camp. T E 1 2 Après son arrivée en Amérique en 1940, Lion Feuchtwanger écrivit le compte rendu de son séjour dans ce camp dans Le diable en France. Au début des années 1990 parurent les premières recherches importantes d'historiens tels que Jacques Grandjonc, Theresia Grundtner et Doris Obschernitzki. Ensuite, des historiens de l'art dégagèrent la peinture murale cachée dans l'ancien réfectoire du personnel du camp. En 2012, après des années de travaux dans l'ancienne tuilerie des Milles, un mémorial national fut ouvert. Æ www.campdesmilles.org 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C MÉDIAS D LES MILLES ans le cadre de notre atelier franco-allemand PLAN D'EXIL, de séminaires de formation continue, ainsi que de séminaires européens, nous avons créé, pour conclure nos visites de l'ancien camp d'internement des Milles, des textes littéraires, des cartes imaginaires et une archive de photographies. Æ Exil et poésie. Un reportage d'Ulrike Müller www.exilarchiv.de, mp3 Æ Galerie de photos Æ ���� – Les peintres des Milles Enregistrement radio de Sabine Günther, Deutschlandradio, 1997. Durée: 19:52 T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C MATERIAL Quiconque a passé sa vie dans un pays qui n'a jamais été secoué par des troubles internes, par la guerre ou l'occupation étrangère, ne sait pas le rôle éminemment important que peuvent jouer une pièce d'identité ou un tampon administratif dans la vie d'un homme. En général, il s'agit d'un bout de papier ridicule ou d'un tampon sans importance qu'un scribouillard quelconque a apposé sur un document sans même y penser. Mais il y a des dizaines de milliers de gens, des centaines de milliers, des millions peut-être, qui essaient désespérément d'obtenir un tel tampon. Lion Feuchtwanger Le diable en France DOCUMENTS CLAUSES DE L'ACCORD D'ARMISTICE PAPIERS A S près la victoire de l'armée d'Hitler et l'armistice de Compiègne, la France fut un piège pour les immigrés allemands. Selon l'article 19, paragraphe 2, du contrat d'armistice, la France devait livrer toutes les personnes d'origine allemande que l'Allemagne réclamait. Le droit d'asile fut ainsi résilié, aussi bien dans le Nord de la France occupé que dans la zone de Vichy. Tant qu'ils n'étaient pas internés, les immigrés passaient pour libres. Pour les non-internés, la seule voie possible pour quitter la France était la fuite par l'Espagne et le Portugal vers les Etats-Unis, principal pays de l'exil. i on avait atteint Marseille et obtenu une autorisation de séjour et, avec beaucoup de chance et de soutien, le visa pour l'Amérique, on devait encore réclamer un visa de transit espagnol, qui représentait la seule possibilité d'obtenir une autorisation de transit au Portugal. Les visas américain, espagnol et portugais étaient la condition sine qua non pour obtenir une autorisation de séjour française, qui, en pratique, ne pouvait être utilisée que couplée à une autorisation de prélèvement de la Banque de France. Comme le visa d'entrée américain n'était utilisable que six mois, que le départ devait se produire pendant ce laps de temps, et que l'obtention de tout autre document durait au moins quatre mois, de nombreux papiers liés au visa américain se périmaient en même temps que lui. Ils devaient alors être ou bien renouvelés, ou bien réclamés à nouveau. De nombreux réfugiés désespérèrent de cette situation et en 1940 commença toute une série de suicides : Carl Einstein, Walter Hasenclever et Walter Benjamin par exemple. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C SAUF-CONDUIT VISA DE TRANSIT L'employeur adipeux toisait ce groupuscule d'hommes En effet, on attendait depuis longtemps un homme de ce nom- qui brandissaient des confirmations de visas, et des sauf- là, son dossier était prêt, son passage payé. Pour sa part, le conduits périmés, et des fiches de libération des camps, Corse ne voyait pas d'inconvénient à retenir une place pour cet comme si nous venions non pas d'autres pays, mais d'autres homme, à condition qu'il se procurât, avec son visa, le transit. planètes, et que pour la sienne seule, la sienne propre, la D'abord le transit américain, car le voyage à travers l'Espagne seule favorisée, existât la faveur d'un séjour éternel. et le Portugal n'était ensuite qu'un jeu d'enfants. Anna Seghers Anna Seghers Il n'était pas autorisé aux réfugiés « libres » de quitter leur lieu de séjour sans la permission expresse des autorités. S'ils voulaient se rendre à un autre endroit, ils devaient obtenir un sauf-conduit. Un tel document était nécessaire si les réfugiés voulaient par exemple se rendre chez le médecin. L'éloignement non autorisé pouvait être sanctionné de différentes manières. Au mieux, les fraudeurs payaient une amande, mais ils étaient souvent incarcérés en camp d'internement. Bien sûr, le sauf-conduit pouvait également être refusé. Dans ce cas, les réfugiés avaient encore la possibilité de traverser la France sans ce document; ils encouraient alors un grand risque car les rues et les moyens de transport publics étaient hautement surveillés. Sauf-conduit pour Soma Morgenstern, qui, comme Anna Seghers, vécut au numéro 3 de la Rue du Relais. