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PARCOURS D'EXIL
MARSEILLE 2013
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WWW.EXILPLAN.COM
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© Passage & Co., 2013
PLAN D'EXIL
Un projet artistique de Passage & Co.,
Marseille/Berlin
Notre association Passage & Co. – Echanges culturels franco-allemands
en Europe organise, depuis 2007, l'atelier multimédia PLAN D'EXIL.
Dans cet atelier, il s'agit, d'une part, de mettre en valeur, par la voie
artistique, l'expérience de l'exil que vécurent les intellectuels, écrivains
et artistes allemands en France dans les années 1930 – 1940 et, d'autre
part, de rendre visible l'actualité de l'exil et des processus de migration.
Après des années de recherche et de nombreuses expériences nourries
d'approches artistiques sur le thème de l'exil, un parcours d'exil en
10 étapes a vu le jour à Marseille, parcours que nous vous proposons
ici sous la forme d'un eBook.
Un projet de Passage & Co., 2013. Avec le généreux soutien de l'OFAJ,
dans le cadre de son programme « 50 ans – 50 projets », et en partenariat
avec Marseille-Provence 2013.
Direction de projet et conception de l'eBook: Sabine Günther 4
Développement de projet et traduction: Sarah Raquillet 4
Conception graphique: Oliver Schmoi 4
EXIL
PLAN
Marseille, capitale européenne de la culture 2013, fut, entre
1940 et 1944, tout autant un haut lieu de résistance antifasciste
que le théâtre de la persécution et de la destruction. Ulrich
Fuchs, sous-directeur de MP2013 et ancien directeur de la
capitale culturelle « Linz09 », suggéra d'utiliser la résonnance
de la capitale culturelle pour se souvenir de l'Histoire de la
ville pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ainsi, dans le cadre du projet ICIMÊME, des marquages furent peints
sur le sol de 51 lieux de mémoire dans
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la ville.
TABLE DES MATIÈRES
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TITRE
PLAN D'EXIL – UN PROJET DE MÉMOIRE
FRANCO-ALLEMAND, MARSEILLE - BERLIN
INTRODUCTION
E
1
LES ESCALIERS DE LA GARE SAINT-CHARLES
I
EXCURSION I – VILLA AIR-BEL
2
BOULEVARD D'ATHÈNES – HÔTEL SPLENDIDE
II
EXCURSION II – SANARY-SUR-MER
3
BOULEVARD D'ATHÈNES – HÔTEL NORMANDIE
III
EXCURSION III – LES MILLES
4
RUE THUBANEAU – LA RUE DES FAUSSAIRES
5
RUE DU RELAIS – HÔTEL AUMAGE
M
6
LA CANEBIÈRE
DOCUMENTS – PASSEPORTS, VISA,
SAUF-CONDUITS, AFFIDAVITS
7
RUE BEAUVAU – HÔTEL CONTINENTAL
L
BIBLIOGRAPHIE, BIOGRAPHIES
8
10, COURS JEAN BALLARD – LES CAHIERS DU SUD
C
CHRONOLOGIE DU PROJET PLAN D'EXIL
(2007 – 2013)
9
LES CAFÉS DU VIEUX PORT
10
LA DESTRUCTION DU PANIER
MENTIONS LÉGALES / REMERCIEMENTS
EXIL
L'
REND SEUL
ET TUE.
INTRODUCTION
Immédiatement après l'accession d'Hitler au poste de chancelier du
Reich allemand en 1933 fut instaurée la répression des intellectuels,
artistes et écrivains juifs, antifascistes et communistes en Allemagne.
La plupart d'entre eux abandonnèrent leur patrie et s'installèrent en
France. Non seulement Paris devint un important épicentre culturel de
l'exil germanophone, mais aussi Sanary-sur-Mer Æ III , située sur la côte
méditerranéenne française.
Lorsqu'en septembre 1939 la France déclara la guerre à l'Allemagne,
les exilés allemands furent internés en tant qu'« étrangers indésirables ».
L'un des camps d'internement sommaires pour l'hébergement
contrôlé de milliers d'allemands et d'autrichiens vivants dans le Midi
à ce moment là, fut l'ancienne briqueterie Les Milles Æ IV , à Aixen-Provence. Le pressentiment des émigrants, d'être désormais
pris au piège en France, auquel il n'y aurait peut-être aucune
échappatoire, devint en 1940 une certitude. L'accord d'armistice
franco-allemand Æ M , duquel faisait partie la liste des fugitifs à
livrer aux nazis, conduisit à la fuite massive du Nord occupé vers
la « zone libre » au Sud. A partir de juin 1940 Marseille fut le
seul port français duquel pouvaient appareiller des paquebots
remplis de fugitifs.
Qui avait réussi à arriver à Marseille n'était pourtant en aucune façon
sûr de pouvoir fuir les troupes offensives allemandes, ni de quitter la
France à temps – de quelque manière que ce soit.
August Sander, portrait du peintre Anton Räderscheidt (1927).
Anton Räderscheidt vécut à Sanary-sur-Mer dans les années
1930. Après son internement au camp des Milles, il réussit à
s'exiler en 1942 en Suisse.
Le destin de dix milliers d'émigrants était entre les mains du gouvernement de Vichy qui désormais collaborait ouvertement avec les
nazis et qui, en raison de ses engagements dans l'accord d'armistice,
non seulement laissa la Gestapo passer au peigne fin les camps
d'internement, mais rendit également le port de Marseille infranchissable
pour empêcher les départs transatlantiques.
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31 notes biographiques
Lion Feuchtwanger | Varian Fry | Hans Natonek |
Ernst Weiß | Walter Mehring | Hertha Pauli |
Hans Sahl | Lisa et Hans Fittko | Daniel Bénédite |
Mary Jayne Gold | Heinrich Mann | Golo Mann | Rudolf Breitscheid | Rudolf Hilferding | Carbone et
Spirito | Anna Seghers | Alfred Kantorowicz | Franz et Alma Mahler Werfel | Alfred Döblin | Walter Benjamin | Hannah Arendt | Soma
Morgenstern | Siegfried Krakauer | Jean Ballard | Ludwig Marcuse | Simone Weil | André Breton
Cette photo montre Lion Feuchtwanger 4 derrière les barbelés
du camp d'internement des Milles. Lorsqu'elle parut dans la
presse américaine en 1940, elle choqua tellement le public que
l'American Rescue Committee fut créé, de l'argent fut collecté
et Varian Fry envoyé à Marseille.
Sans autorisation de sortie du territoire français Æ M la seule solution
possible pour s'enfuir était, jusqu'à la fin 1940, d'emprunter le chemin
illégal menant à la frontière franco-espagnole par les Pyrénées, puis, de là,
de continuer jusqu'à Lisbonne. Un réseau d'aide aux fugitifs fut monté
avec le concours d'étrangers pour sauver les innombrables émigrants
échoués à Marseille ou enfermés en camps d'internement, parmi lesquels
de célèbres artistes, intellectuels, politiciens et syndicalistes tels que
Lion Feuchtwanger, Heinrich Mann, Franz Werfel, Max Ernst, André
Breton, Anna Seghers, Alfred Döblin, Hans Sahl, Hannah Arendt, Walter
Benjamin, Siegfried Krakauer, Walther Mehring, Rudolf Breitscheid,
Rudolf Hilferding – pour ne nommer qu'eux.
Lorsque le journaliste américain Varian Fry Æ 1 arriva à Marseille en
août 1940 sous l'ordre de l'American Rescue Committee pour sa mission
de secours aux fugitifs, il put compter sur Frank Bohn et Fritz Heine, sur le
soutien du vice-consul américain Hiram Bingham Æ 6 , et surtout sur celui
du consul mexicain Gilberto Bosques Æ 6 , ainsi que sur les consulats
tchèque et chinois. Pour toutes les organisations et personnes engagées
dans l'aide aux fugitifs il s'agissait d'amener le plus d'émigrants possible
parmi les cent mille bloqués en France, du moins les plus démunis, à
sortir du pays au plus vite.
Les exilés germanophones fréquentaient les mêmes cafés, habitaient en
partie aux mêmes endroit que le cercle d'amis surréalistes autour d'André
Breton et instaurèrent des collectifs de travail, comme la coopérative
Croque-Fruits. Anna Seghers Æ 5 commença à travailler à son roman
Transit, qui devait raconter le désespoir des sans-papiers de cette époque.
D'autres au contraire, comme Hertha Pauli Æ 2 , essayèrent de sortir de
leur propre chef de la souricière dans laquelle ils étaient pris.
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LES ESCALIERS
DE LA GARE
SAINT-CHARLES
Marseille, pendant la Seconde Guerre
mondiale, fut un lieu d'accueil pour de
nombreux réfugiés qui fuyaient les Nazis.
Beaucoup, le plus souvent arrivés en train,
essayèrent de quitter la France par la voie
maritime.
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1 ÉTAPE
ÈRE
QUI EST CET AMÉRICAIN EN COSTUME CHIC
qui, par un matin brûlant du mois d'août 1940, descend le grand escalier de
la gare Saint-Charles vers le boulevard d'Athènes ?
I
l se nomme Varian Fry, est âgé de 33
ans, et vient d'être envoyé dans la ville
portuaire du Sud de la France par l'Emergency
Rescue Committee (ERC) récemment fondé
à New-York. Sa valise contient une liste de
40 noms d'émigrants notoires et quelques
billets de dollars. Sa mission, gardée impérativement secrète, consiste à sauver le
plus grand nombre possible d'artistes et
de personnalités célèbres des mains des
nazis.
Varian Fry, qui n'avait encore jamais séjourné
à Marseille, arrive par l'entremise de son
collègue Frank Bohn à l'Hôtel Splendide sur
le boulevard d'Athènes. Là, il installe son
bureau au quatrième étage et se met au
travail, car il ne dispose que de six mois pour
accomplir sa mission de secours.
Toute la journée, des flots de soldats et de
réfugiés entrent ou sortent de la gare SaintCharles, montent ou descendent le boulevard
Dugommier et la Canebière, entrent et
sortent des cafés et des restaurants de
la Canebière et du Vieux Port, se ruant
dans les rues comme la foule après
un match de football, qui envahit les
plates-formes avant et arrière des
trams, pousse, bouscule, joue des
coudes. Mais tout cela sans bruit,
épave vivante déposée sur la
grève par un terrible désastre..
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Varian Fry Livrer sur demande
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MÉDIAS
GARE
SAINT-CHARLES
Æ Action des pochoirs
Galerie de photographies
Juillet 2009 Æ E – Notre atelier PLAN D'EXIL se termine par un
happening sur les marches du grand escalier de la gare SaintCharles. Sur une bande de papier d'une longueur d'environ
10 mètres sont appliqués des pochoirs représentant des
portraits de réfugiés. Ensuite, nous marchons de la gare
jusqu'au Vieux Port, habillés de pancartes exposant des
collages et dessins de Marseille, ville des exilés.
Æ Julien Blaine « Chute-Chut! » Vidéo
Dans le cadre de l'atelier PLAN D'EXIL et en préparation
d'une action de rue sur les marches de la gare Saint-Charles,
nous rencontrons le poète-performeur Julien Blaine au MAC.
Il nous montre et explique son travail artistique à travers la
grande rétrospective qui lui est consacrée. Dans le cadre de
cette Æ exposition, nous visionnons le film « Chute-Chut »,
1962-1982.
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2. ETAPPE
BOULEVARD
D'ATHÈNES
HÔTEL SPLENDIDE
L'ancien luxueux Hôtel Splendide (aujourd'hui
Centre Régional de Documentation Pédagogique, CRDP ) fut la première adresse de Varian
Fry lors de son arrivée à Marseille en 1940. Il
y installa son bureau et y organisa un groupe
de travail qui l'aida pour les missions d'aide
légales et illégales du Centre Américain de
Secours (CAS).
2
ÈME
ÉTAPE
DANS LES JOURS QUI SUIVENT L'OUVERTURE
du Centre, nous tenons nos conférences dans ma chambre du Splendide. Ceux d'entre nous
qui n'ont pas de chaise s'assoient sur le lit ou par terre, tandis que nous passons en revue
les cas du jour et décidons de ce que nous pouvons faire pour chaque candidat.
Varian Fry
L'Hôtel Splendide se trouvait au croisement
« Miss Pauli », dit-il d'un ton sec, « well – vous
de la Canebière et du boulevard d'Athènes. A
êtes bien sur ma liste ». […]
mon grand étonnement je trouvai le hall vide,
Mon nom se trouvait tout en haut, entre « Hans
seulement deux flics guettaient les coins gauche
Natonek 4, un humoriste tchèque » et « Ernst
et droit. Je me risquai devant eux en direction
Weiß 4, un nouvelliste tchèque ». J'ai déjà
du portier. Il me vint trop tard à l'esprit que je ne
trouvé Natonek, m'expliqua Fry.
connaissais pas le nom de l'américain. Confuse,
« Qu'en est-il de Ernst Weiß ? » voulut-il savoir. Je
je balbutiai quelque chose qui, en fait, suffit.
Traversant un sombre couloir je me dirigeai
lui expliquai. Fry attrapa un crayon de papier
Le portier fit un signe de la tête. « Admission
vers un point éclairé et, lorsque je passai une
et le raya de la liste. […] Juste sous ce trait
seulement sur inscription ». Apeurée, je lui
porte ouverte, une brise fraîche provenant de la
se trouvait alors « Walter Mehring 4, un poète
chuchotai mon nom, qu'il cria tout de suite dans
fenêtre vint à ma rencontre. Dans le cadre de
allemand ».
le téléphone. Je vis les yeux des flics braqués
la fenêtre, flottait, comme un tableau flou, la
« Bar Mistral », nota Fry dans la marge. Ensuite son
sur moi et me figeai comme sous le regard d'un
silhouette de Notre-Dame de la Garde.
visage à la Buster Keaton se tourna vers moi con-
serpent. Le portier posa le combiné et dit tout
Les murs étaient froids; un jeune homme en
cluant : « Amenez Mehring demain. Au revoir. »
naturellement : « quatrième étage, gauche, s'il
manches de chemise, assis à une table vide,
vous plaît ».
étudiait la feuille de papier qu'il tenait dans
Le hall avec les flics disparut devant moi
la main au lieu de me considérer. J'attendis
pendant que je montai par l'ascenseur. Dans la
confuse et me demandai si j'étais bien au bon
cabine étroite, je sentis le souffle me manquer.
endroit. Là, le jeune homme leva distraitement
Nous allons rester coincer, pensai-je. La porte
la tête et me jeta un coup d'œil fugace à travers
s'ouvrit – quatrième étage, gauche.
ses lunettes.
