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Collection Risques et Crises
Institut national des hautes études
de la sécurité et de la justice
La
communication publique
de crise
Photo de couverture © Mike Kiev - Fotolia.com
Avant-propos
L’
Institut est heureux de présenter dans sa collection études et Documents ce travail
réalisé dans le cadre du Master 2 Politiques de Communication de l’Université
Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines par Faïza YAKOUBI. Nous avons suivi ces
travaux et leur qualité nous a convaincu de les publier. Ils livrent au lecteur une solide
approche de la communication de crise dont plus personne ne conteste le rôle clé
dans une période où la gestion des risques et des crises est devenue une préoccupation
majeure de nos sociétés. Les autorités publiques doivent faire face à de nouvelles
exigences en matière de sécurité (nucléaire, sanitaire, industrielle, alimentaire, …). Elles
ont donc un rôle clé dans l’information de la société et des médias vis-à-vis des risques
et des crises et ce tout au long au long du processus de gestion et de maîtrise de ces
situations. On peut ainsi différencier plusieurs moments – celui la gestion des risques,
celui de l’urgence et de la crise, celui de l’expertise, et enfin et le moment de la post-crise
(retours d’expérience,…). Le défi est de parvenir à créer un continuum et à unifier ces
différents temps qui correspondent à plusieurs types de communication (institutionnelle,
crise, technique, sociétale,…). Seul le partage d’éléments de langage commun et la mise
en place d’une stratégie globale de communication, intégrant et unifiant les différents
types de communication, peut contribuer à rendre efficace les politiques publiques.
La communication est également un puissant levier pour augmenter le degré de préparation
de la société face aux risques et son aptitude à réagir aux crises et aux catastrophes.
Elle participe ainsi à rendre une société plus robuste. La confiance du public dans les
autorités chargées de gérer les risques est donc un élément clé de la maîtrise des
catastrophes et du processus de retour à la normale, ainsi que de la gestion de crise en
général. Cette confiance perdurera, si et seulement si, il existe un continuum entre
la communication sur les risques et la communication lors des crises, les logiques de
la première devant être inclues dans la seconde. Ce travail montre bien que plus une
stratégie de communication sera intégrée, plus elle sera efficace et contribuera largement
à l’efficacité du dispositif de crise lui-même.
■
Cyrille schott
Directeur de l’Institut national
des hautes études de la sécurité et de la justice
© INHESJ – Juillet 2014 – La communication publique de crise
3
Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont accompagné, dans la réalisation de ce
dossier de synthèse. Un remerciement tout particulier à Gérard Pardini, directeur adjoint de
l’lnstitut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), pour l’entretien qu’il
m’a accordé, pour son regard critique et ses conseils avisés. Son aide m’a été très précieuse. Je
remercie également Nathalie Maroun, analyste, consultante et formatrice en communication
sensible et gestion de crise, ainsi que Pascal Dauvin, Maître de Conférences en Science
Politique à l’UVSQ.
L’auteur Faïza YAKOUBI
Diplômée d’une licence 3 Administration et Echanges Internationaux.
étudiante en Master 2 Politiques de Communication à l’Université Versailles Saint-Quentin
en Yvelines. Elle est actuellement stagiaire au service communication de la direction des
Fonds d’épargne de la Caisse des Dépôts.
Ce document ne saurait être interprété comme une position officielle ou officieuse de l’Institut ou des services de l’État.
Les opinions et recommandations qui y sont exprimées n’engagent que son auteure. Il est publié sous la responsabilité
éditoriale du directeur de l’Institut.
Ce travail est accessible sur le site de l’INHESJ : www.inhesj.fr
4
© INHESJ – Juillet 2014 – La communication publique de crise
Sommaire
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
I. Le concept de crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
A. Qu’est-ce qu’une crise ?, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1/ Définitions de la crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
2/ Les différents types de crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
B. Naissance et processus de la crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1/ La naissance et l’évolution de la crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2/ Le terrain propice aux crises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
II. La gestion de la crise par les pouvoirs publics . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
A. L’état face aux crises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1/ Démocratie, transparence et communication de crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2/ Le rôle de l’état . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
B. Communiquer en situation de crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1/ La communication publique de crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2/ L’effet amplificateur des médias . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
III. Prévenir la crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
A. Le principe de précaution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
B. Anticiper la communication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
© INHESJ – Juillet 2014 – La communication publique de crise
5
Introduction
(1) étude « la gestion de la crise a un demisiècle » Didier Heiderich.
D
epuis les années 1980, les spécialistes de l’information et de la communication
soulignent l’importance de la communication en situation de crise 1.
D’après Didier Heiderich, le véritable début de l’utilisation du terme « crisis
management » semblerait dater d’octobre 1962, lors de la guerre froide, à
l’occasion de la crise des missiles de Cuba. Deux ans plus tard, le terme « gestion de
crise » sera évoqué pour la première fois dans The Times (UK), dans un article daté
du 22 décembre 1964 concernant l’installation de missiles nucléaires en Allemagne.
Se sera lors des événements traumatisants de Bhopal (1984) puis de Tchernobyl
(1986) que la gestion de crise civile émergera véritablement. En France, c’est Patrick
Lagadec qui fut à l’origine de travaux consacrés à l’étude et au traitement des crises,
au début des années 1980.