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C VISA AMÉRICAIN ET AFFIDAVIT J'avais déjà un passage pour l'Export Line. Le visa américain m'était accordé. Mais, comme je retournais voir le consul pour obtenir une prolongation, j'appris qu'il me fallait un nouveau, un indiscutable affidavit, une garantie morale, l'attestation de citoyens américains, prêts à certifier que j'étais pure et sans tâche. Moi, une femme qui vit toujours seule, où pouvais-je bien pêcher deux citoyens américains Les réfugiés qui n'avaient pas d'amis sur le continent américain n'avaient que peu de chances de recevoir un jour les papiers nécessaires. Par ailleurs, non seulement il devenait de plus en plus difficile de trouver des fournisseurs d'affidavit ; mais les demandes de visa rencontraient également de plus en plus de refus de la part des autorités américaines. qui mettraient pour moi leurs mains au feu, témoignant que je n'ai jamais détourné de l'argent, que je maudis le pacte germano-soviétique, que je n'ai eu, n'ai et n'aurai aucune sympathie pour les communistes, que les messieurs ne montent jamais dans ma chambre, que j'ai mené, mène et mènerai une vie sage ? Anna Seghers P our obtenir un visa américain, on devait préalablement posséder deux affidavits. Pour un immigré, un affidavit moral et un affidavit financier étaient un gage de prise en charge. C'est pour cette raison qu'il était très utile aux émigrants d'avoir au moins un ami de nationalité américaine. Les affidavits furent aussi souvent fabriqués par les comités d'aide eux-mêmes. L'affidavit de prise en charge financière devait assurer que l'arrivant ne serait jamais à la charge des aides sociales américaines. C'est pourquoi un citoyen américain ou un immigré déjà arrivé et bien placé devait se porter garant et jouer de son statut matériel. La condition pour se porter garant pour un immigrant était un salaire annuel de 5 0 00 dollars, somme autrefois considérable. L'affidavit de prise en charge morale servait d'équivalent de casier judiciaire. Avec ce document, qu'un citoyen américain devait remettre à un notaire, il se portait garant de la transparence morale et politique de l'immigrant. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C BIBLIOGRAPHIE BIOGRAPHIES Photo: Dörthe Behnke, Marseille 2013 SOURCES LITTÉRAIRES DES CITATIONS DANS L'EBOOK Varian Fry Daniel Bénédite Soma Morgenstern « Livrer sur demande… ». Quand les artistes, les dissidents et les Juifs fuyaient les nazis (Marseille, 1940 – 1941), Marseille, 2008 Archives du Centre Américain de Secours Flucht in Frankreich, Berlin, 2000 2 6 11 | 12 | 14 32 | 33 I 3 17 4 23 48 3 7 18 Alfred Kantorowicz Ernst Erich Noth Exil in Frankreich, Bremen, 1971 Erinnerungen eines Deutschen, Hamburg-Düsseldorf, 1971 4 22* 5 28* 8 Hertha Pauli Der Riß der Zeit geht durch mein Herz, Wien-Hamburg, 1970 2 40* Anna Seghers Ludwig Marcuse Transit, Berlin 1954 5 11* 37* 27 9 42 – 43 M Mein zwanzigstes Jahrhundert, München, 1960 57 | 58 II Walter Mehring Lisa Fittko Briefe aus der Mitternacht, Heidelberg, 1971 Mein Weg über die Pyrenäen, München, 2004 2 12* 6 32* 7 51* Hermann Kesten Dichter im Café, München-Wien-Basel, 1959 II 38* 51* Hans Sahl Das Exil im Exil, Hamburg, 1994 Wir sind die Letzten. Der Maulwurf. Gedichte, Frankfurt am Main, 1991 2 13* 3 18* Heinrich Mann Ein Zeitalter wird besichtigt, Berlin, 1973 3 17* 6 32* * Traduit par Sarah Raquillet Alfred Döblin Lion Feuchtwanger Schicksalsreise. Bericht und Bekenntnis, Olten, 1980 Le diable en France, Berlin, 1982 6 M 33* Maurice Lemoine Mary Jayne Gold 36* T C 73 North Side Story, in: Marseille. Histoires de famille, Revue Autrement n° 36, Paris, 1989 Marseille année 40, Paris, 2001 7 55 E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 31 NOTES BIOGRAPHIQUES Son livre Le diable en France retrace son parcours d'émigrant antinazi, son exil et son internement dans différents camps en France. de se rendre sur les lieux pour accomplir cette mission d'aide. Sur place, ce novice de l'action clandestine créa le Centre Américain de Secours (CAS), une petite équipe de onze personnes très efficaces avec lesquelles, du marché noir aux filières d'évasion, du trafic de visas et de papiers d'identité à la corruption de fonctionnaires, il apprit les règles d'un jeu inédit. Le 15 août 1941, l'administration de Vichy expulsa Varian Fry pour avoir « protégé des Juifs et des antinazis ». En vivant, selon ses propres termes, « une vie en un an », il aida presque quatre mille personnes et organisa l'évasion de près de la moitié d'entre elles, dont les plus célèbres s'appelaient Hannah Arendt, André Breton, Marc Chagall, Max Ernst, Lion Feuchtwanger, Arthur Koestler, Lion Feuchtwanger Lion Feuchtwanger (1884 – 1958), romancier et nouvelliste allemand d'origine juive, pacifiste et antimilitariste engagé. Paru en 1925, son roman Le Juif Süss, dénonçant l'antisémitisme, connut