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Hertha Pauli Der Riss der Zeit geht durch mein Herz
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alter Mehring se cacha plusieurs
semaines dans la chambre de Fry au
Splendide. A la fin de l'année 1940 il y écrivit
cinq des douze livres pour Hertha Pauli
« Briefe aus der Mitternacht », dans lesquels
il commémore ses amis et collègues disparus en exil: Erich Mühsam, Carl von
Ossietzky, Kurt Tucholsky, Ernst Toller,
Joseph Roth, Ernst Weiss, Theodor
Lessing, Carl Einstein, Hans Olden et enfin
Walter Hasenclever qui se suicida six mois
auparavant à 20 km de distance du camp
d'internement des Milles Æ IV avec une dose
létale de Véronal.
Avant la fin de ma première semaine à Marseille,
la nouvelle s'est répandue partout, en zone
non-occupée : un Américain est arrivé de New
York, tel un ange tombé du ciel, les poches
bourrées de billets et de passeports, et en
contact direct avec le département d'Etat, de
sorte qu'il peut obtenir n'importe quel visa en un
clin d'œil. J'apprends même qu'à Toulouse un
type entreprenant vend aux réfugiés mon nom
et mon adresse pour 50 francs.
Varian Fry
Livrer sur demande
Photo: Annette Riley-Fry
A ma chambre, où je me fane,
Le nouvel an frappe douze coups,
Enonce d'une voix cave: ce fut … ce fut …
Accroche sa couronne à la charpente,
Flétri – asphyxié par l'atmosphère mensongère –
Terrassé – accablé par la misère –
Le meilleur millésime de la vigne teutonne
Avant la récolte sa vie ainsi abandonne
Portrait de l'écrivain Walter Mehring,
George Grosz (1925)
Walter Mehring
Briefe aus der Mitternacht (Extrait)
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Tâchez de vous imaginer : les frontières étaient
bloquées, on était pris au piège. A chaque
instant, on pouvait être emprisonné, la vie
touchait à sa fin – et
voilà que soudain se
tient
devant
jeune
toi
un
américain
en
Nous sommes les derniers.
Questionnez-nous.
manches de chemise,
bourre
ton
sac
de
billets,
t'entoure
de
son bras et profère
avec une mine conspiratrice mal jouée :
« Oh, il y a des chemins
pour vous sortir de
Nous sommes là pour ça.
Nous colportons la boîte
Contenant les fiches signalétiques de nos amis
Comme un éventaire.
Hans Sahl
là », pendant que les
larmes te coulent le
long des joues, oui,
d'horribles vraies grosses larmes, et que le
type, le salaud, un ancien étudiant de Harvard
d'ailleurs, prend son mouchoir de soie de sa
veste posée sur la chaise et dit : « Tenez, prenez
ça. Ce n'est pas tout à fait propre. Vous devez
m'excuser ».
Hans Sahl 4
Das Exil im Exil
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Collaborateurs / trices du Centre américain de Secours (CAS)
de gauche à droite : Lisa et Hans Fittko 4, Daniel Bénédite 4, Mary Jayne Gold 4
Fin mai [1941], quand nous faisons le bilan de notre action,
nous constatons qu'en moins de huit mois plus de 15 0 00
personnes sont venues nous voir ou nous on écrit. Nous
avons dû passer en revue chaque cas et prendre une
décision pour chacun. Nous avons considéré que 1 8 00
relevaient de notre compétence. En d'autres termes, il
s'agissait bien de réfugiés politiques ou d'intellectuels qui
avaient toutes leurs chances d'émigrer bientôt. Sur ces
1 8 00 cas, représentant en tout environ 4 0 00 personnes,
nous avons versé par semaine des allocations à 560 et en
avons fait évader un millier. Pour le reste, nous faisons ce
qui est en notre pouvoir, ce qui veut dire, selon les cas, les
faire libérer des camps d'internement ou leur trouver un
dentiste.
Varian Fry
V
arian Fry remonte les escaliers de la gare Saint-Charles
le 29 août 1941 conduit par des gendarmes français.
Renvoyé de France, oublié plus tard aux Etats-Unis par ceuxlà mêmes qui lui devaient la vie, Varian Fry mourut le 13
septembre 1967 d'un « cœur brisé ».
Le CAS à Marseille continua son activité sous la direction de
Daniel Bénédite jusqu'à sa fermeture ordonnée par la police
en juin 1942 et permit encore l'évasion de 300 exilés.
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MÉDIAS
HÔTEL FREI
Æ Action – Hôtel Frei
Vidéo
Avril 2007 – Journée d'action au Centre Régional de Documentation Pédagogique (l'ancien Hôtel Splendide)
« Conférence de presse » du CAS, jouée par les élèves
du Waldörfergymnasium de Hambourg, des stagiaires et
des artistes.
Une rencontre au CAS.
De gauche à droite : André Breton,
Jacqueline Lamba, Varian Fry et
Max Ernst (derrière V. Fry)
Les trois « clients » de Fry étaient,
durant l'hiver 1940 – 41, ses hôtes dans
la Villa Air-Bel. Æ I
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3. ETAPPE
BOULEVARD
D'ATHÈNES
HÔTEL NORMANDIE
L'Hôtel Normandie, aujourd'hui Hôtel
Balladins, se trouvait exactement en face de
l'Hôtel Splendide sur le boulevard d'Athènes.
En 1940 -1941 y séjournèrent Heinrich Mann,
sa femme Nelly et son neuveu Golo, ainsi
que les deux politiciens de la République de
Weimar activement recherchés par la Gestapo
Rudolf Breitscheid et Rudolf Hilferding.
3 ÉTAPE
ÈME
MANN EST ARRIVÉ QUELQUES JOURS PLUS TÔT
à Marseille avec sa femme et ils sont descendus au Normandie, où logent également Breitscheid et Hilferding. Quand je leur parle de mon projet, ils sautent
immédiatement sur l'occasion.
Varian Fry
P
eu après son arrivée à Marseille, Varian
Fry décida d'accompagner lui même
Heinrich 4 , Nelly et Golo Mann 4 , ainsi
que le couple Franz Werfel et Alma MahlerWerfel Æ 6 qui logeait sur la Canebière dans
le luxueux Hôtel du Louvre et de la Paix,
de Perpignan jusqu'à la frontière francoespagnole à Port-Bou en passant par les
Pyrénées.
Pour Heinrich Mann agé de presque 70 ans,
le chemin par les Pyrénées représentait un
effort extraordinaire.
Je n'avais pas escaladé de montagne aussi
importante depuis des décennies, j'étais
à présent vieux et pataud: je tombais très
souvent dans les épines. Elles s'enfonçaient
dans mes pieds et je n'avais plus qu'à les
arracher à la main. Mon neveu me soutint
plusieurs fois, puis il se mit à disposition de
ma femme, qui l'aurait bien voulu pour elle
toute-seule.
Heinrich Mann
Ein Zeitalter wird besichtigt
Æ 6
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L orsqu'ils furent arrêtés et livrés à
la Gestapo en février 1941, Rudolf
Hilferding 4 et Rudolf Breitscheid 4 avaient
déjà leurs billets pour embarquer sur le
Wyoming. Hilferding mourut « d'une façon
non élucidée » le 12 février à la prison de
La Santé à Paris et Breitscheid fut déporté
et mourut le 28 aout 1944 dans le camp de
concentration de Buchenwald.
Quelques jours plus tard Rudolf Breitscheid
était assis dans un café bondé de la Canebière.
Breitscheid,
un
homme
remarquable
et
beau garçon, grand et mince, m'adressa la
parole à haute voix en allemand : « Je n'ai
pas l'intention de partir. Je réclame mon
droit d'asile, qu'on m'a prolongé en tant que
réfugié politique. »
« Pas si fort, dis-je, on nous comprend à la table
d'à côté, nous devons être plus prudents. »
« Je n'ai pas l'intention d'être prudent », dit
Breitscheid. « Je ne souhaite pas participer
Baby [Walter Mehring] part enfin. Il a tous
à votre hystérie collective. M. Fry m'a déjà
ses papiers et visas pour passer par la
proposé différents passeports. Un tchèque,
Martinique et le bateau part demain matin
un danois, que sais-je encore… Naturelle-
(mardi) à 10 heures. Il lui fallait 9 0 00 francs :
ment, j'ai décliné sa proposition, et là, il a
4 0 00 pour le voyage, 5 0 00 comme garantie
voulu me louer un bateau entier – n'importe
(pour autoriser son départ, les autorités
quoi. J'ai adressé une requête à Laval et je lui
Françaises et la compagnie Transat lui
ai expliqué qu'en tant que réfugié politique
demandaient de fournir une somme de
je voudrais quitter la France légalement… »
5 0 00 francs comme garantie qu'il ne serait
« Avec votre foi en la légalité, vous avez déjà
à la charge d'aucun budget pendant son
perdu la république, dis-je, maintenant vous
séjour à la Martinique en attendant l'autre
allez également perdre votre vie ».
départ pour New York). J'ai cru devoir lui
consentir cette somme comme loan. Qu'il
parte vaut bien cela ! Ne pensez-vous pas ?
Hans Sahl
Daniel Bénédite
Note interne de Daniel Bénédite, un jour avant
le départ de Walter Mehring.
En fin de compte, c'est Walter Mehring qui
reçut le billet pour le bateau Wyoming.
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MÉDIAS
HÔTEL NORMANDIE
Æ Atelier sténopé
Photos
Juin 2011 Æ  E – Atelier à Marseille avec un sténopé (camera
obscura). La photographe et cinéaste Pilar Arcilar avait apporté
un sténopé fait de ses propres mains et expliqua aux participants
venant de Hambourg et Marseille comment les photos sont
réalisées et quelles conditions doivent être respectées dans
ce processus. Les photos ont été prises pendant la visite de la
ville animée par Sabine Günther sur les traces des exilés.
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4. ETAPPE
RUE THUBANEAU
LA RUE DES
FAUSSAIRES
4 ÉTAPE
ÈME
DANS LA CLANDESTINITÉ MARSEILLAISE
les faussaires ne manquaient pas de travail. Ils fournissaient des papiers à tous
les prix. On pouvait obtenir un billet validant la sortie d'un camp d'internement
pour 1 000 à 1 500 Francs.
Une Carte d'Identité ou un Certificat d'Identité
qui n'arrivèrent jamais et jamais ne partirent,
et de Voyage pour les refugiés provenant
les commissions allemandes de contrôle,
d'Allemagne coûtait, en fonction de sa finition,
qui devaient empêcher le départ ou la fuite
entre 5 000 et 20 000 Francs – les prix fluctuaient
des hommes mobilisables et de ceux qui
Æ M , mais la tendance était plutôt à la hausse.
étaient sur les listes de gens à livrer, la
Si les comités d'aide se procuraient eux-mêmes
gendarmerie
les cartes d'identité particulièrement risquées,
étrangers indésirables et qui envoyait ses
je n'en sais rien. Mais qu'ils considéraient
proies soit dans l'une des prisons françaises,
impératif de changer d'identité lors du passage
soit dans un camp, ou, le cas échéant, livrait
de la frontière espagnole est un sujet de
les vainqueurs – bref : de faux papiers qui
littérature mondiale.
ne ressemblaient pas à des originaux et l'on
Papiers, papiers, passeports,
n'en sortait pas vivant.
française,
qui
les
Alfred Kantorowicz
Exil in Frankreich
visa de sortie, visa de transit,
visa d'entrée,
Et qu'est un homme sans papier ? Encore
moins qu'un papier sans homme!
Joseph Roth
traquait
Æ 5
passage à la frontière,
bateaux-fantômes
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a rue Thubaneau fut jusqu'au milieu
du 19 siècle une rue prestigieuse
dans laquelle se trouvaient des hôtels et
restaurants renommés. Le club local des
Jacobins y siégeait pendant la Révolution
Française, club où fut créée la Marseillaise,
que les troupes de volontaires chantèrent
lors de leur invasion de Paris et qui devint
plus tard l'hymne national français.
Dans la première moitié du 20 ème siècle
le quartier Belsunce devint un quartier
d'immigrés, ainsi qu'une part importante
du réseau de la Mafia corse de Carbone
et Spirito 4 , à laquelle appartenait la
contrefaçon de papiers, autant que le trafic
de drogue et la prostitution.
Les deux photos de droite : Pascale-Hélène Martinez
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Beamish
(de
son
vrai
nom
Albert
O.
le lieu de naissance correspondant – et le
Hirschman) a trois problèmes sur les bras.
lieu de résidence ainsi que l'adresse de rési-
Premièrement, mettre au point une nouvelle
dence. Quand j'obtenais ensuite la propre
filière pour les passeports. Deuxièmement,
signature du commissaire, l'œuvre n'était pas
nous procurer un stock de cartes d'identité.
encore achevée. Car, en fonction de sa date
Et, troisièmement, trouver le moyen de faire
d'émission, la carte d'identité devait avoir
entrer en France des sommes d'argent assez
l'air plus ou moins vieille et abîmée. Quelques
conséquentes sans que les autorités en
tâches de café, un peu de poussière, des
soient informées. […]
gouttes d'eau, quelques coups de semelles
En guise de fournisseur de faux papiers
de chaussures aidaient à merveille. Et enfin
d'identité, Beamish recrute un caricaturiste
je la piétinais pieds nus.
viennois, Bill Freier. Celui-ci a été avant-
Bil Spira 4
guerre l'un des dessinateurs humoristiques
les plus populaires de France, mais ensuite
il a connu le sort de beaucoup : internement,
Il me donna des encres spéciales avec
évasion, fuite à Marseille. C'est un petit jeune
lesquelles je devais fabriquer les tampons
homme adorable, qui semble être, et qui est,
nécessaires dans leurs couleurs originales.
j'en suis sûr, quelqu'un de profondément
Avec
intègre, qui veut venir en aide aux autres
propriétaire possédait un nouveau passé
réfugiés en gagnant juste assez d'argent
authentique.
pour pouvoir se nourrir.
des
Varian Fry
un
tel
cartes
passeport,
J'appris
son
aussi
d'identité.