En ce qui concerne la notion de « communication de crise », celle-ci émerge en
1982, lorsque le New York Times évoque la communication de crise sous le terme
« crisis communication » dans un article consacré à la guerre froide. En France, la
« communication de crise » est évoquée la première fois dans Le Monde le 26 juin
1986 dans un article intitulé « Le chevalier blanc des phosphates ». Puis deux ans plus
tard, dans un article intitulé « Des images anti-crise ».
Le premier livre français consacré à la communication de crise, et encore d’actualité
aujourd’hui, fut rédigé par Ogrizek et Guillery, et publié en 1997 dans la collection
« Que Sais-je ». Thierry Libaert aborde la question de la communication de crise en
1992, dans son ouvrage « La communication verte ».
(2) Pascal Dauvin
Mais c’est véritablement dans les années 2000 que la communication de crise
s’institutionnalise 2. Des spécialistes en communication se spécialisent dans le champ
de la crise et contribuent à développer une certaine visibilité du secteur. Cette
visibilité passe par une professionnalisation du domaine et une présence accrue
des professionnels au sein des organisations. Les spécialistes s’impliquent dans les
formations, ce qui contribue à une professionnalisation du secteur de la communication
de crise. Des associations professionnelles se créent, c’est d’ailleurs dans les années
2000 que fut créé le « Portail de la communication de crise » devenu en 2005
« Le Magazine de la Communication de Crise et Sensible » qui regroupe les travaux
sur la question. De plus, l’intensification de la communication publique de crise semble
avoir accéléré la professionnalisation du secteur.
C’est dans un contexte de libéralisation des sociétés que s’est développée la gestion
de la crise, et par la même occasion la communication de crise. La « Société du Risque »
(Beck, 1992) a entraîné une nécessité pour les organisations de développer des
nouvelles stratégies de communication. De plus, les citoyens sont mieux informés et plus
aptes à s’exprimer. Ils revendiquent le droit à la sécurité et à l’information.
© INHESJ – Juillet 2014 – Fukushima, retour sur quatre années de crise
7
Introduction
Lors d’une crise, l’organisation doit prendre des décisions urgentes alors que les
médias sont omniprésents. Le public prend connaissance de la crise, lorsque celleci est rendue publique par les médias. Elle menace le fonctionnement de l’institution,
sa stabilité et sa légitimité.
Catastrophe, tremblement de terre, attentas, sang contaminé, problèmes sanitaires, etc...
Ces événements sont relayés régulièrement par les médias, ce qui suscite chez le public
une inquiétude collective. Le terme de crise se banalise. D’après Edgar Morin 3 :
« La notion de crise s’est répandue au XXe siècle à tous les horizons de la conscience
contemporaine. Il n’est pas de domaine qui ne soit pas hanté par la notion de crise :
le capitalisme, le droit, la civilisation, l’humanité… Mais cette notion, en se généralisant,
s’est vidée de l’intérieur. » Selon lui, « Le mot crise sert à nommer l’innombrable ; il renvoie
à une double béance ; béance dans notre savoir (au cœur même du terme de crise) ;
béance dans la réalité sociale où apparaît la crise. »
(3) Edgar Morin, « Pour une crisologie »,
Communication, n°25.
La mondialisation des risques, et de la communication rendent les crises prégnantes
et oblige les organisations, à tenir compte de la dimension internationale de la gestion
d’une crise. La visibilité des crises et leur intensité, ont obligé les pouvoirs publics
à repenser leurs stratégies de communication. Lors de la gestion d’une crise, la stabilité
même du gouvernement en place, et de l’institution peut être remise en question.
La communication de crise publique et la communication du secteur privée partagent
les mêmes objectifs, dans un monde dominé par les nouvelles technologies
d’information. L’objectif traditionnel de la communication publique de crise est d’informer,
de rassurer la population et également de faire adhérer le public aux décisions prises.
Le citoyen a le besoin d’être rassuré. L’état se doit d’être fort et protecteur pour répondre
aux attentes de la population. Sa stabilité et sa légitimité ne peuvent être atteintes sous
peine d’affaiblissement de l’institution.
Ainsi, en tenant compte de son statut particulier, comment l’état gère-t-il la crise ?
Et comment communique-t-il auprès du public ?
Pour commencer, la définition du « concept de crise » fera l’objet d’une première
partie. Pour définir ce concept, nous nous appuierons sur plusieurs définitions données
par des chercheurs et des professionnels de la communication.
Puis nous tenterons de déterminer les différents paramètres de gestion de la crise par
les pouvoirs publics, et la manière dont les risques et la communication sont anticipés.
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© INHESJ – Juillet 2014 – La communication publique de crise
I. Le concept de crise
A. Qu’est-ce qu’une crise ?
1/ Définitions de la crise
La crise est un terme polysémique, employé dans une multitude de domaines
(économique, politique, institutionnel, juridique, éthique, social). Même si le concept de
crise est un concept flou (Ogrizek, Guillery), des spécificités lui sont propres.
étymologiquement, le terme « crise » vient du mot grec krisis, qui signifie « décision »
c’est-à-dire une réponse à une situation particulière. (Le Robert)
C’est à l’origine un concept hippocratique, dans le langage médical, la crise désignait
l’état décisif d’une maladie, son état critique.
