Lésions lichénoïdes buccales liées à une allergie aux méthacrylates contenus dans une prothèse dentaire F. Amelot1, N. Raison-Peyron1, C. Girard1, O. Cantagrill2, O.Dereure1, 1 Service de dermatologie, Hôpital Saint Eloi, CHU Montpellier, 80 Avenue Augustin Fliche 34000 Montpellier 2Cabinet dentaire, 9 rue Alfred Maurel, 34120 Pézenas Introduction Les lésions intra-buccales des patients, liées au matériel de dentisterie, sont moins fréquentes que la dermite de contact allergique des mains, en particulier les pulpites chez les professionnels de santé. Elles sont souvent suspectées mais rarement prouvées. Nous rapportons un cas de lésions lichénoïdes de la muqueuse buccale avec mise en évidence d’une allergie de contact aux méthacrylates dont le méthyl-méthacrylate ,contenu dans une résine renforçant une prothèse dentaire. Cas clinique Une femme de 69 ans, aux antécédents de choc anaphylactique aux béta-lactamines et de gastrite chronique, était adressée par son dentiste pour des lésions intra-buccales douloureuses et invalidantes survenues 10 jours après le renforcement d’une prothèse complète amovible mandibulaire (Nobel Biocare, Zurich, Switzerland), par une résine polyméthylméthacrylate à autopolymérisation (Perform Coltene Whaledent). L’examen clinique révélait des lésions en réseau blanc et érosives de la face interne des deux joues et des gencives, évocatrices de lichen plan (figure 1). La patiente n’avait pas de lésion cutanée ni génitale évocatrices de lichen plan. Une biopsie confirmait l’aspect de lésions lichénoïdes, indistinguables d’un lichen plan. Des patch-tests avec la batterie standard Européenne (Chemotechnique Diagnostics, Sweden) et une série dentaire mettaient en évidence une positivité à 3 méthacrylates dont le méthylméthacrylate (tableau 1 et figure 2). La patiente a guéri rapidement après traitement par corticoïdes locaux et ablation de la prothèse. Elle n’a pas rechuté après 9 mois de suivi. Discussion Les lésions buccales lichénoïdes sont souvent idiopathiques, elles peuvent néanmoins être provoquées par du matériel de soins dentaires de mécanisme irritatif ou allergique (1). La seconde hypothèse est la plus probable dans notre cas, en raison du délai de survenue et de la positivité des patch-tests aux méthacrylates. L’utilisation de résines pour les soins dentaires a fortement augmenté sur la dernière décennie (2). Concernant les acrylates, chéilites, dermatites périorales et “burning mouth syndrom” ont été rapportés (3,4). Les monomères d’acrylates et de méthacrylates ont un fort potentiel allergisant alors que la forme polymérisée n’est pas allergisante : dans une série de 1322 patients en Suède, les tests épicutanés étaient positifs aux méthacrylates pour 2,3% des patients avec des symptômes buccaux (5). Notre patiente avait une prothèse à autopolymérisation certifiant avoir moins de 1% de monomère résiduel de méthyl-méthacrylate. Il est habituellement difficile de savoir quel acrylate est présent dans le matériel dentaire, c’est pourquoi une série minimale d’acrylates a été proposée par des australiens en 2001 (4). Elle contient méthyl-méthacrylate 2% vas, éthylène-glycoldiméthacrylate 2% vas, 2-hydroxy-éthyl-méthacrylate 2% vas , triéthylèneglycoldiméthacrylate 2% et bis-GMA 2% vas. Notre patiente avait des patch-tests positifs pour 3 d’entre eux (tableau 1). Figure 1 : lésions lichénoïdes à la face interne de la joue droite Patch-tests série dentaire 48h 72h Méthyl-méthacrylate 2% vas ++ ++ ++ ++ ++ ++ Ethylèneglycol-diméthacrylate 2% vas 2-Hydroxy-éthyl-méthacrylate 2% vas Tableau 1 : résultats des patch-tests de la série dentaire Conclusion Dans la majorité des cas d’allergie de contact aux acrylates dentaires, la résolution des symptômes est observée après ablation du matériel prothétique (6,7), ce qui a été le cas chez notre patiente. Nous préférons donc utiliser le terme “lésions lichénoïdes » plutôt que lichen plan. Des lésions lichénoïdes buccales en lien avec une allergie à des résines acryliques de prothèse dentaire ont déjà été rapportées dans la littérature. Les monomères des résines utilisées seraient en cause bien que, d'après le fabricant, leur taux résiduel soit très faible dans le produit polymérisé, limitant ainsi le risque de sensibilisation. Figure 2 : Patch- tests positifs à 3 méthacrylates à 72h Références 1. Issa Y, Duxbury AJ, Macfarlane T and al. Oral lichenoid lesions related to dental restorative materials. Br Dent Journal. 2005;198(6):361ı366. 2. Auzerie V, Mahé E, Marck Y and al. Oral lichenoid eruption due to methacrylate allergy. Contact Dermatitis. 2001;45(4):241. 3. Kobayashi T, Sakuraoka K, Hasegawa Y, and al. Contact dermatitis due to an acrylic dental prosthesis. Contact Dermatitis. 1996;35(6):370ı371. 4. Koutis D, Freeman S. Allergic contact stomatitis caused by acrylic monomer in a denture. Australas J Dermatol. 2001;42(3):203ı206. 5. Goon ATJ, Isaksson M, Zimerson E, and al. Contact allergy to (meth)acrylates in the dental series in southern Sweden: simultaneous positive patch test reaction patterns and possible screening allergens. Contact Dermatitis. 2006;55(4):219ı226. 6. Dunsche A, Kästel I, Terheyden H, and al. Oral lichenoid reactions associated with amalgam: improvement after amalgam removal. Br J Dermatol. 2003;148(1):70ı76. 7. Issa Y, Brunton PA, Glenny AM, and al. Healing of oral lichenoid lesions after replacing amalgam restorations: a systematic review. Oral Med Surg. 2004;98(5):553ı565. Figure 1 Figure 2 Patient 1 Tous nos remerciements au Laboratoire BIODERMA pour son soutien à la réalisation de ce poster.
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