à
nouveau
fabriquer
Normalement,
on
achetait une telle carte préimprimée, mais
non remplie, dans le trafic de tabac. Avec
celle-ci, on allait au commissariat de Police,
où on la faisait remplir et tamponner. Pour
procurer
aux
protégés
du
comité
une
nouvelle identité plausible, j'ajoutais à leurs
Dessins de Bil Spira
Autoportrait (ci-dessus)
L'homme au café (ci-dessous)
cartes leurs photos et un tampon alsacien.
Ils recevaient un nom répandu en Alsace et
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MÉDIAS
LA RUE DES FAUSSAIRES
Æ Action de rue – La Rue des faussaires
Vidéo
Avril 2008 Æ E – Dans le cadre d'un atelier franco-allemand
PLAN D'EXIL, 15 étudiants se rendirent avec 30 passeports
vides et d'innombrables tampons dans la rue Thubaneau.
Une partie de l'étroite rue fut bloquée, puis une table
installée, et les passants furent invités à se procurer un
faux passeport.
La fréquentation fut tellement importante qu'au bout d'une
demi-heure, tous les passeports étaient utilisés. Si un tampon
manquait, les participants devaient aller au « marché noir » et
raconter leur histoire d'exil.
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LA RUE DES FAUSSAIRES
COMPTE-RENDU DU MARCHÉ NOIR
LIA
ABDELNOUR
Française d'origine albanaise.
Algérien, en situation irrégulière. Est venu
PROPRIÉTAIRE DE
Après avoir répété plusieurs fois qu'elle
en France avec un visa de tourisme il y a
L'HÔTEL AÏDA
n'avait aucune histoire à nous raconter,
5 ans. Travaille au black. A Marseille il a
Elle est restée 4 ans sans papier,
soudain, elle a dit que ses parents étaient
deux frangines qui sont mariées avec des
et c'est grâce aux nouvelles lois
venus clandestinement en
français. Il nous dit
de l'immigration sur la scolarisation
France d'Albanie. Son père
KARIM
qu'il est coincé en
des enfants… C'est pour remercier
avait 8 ans et il est venu avec
Né à Marseille, grandi à Marseille,
France car, s'il rentre
sa fille qu'elle a nommé l'hôtel
ses propres parents, à pied et
souffre à Marseille.
en Algérie, il ne peut
Aïda du prénom de sa fille. Je « la
à cheval. Ensuite ils ont eu le
Il y a 6 milliards de personnes
plus revenir en France.
remercie chaque » jour a-t-elle
statut de réfugiés politiques.
qui vivent hors de leurs frontières
Il dit qu'il n'a jamais
ajouté.
humaines. J'ai la contradiction entre fait de « bêtises », qu'il
la vie réelle et mon intérieur.
veut être un exemple.
Il prend le passeport
MOHAMMED
de la rue des faussaires
D'origine comorienne, il nous dit
comme un « porte-bonheur »,
MÉZIANE
qu'il est un « Français de papier ».
car il espère un jour avoir
Est venu d'Algérie il y a 5 ans. A mis
Il nous raconte l'histoire de son
des papiers.
4 mois pour venir, en passant par la
mariage manqué.
Hongrie, la Tchécoslovaquie, l'Autriche
et l'Italie. Son voyage a duré 4 mois.
Cela a été toute une histoire.
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5. ETAPPE
RUE DU RELAIS
HÔTEL AUMAGE
où l'auteure allemande Anna Seghers, réfugiée à
Marseille, a habité. Son mari était alors interné
au camp des Milles et son fils ainsi que sa
fille scolarisés au lycée Thiers. La famille put
embarquer pour les Antilles en mars 1941.
30
5 ÉTAPE
ÈME
ON M'ENVOYA RUE DU RELAIS,
une rue minuscule, près du Cours Belsunce. C'est là, à l'Hôtel Aumage, chambre 83,
qu'habitait un médecin autrefois connu, ancien directeur de l'hôpital de Dortmund.
Anna Seghers
Transit
D
ans cette maison, l'ancien Hôtel
Aumage, vécut Anna Seghers 4 avec
ses enfants Pierre (15 ans) et Ruth (13 ans) du
30 décembre 1940 au 24 mars 1941. Pendant
que son mari Johann-Lorenz Schmidt restait
interné au camp des Milles Æ IV et que ses
enfants étaient à l'école,
Anna Seghers s'occupait
des papiers nécessaires à
leur émigration.
Alors qu'elle faisait la queue devant le Consulat,
elle eut l'idée de son prochain livre : un jeune
émigrant serait à la recherche d'une femme à
travers Marseille et deviendrait témoin d'une
situation qui paraîtrait d'abord transitoire et
surmontable, mais deviendrait ensuite un état
permanent, un sort fixé pour
l'éternité. Le roman Transit parut
d'abord en 1944 en espagnol,
puis en 1948 en allemand.
L'Hôtel Aumage apparaît dans
le roman en tant que lieu
de résidence temporaire de
l'ancien directeur de l'hôpital
de Dortmund.
Cette nuit-là, je
n'avais guère fait attention
à l'immeuble. Sa façade se dressait, étroite
et sale, dans l'affreuse rue du Relais. L'hôtel,
d'une
étonnante profondeur, avait une grande
quantité de chambres. Elles
s'alignaient le
long d'étroits couloirs qui débouchaient dans
la
haute cage d'escaliers. Au rez-de-chaussée,
dans un corridor
latéral, un petit poêle dont le
tuyau montait jusqu'au 2ème étage
répandait
un peu de chaleur. Plusieurs locataires étaient
assis
autour du fourneau et faisaient sécher du
linge; une grande
bassine occupait le couvercle
du poêle. Dans les méandres du
tuyau, on avait
posé des petits récipients pleins d'eau. Les
gens
nous regardèrent quand nous entrâmes.
C'étaient tous des
clients de passage; et qui
donc aurait choisi pour y demeurer un endroit
pareil? Le genre de maison que l'on supporte
dans la mesure où l'on sait qu'on la quittera
Anna Seghers
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bientôt.
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A bord du paquebot Capitaine Paul
Lemerle se trouvaient non seulement
la famille d'Anna Seghers mais aussi Friedel
et Alfred Kantorowicz 4 et le sociologue
Gottfried Salomon. Du côté français étaient
présents André Breton avec sa femme,
sa fille et son cercle d'amis surréalistes :
Tristan Tzara, André Masson, Wifredo Lam
et Victor Serge.
A la dernière minute, il arriva à Alfred
Kantorowicz ce que tous craignaient qu'il
arrivât :
Nous présentâmes nos billets au fonction-
« Vous êtes arrêté ». Les gendarmes nous
Moi, je suis Alfred Kantorowicz. » Il leva les
naire du bureau du port qui devait apporter
encerclèrent tout de suite, me fouillèrent
yeux, compara nos photos de passeport et
le dernier tampon à nos papiers. Il y jeta un
et nous commandèrent de les suivre sans
dit : « Ah, c'est vous – alors… ! » Après quoi, il
œil, attrapa le tampon et feuilleta mollement
résistance.
prit le tampon du bureau du port, l'appliqua
le fichier posé devant lui. Il en dégagea la
fini.
moitié d'une fiche, compara les noms et
m'emmènerait dans une prison et là-bas
authentification,
son regard s'éveilla soudain. « Vous êtes
on me livrerait à la Gestapo. J'avais perdu,
l'ordre d'arrestation et vociféra : « Fichez le
Kantorowicz, Alfred, né le 12 août 1899 à
j'avais épuisé mes forces. Toute tentative de
camp! Faites en sorte de disparaître le plus
Berlin? » J'acquiesçai. Il lança un regard au
combat serait vaine […]
vite possible. »
gendarme présent à son poste de contrôle,
Le commandant vérifia l'ordre arrêté contre
tira mon feuillet du fichier comme il aurait
moi, quand je dis à voix basse, mais avec
extrait une fiche signalétique – et pour cause:
insistance : « Mon Colonel, le Colonel Riverdi
c'était une fiche signalétique! – et s'écria :
vous a parlé de nous.
A
C'était
cette
fini.
minute,
C'était
vraiment
j'abandonnai.
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On
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sur les visa, qui reçurent ainsi leur dernière
déchira
en
morceaux
Alfred Kantorowicz
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MÉDIAS
HÔTEL ANNA
Æ Action de rue – Hôtel Anna
Vidéo
Avril 2008 Æ E – Dans le cadre du projet PLAN D'EXIL nous
organisâmes, avec des élèves et étudiants allemands et
français, l'action de rue Hôtel Anna dans la rue du Relais.
Au dessus des volets fermés fut fixée une banderole
exposant le titre de cette performance en lettres capitales.
Un troisième volet servit de support à la biographie
d'Anna Seghers.
Nous lûmes des passages de Transit, et montrâmes aux
passants une « valise d'exil » contenant des textes et des objets,
ainsi qu'un grand « livre d'exil » conçu par l'artiste Catherine
Ricoul.
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MÉDIAS
LES HÔTELS DE BELSUNCE
Æ Action de rue sur le Cours Belsunce 2007
Æ Les hôtels de Belsunce 2009
Vidéo
Photos
Installation vidéo de Gesa Matthies
Eté 2007 Æ E – Pour conclure l'atelier PLAN D'EXIL, de
jeunes allemands et français se rendirent dans la rue
et établirent avec les passants du quartier Belsunce un
dialogue ludique sur l'origine des mots, des choses et
des hommes.
2008 / 2009 Æ E – Les nombreux petits hôtels du quartier
Belsunce, où cohabitent aujourd'hui essentiellement des
populations immigrées, commerçants arabes et chinois,
firent plusieurs fois, dans le cadre du projet PLAN D'EXIL,
partie intégrante d'ateliers, actions de rue et installations
artistiques. De nombreuses photos et une installation vidéo
furent créées.
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6. ETAPPE
LA CANEBIÈRE
La Canebière est, jusqu'à ce jour, la magistrale
artère de la ville portuaire. A l'époque de la
Seconde Guerre mondiale s'y trouvaient encore un
grand nombre de cafés du 19 ème siècle richement
décorés et quelques hôtels de luxe, comme l'Hôtel
du Louvre et de la Paix, où Alma Mahler-Werfel et
Franz Werfel logèrent. Non loin de la Canebière se
trouvait également le Consulat américain, devant
lequel les émigrants faisaient la queue pour
obtenir leur visa.
6
ÈME
ÉTAPE
LA RUE PRINCIPALE DE MARSEILLE
était activement contrôlée par la police française en 1940, même si l'ordre venait de plus loin.
Mais qui voulaient-ils encore arrêter, puisque les conjurés gouvernaient déjà ?
Varian Fry
Mais les papiers : celui qui n'a pas ses
opportun de garder la tête haute. La situation
papiers, ou pas les bons, on vient le
m’ordonna d’expliquer urgemment quelque
chercher au Grand Café. Celui-ci brille de
chose, fût-ce de me faire passer pour le Préfet
statues en stuc plus grandes que nature et
des Bouches-du-Rhône. Le commandant de
de tableaux de ce type de femmes qui était
la troupe me crut, il me laissa libre, on était
particulièrement attrayant en 1890. Leur
sain et sauf.
reflet vous sourit, leur image passée entoure,
Heinrich Mann
capiteuse, le consommateur de 1940 assis
Hans et Lisa Fittko
sur la Canebière
devant son mauvais alcool qui n'est autorisé
que trois fois par semaine – et bientôt on va
lui demander ses papiers.
Nous
descendîmes
Un soir où l'air était particulièrement lourd,
marchait toujours au bord du trottoir. Il
nous restâmes trop longtemps assis dans la
avait pris cette habitude lors de son séjour
rue. Nous vîmes une troupe s’approcher de
illégal à Berlin en 1933 et ça lui était devenu
nous ; il ne nous restait pas d’autre solution
instinctif. On a une meilleure visibilité, disait-
que d’aller à sa rencontre. Lorsque nous
il, et, en cas de rafle, on peut s'en sortir plus
avançâmes, elle bloqua le trottoir, l’officier
aisément.
épiait chaque passant sous son chapeau,
la
Canebière.
Hans
Lisa Fittko
Mein Weg über die Pyrenäen
qu’il portait enfoncé sur le visage. Je trouvai
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ne des toutes premières tâches de
Varian Fry après son arrivée à Marseille
fut de rendre visite au couple Franz et Alma
Werfel 4 à l'Hôtel du Louvre et de la Paix sur
la Canebière. Ils se tenaient tout en haut de
la « première liste » de personnalités à sauver.
Ce soir-là, je dîne avec M. et Mme. Werfel.
J'ai rencontré à
Lisbonne la sœur de l'écrivain, et c'est par elle que j'ai eu leur
adresse.
Ils sont descendus à l'Hôtel du Louvre et de
la Paix, sur La Canebière, sous le nom du
compositeur Gustave
Mahler, ex-mari d'Alma
Werfel. Ils s'entourent de mystère à
l'hôtel,
et je dois patienter un certain temps avant
Depuis la Canebière on accédait à la rue
Saint-Ferréol vers le Consulat américain.
Le CAS y avait trouvé en la personne du
Vice-consul Hiram Bingham, « Harry », son
seul soutien américain pour les actions de
secours et l'élaboration de chemins illégaux.
Par exemple, Bingham aida Varian Fry à sortir
Lion Feuchtwanger du camp d'internement
Saint-Nicolas et le cacha plusieurs semaines
dans son appartement à Marseille avant que
la famille Feuchtwanger ne soit emmenée
illégalement à la frontière franco-espagnole
en septembre 1940. Alfred Döblin 4 raconta
plus tard dans ses mémoires qu'il dut lui
aussi se mettre dans la file d'attente du
Consulat américain, place Félix Baret, à côté
de la Préfecture.
Nous
arrivâmes
sur
une
grande
place
oblongue dont une des moitiés était à l'ombre
d'arbres magnifiques. La chaleur devenait
écrasante… La place était le terminus d'une
ligne de tram. Près de la petite maison où
s'arrêtaient les trams, les gens se séparèrent
en deux groupes : les uns se précipitèrent
vers le tram, les autres se dirigèrent vers une
maison affichant une petite plaque de cuivre
qui portait l'inscription suivante : « Consulat
Américain ». […]
Encore une chose: entre nous, exilés, il n'y
avait pas de solidarité. Déjà auparavant, nous
avions vécu notre vie de façon très privée. A
présent, nous nous isolions encore plus. En
voyant les autres au Consulat, on hochait la
tête : « Aha, toi aussi, tu es là », et personne
d'être
autorisé à monter dans leur chambre.
n'avouait quels étaient ses projets, ni sur
[…] Werfel ressemble trait pour
trait à ses
qui il comptait. On gardait jalousement son
photographies : gros, courtaud et blafard,
secret. Suspicion, peur que l'autre se tourne
pareil à
un sac de farine moitié vide. […] Il
vers la même issue et lui prenne sa place.
paraît enchanté de me voir mais fort inquiet
Alfred Döblin
Schicksalsreise. Bericht und Bekenntis
à l'idée qu'on apprenne sa présence.