Le terme se serait par la suite, étendu à d’autres domaines. André Bejin et Edgar
Morin constatent que « dans la langue religieuse de la Grèce ancienne, le terme
Krisis signifiait : interprétation, choix; dans le vocabulaire juridique, il exprimait l’idée d’un
jugement, d’une décision ne résultant pas mécaniquement des preuves. Rapporté à la
tragédie grecque, le mot désignait un événement qui, tranchant et jugeant, impliquait,
à la fois, tout le passé et tout l’avenir de l’action dont il marquait le cours. Pour la
médecine hippocratique, le vocable dénotait un changement subi dans l’état du
malade, repéré dans le temps et dans l’espace».
La crise est donc l’instant critique où il faut faire des choix, et prendre des décisions.
Elle se rapporte à un enjeu essentiel, à un moment où il faut formuler le bon jugement.
Le terme regroupe l’événement déclencheur et ses résultats et la nécessité de tenir
compte des conséquences des décisions prises.
Hermann définit, en 1963, la crise comme « une situation qui menace les buts
essentiels des unités de prise de décision, réduit le laps de temps disponible pour
la prise de décision, et dont l’occurrence surprend les responsables ». Ainsi, selon ce
dernier la crise possède trois caractéristiques :
1. la mise en péril des objectifs premiers de l’organisation
2. le manque de temps disponible pour répondre
3. La surprise : le côté inattendu pour les décideurs
© INHESJ – Juillet 2014 – La communication publique de crise
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I. Le concept de crise
La première caractéristique distingue l’événement de la crise. Dans le cas de la crise,
les buts premiers de l’organisation sont perturbés. Shrivastava 4 indique qu’un accident
ne se transforme en crise que lorsqu’il y a incapacité à le gérer.
Le deuxième point que l’on trouve dans la définition d’Hermann Kahn, concerne le
manque de temps nécessaire pour répondre. La gravité de la situation implique une
réaction immédiate. Elle ne permet pas le temps de réflexion, que la gravité de la
situation aurait dû normalement nécessiter. Patrick Lagadec 5 différencie la notion
d’urgence et de crise.
(4) Schrivastava (1987) cité par B. Forgues
(1993) p. 8.
(5) P. Lagadec, 1991.
L’urgence, est d’après Le Petit Robert, « le caractère de ce qui est urgent, la nécessité
d’agir vite ». La gravité de la situation liée à la crise dépasse la notion d’urgence.
En effet, à la pression temporelle, s’ajoute une déstabilisation du fonctionnement normal
de l’organisation.
Enfin, la dernière caractéristique de la définition d’Hermann Kahn concerne la
dimension inattendue de la crise. Patrick Lagadec ajoute à l’effet de surprise,
la notion d’incertitude et d’inconnu : « L’insuffisance d’information et de connaissance
est une constante dans toutes les perturbations ; mais ici, encore une fois, on sort des
limites habituelles. On ne dispose ni d’estimations, ni de moyens de mesure, ni de base
d’interprétation (physique, toxicologique, épidémiologie, etc.), qu’il s’agisse des causes,
des effets immédiats, des effets à long terme… On ne sait pas comment on pourrait
savoir. Plus que l’incertitude, on se heurte à l’inconnu. » 6
(6) P. Lagadec, 1991
Par ailleurs, les premiers moments de la crise font appel au registre de l’émotion
auprès des acteurs qui gèrent la crise. C’est ce que montre Patrick Lagadec « de
façon générale, l’individu subit de plein fouet le choc initial, le sentiment d’impuissance,
l’urgence, l’incertitude, les enjeux, la perte de l’univers de référence, la culpabilité ».
Mais l’impact de la crise est plus global. Ce sentiment d’inquiétude et d’angoisse
s’élargit à l’ensemble des individus touchés par la crise en question.
La crise se nourrit de la peur sociale. L’impact sera d’autant plus important, si la
population touchée est une population vulnérable et si l’accident en cause à une
valeur symbolique. La peur est d’après Le Petit Robert un « phénomène psychologique
à caractère affectif marqué, qui accompagne la prise de conscience d’un danger réel
ou imaginé, d’une menace. »
Il y a une trentaine d’années, Jean Delumeau écrivait : « Dans l’histoire des
collectivités, les peurs se modifient […], mais la peur demeure. L’homme est engagé
dans un dialogue permanent avec elle. Il nous faut donc toujours surmonter les peurs
anciennes ou nouvelles qui risquent de nous paralyser[…] Nos concitoyens ne redoutent
pas véritablement une nouvelle guerre mondiale qui leur parait impossible, car elle
signifierait un suicide collectif de l’humanité, mais les voici aujourd’hui confrontés à
un chômage redoutable et envahissant, à l’insécurité aggravée par le terrorisme, aux
pollutions engendrées par les avaries des centrales nucléaires et des usines chimiques,
à la dure offensive du cancer… »
L’omniprésence des médias et un élément majeur, qui entretient les peurs permanentes
des individus. En 1984, Patrick Lagadec souligne l’importance de la composante
médiatique. Il définit alors la crise comme « une situation ou de multiples organisations,
aux prises avec des problèmes critiques, soumises à de fortes pressions externes,
d’âpres tensions internes, se trouvent projetées brutalement et pour une longue durée
sur le devant de la scène ; projetées aussi les unes contre les autres… le tout dans une
société de consommation de masse, c’est-à-dire “en direct”, avec l’assurance de la faire
la “une” des informations radiodiffusées, télévisées, écrites, sur une longue période. »
10
© INHESJ – Juillet 2014 – La communication publique de crise
I. Le concept de crise
(7) Arjen Boin et Patrick Lagadec cité par
C. Dautun, « Du terrain du risque au
terrain de la crise », Cahiers de la sécurité
n°10, octobre-décembre 2009.
