Dre Laberge - CHU Sainte-Justine

10ème Colloque provincial en cardiologie pédiatrique
Dépistage de malformations cardiaques congénitales et de facteurs de risques d’athérosclérose
Anne-Marie Laberge, MD, PhD, FRCP Génétique médicale
Service de génétique médicale, CHU Sainte-Justine
Département de pédiatrie, Université de Montréal
Métabolisme des lipides
sparknotes.com
Phénotypes d’hyperlipidémie
Bilan
lipidique
TG très élevés
CT élevé
CT et TG élevés
CT et TG élevés
TG élevés
TG très élevés
et CT élevé
Hegele, Nat Rev Genet 2009
Fernandes, Saudubray et al, 4th ed. 2006
Hétérogénéité génétique
Hegele, Nat Rev Genet 2009
Pourquoi dépister les enfants?
Grossman et al, Arch Ped Adol Med 2011
Dépistage de dyslipidémie
 L’American Academy of Pediatrics recommande de procéder à
un bilan lipidique chez tous les enfants entre 9 et 11 ans
(dépistage universel).
 D’autres préconisent un dépistage ciblé dès l’âge de 2 ans et
avant 10 ans dans les circonstances suivantes :
 1) si les parents ont une valeur de cholestérol total > 6,2 mmol/L;
 2) s’il y a une histoire familiale (parents ou grand-parents) de MCAS
< 55 ans chez les hommes et < 65 ans chez les femmes;
 3) chez les enfants qui présentent des facteurs de risque majeurs:



État post-greffe cardiaque
Diabète
Facteurs de risque mineurs (tabagisme, hypertension artérielle, obésité et
sédentarité )
 4) chez les enfants dont l’histoire familiale est inconnue.
Évaluation initiale
 Anamnèse:
 Recherche de causes de dyslipidémies secondaires:


Prise de médicaments
Conditions prédisposantes (hypothyroïdie, etc)
 Recherche d’autres facteurs de risque de MCAS

Habitudes de vie: alimentation, sédentarité, tabagisme, etc.
Évaluation initiale
 Histoire familiale:
 Hx de MCAS précoce chez apparentés de 1er et 2e degré:

angine, infarctus du myocarde, pontages coronariens,
angioplastie, ACV, chirurgie des carotides, claudication, etc.
 Autres facteurs de risque: diabète, obésité,
hypertension, tabagisme, etc.
 Histoire d’hypercholestérolémie (même sans MCAS) –
incluant sous traitement!
Évaluation initiale
 Examen physique
 Poids, taille, IMC
 Circonférence taille
 TA
 Arcs cornéens, xanthomes tendineux
 Xanthelasma, acanthosis nigricans
 Bilan sanguin
 Bilan lipidique complet (CT, LDL, HDL, TG)
 Recherche de causes de dyslipidémies secondaires (glycémie,
TSH, an. d’urine, etc)
Interprétation du bilan lipidique
Valeurs (mmol/L)
Souhaitables
Limites
Élevées
Cholesterol total
< 4.4
4.4-5.2
≥ 5.2
Cholestérol LDL
< 2.8
2.8-3.4
≥ 3.4
Cholestérol HDL
1.0
Triglycérides
< 1.7
<1.0
1.7-2.3
≥ 2.3
Pediatrics 2008; 122:198 et Circulation 2005; 112:2061
Diagnostic différentiel d’une dyslipidémie
 Secondaires (hypothyroïdie, syndrome néphrotique,
certains médicaments)
 Exogènes (obésité)
 Monogéniques
 Hypercholestérolémie familiale
 etc.