Varian Fry
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A l'extrémité haute de la Canebière se
trouvait le Consulat mexicain, dirigé
par Gilberto Bosques dès 1940. Bosques
fournit les visas pour Mexico à 40 000
fugitifs – juifs, antifascistes, républicains
espagnols et brigadistes – et rendit ainsi
possible la fuite d'Anna Seghers et d'Egon
Erwin Kisch, entre autres. Bien que ce ne
fût pas en son pouvoir, il obtint également
des permis d'entrée à des personnes qui
étaient internées. Les persécutés furent
hébergés dans deux châteaux français
dans les environs de Marseille, le temps
d'attendre leur départ pour Mexico. En mai
1942 Mexico entra en guerre au côté des
Alliés. Bosques et l'ensemble des salariés
du Consulat furent emprisonnés par la
Gestapo et assignés à résidence à Bad
Godesberg.
Après plus d'un an, ils furent échangés
contre des prisonniers de guerre allemands.
Quand Bosques arriva à Mexico par le train
en mars 1944, des milliers d'hommes à
qui il avait sauvé la vie lui réservèrent un
accueil triomphal.
Le consul du Mexique, Gilberto Bosques, aide et
sauve des centaines de républicains espagnols, de
membres des brigades internationales et de juifs.
Après l'Occupation, il est assigné à résidence en
France, puis en Allemagne.
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7. ETAPPE
RUE BEAUVAU
HÔTEL CONTINENTAL
Dans la rue Beauvau à l'extrémité basse de la
Canebière vécurent en 1940 à l'Hôtel Continental
deux personnalités importantes qui se sont peutêtre croisées dans le hall de l'hôtel : Mary Jayne
Gold, une jeune et richissime américaine qui
resta à Marseille par amour pour un jeune voyou
et qui fut l'une des plus étroites collaboratrices
du comité Fry, et Walter Benjamin, célèbre
théoricien de la culture allemand pour lequel un
passeport américain était à disposition au Consulat
américain dès l'été 1940.
7
ÈME
ÉTAPE
JE FINIS PAR TROUVER UNE CHAMBRE AU CONTINENTAL,
un hôtel de classe moyenne, assez propre et confortable.
En 1939, j'étais une jeune fille de la bonne
un jeune aventurier qui venait de déserter
société américaine protestante résidant à
la Légion étrangère. Quelques semaines
Paris dans un appartement de la très élégante
plus tard, je rejoignais le Centre américain
avenue Foch. Je partageais mon temps
de secours de Varian Fry, qui préparait
entre cette ville, Londres et les stations chic,
l'opération « Mouron Écarlate » consistant à
me sentant chez moi aussi bien à Cannes,
faire secrètement sortir de France, par des
à Biarritz, à Majorque qu'à Saint-Moritz. La
moyens légaux ou illégaux, des centaines
déclaration de guerre sonna le glas de cette
de réfugiés antinazis, aussi bien juifs que
existence dorée …
non juifs. A ce moment sans précédent de
Les bouleversements qui accompagnèrent
ma vie, je décidai immédiatement de rester
la défaite de la France me
jetèrent, en même
à Marseille …
temps que des milliers de réfugiés français
et étrangers,
dans les rues de Marseille.
4
Mary Jayne Gold Marseille, années 40
La carte postale montre l'Hôtel Continental
dans les années 1960.
J'avais l'intention de mettre de l'ordre dans
Merci à Alain Paire, galeriste, critique d'art et auteur de
nombreux essais sur la vie culturelle marseillaise
des années 1930 et 1940.
mes
papiers et de rentrer aux États-Unis.
Mais il se trouva que je me laissai
entraîner
Æ Galerie Alain Paire
en quelques jours dans une relation avec
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W alter Benjamin 4 vécut également
à l'Hôtel Continental en août
1940. A l'initiative des deux philosophes
Max Horkheimer et Theodor W. Adorno,
qui vivaient déjà aux Etats-Unis, un visa
pour l'Amérique se tenait à disposition de
Benjamin au Consulat américain. Lors de son
séjour à Marseille, il rencontra la philosophe
Hannah Arendt 4 , à qui il confia d'importants
manuscrits.
L'écrivain Soma Morgenstern 4 , qui logea
quelques temps à l'Hôtel Aumage Æ 5 ,
rencontra Walter Benjamin sur la Canebière
et le reconnut à peine.
Dessin de Frédéric Pajak dans son
livre Manifeste incertain, tome 1
Avec Walter Benjamin, rêveur
abîmé dans le paysage, 2012
Æ Les éditions Noir sur Blanc
Il s'était laissé pousser la barbe, avait un
Nous le saluâmes et – quel était le thème
chapeau noir et avait l'air d'un fantôme. Ses
constant à Marseille ? Visa. Visa espagnol,
premiers mots furent : « Dans la rue, nous ne
visa portugais, visa de sortie. Chacun de
parlons qu'en français. ». Ça m'interpela. Car
nous avait déjà eu celui-ci et celui-là, et
on se trouvait sur la Canebière, sûrement la
même plusieurs fois. Mais tous se périmèrent
rue la plus bruyante de la ville, où l'on pouvait
avant l'arrivée du tant attendu visa de sortie
entendre parler beaucoup allemand, comme
français, qui n'arriva jamais. Le visa portugais
si l'on était encore au camp. […]
de Krakauer ainsi que mon visa espagnol
Un jour à Marseille nous allâmes ensemble
expirèrent. Avant que nous n'allions plus loin,
à la Préfecture, pour apprendre encore une
j'interrogeai Krakauer : « Que va-t-il advenir
fois que notre espoir d'obtenir un permis de
de nous, Krak ? ». Ce à quoi il répondit, sans
sortie était vain. En chemin nous aperçûmes
même réfléchir, d'une façon étonnamment
notre ami Siegfried Krakauer 4 qui écrivant
rapide et apodictique : « Soma, nous allons
ardemment devant une tasse de café …
tous devoir nous suicider ici. »
Soma Morgenstern
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A vant que Walter Benjamin n'emprunte
la voie illégale par les Pyrénées, il
se rendit chez Lisa Fittko non loin de
la frontière espagnole et ils testèrent
ensemble le chemin que le groupe devait
utiliser plus tard.
Benjamin marchait lentement et régulièrement. A intervalles réguliers – environ toutes
les dix minutes je crois – il marquait une
pause et se détendait environ une minute.
Ensuite, il repartait du même pas régulier.
Comme il me l'expliqua, il avait mis en place
ce procédé durant la nuit.
Lisa Fittko
A
la fin septembre tout était prêt. Walter
Lorsque Hannah Arendt apprit la mort de
Benjamin quatre semaines plus tard, elle
Benjamin se mit en chemin pour
Cerbère, à la frontière franco-espagnole,
écrivit à Gershom Scholem, l'ami de Benjamin,
en Palestine :
avec Mme Gurland et son fils, accompagnés
par Lisa Fittko. Avant le
départ, il avait partagé ses
réserves de poison avec
Les juifs meurent en Europe et on
l'écrivain Arthur Koestler sur
la Canebière.
les enterre comme des chiens.
Le groupe pu passer la
frontière française, mais fut
refusé au poste-frontière
espagnol. Par conséquent, Walter Benjamin
rebroussa chemin vers l'hôtel à Portbou et se
suicida dans la nuit du 26 au 27 septembre
1940.
Dessin de Elric Dufau (ci-contre)
Passages – Mémorial pour Walter Benjamin
à Portbou, de l'artiste israélien
Dani Karavan (à droite)
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8. ETAPPE
10, COURS JEAN BALLARD
LES CAHIERS DU SUD
Au 4 ème étage du 10, cours du Vieux Port
( actuellement : Cours Jean Ballard ), se
trouvait dans les années 1940-42 le siège de
la revue littéraire Les Cahiers du Sud, dirigée
par Jean Ballard. Il devint aussi un refuge
pour des écrivains français et étrangers dont
beaucoup furent publiés par les Cahiers.
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8 ÉTAPE
ÈME
JUSTE À CÔTÉ DU VIEUX PORT,
dans un ancien grenier, se trouvait la rédaction de la revue fondée par Marcel Pagnol et
Jean Ballard 4 Les Cahiers du Sud. Dans les années 1920 y furent publiés les premiers
textes des surréalistes.
D
urant la Seconde Guerre mondiale
l'écrivain Ernst Erich Noth se cacha
dans ces locaux de temps en temps. Malgré
le manque de papier et la censure, la
revue subsista et publia même en 1943 un
numéro spécial sur la littérature et la culture
occitanes,
sous
la direction de
la philosophe et
résistante française
Simone Weil 4.
D
ans ses Mémoires d'un allemand se
trouve une anecdote qui en dit long sur
Marseille et sur la situation des exilés dans
le Sud de la France. Noth a rendez-vous
avec Ballard pour une première rencontre
dans les locaux de la rédaction :
Noth continua son récit :
Quand je trouvai enfin l'adresse donnée:
Environ un an plus tard, Ludwig Marcuse 4 ,
10, Cours du Vieux Port, je secouai la tête
que j'accompagnais là-bas pour une visite à
incrédule, avançai puis reculai hésitant. Je
la rédaction, m'avoua alors avec un sourire
comparai encore une fois le numéro de la
embarrassé qu'il avait eu, au cours de cette
maison avec celui que Ballard m'avait donné :
ascension sinistre, le sentiment coupable,
je ne me trompais pas. La maison, façade,
mais subitement plausible, que je pourrais
cage
être un agent de la Gestapo qui l'avait attiré
d'escalier,
dégageaient
une
Elle abritait une revue littéraire mondialement
connue,
laquelle
paraissaient
les
auteurs français et internationaux les plus
connus de l'époque.
telle
impression de délabrement qu'elle paraissait
Couverture du numéro spécial
des Cahiers du Sud.
« Le Génie d'Oc »
dans
dans un guet-apens.
inquiétante …
Ernst Erich Noth
Cité dans : Alain Paire, Chroniques des Cahiers du Sud,
Paris 1993
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9. ETAPPE
LES CAFÉS DU
VIEUX PORT
Le café Au Brûleur de Loups, sur le quai
des Belges, fut, pendant la Seconde Guerre
mondiale, le lieu de rendez-vous de nombreux
intellectuels, écrivains et artistes, réfugiés
à Marseille. Il était fréquenté, en particulier,
par les surréalistes.
15
9
ÈME
ÉTAPE
DE MA PLACE, J'EMBRASSAIS
DU REGARD LE VIEUX PORT.
Une petite canonnière était ancrée devant le quai des Belges. Le soleil d'après-midi
brillait au dessus du fort. Le mistral avait-il recommencé ?
Les passantes avaient mis leur capuchon.
bavardage non plus écœurant, mais splendide.
ragots phéniciens et crétois, ragots grecs et
Les gens qui entraient par la porte tournante
C'étaient
des
romains, jamais la race des bavards ne s'est
avaient le visage tendu de froid et de hâte.
ports, aussi vieux que le Vieux Port lui-même,
éteinte, de ceux qui tremblaient pour leur
Personne ne se souciait du soleil sur la
encore plus vieux peut-être. Merveilleux et
place sur un bateau ou pour leur argent,
mer, des créneaux de l'église Saint-Victor,
antiques ragots des ports, qui jamais ne se
de ceux qui fuyaient tous les périls réels et
des filets qui séchaient le long de la jetée.
sont tus, depuis qu'il y a une Méditerranée,
imaginaires de ce monde.
Ils
jacassaient
tous
les
antiques
commérages
sans
Anna Seghers
arrêt, parlant de transits, de
passeports périmés, des eaux
territoriales et du cours du
dollar, du visa de sortie et
encore et toujours du transit.
Je voulais me lever et partir.
Ça
m'écœurait.
Et
tout
à
coup mon humeur changea.
Comment? Je ne sais jamais
comment ça se produit, chez
moi,
ces
sautes
d'humeur.
Couverture de l'édition française du
roman Transit d'Anna Seghers
Tout à coup, je trouvai ce
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Mères qui avaient perdu leurs
J'entrai
enfants, enfants qui avaient perdu
dans
leur mère, résidus des armées
café.
décimées, esclaves échappés à
bien
Le
définitivement refusé, c'est pour ça qu'elle
leurs chaînes, troupeaux humains
café s'appelait aux
bouffait l'argent du voyage. Mais on ne
chassés de tous les pays et qui
Brûleurs des loups.
pouvait guère acheter que du vin et des
arrivaient finalement à la mer, où
[…] Il y a parfois de
huîtres. L'après-midi passait, on fermait les
ils se précipitaient sur les bateaux
vrais
aux
consulats. C'est alors que les « transitaires »,
d’où ils seraient de nouveau chassés, tous
Brûleurs des loups. Ils parlent non de visas,
torturés par la peur, déferlaient aux Brûleurs
fuyaient devant la mort, jusqu’à la mort. C’est ici
mais de combines raisonnables. J'entendis
des loups et à tous les endroits possibles
que toujours les bateaux avaient jeté l’ancre,
même qu'on mentionnait certain bateau
et imaginables. Leur bavardage insensé
juste à cet endroit-là, parce qu’ici finissait
pour Oran. Tandis qu'au Mont-Ventoux les
remplissait l'air, cet absurde mélange de
l’Europe, parce qu’icicommençait la mer. C’est
habitués détaillaient toutes les circonstances
conseils embrouillés et de désarroi total. La
ici, c’est à cet endroit-
d'une traversée, les gens discutaient ici tous
faible lumière des môles caressait déjà la
là, que toujours s’était
les problèmes d'un chargement de cuivre.
surface toujours plus obscure du Vieux Port.
Le Vieux Port était bleu. Vous connaissez,
Je laissai l'argent sur la table, pour passer
n'est-ce pas ? Cette claire lumière d'après-
au Mont-Ventoux.
dressée une auberge,
parce qu’ici la route se
8
le
aussitôt
à la coiffure imposante. Elle ingurgitait une
prochain
quantité effarante d'huîtres. Gloutonnerie
Qu'aurais-je
pu
faire?