un grand succès et fut traduit en une vingtaine de langues. En janvier 1933, Lion Feuchtwanger était aux États-Unis lorsque les SA mirent à sac sa maison à Berlin, confisquèrent ses biens, le privèrent de sa nationalité, de son titre de docteur, et interdirent ses livres. Il s'exila alors en France et trouva refuge à Sanarysur-Mer Æ III . Il fut interné au camp des Milles Æ IV en septembre 1939 puis en mai 1940, mais parvint, avec l'aide du Centre Américain de Secours et du vice-consul américain à Marseille, à échapper à la Gestapo et se réfugia avec sa femme Martha Feuchtwanger en septembre 1940 aux États-Unis, en Californie. Varian Fry En juin 1940 à New-York fut fondée, avec le soutien d'Eléonore Roosevelt et de Thomas et Erika Mann entre autres, l'organisation d'aide aux fugitifs Emergency Rescue Committee (ERC). Des écrivains, artistes, compositeurs, scientifiques, journalistes et politiciens menacés par les nazis avaient besoin d'aide pour quitter la France et s'enfuir aux Etats-Unis. Marseille était à ce moment là le seul port possible pour sortir de France; des milliers d'émigrants se trouvaient dans la ville et voulaient quitter ce pays le plus vite possible avant que l'armée allemande n'en occupe également le Sud. L'ERC chargea le journaliste américain Varian Fry (1907-1967), T E 1 2 Victor Serge. Après son départ, jusqu'au 2 juin 1942, plus de trois cents personnes profitèrent encore de certaines des filières qu'il avait mises en place. 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 31 NOTES BIOGRAPHIQUES Varian Fry fut fait Chevalier de la Légion d'Honneur en 1966. Aux Etats-Unis il fut également récompensé par la Croix de Libération. Le mémorial Yad Vashem quant à lui planta un arbre en son honneur dans « l'allée des droits des peuples ». En Allemagne, enfin, Varian Fry a donné son nom à une rue de Berlin ainsi qu'à la station de bus correspondante près de la Postdamer Platz, où l'on peut lire une plaque commémorative. A Marseille, Varian Fry est honoré par une stèle devant le Consulat américain. Ses mémoires parurent en Allemagne en 1995 sous le titre Auslieferung auf Verlangen et en 2008 dans l'édition critique Livrer sur demande. l'Espagne jusqu'à Lisbonne. En janvier 1940 il arriva à New York sur le bateau de réfugiés Manhattan. d'abord à Vienne puis, en 1938, à Paris. Lors de l'invasion des troupes allemandes à Paris il s'enfuit avec Hertha Pauli à Marseille. Le 3 février 1941 il voyagea sur le Wyoming depuis Marseille vers la Martinique et Miami. Ernst Weiß Ernst Weiß (1882 – 1940), médecin et écrivain autrichien d'origine juive. Il se mit en exil en 1933, d'abord vers Prague puis vers Paris. Il fut soutenu financièrement par les écrivains Stefan Zweig et Thomas Mann. Il se suicida le jour où les troupes allemandes envahirent Paris. Anna Seghers lui dédia son roman Transit. Hertha Pauli Hertha Pauli (1909 – 1973), auteure et actrice autrichienne. Elle fit la connaissance de Walter Mehring à Vienne dans les années 1930, avec lequel elle partagea une longue amitié. En 1938 elle s'enfuit à Paris et y écrivit en 1940 avec Walter Mehring, Ernst Weiss et Hans Natonek une lettre à Thomas Mann, le priant de son aide urgente pour les exilés bloqués en France. De cet écrit résulta la création de l'Emergency Rescue Committee. Hertha Pauli fut l'une des premiers émigrants à quitter la France par des voies illégales. Hans Natonek Hans Natonek (1892 – 1963), journaliste et écrivain germano-tchèque. Il s'enfuit de Paris avec Hertha Pauli et Walter Mehring en juin 1940 et arriva à Marseille en passant par Lourdes et Toulouse. A la fin du mois d'août 1940 il fuit par les Pyrénées et à travers Walter Mehring Walter Mehring (1896 – 1981), écrivain allemand, ancien dadaïste, collaborateur de la revue die Weltbühne et l'un des meilleurs paroliers du XX ème siècle. Il émigra en 1933 T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 31 NOTES BIOGRAPHIQUES A la fin du mois d'août 1940, elle partit avec Hans Natonek et la collaboratrice de la revue die Weltbühne Hilde Walter par le chemin traversant les Pyrénées. Depuis Lisbonne par bateau, elle rejoignit New Jersey le 12 septembre 1940. En 1933 Hans Sahl fuit le national-socialisme en passant par Prague et Zürich vers Paris, où il fut arrêté puis interné au camp Le Ruchard dans le Sud de la France. La fuite à Marseille lui réussit et – grâce à Varian Fry et à son Centre Américain de Secours – il put rejoindre les Etats-Unis depuis Lisbonne. Hans Sahl restitua plus tard ses expériences dans son roman autobiographique Die Wenigen und die Vielen (1959) et édifia ainsi à Varian Fry et à son comité d'aide un mémorial littéraire. Daniel Bénédite Daniel Bénédite (1912 – 1990), résistant français. En tant que gérant du CAS à partir novembre 1940, il fit parti du cercle étroit d'amis et de collègues de Varian Fry. Il se procura des passeports vides au marché noir, qu'il transmit au faussaire et dessinateur Bill Spira. Hans Sahl Hans Sahl (1902 – 1983), de son vrai nom Hans