Constatant l’évolution du terrain des crises, Arjen Boin et Patrick Lagadec 7
proposent en 2000, de nouvelles caractéristiques pour définir les crises :
– le changement est irréversible ;
– les crises ne sont pas dues à un événement spécifique, mais à une mise en résonance
globale et polymorphe des systèmes ;
– les procédures doivent être repensées dans leur globalité ;
– il existe un déséquilibre, une décomposition et une désintégration profonde des systèmes ;
– la crise est itérative avec cristallisation rapide du contexte ;
– la crise est transfrontalière et globale ;
–…
La crise est donc un moment décisif, qui s’inscrit dans un processus. Elle peut parfois
remettre en question l’existence de l’organisation. Intervient alors la question de la remise
en cause de la réputation de l’organisation. Thierry Libaert introduit des paramètres
qui touchent à l’image même de l’organisation. Il définit la crise comme « un événement
inattendu mettant en péril la réputation et le fonctionnement d’une organisation ».
Il met en évidence la question de la réputation des organisations. D’après le Larousse,
la réputation est « la manière dont quelqu’un, quelque chose est connu, considéré dans
un public ». étymologiquement, le terme « réputation » vient du mot latin « reputatio » qui
signifie « compte, évaluation » et renvoie à une notion d’appréciation. La réputation est
liée à l’image de l’entreprise. La réputation d’une organisation peut être fragilisée par
des causes multiples, comme la propagation d’une rumeur par exemple. Kapferer
(1987) l’a définie ainsi : « Nous appellerons donc rumeur l’émergence et la circulation
dans le corps social d’informations soit non encore confirmées publiquement par des
sources officielles, soit démenties par celle-ci ». La rumeur peut parfois être l’origine
même d’une crise.
Mais les causes d’une crise sont multiples, de même que les types de crises.
2/ Les différents types de crise
Il n’existe pas une mais plusieurs crises.
(8) Cité par Aline P. Pündrich, Olivier
Brunel, Luciano Barin-Cruz, Les
dimensions des crises : Analyse de
deux études de cas sous les approches
processuelle et événementielle.
Les auteurs les ont considérées soit comme un événement (Hermann), soit comme
un processus (Forgues) 8. Patrick Lagadec illustre la différence entre événement et
processus en distinguant l’accident et la crise. Selon l’auteur, l’accident est un événement
ponctuel, limité dans le temps et l’espace et qui peut faire partie d’une crise. Tandis
que la crise concerne la perturbation du fonctionnement normal de l’organisation, ce
qui entraîne des difficultés majeures en terme de gestion de la situation.
Les situations de crise peuvent donc être appréhendées selon deux approches :
l’approche de type processus, et l’approche de type événementielle.
L’approche de type processus est étudiée principalement par le domaine des sciences
de gestion, elle se focalise sur les dysfonctionnements organisationnels à l’origine de
la crise. D’après Forgues, « une approche processuelle conduit à embrasser la crise
dans un laps de temps et un espace élargi ». Ce type de crise, est précédé de signes
annonciateurs de l’événement. Par ailleurs, ces crises ont un fort impact et menace la
survie de l’organisation (Roux Dufort).
© INHESJ – Juillet 2014 – La communication publique de crise
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I. Le concept de crise
L’approche de type événementielle se focalise principalement sur les événements
générateurs de la crise et sur ses conséquences. D’après Roux Dufort, la crise
événementielle est caractérisée par son imprévisibilité et son improbabilité, ce qui
accentue l’effet de surprise de la crise.
Cependant des évolutions sont visibles, liées aux mutations technologiques et sociales
récentes et à la mondialisation des risques. Comme le constate Thierry Libaert,
« Auparavant les crises pouvaient être assimilées à un accident technologique majeur
(Seveso, Bhopal, Erika, AZF). Aujourd’hui elles apparaissent protéiformes et mutantes,
à l’exemple des virus informatiques, de la grippe aviaire ou des menaces terroristes. »
B. Naissance et processus de la crise
1/ La naissance et l’évolution de la crise
La crise ne se résume pas à l’événement visible mais s’inscrit en amont et en aval de
celui-ci. Elle s’inscrit dans une temporalité longue. (Pascal Dauvin)
Selon l’approche de « type événement », la naissance de la crise coïncide avec
l’apparition de l’événement déclencheur, la crise résulte de celui-ci. L’événement peut
être considéré comme la cause de la crise.
L’événement est « unique ou multiple, imprévisible, contingent, de faible probabilité
d’occurrence et de forte intensité » 9. Cet événement est donc caractérisé par son effet
de surprise auprès des acteurs, qui n’avait pas prévu sa survenue.
Dans la logique événementielle, l’observation des événements est faite plutôt sous
l’angle des conséquences de la crise (Roux-Dufort). Mais l’auteur souligne que cette
approche « englobe une somme d’événements et de situations très variés ce qui fait
perdre le pouvoir de précision et de discernement ».
Selon l’approche de type processus, la crise résulte de dysfonctionnements
organisationnels. Certains auteurs ont distingué sept étapes successives dans le
processus de la crise (Turner, Pauchant, Pearson, Gatot, Faulkner) 10 :
1. La phase de fonctionnement normale : Cette phase correspond à la
phase dite de « routine ».