Français
jetait dans la mer.
midi qui luit froidement dans tous les
Je me sentais immensément vieux, vieux de
recoins du monde, quand tous
milliers d’années, parce que j’avais déjà vécu
les
tout cela, et je me sentais intensément jeune,
désolés. A ma longue table
avide de tout ce qui allait encore se produire; je
était assise une grosse femme
recoins
du
monde
du
désespoir.
Son
visa
lui
avait
été
Anna Seghers
sont
me sentais immortel. Mais une fois encore mon
humeur changea; ce sentiment était trop fort
pour ma faiblesse. Le désespoir me submergea,
le désespoir et le mal du pays. Je regrettai
mes vingt-sept ans gâchés, ensevelis dans
des terres étrangères. […]
Carte postale montrant le Vieux Port
tel qu'on le voit depuis les cafés.
En arrière-plan le célèbre Pont Transbordeur.
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10.ETAPPE
ETAPPE
10.
LA DESTRUCTION
DU PANIER
Le 24 janvier 1943 la Wehrmacht et les SS,
avec l'aide de la police française, firent
évacuer les vieux quartiers du port. Près
de 15 0 00 personnes, conduites à la gare
d'Arenc, furent transférées dans des camps
à Fréjus.
2
10 ÉTAPE
ÈME
MIDI N'A JAMAIS SONNÉ
comme il le fut le 1er février 1943 – une corne de brume sur le quai. Un officier allemand
en casque d'acier sort d'une ruelle des environs du Pont Transbordeur en courant et
disparaît derrière la porte d'un bâtiment du port. Durant quelques secondes, le quai reste
silencieux.
E
n novembre 1942 l'armée allemande
possédait également la moitié Sud
de la France et envahissait Marseille. Au
même moment, les plans de
destruction du Panier, le plus
vieux quartier de la ville, étaient
mis en place du côté français. Il
ne manquait plus qu'une petite
concertation entre l'état-major
allemand et la police française
pour préparer le dynamitage.
La police française évacua
la population du Panier et
commenca la déportation
d'environ 800 habitants, aboutissant à la
plus grande rafle qui se fut jamais produite
en France.
14 hectars du quartier portuaire furent rasés par les
bombardements de l'armée
allemande en février 1943. Le
célèbre Pont Transbordeur fut
par là-même en partie détruit.
Curieusement, l'Hôtel de Cabre dans la rue Caisserie échappa aux
bombardements. En tant qu'immeuble le plus ancien de la ville, il dut
être conservé après la guerre ; c'est pourquoi il fut placé sur des rails
et tourné sur lui même afin de s'adapter au nouveau tracé de la rue.
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MÉDIAS
DES STOLPERSTEINE
A MARSEILLE
Dans le cadre d'un voyage à Berlin en février 2009 avec
le projet PLAN D'EXIL (Æ Diaporama), nous rencontrâmes
Æ Christiane Trümper-Portella qui avait commandé à
Æ Gunter Demnig une Stolperstein pour Otto Oldenburg
au numéro 6 de la rue Revaler Straße à Berlin. Nous
l'interrogeâmes et écrivîmes un article sur les Stolpersteine
pour le magazine français Æ Berlin Poche. (Lire cet
article Æ )
En juillet 2010, des élèves et étudiants franco-allemands
posèrent ainsi des Stolpersteine sous forme d'actions
artistiques dans le quartier du Panier.
En juillet 2009 nous rencontrâmes Jessica Cohen à Marseille,
l'ancienne coordinatrice française des Stolpersteine. Elle
nous raconta que personne n'avait encore réussi à installer
de Stolpersteine en France. C'est pourquoi nous décidâmes
d'organiser une action de rue dans le Panier pour faire
connaître les Stolpersteine.
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MÉDIAS
ARTICLE SUR LES
STOLPERSTEINE
Durant vos balades dans
leur croyance ou leur engagement politique.
discret et visible pour tous. Pour à peine
les rues de Berlin, avez-
Ce qui était au début une idée conceptuelle
100 euros, chacun peut faire poser une pierre
vous
remarqué
mise en place par l'artiste sans demander
devant le dernier logement d'un déporté.
ces petites plaques en
aucune autorisation a vite pris de l'ampleur
C'est
laiton souvent déposées
grâce à son succès auprès du public
Portella en 2007 pour rendre hommage à
devant
interpellé par l'originalité du projet.
Otto Oldenburg, un député communiste
sur lesquelles on peut
Fin 2008, plus de 17 000 pierres ont été
mort
lire un nom, une date de
déposées dans 402 lieux en Allemagne.
Sachsenhausen. Il vivait dans la Revaler
naissance, un lieu et une date de mort ?
Seule la ville de Munich refuse à ce jour
Straße 6. Dans le cadre de notre projet
Mine de rien, ces pavés dorés représentent
de voir ces pierres sur ses trottoirs « pour
franco-allemand PLAN D'EXIL , nous avons eu
le
plus
décentralisé
ne pas profaner la mémoire des victimes ».
l'occasion de rencontrer Madame Trümper-
au
monde
par
l'artiste
Pour nous, ce n'est pas un bon argument.
Portella et de l'interviewer à propos de
allemand Gunter Demnig. Ils rappellent
Nous pensons que l'idée de Gunter Demnig
son action.
le destin de milliers de personnes, connues
d'incruster de petites plaques dans le
ou inconnues, déportées sous le régime
trottoir est non seulement très originale
nazi à cause de leur race, leur sexualité,
mais aussi judicieuse car c'est à la fois
grand
initié
déjà
des
monument
en
1996
immeubles
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ce
au
qu'a
camp
fait
Christiane
de
Trümper-
concentration
de
Article dans Berlin Poche,
Avril 2009
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MÉDIAS
ACTION ARTISTIQUE
MA PIERRE DANS LE PANIER
Æ Action artistique – Ma Pierre dans le Panier
Photos
Juillet 2010 Æ E – Chacun avait rapporté deux pierres de
la plage et écrivit une phrase sur l'une des deux. Lors de
l'atelier, chacun choisit sur une carte du Panier un endroit
précis où il envisageait de déposer sa pierre et dessina
une carte imaginaire de cet endroit. Nous discutâmes de
la mise en place de ces « Stolpersteine » (littéralement :
pierres à trébucher) éphémères dans un quartier où presque
un millier de personnes ont été déportées en février 1943.
Pour rappeler l'histoire de la Shoah et l'histoire de
l'exil en général, chacun rédigea un petit commentaire
sur une feuille de papier en guise d'enveloppe pour un
bonbon, qui servirait de remerciement à la personne qui
participerait à notre action en écrivant quelque chose sur
la deuxième pierre.
Les préparations terminées, tout le monde se mit en marche en
direction du Panier, à la recherche des points de dépôt choisis
préalablement.
Nous ne savons pas exactement ce qui s'ensuivit, mais nous
espérons que certains ont trébuché sur ces pierres et lu leurs
inscriptions.
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EXCURSION
VILLA AIR-BEL
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es Surréalistes vécurent les mois d'hiver
1940 – 41 dans une villa dénichée par
Mary Jayne Gold Æ 7 pour Varian Fry Æ 2
dans le quartier de la Pomme: la Villa AirBel. Ce manoir délabré du Dr. Thumin, qui
disposait de plus de 18 chambres meublées,
fut tout de suite accaparé par Victor Serge,
André Breton 4 et leurs femmes et enfants.
Le week-end, le jardin et la maison se
remplissaient d'amis des artistes qui se
remontaient le moral grâce à des mises aux
enchères fictives et à l'invention d'un jeu de
cartes surréaliste: le Jeu de Marseille.
André
du
Breton,
surréalisme
« pape »
et
jadis
incorrigible cancre de Dada,
a été médecin dans l'armée
française
pendant
la
Première Guerre mondiale.
A Air-Bel il collectionne les
insectes, les morceaux de
porcelaine brisée que la
mer a polis et les vieilles
revues.
superbe
et
toujours
Il
parle
beaucoup
avec
d'entrain
de tout et de tout le monde. Il tient des
réunions surréalistes le dimanche après-midi,
auxquelles assistent tous les vieux habitués
Villa Air-Bel (ci-dessus)
André Breton (en haut, à droite)
Portrait d'André Breton, par André Masson (en bas, à droite)
des Deux-Magots, toujours aussi cinglés
qu'avant.
Varian Fry
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EXCURSION
JEU DE MARSEILLE
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e Jeu de Marseille fut dessiné par les
artistes Victor Brauner, André Breton,
Oscar Dominguez, Max Ernst, Jacques
Hérold, Wifredo Lam, Jacqueline Lamba,
André Masson et Fréderic Delanglade en
1940 dans la Villa Air-Bel à Marseille, sur la
base d'un simple jeu de 52 cartes et 2 jokers.
Ici le roi Ubu incarne l'un des jokers. Le roi,
la dame et le valet furent remplacés par le
génie, la sirène et le magicien. Le trèfle devint
la serrure noire du savoir, le carreau la tâche
de sang de la Révolution, le pic se transforma
en étoile noire du rêve et le cœur en flamme
rouge de l'amour.
Le jeu de cartes ne fut publié qu'en 1983
par André Dimanche dans la maison d'édition
du même nom. Les éditions André Dimanche
se trouvent aujourd'hui dans les anciens
locaux du journal de littérature Les Cahiers
du Sud. Æ 8
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MÉDIAS
VILLA AIR-BEL ET
JEU DE MARSEILLE
Æ Reconstruction virtuelle de la Villa Air-Bel
Æ Photos du Jeu de Marseille 2008
par les étudiants de l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture
de Marseille, octobre 2013, www.villaairbel1940.fr
Le jeu de cartes de PLAN D'EXIL fut conçu par des élèves du
lycée Waldorf à Hambourg en juillet 2008 d'après le modèle
du Jeu de Marseille surréaliste.
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EXCURSION
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SANARY-SUR-MER
SIÈGE DE LA LITTÉRATURE
ALLEMANDE EN EXIL
ntre 1930 et 1941 vécurent, dans la
petite ville portuaire de la Côte d'Azur,
de célèbres écrivains et intellectuels tels
que: Lion Feuchtwanger, la famille Mann,
Franz Werfel et Alma-Mahler-Werfel, René
Schickele, Franz Hessel, Friedrich Wolf et
beaucoup d'autres.
Depuis les années 1990 un parcours de
mémoire existe à Sanary avec des textes et
des photos devant les maisons des exilés.
De temps à autre la crème de la littérature
allemande se trouvait au village et alors
assise dans le « Marine » ou chez la « Veuve
Et pourtant il redonne vie aussi et donne de
Schwab ». Sanary ressemblait à un vaste café
nouvelles forces.
roman, avec ses petites tables en marbre et
En exil, le café devient le seul lieu de
ses maillots de bains. Notamment en été, ce
ralliement permanent. Je me suis assis dans
nid se remplissait de rois de la littérature.
les cafés d'une douzaine de terres d'exil,
L'atmosphère était chargée de traits d'esprit
et c'était toujours le même café, en bord
originaux, d'indiscrétions et de fâcheries.
de mer, entre des montagnes, à Londres, à
Paris, dans les ruelles d'Amsterdam, ou au
Ludwig Marcuse
milieu des couvents de Bruges.
www.sanarysurmer.com
Æ J'étais assis
En exil, le café devient maison et pays
natal, église et parlement, désert et champ
au café de l'exil
de bataille, ainsi que le berceau des illusions
et le cimetière.
L'exil rend seul et j'écrivais.
et tue.
Hermann Kesten
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MÉDIAS
SANARY-SUR-MER
P
our raconter la captivante histoire de la communauté
d'émigrants à un jeune public, nous avons
développé un parcours d'exil à travers Sanary, dans
lequel il s'agissait, comme dans un véritable jeu de
piste, de trouver les lieux des écrivains de l'exil et,
en se fondant sur des extraits de textes, de rendre à
nouveau vivante l'atmosphère de cette époque.
Æ Jeu de piste à Sanary-sur-Mer 2010 (Vidéo)
Avec un itinéraire et une caméra à l'épaule à Sanary-sur-Mer.
Vidéo-documentation du jeu de piste en 10 étapes.
Æ Photos
Æ Exil à Sanary (Film) 2013
Un film-reportage sur l'exil à Sanary-sur-mer de Maëlys Meyer et
Stéphanie Clopin, dans le cadre du séminaire européen Grundtvig, en février 2013
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EXCURSION
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LES MILLES
ANCIEN CAMP D'INTERNEMENT
ET DE DÉPORTATION
tant donné que l'expérience de l'exil
n'est pas un fait historique isolé, mais
l'expérience de millions d'hommes, qui
doivent quitter leur pays pour des raisons
aujourd'hui économiques, politiques ou
climatiques, la confrontation avec le passé
nous aide à comprendre le présent et à
l'observer d'un regard critique.
L'ancien camp d'internement et de
déportation des Milles vers Aix-en-Provence
possède une signification particulière. En tant
que camp pour les « étrangers indésirables »
(1939/40), puis camp de transit pour les
émigrants en attente de documents (1941)
et, enfin, camp de rassemblement pour 1928
enfants, femmes et hommes juifs qui furent
déportés vers Drancy et Auschwitz (août/
septembre 1942), l'ancienne tuilerie abrite
une leçon d'histoire inouïe. Jusque dans
les années 1980, peu de gens en France
savaient que des prix Nobel, des membres
de l'orchestre philharmonique, des écrivains
et artistes importants qui avaient fuit
l'Allemagne durent survivre dans ce camp.
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Après son arrivée en Amérique en 1940, Lion
Feuchtwanger écrivit le compte rendu de
son séjour dans ce camp dans Le diable en
France.
Au début des années 1990 parurent
les premières recherches importantes
d'historiens tels que Jacques Grandjonc,
Theresia Grundtner et Doris Obschernitzki.
Ensuite, des historiens de l'art dégagèrent
la peinture murale cachée dans l'ancien
réfectoire du personnel du camp. En 2012,
après des années de travaux dans l'ancienne
tuilerie des Milles, un mémorial national fut
ouvert.
Æ www.campdesmilles.org
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MÉDIAS
D
LES MILLES
ans le cadre de notre atelier franco-allemand PLAN
D'EXIL, de séminaires de formation continue, ainsi que
de séminaires européens, nous avons créé, pour conclure
nos visites de l'ancien camp d'internement des Milles, des
textes littéraires, des cartes imaginaires et une archive de
photographies.