Salomon, connu également sous les pseudonymes Franz Floris, Peter Munk, Salpeter, écrivain et critique littéraire allemand. Provenant d'une famille de la grande bourgeoisie juive, il grandit à Berlin et, après ses études à Breslau, se fit très vite un nom dans les domaines de la littérature, du théâtre, de la critique de film, notamment pour les journaux Tage-Buch, Berliner Börsen-Courier et Montag Morgen. Il vécut dans la colonie d'artiste de Wilmersdorf. Lisa et Hans Fittko Mary Jayne Gold Lisa Fittko (1909 – 2005), résistante et auteure austro-hongroise, et Hans Fittko (1903 – 1960), journaliste allemand, inaugurèrent la « Route F » pour la mission de Fry à travers les Pyrénées jusqu'à la frontière franco-espagnole à Port-Bou, route que plus de 300 fugitifs empruntèrent par la suite. T E 1 2 Mary Jayne Gold (1909 – 1997), riche héritière américaine, fit don de son argent et trouva pour Fry la Villa Air-Bel dans le quartier périphérique de La Pomme, où il put se reposer le week-end. 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 31 NOTES BIOGRAPHIQUES Mary Jayne Gold passa sa jeunesse en Europe et, en août 1940, décida d'entrer au CAS de Marseille et de prendre activement part au travail de secours du comité Fry. Grâce à de généreuses donations, elle garantit le succès de plusieurs actions de secours. A l'automne 1941, après l'expulsion de Varian Fry hors de France, elle retourna aux Etats-Unis. Là-bas, elle resta en contact avec Varian Fry et, en 2001, son livre de souvenirs Marseille année 40 parut en anglais et en allemand. antifasciste allemand et publia plusieurs pamphlets contre le régime nazi. En 1940, il pu s'enfuir aux Etats-Unis avec sa femme Nelly et son neveu Golo grâce à l'aide de Varian Fry. Rudolf Hilferding Rudolf Hilferding (1877 – 1941), homme politique socialiste allemand d'origine autrichienne. Il fut le ministre des finances du Reich en 1923 et 1928. En 1933 il s'enfuit d'abord à Zürich, puis à Prague, à Paris, et, en 1940, à Marseille. Après le refus de sa demande d'asile par la Suisse, il craignit de quitter la France par des voies illégales. En février 1941, il fut arrêté et livré à la Gestapo. Il mourut quelques jours plus tard dans la prison parisienne de La Santé. Golo Mann Heinrich Mann Heinrich Mann (1871 – 1950), écrivain allemand, frère aîné de Thomas Mann. En 1933 il fut forcé de quitter l'Académie des Arts de Berlin, fut dénaturalisé et s'exila en Tchécoslovaquie puis en France, où il obtint la nationalité tchèque. Humaniste et militant antifasciste, il fonda à Paris le Front populaire Golo Mann (1909 – 1994), historien et écrivain allemand, troisième enfant de Thomas Mann. Il vécut à partir de 1933 en Suisse et en France. En 1936, la famille Mann fut déchue de sa nationalité allemande. Golo Mann se déclara volontaire pour rejoindre une unité tchèque en France en 1940 et fut pourtant interné au camp des Milles Æ IV . Grâce à l'intervention de Varian Fry, il fut libéré et put emprunter, en septembre 1940, avec son oncle Heinrich Mann et sa tante Nelly, le chemin d'évasion par les Pyrénées. Un mois plus tard, ils atteignirent New York à bord du bateau Nea Hellas. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 31 NOTES BIOGRAPHIQUES Carbone et Spirito inspirèrent Eugène Saccomano, dont le livre Bandits à Marseille fut adapté au cinéma par Jacques Deray sous le titre Borsalino, avec Alain Delon et JeanPaul Belmondo dans les rôles principaux. Rudolf Breitscheid Rudolf Breitscheid (1875 – 1944), homme politique socialiste allemand. Il fut, à partir de 1928, le président du groupe socialdémocrate du Parlement allemand. En 1933 il s'enfuit avec sa femme à Paris et en 1940 à Marseille. La Suisse lui refusa sa demande d'asile politique. Breitscheid ne voulait pas quitter la France illégalement, c'est pourquoi il refusa l'aide de Varian Fry. Il fut arrêté par la police française en février 1941, puis livré à la Gestapo. En 1944 il mourut dans le camp de concentration de Buchenwald. Carbone et Spirito Paul Carbone (1894 – 1943) et François Spirito (1900 – 1967), mafieux français. Dans les années 1920, ils posèrent la première pierre de l'import d'opium et de sa transformation en héroïne pour leur empire mafieux : la fameuse French Connection. Grâce à l'export d'héroïne vers l'Amérique, ils devinrent richissimes en un temps record et étendirent leur pouvoir de sorte que, à côté des commerces courants de prostitution, de marché noir et de brigandage, un travail politique étroit entre les frères corses commença. Au début de l'année 1939 Marseille fut déclarée ingouvernable et le maire fut remplacé par un gestionnaire public. T E 1 2 Bil Spira Bil Spira (1913 – 1999), écrivain autrichien. Il émigra en 1938 à Paris et se nomma Willy Freier. A partir de 1940 à Marseille, il entra au service de Fry en tant que faussaire. Il fut dénoncé par un agent double du nom de Drach et, en novembre 1940, commença le voyage dans l'enfer des camps allemands d'extermination : Auschwitz, Buchenwald, Teresienstadt. En mai 1945 il fut libéré par les soldats russes. 