(9) Shrivastava, 1995 et al., 1997 cités par
C. Ë, Du terrain du risque au terrain de la
crise, cahiers de la sécurité n°10, octobredécembre 2009.
(10) Cité par C. Dautun, Du terrain du risque
au terrain de la crise, Cahiers de la sécurité
n°10, octobre-décembre 2009.
2. La période d’incubation qui correspond à une période de non prise en compte
de l’accumulation d’événements annonciateurs de la crise.
3. La phase de déclenchement : où se retrouvent les origines de la crise, qui
peuvent résulter d’erreurs des systèmes sociaux et entrepreneuriaux, d’erreurs
humaines ou de la combinaison de ces éléments.
4. La phase aiguë, où les premières conséquences apparaissent, la crise débute
lorsque l’organisation perd la maîtrise de l’événement déclencheur et de ses
conséquences.
5. La phase d’ajustement : est la phase où l’organisation s’organise pour
répondre à la crise.
6. La fin de la crise : correspond au retour à la situation « normale » de
fonctionnement de l’organisation.
7. Et enfin la phase de réajustements : qui consiste à tenir compte de l’expérience
de la crise vécue, pour anticiper et planifier les crises futures.
12
© INHESJ – Juillet 2014 – La communication publique de crise
I. Le concept de crise
Thierry Libaert intègre la communication au sein même de la gestion de la crise.
D’après lui, 80 % de la gestion de la crise passe par la communication. Il divise la
gestion de la crise en quatre phases :
1. La phase préliminaire : l’organisation se doit d’être à l’affût de premiers
signaux pouvant mener à une crise en tout temps;
2. La phase aiguë : l’événement déclencheur amène de façon rapide et intense
l’entreprise en situation de crise. Il y a une grande présence dans les médias;
3. La phase chronique : la crise ayant atteint un sommet, elle commence à être
moins abordée dans les médias. Si une crise plus importante se déclenche ailleurs,
une réduction de l’attention médiatique sera provoquée;
4. La phase de cicatrisation : Il y a un retour au fonctionnement normal de
l’organisation, la crise est terminée et les médias n’en parlent plus.
Toutefois, même si une organisation a surmonté ces quatre phases, la crise n’est
jamais entièrement terminée. Depuis la démocratisation de l’utilisation d’internet, il reste
toujours des traces des crises.
2/ Le terrain propice aux crises
(11) Cité par P. Lagadec et X. Guilhou
dans « Les conditions de survenue d’une
crise grave ».
Ian Mitroff et Thierry Pauchant 11 (1989) ont proposé un modèle de distinction
des facteurs de crise. Ainsi ils ont distingué le caractère interne, du caractère externe
des crises et la dimension technique ou humaine.
Techniques/ économiques
Défauts de produits, services
Destructions majeurs de l’environnement, accidents
Accidents dans les installations Défaillances du système à grande échelle
Panne informatique
Catastrophe naturelle
Information erronée, cachée
OPA
Faillite
Crise gouvernementale
Crise internationale
Externe
Interne
échec pour s’adapter, changer Projection symbolique
Défaillance organisationnelle Sabotage
Mauvaise communicationTerrorisme
Sabotage
Enlèvement de dirigeant
Altération de produits en usine Altération des produits hors usine
Rumeurs, diffamations Contrefaçons
Activités illégales
Rumeurs, diffamations
Harcèlement sexuel
Grèves
Maladies du travail
Boycott
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Humaines/ sociales/ organisationnelles
13
Des facteurs prédisposent à l’émergence de crises. Ainsi comme le montre Patrick
Lagadec et Xavier Guilhou, « La gravité brute des événements, des bilans
catastrophiques sont naturellement des facteurs potentiels de déclenchement de crise.
Un échouement de type Amoco-Cadiz (1978) a peu de chance de laisser indifférent.
Mais il faut dépasser largement cette première échelle d’analyse : les milliers de morts
annuelles sur les routes, les hécatombes liées à la consommation de tabac etc. n’ont
jamais déclenché de crise.
Par contre la suspicion de rejet de « dioxine », autour d’une usine, la suspicion de
quelques cas potentiels de maladie suite à une vaccination scolaire sont de nature à
plonger dans de fortes turbulences. » Ainsi les auteurs mettent en évidence l’importance
de la composante émotionnelle d’une crise, ajoutée à la gravité d’un événement qui
favorisent le risque de crise.
II. La gestion
de la crise par
les pouvoirs publics
A. L’état face aux crises
1/ Démocratie, transparence
et communication de crise
Le pouvoir et le secret ont toujours étaient fortement liés. Comme l’écrit Jean-Pierre
Chrétien-Goni, un spécialiste du XVIIe siècle : « être souverain, c’est organiser le
secret ». Des personnages historiques tels que Richelieu et Mazarin ont mis en évidence
l’importance du secret, comme moyen de pérenniser le pouvoir.
Cependant, l’instauration du régime démocratique a bouleversé cette conception.
C’est dorénavant le peuple qui est souverain. Une obligation de transparence apparaît.
Le citoyen souhaite recevoir des explications, être rassuré, afin d’accorder sa
confiance. Il revendique le droit à l’information. Dans notre société où la question de la
transparence est omniprésente, la crise paraît être perpétuelle. Car plus la société est
« transparente » plus on identifie des dysfonctionnements. La question de la transparence
va donc de pair avec le développement des démocraties. (Pascal Dauvin)
L’accident de Tchernobyl, la crise du sang contaminé, la vache folle… Tous ces
événements ont obligé les pouvoirs publics, à tenir compte de la question de la
transparence.