Æ Exil et poésie. Un reportage d'Ulrike Müller
www.exilarchiv.de, mp3
Æ Galerie de photos
Æ ���� – Les peintres des Milles
Enregistrement radio de Sabine Günther,
Deutschlandradio, 1997.
Durée: 19:52
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MATERIAL
Quiconque a passé sa vie dans un pays qui n'a
jamais été secoué par des troubles internes,
par la guerre ou l'occupation étrangère, ne
sait pas le rôle éminemment important que
peuvent jouer une pièce d'identité ou un
tampon administratif dans la vie d'un homme.
En général, il s'agit d'un bout de papier
ridicule ou d'un tampon sans importance
qu'un scribouillard quelconque a apposé
sur un document sans même y penser. Mais
il y a des dizaines de milliers de gens, des
centaines de milliers, des millions peut-être,
qui essaient désespérément d'obtenir un tel
tampon.
Lion Feuchtwanger
Le diable en France
DOCUMENTS
CLAUSES DE L'ACCORD D'ARMISTICE
PAPIERS
A
S
près la victoire de l'armée d'Hitler et l'armistice de
Compiègne, la France fut un piège pour les immigrés
allemands. Selon l'article 19, paragraphe 2, du contrat
d'armistice, la France devait livrer toutes les personnes
d'origine allemande que l'Allemagne réclamait. Le droit
d'asile fut ainsi résilié, aussi bien dans le Nord de la France
occupé que dans la zone de Vichy. Tant qu'ils n'étaient
pas internés, les immigrés passaient pour libres. Pour les
non-internés, la seule voie possible pour quitter la France
était la fuite par l'Espagne et le Portugal vers les Etats-Unis,
principal pays de l'exil.
i on avait atteint Marseille et obtenu une
autorisation de séjour et, avec beaucoup de
chance et de soutien, le visa pour l'Amérique, on
devait encore réclamer un visa de transit espagnol,
qui représentait la seule possibilité d'obtenir une
autorisation de transit au Portugal. Les visas
américain, espagnol et portugais étaient la condition
sine qua non pour obtenir une autorisation de séjour
française, qui, en pratique, ne pouvait être utilisée
que couplée à une autorisation de prélèvement
de la Banque de France. Comme le visa d'entrée
américain n'était utilisable que six mois, que le
départ devait se produire pendant ce laps de temps,
et que l'obtention de tout autre document durait au
moins quatre mois, de nombreux papiers liés au visa
américain se périmaient en même temps
que lui. Ils devaient alors être ou bien
renouvelés, ou bien réclamés à nouveau.
De nombreux réfugiés désespérèrent de
cette situation et en 1940 commença
toute une série de suicides : Carl Einstein,
Walter Hasenclever et Walter Benjamin
par exemple.
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SAUF-CONDUIT
VISA DE TRANSIT
L'employeur adipeux toisait ce groupuscule d'hommes
En effet, on attendait depuis longtemps un homme de ce nom-
qui brandissaient des confirmations de visas, et des sauf-
là, son dossier était prêt, son passage payé. Pour sa part, le
conduits périmés, et des fiches de libération des camps,
Corse ne voyait pas d'inconvénient à retenir une place pour cet
comme si nous venions non pas d'autres pays, mais d'autres
homme, à condition qu'il se procurât, avec son visa, le transit.
planètes, et que pour la sienne seule, la sienne propre, la
D'abord le transit américain, car le voyage à travers l'Espagne
seule favorisée, existât la faveur d'un séjour éternel.
et le Portugal n'était ensuite qu'un jeu d'enfants.
Anna Seghers
Anna Seghers
Il n'était pas autorisé aux réfugiés « libres » de quitter
leur lieu de séjour sans la permission expresse des
autorités. S'ils voulaient se rendre à un autre endroit,
ils devaient obtenir un sauf-conduit. Un tel document
était nécessaire si les réfugiés voulaient par exemple
se rendre chez le médecin. L'éloignement non autorisé
pouvait être sanctionné de différentes manières. Au
mieux, les fraudeurs payaient une amande, mais ils
étaient souvent incarcérés en camp d'internement.
Bien sûr, le sauf-conduit pouvait également être refusé.
Dans ce cas, les réfugiés avaient encore la possibilité de
traverser la France sans ce document; ils encouraient
alors un grand risque car les rues et les moyens de
transport publics étaient hautement surveillés.
Sauf-conduit pour Soma Morgenstern, qui,
comme Anna Seghers, vécut au numéro 3
de la Rue du Relais.
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VISA AMÉRICAIN ET AFFIDAVIT
J'avais déjà un passage pour l'Export Line. Le visa américain
m'était accordé. Mais, comme je retournais voir le consul
pour obtenir une prolongation, j'appris qu'il me fallait un
nouveau, un indiscutable affidavit, une garantie morale,
l'attestation de citoyens américains, prêts à certifier que
j'étais pure et sans tâche. Moi, une femme qui vit toujours
seule, où pouvais-je bien pêcher deux citoyens américains
Les réfugiés qui n'avaient pas d'amis sur le continent
américain n'avaient que peu de chances de recevoir
un jour les papiers nécessaires. Par ailleurs, non
seulement il devenait de plus en plus difficile de trouver
des fournisseurs d'affidavit ; mais les demandes de
visa rencontraient également de plus en plus de refus
de la part des autorités américaines.
qui mettraient pour moi leurs mains au feu, témoignant que
je n'ai jamais détourné de l'argent, que je maudis le pacte
germano-soviétique, que je n'ai eu, n'ai et n'aurai aucune
sympathie pour les communistes, que les messieurs ne
montent jamais dans ma chambre, que j'ai mené, mène et
mènerai une vie sage ?
Anna Seghers
P
our obtenir un visa américain, on devait
préalablement posséder deux affidavits. Pour un
immigré, un affidavit moral et un affidavit financier
étaient un gage de prise en charge.
C'est pour cette raison qu'il était très utile aux émigrants
d'avoir au moins un ami de nationalité américaine. Les
affidavits furent aussi souvent fabriqués par les comités
d'aide eux-mêmes.
L'affidavit de prise en charge financière devait assurer
que l'arrivant ne serait jamais à la charge des aides
sociales américaines. C'est pourquoi un citoyen
américain ou un immigré déjà arrivé et bien placé
devait se porter garant et jouer de son statut matériel.
La condition pour se porter garant pour un immigrant
était un salaire annuel de 5 0 00 dollars, somme
autrefois considérable.
L'affidavit de prise en charge morale servait d'équivalent
de casier judiciaire. Avec ce document, qu'un citoyen
américain devait remettre à un notaire, il se portait
garant de la transparence morale et politique de
l'immigrant.
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BIBLIOGRAPHIE
BIOGRAPHIES
Photo: Dörthe Behnke, Marseille 2013
SOURCES LITTÉRAIRES DES CITATIONS DANS L'EBOOK
Varian Fry
Daniel Bénédite Soma Morgenstern « Livrer sur demande… ». Quand les artistes,
les dissidents et les Juifs fuyaient les nazis
(Marseille, 1940 – 1941), Marseille, 2008
Archives du Centre Américain de Secours
Flucht in Frankreich, Berlin, 2000
2 6 11 | 12 | 14 32 | 33 I
3
17 4 23 48
3
7
18
Alfred Kantorowicz Ernst Erich Noth Exil in Frankreich, Bremen, 1971
Erinnerungen eines Deutschen,
Hamburg-Düsseldorf, 1971
4 22* 5
28*
8
Hertha Pauli
Der Riß der Zeit geht durch mein Herz,
Wien-Hamburg, 1970
2 40*
Anna Seghers Ludwig Marcuse Transit, Berlin 1954
5
11*
37*
27 9
42 – 43 M
Mein zwanzigstes Jahrhundert, München, 1960
57 | 58
II Walter Mehring Lisa Fittko Briefe aus der Mitternacht, Heidelberg, 1971
Mein Weg über die Pyrenäen,
München, 2004
2 12*
6
32* 7
51*
Hermann Kesten Dichter im Café, München-Wien-Basel, 1959
II 38*
51*
Hans Sahl Das Exil im Exil, Hamburg, 1994
Wir sind die Letzten. Der Maulwurf. Gedichte,
Frankfurt am Main, 1991
2 13* 3
18*
Heinrich Mann Ein Zeitalter wird besichtigt, Berlin, 1973
3
17* 6
32*
* Traduit par Sarah Raquillet
Alfred Döblin Lion Feuchtwanger
Schicksalsreise. Bericht und Bekenntnis,
Olten, 1980
Le diable en France, Berlin, 1982
6
M 33*
Maurice Lemoine Mary Jayne Gold 36*
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North Side Story,
in: Marseille. Histoires de famille,
Revue Autrement n° 36, Paris, 1989
Marseille année 40, Paris, 2001
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31 NOTES BIOGRAPHIQUES
Son livre Le diable en France retrace son
parcours d'émigrant antinazi, son exil et son
internement dans différents camps en France.
de se rendre sur les lieux pour accomplir
cette mission d'aide. Sur place, ce novice de
l'action clandestine créa le Centre Américain
de Secours (CAS), une petite équipe de onze
personnes très efficaces avec lesquelles, du
marché noir aux filières d'évasion, du trafic de
visas et de papiers d'identité à la corruption
de fonctionnaires, il apprit les règles d'un jeu
inédit. Le 15 août 1941, l'administration de
Vichy expulsa Varian Fry pour avoir « protégé
des Juifs et des antinazis ». En vivant, selon
ses propres termes, « une vie en un an », il aida
presque quatre mille personnes et organisa
l'évasion de près de la moitié d'entre elles,
dont les plus célèbres s'appelaient Hannah
Arendt, André Breton, Marc Chagall, Max
Ernst, Lion Feuchtwanger, Arthur Koestler,
Lion Feuchtwanger
Lion Feuchtwanger (1884 – 1958), romancier
et nouvelliste allemand d'origine juive,
pacifiste et antimilitariste engagé. Paru en
1925, son roman Le Juif Süss, dénonçant
l'antisémitisme, connut un grand succès et
fut traduit en une vingtaine de langues. En
janvier 1933, Lion Feuchtwanger était aux
États-Unis lorsque les SA mirent à sac sa
maison à Berlin, confisquèrent ses biens, le
privèrent de sa nationalité, de son titre de
docteur, et interdirent ses livres. Il s'exila
alors en France et trouva refuge à Sanarysur-Mer Æ III .
Il fut interné au camp des Milles Æ IV en
septembre 1939 puis en mai 1940, mais
parvint, avec l'aide du Centre Américain
de Secours et du vice-consul américain
à Marseille, à échapper à la Gestapo et se
réfugia avec sa femme Martha Feuchtwanger
en septembre 1940 aux États-Unis, en
Californie.
Varian Fry
En juin 1940 à New-York fut fondée, avec le
soutien d'Eléonore Roosevelt et de Thomas
et Erika Mann entre autres, l'organisation
d'aide aux fugitifs Emergency Rescue
Committee (ERC). Des écrivains, artistes,
compositeurs, scientifiques, journalistes et
politiciens menacés par les nazis avaient
besoin d'aide pour quitter la France et s'enfuir
aux Etats-Unis. Marseille était à ce moment
là le seul port possible pour sortir de France;
des milliers d'émigrants se trouvaient dans
la ville et voulaient quitter ce pays le plus vite
possible avant que l'armée allemande n'en
occupe également le Sud. L'ERC chargea le
journaliste américain Varian Fry (1907-1967),
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Victor Serge. Après son départ, jusqu'au
2 juin 1942, plus de trois cents personnes
profitèrent encore de certaines des filières
qu'il avait mises en place.
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Varian Fry fut fait Chevalier de la Légion
d'Honneur en 1966. Aux Etats-Unis il fut
également récompensé par la Croix de
Libération. Le mémorial Yad Vashem quant
à lui planta un arbre en son honneur dans «
l'allée des droits des peuples ». En Allemagne,
enfin, Varian Fry a donné son nom à une
rue de Berlin ainsi qu'à la station de bus
correspondante près de la Postdamer Platz,
où l'on peut lire une plaque commémorative. A
Marseille, Varian Fry est honoré par une stèle
devant le Consulat américain. Ses mémoires
parurent en Allemagne en 1995 sous le titre
Auslieferung auf Verlangen et en 2008 dans
l'édition critique Livrer sur demande.
l'Espagne jusqu'à Lisbonne. En janvier 1940
il arriva à New York sur le bateau de réfugiés
Manhattan.
d'abord à Vienne puis, en 1938, à Paris. Lors
de l'invasion des troupes allemandes à Paris
il s'enfuit avec Hertha Pauli à Marseille. Le
3 février 1941 il voyagea sur le Wyoming
depuis Marseille vers la Martinique et Miami.
Ernst Weiß
Ernst Weiß (1882 – 1940), médecin et écrivain
autrichien d'origine juive. Il se mit en exil en
1933, d'abord vers Prague puis vers Paris. Il
fut soutenu financièrement par les écrivains
Stefan Zweig et Thomas Mann. Il se suicida
le jour où les troupes allemandes envahirent
Paris. Anna Seghers lui dédia son roman
Transit.
Hertha Pauli
Hertha Pauli (1909 – 1973), auteure et actrice
autrichienne. Elle fit la connaissance de
Walter Mehring à Vienne dans les années
1930, avec lequel elle partagea une longue
amitié. En 1938 elle s'enfuit à Paris et y
écrivit en 1940 avec Walter Mehring, Ernst
Weiss et Hans Natonek une lettre à Thomas
Mann, le priant de son aide urgente pour
les exilés bloqués en France. De cet écrit
résulta la création de l'Emergency Rescue
Committee.
Hertha Pauli fut l'une des premiers émigrants
à quitter la France par des voies illégales.
Hans Natonek
Hans Natonek (1892 – 1963), journaliste et
écrivain germano-tchèque. Il s'enfuit de
Paris avec Hertha Pauli et Walter Mehring en
juin 1940 et arriva à Marseille en passant par
Lourdes et Toulouse. A la fin du mois d'août
1940 il fuit par les Pyrénées et à travers
Walter Mehring
Walter Mehring (1896 – 1981), écrivain
allemand, ancien dadaïste, collaborateur de
la revue die Weltbühne et l'un des meilleurs
paroliers du XX ème siècle. Il émigra en 1933
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31 NOTES BIOGRAPHIQUES
A la fin du mois d'août 1940, elle partit avec
Hans Natonek et la collaboratrice de la revue
die Weltbühne Hilde Walter par le chemin
traversant les Pyrénées. Depuis Lisbonne
par bateau, elle rejoignit New Jersey le 12
septembre 1940.