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 31 NOTES BIOGRAPHIQUES Anna Seghers L'écrivain Anna Seghers (née Netty Reilung en 1900 à Mayence), s'enfuit d'Allemagne en 1933 et vécut sept ans avec sa famille en exil à Paris. Son mari, le fonctionnaire du parti communiste allemand et économiste László Radványi – nommé Johann-Lorenz Schmidt à partir de 1925 – dirigea, jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale, l'école libre allemande qu'il fonda à Paris. Arrêté en janvier 1940, il fut envoyé d'abord au camp d'internement Le Vernet, puis à celui des Milles Æ IV . Après à peine trois mois de transit à Marseille, le 25 mars 1941, Anna Seghers put monter avec sa famille à bord du paquebot Capitaine-Paul-Lemerle, qui abritait déjà quelques 350 émigrants, dont 50 clients du comité de Varian Fry. En passant par Oran, Casablanca, la Martinique et New York, la famille d'Anna Seghers atteignit le port de Mexico le 30 juin 1941. Alfred Kantorowicz Alma Mahler Werfel et Franz Werfel Alfred Kantorowicz (1899 – 1979), juriste, journaliste et critique allemand. Il émigra en 1933 en France puis fut dénaturalisé. Après son internement au camp des Milles Æ IV , à partir de janvier 1940, il vécut dans la Villa Valmer que possédait Lion Feuchtwanger à Sanary-sur-Mer Æ III , puis dans l'ancien appartement de Franz et Helen Hessel. Friedel et Alfred Kantorowicz séjournèrent à Marseille à partir du mois de juin 1940 et purent partir aux Etats-Unis en mars 1941. T E 1 2 Alma Mahler-Werfel (1879 – 1964), compositrice et salonnière viennoise. Après avoir été mariée à Gustav Mahler et Walter Gropius, elle fit la connaissance de l'écrivain Franz Werfel, de onze ans son cadet, en 1917. Ils se marièrent et partirent ensemble en exil en France en 1938. Franz Werfel (1890 – 1945), écrivain autrichien. Ses livres furent brûlés lors des autodafés de 1933. De 1935 à 1937 il vécut aux États-Unis, puis il émigra en France avec sa femme. Puisqu'en septembre 1940 aucune autorisation de sortie du territoire ne fut délivrée à Marseille, le couple Werfel dut emprunter le chemin illégal par les Pyrénées avec Heinrich, Nelly et Golo Mann. Tandis qu'un collaborateur du CAS accompagnait le groupe, Varian Fry conduisit les douze valises des Werfel jusqu'au poste-frontière. 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 31 NOTES BIOGRAPHIQUES Alfred Döblin Alfred Döblin (1878 – 1957), médecin et écrivain allemand. Son roman Berlin Alexanderplatz parut en 1929 et devint un succès mondial. En 1933 il émigra d'abord en Suisse, puis en France. En été 1940 il quitta Paris pour Marseille avec sa femme et son plus jeune fils et reçu miraculeusement l'argent pour se procurer le billet de bateau LisbonneAmérique: un fonctionnaire français qu'il ne connaissait même pas le lui offrit. Walter Benjamin Hannah Arendt Walter Benjamin (1892 – 1940), historien et essayiste allemand d'origine juive. Il émigra à Paris en 1933, où il poursuivit son travail de critique. Dans les années 1920 il voyagea plusieurs fois à Marseille et prit contact avec les Cahiers du Sud. En 1938, il n'écouta pas les conseils de son ami Adorno et refusa de s'exiler aux États-Unis, estimant qu'il y avait « en Europe des positions à défendre ». Interné au camp de Nevers, puis au camp des Milles en juin 1940, il tenta de fuir clandestinement aux États-Unis, mais il fut arrêté à la frontière franco-espagnole et se suicida en septembre 1940 à l'hôtel Francia de Port-Bou. La société Walter Benjamin de Francfort construisit un mémorial pour l'un des penseurs les plus considérables du 20ème siècle: le mémorial Passages. T E 1 2 Hannah Arendt (1906 – 1975), journaliste et théoricienne politique. Elle émigra en 1933 à Paris, où elle rencontra en 1936 Heinrich Blücher, dont le cercle d'amis regroupait Walter Benjamin et le neurologue Fritz Fränkel. Hannah Arendt soutint financiellement Walter Benjamin lors de son séjour à Paris et, plus tard, elle sauva à Marseille d'importants manuscrits de l'écrivain disparu. Elle put émigrer aux Etats-Unis avec sa mère et son mari Heinrich Blücher en avril 1941. 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 31 NOTES BIOGRAPHIQUES Siegfried Krakauer Soma Morgenstern Soma Morgenstern (1890 – 1976), écrivain d'origine juive et correspondant pour plusieurs quotidiens allemands importants. Il provenait, comme son ami Joseph Roth, de Galicie orientale. En 1938 il s'enfuit de Vienne vers Paris. Durant la guerre, il fut plusieurs fois interné et atteignit Marseille en juillet 1940. Il y vécut à l'Hôtel Aumage, 3 rue du Relais Æ 5 . En février 1941 il réussit à quitter Marseille avec l'aide du CAS. Il arriva à New York en avril 1941 et fut le seul de sa famille ayant survécu à l'holocauste. Ludwig Marcuse Siegfried Krakauer (1893 – 1966), architecte, publiciste et sociologue allemand. Il émigra avec sa femme Lili Krakauer en 1933 à Paris. En juin 1940 ils s'enfuirent à Marseille, où Siegfried Krakauer travailla à sa théorie du cinéma. Après leur tentative de fuite par les Pyrénées, avortée en septembre 1940, ils fuirent en février 1941 en Espagne et jusqu'à Lisbonne. Fin avril 1941, ils atteignirent New York. T E 1 2 Ludwig Marcuse (1894 – 1971), philosophe et écrivain allemand. Il quitta l'Allemagne en 1933 et vécut à Sanary-sur-Mer Æ III jusqu'en 1939. Cette année là, il réussit à fuir aux Etats-Unis. 