Haney et al, Pediatrics 2007
Formes secondaires de dyslipoprotéinémies
Condition
Anomalie lipoprotéine
Obésité
HDL,
Diabète
VLDL et
Syndrome néphrotique
VLDL
Urémie
VLDL
Hypothyroïdie
LDL
Alcool
VLDL
Contraceptifs oraux
VLDL
Pancréatite
CM,
Maladie auto-immune
CM et
Corticothérapie
LDL
Antihypertenseurs
VLDL
Stéroïdes anabolisants
HDL et
VLDL
LDL
VLDL et
HDL
VLDL (particules riches en TG)
VLDL
Sniderman et al, Nat Rev Endocrinol 2010
Diagnostic différentiel
d’hypercholestérolémie
Girardet et al, Arch Péd 2011
Focus sur formes fréquentes
 Formes familiales d’hypercholestérolémie
 Dyslipidémie familiale combinée
 Hypercholestérolémie familiale
Dyslipidémie familiale combinée
 Définition initiale était:
 Combinaison d’hypercholestérolémie et/ou
hypertriglycéridémie et apparentés avec dyslipidémie
 Définition actuelle:
 Augmentation d’apoB et TG chez cas index et au moins
un apparenté avec même chose
 Présence fréquente de particules de LDL de petite taille
Dyslipidémie familiale combinée
 Génétique complexe
 > 35 gènes impliqués
 Combinaisons différentes selon les familles, touchant:
 Surproduction hépatique de VLDL et stéatose hépatique
(APOE, USF1, etc)
 Dysfonction du tissu adipeux (LEPR, LIPE, etc)
 Résistance à l’insuline
 Métabolisme des lipoprotéines en circulation perturbé (LIPC,
LPL)
 Défaut de clairance des particules apoB
Dyslipidémie familiale combinée
 Traitement:
 Diète faible en gras, en gras saturé et en cholestérol
 Contrôle du poids (diminuer résistance à l’insuline)
 Exercice physique
 Rx à privilégier sont niacine et dérivés des fibrates car
peuvent aider à convertir LDL de petite taille en LDL de
taille normale, avec ou sans statines
Formes monogéniques
d’hypercholestérolémie
Fernandes, Saudubray et al, 4th ed. 2006
Hypercholestérolémie familiale
63 ans
IM 38 ans
PAC 45 ans
LDL 8.2 pré-tx
Sous Lipitor
35 ans
Pas de
MCAS
LDL 2.5
65 ans
IM 42 ans
PAC 42 ans
LDL 8.5 pré-tx
Sous Lipitor
68 ans
Pas de MCAS
LDL 2.4
37 ans
Pas de MCAS
LDL 7.5 pré-tx
Sous Lipitor
8 ans
Pas de MCAS
LDL 7.2
Cholestérol
total
LDLcholestérol
HDLcholestérol
Triglycérides
9.13
7.25
1.80
0.89
Avantages de savoir cause génétique de
l’hypercholestérolémie
 Expliquer sévérité du phénotype
 Obtenir idée du pronostic à long terme et du risque de
MCV selon l’âge
 Prévoir/expliquer réponse au traitement
 Permettre dépistage familial en cascade
Uptake et dégradation des LDL via
le récepteur des LDL (R-LDL)
Soutar et Naoumova, Nat Clin Pract 2007
Hypercholestérolémie familiale
 Condition autosomique dominante, parmi les plus
fréquentes
 1/500
 Au Québec, 1/270 (mais varie d’une région à l’autre)
 Mutations dans gène codant pour récepteur des LDL
 Rarement individus avec forme homozygote, plus
sévère
 Sous-diagnostiquée: seulement 15-25% des cas seraient
identifiés
Hypercholestérolémie familiale
Particularités génétiques
au Québec
 1/500 dans le monde
 1/270 au Québec
◦ 1/167 en Gaspésie
◦ 1/122 au SLSJ
◦ 1/81 sur la Côte Nord
Cinq mutations principales dans le gène du LDL-R chez Canadiens français:
◦ délétion >15kb (57%; 95% en Gaspésie; 32% au SLSJ)
◦ délétion 5kb (1%; 3-5% à Montreal)
◦ W66G (2%; 59% au SLSJ)
◦ E207K (1%)
◦ C646Y (9%)
Vohl et al, Clin Genet 1997
Hypercholestérolémie familiale
 Risque de maladie cardiovasculaire
 précoce (<55 ans chez homme, <65 ans chez femme)
 Peut être très précoce (20aine, 30aine)
 Diminution du risque par saines habitudes de vie
(alimentation, activité physique) et traitement
médicamenteux
Hypercholestérolémie familiale
Al Sarraf, Can J Cardiol 2012
Hypercholestérolémie familiale
 Autres critères diagnostiques:
MEDPED – Valeurs seuils de CT/LDL pour le diagnostic de l’HF
Âge
Lien de parenté
Pop. générale
1er degré
2e degré
3e degré
(CT/LDL)
< 20
5.7/4.0
5.9/4.3
6.2/4.4
7.0/5.2
20-29
6.2/4.4
6.5/4.7
6.7/4.8
7.5/5.7
30-39
7.0/4.9
7.2/5.2
7.5/5.4
8.8/6.2
>= 40
7.5/5.3
7.8/5.6
8.0/5.8
9.3/6.7
Gill et al, BMJ 2012
Facteurs de conversion
Fernandes, Saudubray et al, 4th ed. 2006
Hypercholestérolémie familiale
 Si diagnostiqué chez quelqu’un, dépistage en cascade
recommandé chez apparentés de 1er degré
 Enfants peuvent être dépistés à partir de l’âge de 2 ans.