En 1933 Hans Sahl fuit le national-socialisme
en passant par Prague et Zürich vers Paris,
où il fut arrêté puis interné au camp Le
Ruchard dans le Sud de la France. La fuite
à Marseille lui réussit et – grâce à Varian Fry
et à son Centre Américain de Secours – il
put rejoindre les Etats-Unis depuis Lisbonne.
Hans Sahl restitua plus tard ses expériences
dans son roman autobiographique Die
Wenigen und die Vielen (1959) et édifia
ainsi à Varian Fry et à son comité d'aide un
mémorial littéraire.
Daniel Bénédite
Daniel Bénédite (1912 – 1990), résistant
français. En tant que gérant du CAS à partir
novembre 1940, il fit parti du cercle étroit
d'amis et de collègues de Varian Fry. Il se
procura des passeports vides au marché
noir, qu'il transmit au faussaire et dessinateur
Bill Spira.
Hans Sahl
Hans Sahl (1902 – 1983), de son vrai nom
Hans Salomon, connu également sous les
pseudonymes Franz Floris, Peter Munk,
Salpeter, écrivain et critique littéraire
allemand. Provenant d'une famille de la
grande bourgeoisie juive, il grandit à Berlin
et, après ses études à Breslau, se fit très vite
un nom dans les domaines de la littérature,
du théâtre, de la critique de film, notamment
pour les journaux Tage-Buch, Berliner
Börsen-Courier et Montag Morgen. Il vécut
dans la colonie d'artiste de Wilmersdorf.
Lisa et Hans Fittko
Mary Jayne Gold
Lisa
Fittko
(1909 – 2005),
résistante
et auteure austro-hongroise, et Hans
Fittko (1903 – 1960), journaliste allemand,
inaugurèrent la « Route F » pour la mission de
Fry à travers les Pyrénées jusqu'à la frontière
franco-espagnole à Port-Bou, route que plus
de 300 fugitifs empruntèrent par la suite.
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Mary Jayne Gold (1909 – 1997), riche
héritière américaine, fit don de son argent
et trouva pour Fry la Villa Air-Bel dans le
quartier périphérique de La Pomme, où il
put se reposer le week-end.
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31 NOTES BIOGRAPHIQUES
Mary Jayne Gold passa sa jeunesse en
Europe et, en août 1940, décida d'entrer au
CAS de Marseille et de prendre activement
part au travail de secours du comité Fry.
Grâce à de généreuses donations, elle
garantit le succès de plusieurs actions de
secours. A l'automne 1941, après l'expulsion
de Varian Fry hors de France, elle retourna
aux Etats-Unis. Là-bas, elle resta en contact
avec Varian Fry et, en 2001, son livre de
souvenirs Marseille année 40 parut en
anglais et en allemand.
antifasciste allemand et publia plusieurs
pamphlets contre le régime nazi. En 1940, il
pu s'enfuir aux Etats-Unis avec sa femme
Nelly et son neveu Golo grâce à l'aide de
Varian Fry.
Rudolf Hilferding
Rudolf Hilferding (1877 – 1941), homme
politique socialiste allemand d'origine
autrichienne. Il fut le ministre des finances
du Reich en 1923 et 1928. En 1933 il s'enfuit
d'abord à Zürich, puis à Prague, à Paris, et,
en 1940, à Marseille. Après le refus de sa
demande d'asile par la Suisse, il craignit de
quitter la France par des voies illégales. En
février 1941, il fut arrêté et livré à la Gestapo.
Il mourut quelques jours plus tard dans la
prison parisienne de La Santé.
Golo Mann
Heinrich Mann
Heinrich Mann (1871 – 1950), écrivain
allemand, frère aîné de Thomas Mann. En
1933 il fut forcé de quitter l'Académie des
Arts de Berlin, fut dénaturalisé et s'exila en
Tchécoslovaquie puis en France, où il obtint
la nationalité tchèque. Humaniste et militant
antifasciste, il fonda à Paris le Front populaire
Golo Mann (1909 – 1994), historien et écrivain
allemand, troisième enfant de Thomas Mann.
Il vécut à partir de 1933 en Suisse et en
France. En 1936, la famille Mann fut déchue
de sa nationalité allemande. Golo Mann se
déclara volontaire pour rejoindre une unité
tchèque en France en 1940 et fut pourtant
interné au camp des Milles Æ IV . Grâce
à l'intervention de Varian Fry, il fut libéré et
put emprunter, en septembre 1940, avec
son oncle Heinrich Mann et sa tante Nelly, le
chemin d'évasion par les Pyrénées. Un mois
plus tard, ils atteignirent New York à bord du
bateau Nea Hellas.
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31 NOTES BIOGRAPHIQUES
Carbone et Spirito inspirèrent Eugène
Saccomano, dont le livre Bandits à Marseille
fut adapté au cinéma par Jacques Deray sous
le titre Borsalino, avec Alain Delon et JeanPaul Belmondo dans les rôles principaux.
Rudolf Breitscheid
Rudolf Breitscheid (1875 – 1944), homme
politique socialiste allemand. Il fut, à partir
de 1928, le président du groupe socialdémocrate du Parlement allemand. En 1933
il s'enfuit avec sa femme à Paris et en 1940
à Marseille. La Suisse lui refusa sa demande
d'asile politique. Breitscheid ne voulait pas
quitter la France illégalement, c'est pourquoi
il refusa l'aide de Varian Fry. Il fut arrêté par la
police française en février 1941, puis livré à
la Gestapo. En 1944 il mourut dans le camp
de concentration de Buchenwald.
Carbone et Spirito
Paul Carbone (1894 – 1943) et François
Spirito (1900 – 1967), mafieux français.
Dans les années 1920, ils posèrent la
première pierre de l'import d'opium et
de sa transformation en héroïne pour
leur empire mafieux : la fameuse French
Connection. Grâce à l'export d'héroïne vers
l'Amérique, ils devinrent richissimes en un
temps record et étendirent leur pouvoir de
sorte que, à côté des commerces courants
de prostitution, de marché noir et de
brigandage, un travail politique étroit entre
les frères corses commença. Au début
de l'année 1939 Marseille fut déclarée
ingouvernable et le maire fut remplacé par
un gestionnaire public.
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Bil Spira
Bil Spira (1913 – 1999), écrivain autrichien. Il
émigra en 1938 à Paris et se nomma Willy
Freier. A partir de 1940 à Marseille, il entra
au service de Fry en tant que faussaire. Il
fut dénoncé par un agent double du nom de
Drach et, en novembre 1940, commença le
voyage dans l'enfer des camps allemands
d'extermination : Auschwitz, Buchenwald,
Teresienstadt. En mai 1945 il fut libéré par
les soldats russes.
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31 NOTES BIOGRAPHIQUES
Anna Seghers
L'écrivain Anna Seghers (née Netty Reilung
en 1900 à Mayence), s'enfuit d'Allemagne en
1933 et vécut sept ans avec sa famille en exil
à Paris. Son mari, le fonctionnaire du parti
communiste allemand et économiste László
Radványi – nommé Johann-Lorenz Schmidt
à partir de 1925 – dirigea, jusqu'au début
de la Seconde Guerre mondiale, l'école
libre allemande qu'il fonda à Paris. Arrêté
en janvier 1940, il fut envoyé d'abord au
camp d'internement Le Vernet, puis à celui
des Milles Æ IV . Après à peine trois mois de
transit à Marseille, le 25 mars 1941, Anna
Seghers put monter avec sa famille à bord
du paquebot Capitaine-Paul-Lemerle, qui
abritait déjà quelques 350 émigrants, dont 50
clients du comité de Varian Fry. En passant
par Oran, Casablanca, la Martinique et New
York, la famille d'Anna Seghers atteignit le
port de Mexico le 30 juin 1941.
Alfred Kantorowicz
Alma Mahler Werfel et Franz Werfel
Alfred Kantorowicz (1899 – 1979), juriste,
journaliste et critique allemand. Il émigra en
1933 en France puis fut dénaturalisé. Après
son internement au camp des Milles Æ IV , à
partir de janvier 1940, il vécut dans la Villa
Valmer que possédait Lion Feuchtwanger
à Sanary-sur-Mer Æ III , puis dans l'ancien
appartement de Franz et Helen Hessel.
Friedel et Alfred Kantorowicz séjournèrent
à Marseille à partir du mois de juin 1940 et
purent partir aux Etats-Unis en mars 1941.
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Alma Mahler-Werfel (1879 – 1964), compositrice et salonnière viennoise. Après avoir
été mariée à Gustav Mahler et Walter Gropius,
elle fit la connaissance de l'écrivain Franz
Werfel, de onze ans son cadet, en 1917. Ils
se marièrent et partirent ensemble en exil en
France en 1938.
Franz
Werfel
(1890 – 1945),
écrivain
autrichien. Ses livres furent brûlés lors des
autodafés de 1933. De 1935 à 1937 il vécut
aux États-Unis, puis il émigra en France
avec sa femme. Puisqu'en septembre 1940
aucune autorisation de sortie du territoire ne
fut délivrée à Marseille, le couple Werfel dut
emprunter le chemin illégal par les Pyrénées
avec Heinrich, Nelly et Golo Mann. Tandis
qu'un collaborateur du CAS accompagnait le
groupe, Varian Fry conduisit les douze valises
des Werfel jusqu'au poste-frontière.
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31 NOTES BIOGRAPHIQUES
Alfred Döblin
Alfred Döblin (1878 – 1957), médecin et
écrivain allemand. Son roman Berlin
Alexanderplatz parut en 1929 et devint
un succès mondial. En 1933 il émigra
d'abord en Suisse, puis en France. En
été 1940 il quitta Paris pour Marseille
avec sa femme et son plus jeune fils et
reçu miraculeusement l'argent pour se
procurer le billet de bateau LisbonneAmérique: un fonctionnaire français qu'il
ne connaissait même pas le lui offrit.
Walter Benjamin
Hannah Arendt
Walter Benjamin (1892 – 1940), historien et
essayiste allemand d'origine juive. Il émigra
à Paris en 1933, où il poursuivit son travail
de critique. Dans les années 1920 il voyagea
plusieurs fois à Marseille et prit contact avec
les Cahiers du Sud. En 1938, il n'écouta pas
les conseils de son ami Adorno et refusa
de s'exiler aux États-Unis, estimant qu'il y
avait « en Europe des positions à défendre ».
Interné au camp de Nevers, puis au camp
des Milles en juin 1940, il tenta de fuir
clandestinement aux États-Unis, mais il fut
arrêté à la frontière franco-espagnole et se
suicida en septembre 1940 à l'hôtel Francia
de Port-Bou. La société Walter Benjamin
de Francfort construisit un mémorial pour
l'un des penseurs les plus considérables du
20ème siècle: le mémorial Passages.
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Hannah Arendt (1906 – 1975), journaliste et
théoricienne politique. Elle émigra en 1933
à Paris, où elle rencontra en 1936 Heinrich
Blücher, dont le cercle d'amis regroupait
Walter Benjamin et le neurologue Fritz Fränkel.
Hannah Arendt soutint financiellement Walter
Benjamin lors de son séjour à Paris et, plus
tard, elle sauva à Marseille d'importants
manuscrits de l'écrivain disparu. Elle put
émigrer aux Etats-Unis avec sa mère et son
mari Heinrich Blücher en avril 1941.
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31 NOTES BIOGRAPHIQUES
Siegfried Krakauer
Soma Morgenstern
Soma Morgenstern (1890 – 1976), écrivain
d'origine juive et correspondant pour
plusieurs quotidiens allemands importants. Il
provenait, comme son ami Joseph Roth, de
Galicie orientale. En 1938 il s'enfuit de Vienne
vers Paris. Durant la guerre, il fut plusieurs
fois interné et atteignit Marseille en juillet
1940. Il y vécut à l'Hôtel Aumage, 3 rue du
Relais Æ 5 . En février 1941 il réussit à quitter
Marseille avec l'aide du CAS. Il arriva à New
York en avril 1941 et fut le seul de sa famille
ayant survécu à l'holocauste.
Ludwig Marcuse
Siegfried Krakauer (1893 – 1966), architecte,
publiciste et sociologue allemand. Il émigra
avec sa femme Lili Krakauer en 1933 à Paris.
En juin 1940 ils s'enfuirent à Marseille, où
Siegfried Krakauer travailla à sa théorie du
cinéma. Après leur tentative de fuite par les
Pyrénées, avortée en septembre 1940, ils
fuirent en février 1941 en Espagne et jusqu'à
Lisbonne. Fin avril 1941, ils atteignirent
New York.
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Ludwig Marcuse (1894 – 1971), philosophe
et écrivain allemand. Il quitta l'Allemagne
en 1933 et vécut à Sanary-sur-Mer Æ III
jusqu'en 1939. Cette année là, il réussit à fuir
aux Etats-Unis.
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31 NOTES BIOGRAPHIQUES
André Breton
André Breton (1896 – 1966), poète et chef de
file du mouvement surréaliste. Intellectuel
de la gauche révolutionnaire, il se trouvait
sur la liste noire du régime de Vichy. Après
des débuts symbolistes et dadaistes, Breton
publia le Manifeste du surréalisme en 1924
et constitua un groupe d'artistes auquel
appartinrent, entre autres, Paul Eluard, Louis
Aragon, Antonin Artaud, Georges Bataille,
Max Ernst, Oscar Dominguez, Hans Bellmer,
Salvador Dali. En 1934, Breton épousa la
peintre Jacqueline Lamba. En 1940, il vécut
avec elle et leur fille Aube à la Villa Air-Bel
à Marseille, puis il émigra aux Etats-Unis
au printemps 1941 à bord du paquebot
Capitaine Paul Lemerle.
Jean Ballard
Simone Weil
Jean Ballard (1893 – 1973), contrôleur des
poids et des mesures sur le marché
marseillais, il fonda avec Marcel Pagnol le
journal littéraire Fortunio en 1913, qui devint
Les Cahiers du Sud en 1924. Ballard publia
les premiers textes surréalistes dans les
années 1920. La revue leur resta fidèle, ainsi
qu'aux autres artistes qui arrivèrent en exil à
Marseille, et continua de publier leurs écrits
malgré le manque de papier et la censure.