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C 31 NOTES BIOGRAPHIQUES André Breton André Breton (1896 – 1966), poète et chef de file du mouvement surréaliste. Intellectuel de la gauche révolutionnaire, il se trouvait sur la liste noire du régime de Vichy. Après des débuts symbolistes et dadaistes, Breton publia le Manifeste du surréalisme en 1924 et constitua un groupe d'artistes auquel appartinrent, entre autres, Paul Eluard, Louis Aragon, Antonin Artaud, Georges Bataille, Max Ernst, Oscar Dominguez, Hans Bellmer, Salvador Dali. En 1934, Breton épousa la peintre Jacqueline Lamba. En 1940, il vécut avec elle et leur fille Aube à la Villa Air-Bel à Marseille, puis il émigra aux Etats-Unis au printemps 1941 à bord du paquebot Capitaine Paul Lemerle. Jean Ballard Simone Weil Jean Ballard (1893 – 1973), contrôleur des poids et des mesures sur le marché marseillais, il fonda avec Marcel Pagnol le journal littéraire Fortunio en 1913, qui devint Les Cahiers du Sud en 1924. Ballard publia les premiers textes surréalistes dans les années 1920. La revue leur resta fidèle, ainsi qu'aux autres artistes qui arrivèrent en exil à Marseille, et continua de publier leurs écrits malgré le manque de papier et la censure. T E 1 2 Simone Weil (1909 – 1943), philosophe. A partir de l'été 1940, elle séjourna vingt mois à Marseille avec ses parents. En 1942, elle embarqua dans l'avant-dernier bateau qui partit pour l'Amérique avant l'invasion de l'armée allemande à Marseille. Parallèlement à son travail clandestin antifasciste et sa coopération dans le comité Fry, Simone Weil écrivit à Marseille onze des ses célèbres Cahiers et publia un numéro spécial des Cahiers du Sud sur l'histoire, la culture et la langue occitanes. Après un court séjour aux Etats-Unis, elle revint en Europe pour rejoindre en Angleterre l'Armée française de la Libération conduite par Charles de Gaulle. Elle mourut d'une grève de la faim en 1943. 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C MIE U X VAU T Ê T R E AU MONDE Q U'E N E X I L . Depuis 26 siècles cette ville rebelle vit entre ses deux extrêmes: prospérité et désillusion. Une ville de migrants, une ville étrange pleine d'étrangers. Un exemple extraordinaire de constance dans la transition, marqué par l'histoire du transit, des migrations, du va et vient et du métissage. Dans cette ville le voyageur s'inscrit dans une histoire immémoriale de l'exil et vit entre les mondes et les cultures. Celles-ci ne s'observent pas sur les bâtiments ou les mémoriaux, mais dans les yeux de ceux qui ont traversé Marseille. CHRONOLOGIE DU PROJET PLAN D'EXIL La première arrivée s'appelle toujours D epuis 2007, dans le cadre du projet multimédia PLAN D'EXIL, nous nous intéressons à la mémoire et à l'actualité de l'exil, notamment à la mémoire des artistes et intellectuels qui furent expulsés par le régime fasciste et durent quitter l'Allemagne. En partant de l'Histoire, nous nous demandons ce que peut aujourd'hui signifier pour tant de gens quitter son pays – que ce soit volontairement ou par la force, et nous marchons sur les traces de leur vie à Marseille. compagnon : « Moi, je rentre à Marseille, et Marseille, un port assez considérable posté pas demain, tout de suite aujourd'hui ». […] de l'autre côté de la Méditerranée. Il n'y Cette fois, il découvrit la Canebière, et trouva personne, ne connaissait personne, l'entrée et personne ne le connaissait. Du monde, à géométriquement deux sortes de forteresses droite, à gauche, deux nuits dans la grande dont il apprit plus tard les noms : le Fort ville au pied d'une Notre-Dame indifférente Saint-Jean, le Fort Saint-Nicolas. Un soleil qui ne le regarda pas. « Non », se dit-il rayonnant lui réchauffa les reins, un astre d'emblée dans son sabir dialectal, « il me faut presque semblable à celui de « là-bas », cette continuer mon chemin ». Il se dirigea alors fois il se sentit arrivé. Il fit des connaissances vers Grenoble où de vagues connaissances hasardeuses, des hommes, comme lui, qui pourraient le dépanner. parlaient arabe. Ils discutaient des nouvelles De la neige partout, un travail éreintant mais reçues du pays. Il commença dès lors à béni, vite trouvé, le soir venu il coupait court, fréquenter des magasins arabes, des cafés s'installait devant un antique téléviseur, arabes, toutes sortes d'Arabies. Son moral prenait le journal, lisait un peu, puis ensuite sortit de la zone obscure des dépressions. Æ Migreurop – Observatoire des frontières il dormait. Il resta peu dans ces montagnes Et cette noble inconnue, au doux nom de étranges et glacées d'hiver froid. La grande Marseille, y était pour beaucoup. Réseau