 Traitements à partir de l’âge de 8 ans, pour maintenir
LDL <= 4.1 (3.4 si autres facteurs de risque)
Hypercholestérolémie familiale
 Risque 100X celui de pop générale chez 20-29 ans
 Si non traité, risque cumulatif de MCAS selon l’âge
 50% à 50 ans chez hommes
 > 60% à 60 ans chez hommes
 > 30% à 60 ans chez femmes
 Traitement allonge survie moyenne de 9 ans
Approche non-médicamenteuse
 Saines habitudes de vie:
 Activité physique régulière (activité modérée à intense 1h/jr)
 Limiter activités sédentaires (télé, ordi) < 2h/jr
 Pas de tabagisme
 Alimentation faible en gras
 Peut être débutée dès l’âge de 2 ans
 Cholestérol: < 200-300 mg/jour
 Matières grasses: <30% des apports caloriques (<7-10% gras
saturés)
 Éviter gras trans
Recommandations de traitement
pour enfants et adolescents
Organisme
Année
Population
Âge
USPSTF
National Lipid
Association
2007
2011
Générale
HF
n/a
n/a
Considérer chez
> 8 ans
American Heart
Association
2007
Générale
American
Academy of
Pediatrics
2008
Générale
Considérer chez
>10 ans
(après ménarche
chez filles, tous
>= Tanner 2)
Considérer chez
> 8 ans
Société française
de pédiatrie
2011
HF
Considérer chez
> 8 ans
Seuil LDL pour débuter Cible thérapeutique
traitement
(après diète >6 mois)
n/a
Diminuer LDL de >=
50% ou LDL
< 3.35 mmol/L
LDL >= 4.9 mmol/L Viser < 3.35 mmol/L,
ou >= 4.1 mmol/L si mais idéal < 2.85
facteurs de risque ou mmol/L
hx familiale AS
précoce
LDL > 4.9 mmol/L ou < 4.1 mmol/L
>4.1 mmol/L si
< 3.35 mmol/L chez
facteur de risque
diabétiques ou si
histoire familiale d’AS
précoce
LDL > 4.9 mmol/L
< 4.1 mmol/L
ou >4.1 mmol/L si
facteur de risque
United States Preventive Services Task Force, Pediatrics, 2007
Mc Crindle et al, Circulation 2007 (AHA)
Daniels and Greer, Pediatrics 2008 (AAP)
Girardet et al, Archives de Pédiatrie 2011 (SFP)
Goldberg et al, Journal of Clinical Lipidology 2011 (NLA)
Daniels et al, Journal of Clinical Lipidology 2011 (NLA)
Recommandations canadiennes
 Canadian Cardiovascular Society Position Statement
on Familial Hypercholesterolemia
 En revision
 Devrait être présenté au Congrès canadien sur la santé
cardiovasculaire à Vancouver, fin octobre 2014.
À surveiller!
Médicaments disponibles
McCrindle et al, Circulation 2007
Réponse aux médicaments
Fernandes, Saudubray et al, 4th ed. 2006
Sites d’actions des médicaments
Fernandes, Saudubray et al, 4th ed. 2006
Niacine
 Aussi appelé acide nicotinique ou vitamine B3
 Effets secondaires:
 Intolérance au glucose (aggrave hyperglycémies chez diabétiques)
 Augmentation des enzymes hépatiques
 Augmentation de l’acide urique
 Flushing
 Effet démontré sur niveaux de cholestérol
 Effet sur issues cardiovasculaires moins bien établi
 Étude AIM-HIGH cessée après 3 ans vu absence de bénéfice dans
groupe traité.