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Simone Weil (1909 – 1943), philosophe.
A partir de l'été 1940, elle séjourna vingt
mois à Marseille avec ses parents. En 1942,
elle embarqua dans l'avant-dernier bateau
qui partit pour l'Amérique avant l'invasion de
l'armée allemande à Marseille. Parallèlement
à son travail clandestin antifasciste et sa
coopération dans le comité Fry, Simone Weil
écrivit à Marseille onze des ses célèbres
Cahiers et publia un numéro spécial des
Cahiers du Sud sur l'histoire, la culture et
la langue occitanes. Après un court séjour
aux Etats-Unis, elle revint en Europe pour
rejoindre en Angleterre l'Armée française de
la Libération conduite par Charles de Gaulle.
Elle mourut d'une grève de la faim en 1943.
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MIE U X VAU T Ê T R E
AU
MONDE
Q U'E N E X I L .
Depuis 26 siècles cette ville rebelle vit entre
ses deux extrêmes: prospérité et désillusion.
Une ville de migrants, une ville étrange pleine
d'étrangers. Un exemple extraordinaire de
constance dans la transition, marqué par
l'histoire du transit, des migrations, du
va et vient et du métissage. Dans cette ville
le voyageur s'inscrit dans une histoire
immémoriale de l'exil et vit entre les mondes
et les cultures.
Celles-ci ne s'observent pas sur les bâtiments
ou les mémoriaux, mais dans les yeux de ceux
qui ont traversé Marseille.
CHRONOLOGIE
DU PROJET
PLAN D'EXIL
La
première
arrivée
s'appelle
toujours
D
epuis 2007, dans le cadre du projet
multimédia PLAN D'EXIL, nous nous
intéressons à la mémoire et à l'actualité
de l'exil, notamment à la mémoire des
artistes et intellectuels qui furent expulsés
par le régime fasciste et durent quitter
l'Allemagne. En partant de l'Histoire, nous
nous demandons ce que peut aujourd'hui
signifier pour tant de gens quitter son pays
– que ce soit volontairement ou par la force,
et nous marchons sur les traces de leur vie à
Marseille.
compagnon : « Moi, je rentre à Marseille, et
Marseille, un port assez considérable posté
pas demain, tout de suite aujourd'hui ». […]
de l'autre côté de la Méditerranée. Il n'y
Cette fois, il découvrit la Canebière, et
trouva personne, ne connaissait personne,
l'entrée
et personne ne le connaissait. Du monde, à
géométriquement deux sortes de forteresses
droite, à gauche, deux nuits dans la grande
dont il apprit plus tard les noms : le Fort
ville au pied d'une Notre-Dame indifférente
Saint-Jean, le Fort Saint-Nicolas. Un soleil
qui ne le regarda pas. « Non », se dit-il
rayonnant lui réchauffa les reins, un astre
d'emblée dans son sabir dialectal, « il me faut
presque semblable à celui de « là-bas », cette
continuer mon chemin ». Il se dirigea alors
fois il se sentit arrivé. Il fit des connaissances
vers Grenoble où de vagues connaissances
hasardeuses, des hommes, comme lui, qui
pourraient le dépanner.
parlaient arabe. Ils discutaient des nouvelles
De la neige partout, un travail éreintant mais
reçues du pays. Il commença dès lors à
béni, vite trouvé, le soir venu il coupait court,
fréquenter des magasins arabes, des cafés
s'installait devant un antique téléviseur,
arabes, toutes sortes d'Arabies. Son moral
prenait le journal, lisait un peu, puis ensuite
sortit de la zone obscure des dépressions.
Æ Migreurop – Observatoire des frontières
il dormait. Il resta peu dans ces montagnes
Et cette noble inconnue, au doux nom de
étranges et glacées d'hiver froid. La grande
Marseille, y était pour beaucoup.
Réseau européen et africain, dans lequel activistes
et sociologues s'engagent à rendre visible et
à entreprendre différentes démarches contre
l'exclusion toujours croissante d'étrangers ainsi
que le développement des camps destinés
aux migrants.
du
vieux
port
qu'encadraient
saison blanche n'était pas terminée que
déjà apostrophait Mourad, son nouveau
Maurice Lemoine
North Side Story
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CHRONOLOGIE DU PROJET PLAN D'EXIL
2007 – 2013
ÉTE 2007
AVRIL / JUIN 2008
Pour conclure l'atelier PLAN D'EXIL, de jeunes allemands
et français se rendirent dans la rue et établirent avec les
passants du quartier Belsunce un dialogue ludique sur
l'origine des mots, des choses, des hommes.
Lors de l'atelier qui dura cinq jours et auquel participèrent
plus de vingt jeunes étudiants et artistes, plusieurs actions
de rue furent créées. Par la suite furent élaborés des
installations photo et vidéo, des livres objets, des plans de
ville imaginaires, un jeu de cartes, une valise de l'exil et des
textes qui furent présentés à Hambourg en juin 2008.
Æ Vidéo de l'action de rue
Æ Vidéos I – V
FÉVRIER 2009
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Dix adolescents et artistes français rencontrèrent leurs
homologues allemands à Berlin. Ils se confrontèrent
pour la première fois ensemble aux thèmes de l'exil,
de l'émigration et de la vie à l'étranger. Les traces de
l'immigré français et poète germanophone Adelbert von
Chamisso, des révolutionnaires Rosa Luxemburg et Karl
Liebknecht, de la scène culturelle de Kreuzberg, du mur et
des Stolpersteine furent conservés à Berlin.
En février 2009, Radio Grenouille enregistra une Æ visite
guidée sur le thème de l'exil avec Sabine Günther.
Æ Vidéo
Æ www.tell-me-tours.com
JUILLET 2009
De jeunes allemands et français participèrent à un atelier
PLAN D'EXIL à Marseille, lors duquel ils photographièrent les
derniers hôtels de réfugiés dans le quartier Belsunce, écrivirent
des portraits littéraires et photographièrent des graffitis et des
pochoirs observés dans la ville. Le dernier jour de l'atelier, ils
discutèrent avec Jessica Cohen du projet de Stolpersteine
personnelles à Marseille et organisèrent un happening sur
les escaliers de la gare Saint-Charles avec des pochoirs
représentant des exilés célèbres, pancartes qu'ils portèrent
ensuite dans la ville.
Æ Galerie de photos
Rencontre avec l'artiste performeur Julien Blaine au Musée
d'Art Contemporain de Marseille et organisation d'un jeu de
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piste à Sanary-sur-Mer Æ III sur les traces des maisons des
écrivains exilés.
OCTOBRE 2009
Æ Dans le cadre de notre projet de théâtre franco-allemand avec
La Ménagerie, intitulé Entre 2 chaises / Zwischen 2 Stühlen,
un atelier d'écriture théâtrale se déroula à Marseille. Six jeunes
tout juste arrivés à Marseille et sept jeunes allemands, tous
issus de l'immigration, écrivirent ensemble des textes sur
leurs expériences interculturelles. De ces petits textes naquit
le texte théâtral Entre 2 chaises de Marine Vassort qui fut joué
en juillet 2010 par la troupe de théâtre de La Ménagerie dans
le Centre Français de Berlin.
Æ Vidéo
Æ Livre
Æ FÉVRIER 2010 ET FÉVRIER 2013
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Dans le cadre du programme européen Grundtvig,
nous organi-sâmes à Marseille
des ateliers thématiques sur la
restitution artistique du thème de
l'exil.
JUILLET 2010
Vingt jeunes adultes allemands et français se penchèrent sur
la question des cartes imaginaires et de la représentation
multimédia du quotidien et de l'histoire. L'action de rue nommée
Ma pierre dans le Panier se déroula pour clore cet atelier : les
premières Stolpersteine françaises furent posées sous forme
d'installations artistiques.
Æ Portfolio de l'atelier Grundtvig-Ateliers 2010 et
Æ Portfolio 2013
Happening La Ligne jaune,
Æ sous la direction d'Antonella Fiori, 2010
Vidéo
Vidéos
Æ Passage & Co. – Spectacle
Æ Lecture des textes de l'atelier
Interview de l'auteure Marine Vassort
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JUIN / SEPTEMBRE 2011 / JUIN 2012
Rencontre avec Damien
Taillard, qui collectionne
les vinyls contenant de
la musique du quartier
Belsunce.
Des élèves de Hambourg et Berlin participèrent à l'atelier PLAN
D'EXIL à Marseille. L'approche artistique y fut développée
grâce à la participation de différents artistes.
Æ Phocéephone
2013
L'année où Marseille-Provence fut nommée capitale européenne de la culture nous donna l'occasion de présenter
le projet PLAN D'EXIL aux nombreux voyageurs qui
s'inscrivirent aux visites guidées de Marseille organisées
par Sabine Günther.
En octobre 2013 nous réalisâmes une documentation
interactive sur le projet PLAN D'EXIL sous la forme d'un eBook
que vous avez à présent sous les yeux. Cet eBook constitue
le point d'orgue de six années d'expériences artistiques
franco-allemandes sur le thème de l'exil et de la migration.
En bas : Dialogue avec Ulrich
Fuchs, directeur artistique de
la capitale européenne de la
culture Marseille-Provence 2013
Æ Documentation photographique et textes
concernant l'histoire du projet
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L'ÉQUIPE ÉDITORIALE SE PRÉSENTE
L'eBook du projet PLAN D'EXIL que vous avez sous les
yeux a été créé en octobre 2013 à Marseille. Il fut conçu
par Sabine Günther, mis en page par Oliver Schmoi et
traduit en français par Sarah Raquillet.
Sabine Günther
Marseille/Berlin
Critique littéraire, manager culturel
Auteure, traductrice et manager culturel, Sabine Günther est
responsable de projet au sein de l'association Passage & Co.
à Marseille, spécialisée dans les échanges culturels francoallemands. Au nom de l'association, elle initie et dirige
depuis 1996 des projets artistiques (Nord-Sud-Passage,
PLAN D'EXIL), des ateliers de création franco-allemands,
des séminaires européens de formation, des voyages
culturels et des balades littéraires.
Sarah Raquillet
Berlin
Manager culturel, traductrice
Sarah Raquillet travaille en tant que traductrice et manager
culturel freelance à Berlin. Depuis le mois de juillet 2013, elle
représente le bureau berlinois de l'association Passage & Co.
– Echanges culturels franco-allemands. Dans ce cadre, elle est
responsable de la communication et chargée de développer
les relations de presse en Allemagne. En octobre 2013, elle
intègre le projet PLAN D'EXIL en traduisant en français cet
eBook conçu par Sabine Günther.
Oliver Schmoi
Berlin
Graphiste
Oliver Schmoi étudie la communication visuelle à l'école
supérieure spécialisée de Potsdam. Il a assuré la mise en
page graphique de l'eBook.
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ANNEXES
PLAN D'EXIL – Photos et vidéos du projet
Les photos Æ Flickr et Vidéos Æ Vimeo du projet PLAN
D'EXIL sont présentes sur Internet.
Sources
Les photos d'illustration proviennent d'archives publiques
Internet. Leur utilisation ne sert aucun but commercial.
Passage & Co.
Sabine Günther / Direction de projet
109, Chemin de la Porte rouge
F – 13530 TRETS
Tel.
0033 (0) 4 42 29 34 05
[email protected]
L'eBook a été réalisé en langues allemande et française
sous la commande de Passage & Co. en octobre-novembre
2013 à Marseille et Berlin. Il est publié sur le site Internet
Æ www.exilplan.com.
Le contenu de l'eBook lisible au format pdf est protégé
conformément aux droits d'auteur. Son téléchargement
n'est possible que sur autorisation expresse.
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REMERCIEMENTS
Entre 2007 et 2013, plus de 150 adolescents, jeunes adultes
et artistes allemands et français travaillèrent au projet
artistique franco-allemand PLAN D'EXIL. Les participants
alimentèrent le projet avec des photos, des films, des
cartes et des textes, des objets d'arts et des actions de
rue, et en furent également les acteurs principaux. Nous
sommes particulièrement reconnaissant au lycée Waldörfer
Gymnasium de Hambourg pour sa collaboration fructueuse
qui nous a conduits à plusieurs présentations du projet et
ateliers à Hambourg et à Berlin. Par ailleurs, nous avons
travaillé en partenariat avec la Königin-Luise-Stiftung,
le lycée Werner-von-Siemens-Gymnasium, les écoles
berlinoises Leibniz-Schule et Beethoven-Schule, l'UFR
d'ethnologie européenne de l'université Humboldt de Berlin
et l'Institut de germanistique de l'université d'Aix-Marseille.
De nombreux artistes ont honoré notre invitation et
organisèrent des ateliers, dans lesquels leur propre travail
artistique pris un nouvel élan:
Pilar Arcilar, Eric Cartier, Antonella Fiori, Dorothée Volut,
Marine Vassort, Nicolas Facenda, Paula Bonneaud, Gesa
Matthies, Michèle Sainte-Beuve, Marc Seestaedt, Stéphanie
Marini, Clément Carvin, Catherine Ricoul, Fleur DuverneyPrêt, Damien Taillard, Valérie Mitard, Martin Flament,
Guillaume l'Hôte, Marie Rotkopf, Guillaume Fayard.
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REMERCIEMENTS
Le projet PLAN D'EXIL aurait été impensable sans le soutien
dynamique d'un grand nombre de stagiaires:
Nina Pollard, Aïda Benhadid, Tugba Ural, Rebecca
Dovergne, Benedikt Frantz, Mieke Timm, Lara Samuel, Lina
Pelz, Kerstin Pätzold, Dana Lupu, Thea Göhring, Laurianne
Gobillard, Martina Arnold, Levent Özdil, Nicola Martin,
Sabine Ohlenbusch, Veronika Metzger, Jérôme Babize,
Camille Saraben.
Nous remercions l'Office Franco-Allemand pour la
Jeunesse pour le généreux soutien financier que nous
avons continuellement reçu depuis 2007 !
En outre, nous avons obtenu le soutien de la Robert-BoschStiftung, de l'Alfred Toepfer Stiftung et de la Commission
Européenne dans le cadre du Programme Grundtvig
d'éducation et de formation tout au long de la vie. Pour
l'élaboration collective du texte théâtral Entre 2 chaises,
nous reçûmes le soutien financier de la Direction Régionale
des Affaires culturelles PACA dans le cadre du programme
Identités Parcours & Mémoire (IPM, Marseille).
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