14
© INHESJ – Juillet 2014 – La communication publique de crise
II. La gestion de la crise par les pouvoirs publics
Mais, c’est après 2003 que l’on constate un tournant dans les stratégies de
communication employées par les pouvoirs publics pour s’adapter à ce phénomène.
Lors de la canicule de 2003, alors que les services d’urgence sont débordés, le ministre
de la Santé de l’époque Jean-François Mattéi annonce sur TF1, en duplex depuis sa
résidence dans le Var, la création d’un numéro vert. D’après Thierry Libaert, « Ce cas
d’école a marqué un tournant dans la communication de crise ».
Deux ans plus tard, le département communication de crise est créé, au sein du
Service d’Information du Gouvernement. Il se dote alors, des compétences d’un
chargé de mission spécialisé en communication de crise, qui dispose aujourd’hui
d’un département de cinq personnes.
(12) « Un nouveau Livre blanc sur la défense et
la sécurité nationale » est paru en 2013.
à la création du département communication de crise au SIG, s’ensuit la parution du
Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale 2008 12 qui intègre la stratégie de
communication pour l’ensemble de l’état. Ainsi, « La communication est partie intégrante
de toute stratégie de sécurité nationale. La gestion d’une crise majeure impose en tout
premier lieu, de préserver le capital de confiance de la population envers les pouvoirs
publics. Le silence de la puissance publique, la rétention d’information, l’image donnée
de l’improvisation et de la dispersion en matière de communication, la fourniture
d’argumentaire exclusivement défensifs alimentent toujours une anxiété, inévitablement
répercutée et amplifiée par les médias. »
En situation de crise la communication est indispensable, et les pouvoirs publics ont
compris l’importance de communiquer, et la manière dont il convient d’adapter les
messages en fonction du public.
(13) L’état et la communication sensible : Audelà des bonnes pratiques, un défi difficile
à relever.
(14) Bernard Emsellem, directeur général
délégué au développement durable et
communication de la SNCF, vice-président
exécutif de l’association Communication
Publique propos tenus lors d’une conférence
Cels’and Co le 26 mars 2009.
Les particularités de l’institution étatique en font une institution à part avec un statut
particulier. Comme l’indique Gérard Pardini 13, l’état n’est pas une entreprise comme
les autres et les bonnes pratiques de communication applicables au secteur privé ne
peuvent se transférer telles quelles au secteur public. En général, les opérations de
communication qui se contentent de fournir des informations quantitatives pour prouver
que les craintes sont exagérées ont peu d’impact. L’une des caractéristiques des états et
de pouvoir coordonner des objectifs et des politiques publiques pouvant être divergentes
voire contradictoires. C’est cette capacité à donner de la cohérence qui donne à la
politique tout son sens. Cette particularité s’applique bien entendu à la prise de décision
pour la simple raison qu’il va aussi être demandé à l’état de coordonner des acteurs
multiples, publics et privés. Enfin, seul l’état peut intégrer les facteurs complexes que
sont l’histoire d’un pays, les fondements et valeurs sous-tendant son système juridique
et social. Plus cette capacité de cohérence est grande, mieux se réalisera la répartition
de ressources rares entre des utilisations concurrentes, ce qui est la caractéristique des
politiques publiques de gestion des risques et de maîtrise des crises. Le traitement de la
communication publique s’inscrit totalement dans cette approche car il est bien évident
que la maîtrise des risques, pouvant déboucher sur une crise, nécessite de traiter la
défiance des populations qui attendent qu’un état réponde tout à la fois à leurs légitimes
demandes de protection mais aussi qu’il prenne la mesure de la pression fiscale qui les
touche. Il ne faut pas non plus oublier que l’état est un acteur économique particulier qui
ne peut se réduire à la prestation de services pour l’évidente raison que c’est lui qui est
chargé d’édicter les conditions-cadres nécessaires à tous les opérateurs économiques.
D’après Bernard Emsellem 14, en période de crise : « il faut être dans une position
de clarté mais pas de transparence, il n’est pas nécessaire de tout expliquer mais ce
que l’on dit, doit être totalement clair que rien ne puisse être contredit par les faits. »
© INHESJ – Juillet 2014 – La communication publique de crise
15
II. La gestion de la crise par les pouvoirs publics
Mais au-delà de la volonté ou non des pouvoirs publics d’être totalement transparent,
celle-ci apparaît être un leurre, car difficile à appliquer. L’enjeu est de conforter le
citoyen dans l’idée que l’état est transparent, afin de conserver sa confiance.
Selon Thierry Libaert, « Les pouvoirs publics ont compris qu’il faut être présent dans
les médias pour au moins “donner l’illusion” avec tous les guillemets qui s’imposent,
d’être ouverts, et un minimum transparents. » La transparence est souvent évoquée
pour rassurer l’opinion publique lors d’une crise. Cette question semble faire partie
intégrante de la stratégie de communication de crise des organisations. Comme l’écrit
Didier Heiderich « Souvent, je m’interroge sur cette impossibilité qu’éprouvent les
organisations en crise d’éviter d’évoquer “la transparence”, comme si prononcer ce
mot suffisait à conjurer une crise. » 15
(15) L’incertaine équation médiatique en situation
de crise, Didier Heiderich.