européen et africain, dans lequel activistes et sociologues s'engagent à rendre visible et à entreprendre différentes démarches contre l'exclusion toujours croissante d'étrangers ainsi que le développement des camps destinés aux migrants. du vieux port qu'encadraient saison blanche n'était pas terminée que déjà apostrophait Mourad, son nouveau Maurice Lemoine North Side Story T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C CHRONOLOGIE DU PROJET PLAN D'EXIL 2007 – 2013 ÉTE 2007 AVRIL / JUIN 2008 Pour conclure l'atelier PLAN D'EXIL, de jeunes allemands et français se rendirent dans la rue et établirent avec les passants du quartier Belsunce un dialogue ludique sur l'origine des mots, des choses, des hommes. Lors de l'atelier qui dura cinq jours et auquel participèrent plus de vingt jeunes étudiants et artistes, plusieurs actions de rue furent créées. Par la suite furent élaborés des installations photo et vidéo, des livres objets, des plans de ville imaginaires, un jeu de cartes, une valise de l'exil et des textes qui furent présentés à Hambourg en juin 2008. Æ Vidéo de l'action de rue Æ Vidéos I – V FÉVRIER 2009 T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C Dix adolescents et artistes français rencontrèrent leurs homologues allemands à Berlin. Ils se confrontèrent pour la première fois ensemble aux thèmes de l'exil, de l'émigration et de la vie à l'étranger. Les traces de l'immigré français et poète germanophone Adelbert von Chamisso, des révolutionnaires Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, de la scène culturelle de Kreuzberg, du mur et des Stolpersteine furent conservés à Berlin. En février 2009, Radio Grenouille enregistra une Æ visite guidée sur le thème de l'exil avec Sabine Günther. Æ Vidéo Æ www.tell-me-tours.com JUILLET 2009 De jeunes allemands et français participèrent à un atelier PLAN D'EXIL à Marseille, lors duquel ils photographièrent les derniers hôtels de réfugiés dans le quartier Belsunce, écrivirent des portraits littéraires et photographièrent des graffitis et des pochoirs observés dans la ville. Le dernier jour de l'atelier, ils discutèrent avec Jessica Cohen du projet de Stolpersteine personnelles à Marseille et organisèrent un happening sur les escaliers de la gare Saint-Charles avec des pochoirs représentant des exilés célèbres, pancartes qu'ils portèrent ensuite dans la ville. Æ Galerie de photos Rencontre avec l'artiste performeur Julien Blaine au Musée d'Art Contemporain de Marseille et organisation d'un jeu de T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C piste à Sanary-sur-Mer Æ III sur les traces des maisons des écrivains exilés. OCTOBRE 2009 Æ Dans le cadre de notre projet de théâtre franco-allemand avec La Ménagerie, intitulé Entre 2 chaises / Zwischen 2 Stühlen, un atelier d'écriture théâtrale se déroula à Marseille. Six jeunes tout juste arrivés à Marseille et sept jeunes allemands, tous issus de l'immigration, écrivirent ensemble des textes sur leurs expériences interculturelles. De ces petits textes naquit le texte théâtral Entre 2 chaises de Marine Vassort qui fut joué en juillet 2010 par la troupe de théâtre de La Ménagerie dans le Centre Français de Berlin. Æ Vidéo Æ Livre Æ FÉVRIER 2010 ET FÉVRIER 2013 T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C Dans le cadre du programme européen Grundtvig, nous organi-sâmes à Marseille des ateliers thématiques sur la restitution artistique du thème de l'exil. JUILLET 2010 Vingt jeunes adultes allemands et français se penchèrent sur la question des cartes imaginaires et de la représentation multimédia du quotidien et de l'histoire. L'action de rue nommée Ma pierre dans le Panier se déroula pour clore cet atelier : les premières Stolpersteine françaises furent posées sous forme d'installations artistiques. Æ Portfolio de l'atelier Grundtvig-Ateliers 2010 et Æ Portfolio 2013 Happening La Ligne jaune, Æ sous la direction d'Antonella Fiori, 2010 Vidéo Vidéos Æ Passage & Co. – Spectacle Æ Lecture des textes de l'atelier Interview de l'auteure Marine Vassort Æ T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C JUIN / SEPTEMBRE 2011 / JUIN 2012 Rencontre avec Damien Taillard, qui collectionne les vinyls contenant de la musique du quartier Belsunce. Des élèves de Hambourg et Berlin participèrent à l'atelier PLAN D'EXIL à Marseille. L'approche artistique y fut développée grâce à la participation de différents artistes. Æ Phocéephone 2013 L'année où Marseille-Provence fut nommée capitale européenne de la culture nous donna l'occasion de présenter le projet PLAN D'EXIL aux nombreux voyageurs qui s'inscrivirent aux visites guidées de Marseille organisées par Sabine Günther. En octobre 2013 nous réalisâmes une documentation interactive sur le projet PLAN D'EXIL sous la forme d'un eBook que vous avez à présent sous les yeux. Cet eBook constitue le point d'orgue de six années d'expériences artistiques franco-allemandes sur le thème de l'exil et de la migration. En bas : Dialogue avec Ulrich Fuchs, directeur