 Dose habituelle: 2g sous forme ER « extended release »
Prescription de niacine
Creider et al, Nat Rev Endocrinol 2012
Fibrates
 Agissent via activation PPAR-α, ce qui active β-oxydation
des acides gras dans le foie, diminuant sécrétion VLDL (et
TG)
 Effet sur transport inverse du cholestérol fait augmenter HDL
 Surtout utilisé pour hyperTG
 Peut être utilisé en combinaison avec statines chez patients
avec dyslipidémie mixte
 Risque augmenté de rhabdomyolyse si utilisé en combinaison
avec statines
 Exemple: gemfibrozil
Inhibiteurs de l’absorption du
cholestérol
 Ezetimibe (Ezetrol)
 Souvent utilisé en
Phan et al, Vasc Health Risk Management 2012
combinaison avec
statines
 Dose habituelle 10 mg
(chez adultes et enfants
> 10 ans)
 Augmentation
compensatoire de
biosynthèse du
cholestérol
Séquestrants des acides biliaires
 Se lient aux acides biliaires et empêchent leur réabsorption
 Les plus utilisés:
 cholestyramine (Questran)
 colestipol (Colestid)
 Effets secondaires gastro-intestinaux fréquents
 Ballonnement, constipation, etc.
 Possibilité d’interaction avec l’absorption d’autres médicaments
 Augmentation compensatoire de biosynthèse du cholestérol
Statines
 Inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase
 Les plus utilisées (et doses):
 Atorvastatin (Lipitor): 10 mg – 40 mg (80 mg)
 Simvastatin (Zocor): 10 mg – 40 mg (5-80 mg)
 Rosuvastatin (Crestor): 5 mg -20 mg (40 mg)
 Effets secondaires à surveiller:
 Augmentation enzymes hépatiques
 Myosite chez 1/500 à 1/1000 (pouvant mener à rhabdomyolyse chez 1/10
000)
 Interactions médicamenteuses (via CYP3A4)
 Érythromycine, fluvoxamine, ketoconazole, jus de pamplemousse, anti-
arythmiques, benzodiazépines, bloqueurs des canaux calciques,
cyclosporine, etc.
Recommandations sur l’initiation
du traitement
 Commencer avec la plus faible dose, donnée une fois par jour HS.
 Mesurer CK, ALT, AST.
 Surveiller effets secondaires
 myosite (crampes musculaires, faiblesse, etc.). Si sx, demander si activité physique
récente, arrêter Rx et mesurer CK
 La médication peut être recommencée après disparition des sx et normalisation
CK.
 S’assurer que filles ont moyen de contraception approprié
 Aviser de la possibilité d’interactions médicamenteuses
 Après 4 semaines, mesurer bilan lipidique, CK, ALT, et AST
 Seuil inquiétant pour CK est 10X lim sup N (5X si sx), pour ALT/AST 3X lim sup N
 Seuils ciblés pour LDL: <3.35 mmol/L; idéalement, <2.85 mmol/L
 Si CK, ALT/AST N, revérifier dans 8 semaines et dans 3 mois.
 Si cible non atteinte, doubler la dose et répéter le bilan sanguin dans 4
semaines.
 Continuer à titrer vers le haut sans dépasser la dose maximale recommandée
jusqu’à atteindre le niveau de LDL ciblé en l’absence de signes de toxicité.
Recommandations sur le suivi
 Surveiller croissance (poids, taille, IMC) et
développement pubertaire (stade de Tanner)
 Bilan lipidique, CK, ALT, and AST q 3 à 6 mois
 Encourager compliance à la diète et à la prise de Rx,
 Rechercher et conseiller re: autres facteurs de risque
(prise de poids, tabagisme, inactivité)
Cas particulier des HF homozygotes
 Commencer traitement précocément (même avant 8 ans)
 Dans certains cas, besoin d’aphérèses
 Premiers événements cardiovasculaires peuvent se
produire dès l’enfance
 Cas rapportés d’IM à 4 ans ou pontages à 10 ans
 Sténose aortique calcifiée fréquente
 Suivi en cardiologie dès l’enfance
Conclusions
 Identification précoce permet intervention précoce
 Influence importante des habitudes de vie sur
développement des complications associées aux
dyslipidémies, même génétiques
 Dépistage familial est une conséquence importante de
la prise en charge