Par ailleurs, il convient de noter que la crise peut déstabiliser l’état mais parallèlement
le rôle de celui-ci est réaffirmé, car lui seul est à même de remédier à cette crise.
De plus lorsqu’il y a crise, la communication des pouvoirs publics peut être acceptée
du grand public selon l’image déjà véhiculée par l’état. Ainsi comme le souligne
Gérard Pardini, « Si l’état est fort et que la communication est déjà acceptée, la
communication en cas de crise sera entendue. »
2/ Le rôle de l’état
Les citoyens attendent de l’état une protection en cas de crise tant face à des
catastrophes naturelles, que face à des risques industriels, de santé publique… L’individu
n’est pas un simple acteur, il est citoyen, électeur, consommateur, usager… Il revendique
un droit à la sécurité, et l’état apparaît être l’institution la plus légitime pour répondre
à ces attentes. Celui-ci doit veiller à maintenir l’ordre public. C’est ainsi que s’est
développée la notion de gestion de crise pour les pouvoir publics.
L’état est investi des missions traditionnelles de défense et de sécurité publique.
Mais à ces fonctions régaliennes, se greffent d’autres missions. La naissance de
l’État-providence a bouleversé le rôle de l’état. De nouvelles fonctions de l’État moderne
émergent, l’état doit dorénavant s’assurer du bien-être social des citoyens. De plus, il se
substitue à la solidarité entre individus lorsque celle-ci est défaillante.
Ainsi la puissance publique est devenue un acteur clé auprès des citoyens. Les
citoyens attendent de l’état une protection et un droit à la sécurité. Gérer la crise, c’est
prévoir l’imprévisible, comme le montre Marie-Thérèse Neuilly, « La perspective de
gestion de crise, telle qu’elle s’est définie dans les pratiques sociales, atteste d’une
nouvelle sensibilité en matière sécuritaire, et de l’aboutissement de l’évolution vers un
droit à la sécurité, qui conduit à tenter de prévoir l’imprévisible, à canaliser l’aléatoire,
à planifier secours et interventions en fonction de modélisations issues de l’expérience
et de l’expertise. » La gestion de la crise vient pallier à cette revendication de la part
des citoyens.
La notion de gestion de crise comporte plusieurs aspects :
Avant la crise les pouvoirs publics anticipent et planifient leurs interventions. Pendant
la crise, les représentants de l’état dirigent et coordonnent les actions. Une cellule
de crise est alors mise en place, c’est par ailleurs lors de cette étape qu’intervient
la communication de crise. Enfin après la crise, les autorités publiques veillent au
rétablissement des conditions normales de fonctionnement.
La planification de la crise est un élément essentiel pour les pouvoirs publics, en
termes de gestion de crise. On distingue différents types de plans, les plans d’urgence
16
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II. La gestion de la crise par les pouvoirs publics
(16) Gestion de crise, Marie-Thérése Neuilly.
qui répondent à une crise localisée dont l’ampleur et la crise sont connus à l’avance 16.
Se sont :
• Le plan rouge, plan d’urgence destiné à secourir un nombre important
de victimes dans un même lieu, et à organiser les moyens de premiers soins par
rapport à cette concentration des victimes.
• Le plan blanc qui est un plan d’urgence visant à faire face à une activité
accrue d’un hôpital, comme un afflux massif de victimes d’un accident, d’une
épidémie ou d’un événement climatique meurtrier et durable comme une canicule.
• Le plan ORSEC (Organisation de la Réponse de Sécurité Civile) est un programme
d’organisation des secours à l’échelon départemental, en cas de
catastrophe, permettant une mise en œuvre rapide et efficace de tous les moyens
nécessaires sous l’autorité du préfet.
Depuis la loi du 13 août 2004, relative à la modernisation de la sécurité civile,
la gestion de la crise ne relève plus seulement de l’état mais également du maire et des
citoyens eux-mêmes. Il y a donc une volonté de partage des responsabilités qui vise à
élargir le champ des responsabilités.
Le rôle des acteurs dans la gestion de crise est décrit selon quatre axes :
– La préparation à la crise ;
– l’alerte et les mesures anticipatives ;
– le déroulement du dispositif opérationnel ;
– et le soutien des populations post-événement (avant, pendant et après la crise).
Le rôle de l’état dépasse sa fonction purement traditionnelle, il n’est pas rare que l’état
intervienne lors de crises touchant le secteur privé. L’entreprise a une double contrainte.
Elle doit se soucier de sa position en tant qu’entreprise privée, mais elle doit également
tenir compte de l’environnement dans lequel elle gravite.
Lors de certains événements, la crise dépasse la sphère de l’entreprise privée, les
pouvoirs publics prennent le relais. Ainsi l’état intervient quand l’événement touche une
partie importante de la population. Et lorsque son rôle et sa légitimité, en tant que
puissance publique, sont en jeu.
Lors de l’affaire « Kerviel », la direction de la banque, la Société Générale, a été prise
entre la nécessité d’informer l’état des événements en cours, et de gérer rapidement
les premiers instants de crise. Ils ont eu ainsi, très peu de temps pour gérer la crise en
interne, avant de relayer l’information aux pouvoirs publics.
B- Communiquer en situation de crise
1/ La communication publique de crise
Le domaine de la communication publique se définit par la légitimité de l’intérêt
général.