artistique de la capitale européenne de la culture Marseille-Provence 2013 Æ Documentation photographique et textes concernant l'histoire du projet T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C L'ÉQUIPE ÉDITORIALE SE PRÉSENTE L'eBook du projet PLAN D'EXIL que vous avez sous les yeux a été créé en octobre 2013 à Marseille. Il fut conçu par Sabine Günther, mis en page par Oliver Schmoi et traduit en français par Sarah Raquillet. Sabine Günther Marseille/Berlin Critique littéraire, manager culturel Auteure, traductrice et manager culturel, Sabine Günther est responsable de projet au sein de l'association Passage & Co. à Marseille, spécialisée dans les échanges culturels francoallemands. Au nom de l'association, elle initie et dirige depuis 1996 des projets artistiques (Nord-Sud-Passage, PLAN D'EXIL), des ateliers de création franco-allemands, des séminaires européens de formation, des voyages culturels et des balades littéraires. Sarah Raquillet Berlin Manager culturel, traductrice Sarah Raquillet travaille en tant que traductrice et manager culturel freelance à Berlin. Depuis le mois de juillet 2013, elle représente le bureau berlinois de l'association Passage & Co. – Echanges culturels franco-allemands. Dans ce cadre, elle est responsable de la communication et chargée de développer les relations de presse en Allemagne. En octobre 2013, elle intègre le projet PLAN D'EXIL en traduisant en français cet eBook conçu par Sabine Günther. Oliver Schmoi Berlin Graphiste Oliver Schmoi étudie la communication visuelle à l'école supérieure spécialisée de Potsdam. Il a assuré la mise en page graphique de l'eBook. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C ANNEXES PLAN D'EXIL – Photos et vidéos du projet Les photos Æ Flickr et Vidéos Æ Vimeo du projet PLAN D'EXIL sont présentes sur Internet. Sources Les photos d'illustration proviennent d'archives publiques Internet. Leur utilisation ne sert aucun but commercial. Passage & Co. Sabine Günther / Direction de projet 109, Chemin de la Porte rouge F – 13530 TRETS Tel. 0033 (0) 4 42 29 34 05 [email protected] L'eBook a été réalisé en langues allemande et française sous la commande de Passage & Co. en octobre-novembre 2013 à Marseille et Berlin. Il est publié sur le site Internet Æ www.exilplan.com. Le contenu de l'eBook lisible au format pdf est protégé conformément aux droits d'auteur. Son téléchargement n'est possible que sur autorisation expresse. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C REMERCIEMENTS Entre 2007 et 2013, plus de 150 adolescents, jeunes adultes et artistes allemands et français travaillèrent au projet artistique franco-allemand PLAN D'EXIL. Les participants alimentèrent le projet avec des photos, des films, des cartes et des textes, des objets d'arts et des actions de rue, et en furent également les acteurs principaux. Nous sommes particulièrement reconnaissant au lycée Waldörfer Gymnasium de Hambourg pour sa collaboration fructueuse qui nous a conduits à plusieurs présentations du projet et ateliers à Hambourg et à Berlin. Par ailleurs, nous avons travaillé en partenariat avec la Königin-Luise-Stiftung, le lycée Werner-von-Siemens-Gymnasium, les écoles berlinoises Leibniz-Schule et Beethoven-Schule, l'UFR d'ethnologie européenne de l'université Humboldt de Berlin et l'Institut de germanistique de l'université d'Aix-Marseille. De nombreux artistes ont honoré notre invitation et organisèrent des ateliers, dans lesquels leur propre travail artistique pris un nouvel élan: Pilar Arcilar, Eric Cartier, Antonella Fiori, Dorothée Volut, Marine Vassort, Nicolas Facenda, Paula Bonneaud, Gesa Matthies, Michèle Sainte-Beuve, Marc Seestaedt, Stéphanie Marini, Clément Carvin, Catherine Ricoul, Fleur DuverneyPrêt, Damien Taillard, Valérie Mitard, Martin Flament, Guillaume l'Hôte, Marie Rotkopf, Guillaume Fayard. T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C REMERCIEMENTS Le projet PLAN D'EXIL aurait été impensable sans le soutien dynamique d'un grand nombre de stagiaires: Nina Pollard, Aïda Benhadid, Tugba Ural, Rebecca Dovergne, Benedikt Frantz, Mieke Timm, Lara Samuel, Lina Pelz, Kerstin Pätzold, Dana Lupu, Thea Göhring, Laurianne Gobillard, Martina Arnold, Levent Özdil, Nicola Martin, Sabine Ohlenbusch, Veronika Metzger, Jérôme Babize, Camille Saraben. Nous remercions l'Office Franco-Allemand pour la Jeunesse pour le généreux soutien financier que nous avons continuellement reçu depuis 2007 ! En outre, nous avons obtenu le soutien de la Robert-BoschStiftung, de l'Alfred Toepfer Stiftung et de la Commission Européenne dans le cadre du Programme Grundtvig d'éducation et de formation tout au long de la vie. Pour l'élaboration collective du texte théâtral Entre 2 chaises, nous reçûmes le soutien financier de la Direction Régionale des Affaires culturelles PACA dans le cadre du programme Identités Parcours & Mémoire (IPM, Marseille). T E 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 I II III M L C
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