La communication publique est une fonction stratégique pour l’état, pour plusieurs
raisons : elle informe les citoyens sur ses activités, sur l’action publique. Elle sensibilise les
citoyens à l’intérêt général. Et enfin, elle contribue à promouvoir l’image de l’institution
publique. (Pierre Zémor)
© INHESJ – Juillet 2014 – La communication publique de crise
17
II. La gestion de la crise par les pouvoirs publics
En situation de crise, la communication joue un rôle primordial, car la relation même
de l’institution avec le public peut être remise en question. L’objectif est d’éviter que la
crise en question, ne devienne une crise de légitimité des pouvoirs publics.
La contestation ou la remise en question est d’autant plus fréquente, qu’elle fait partie
intégrante de nos sociétés démocratiques.
La communication est indispensable en situation de crise, et les pouvoirs publics ont
compris l’importance et la manière de communiquer en cas de crise. La communication
publique a ses spécificités. Ainsi, lors d’une crise, l’état doit garantir sa légitimité.
L’état doit contrôler sa communication car sa légitimité, ainsi que sa stabilité sont en jeu.
Ainsi des scandales politiques, comme l’affaire « Cahuzac » remettent en cause la
légitimité du gouvernement au pouvoir.
Les stratégies de communication doivent être adaptées au sujet abordé, car le
contenu et la forme de la communication ont un impact auprès du public.
D’après Gérard Pardini, il faut dissocier le rôle du décideur du rôle d’expert. Celui
qui communique ne doit pas être nécessairement l’expert. Car il faut tenir compte de
la composante émotionnelle lors de la prise de parole. Il doit y avoir adéquation entre
ceux qui sont sur le terrain et la réflexion stratégique. Ainsi un expert sur la question
du nucléaire, ne sera pas nécessairement le meilleur interlocuteur en matière de
communication. Car les éléments de langage utilisés ne seront pas adaptés au public.
En période de crise, la communication occupe une place prédominante. En effet,
la communication de crise est indissociable de la gestion de crise. Selon Thierry
Libaert, 80 % de la gestion d’une crise se résume à la communication. Les stratégies
de communication de crise peuvent être différenciées selon la nature de la crise :
la crise prévisible est liée à l’événement prévu par l’organisation. Cet événement est
prévu, et la crise peut être anticipée. La crise imprévisible quant à elle, surprend les
différents acteurs.
Michel Ogrizek et Jean-Michel Guillery 17 mettent en évidence les grands
principes à appliquer en communication de crise :
(17) cf. La communication de crise, p. 78.
– Aller vite : La réactivité est un facteur qui a son importance en communication de
crise, de trop longs délais de réponse sont perçus comme des signes de confusion
ou de mauvaise gestion de l’événement
– être une source d’information crédible : Les informations transmises doivent être
complètes et fiables, pour ne pas compromettre la confiance du public
– être en phase avec la perception et la nature de l’événement : Il faut tenir compte
de la composante émotionnelle de l’événement
– Répondre immédiatement aux accusations et aux confusions : La réponse doit être
rapide et tenir compte de la médiatisation rapide de l’événement
– Mobiliser et coordonner les ressources internes et externes : Les premiers instants
perçus comme l’émotion et l’effet de surprise, doivent rapidement laisser place à la
réactivité des différents acteurs internes et externes à l’organisation.
– Mettre en place des actions pouvant influer sur le cours de la crise : Les actions
mises en place doivent avoir un impact sur la crise, notamment lors de la phase
aigüe afin de répondre aux inquiétudes du public.
18
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II. La gestion de la crise par les pouvoirs publics
2/ L’effet amplificateur des médias
(18) Jacques Gerstlé, Encyclopaedia
Universalis.
Selon McLuhan, « Les matériaux sur lesquels les mots sont inscrits importent
davantage que les mots eux-mêmes » 18. Le média, exerce autant, sinon plus d’influence
sur l’individu que le contenu. D’après lui, Le média transforme notre façon de percevoir
l’information. McLuhan explique que les médias sont des extensions de l’individu :
le livre est le prolongement de l’œil, le téléphone et la télévision sont l’extension du
système nerveux…
En situation de crise, les organisations reprochent aux médias leurs surenchères.
Le degré de visibilité est un des facteurs clé de l’émergence d’une crise : lorsque
l’événement n’est pas relayé par les médias, il n’est pas visible et ne provoque donc
pas de crise. La crise débute quand l’opinion publique s’intéresse à l’événement. Les
médias ont un impact certain sur l’opinion publique. Car c’est à partir de l’instant où
l’événement est public, qu’il y a naissance de la crise.
Les médias sont des instruments d’importance. Ils ont une véritable influence auprès
des plus nombreux, depuis la démocratisation de l’utilisation d’internet, notamment. Les
médias ont permis la révélation d’affaires jusqu’alors méconnues, telle que l’affaire
« Kerviel » transmise par le site internet Mediapart. Ainsi, il n’existe pas de crise sans
médias. De plus, l’opinion publique est de plus en plus sensible aux informations
transmises dans les médias. La crise de la « vache folle », est présentée comme un cas
d’école en communication de crise par Michèle Gabay. Crise chronique depuis 1996,
qui entre dans la phase aigüe à certaines périodes. La révélation d’un conflit ouvert
entre Jacques Chirac et Lionel Jospin en 2001, déclenche une vive réaction de
l’opinion publique. Des résultats d’expertise de l’Agence française de sécurité sanitaires
des aliments (AFSSA) sont réclamés par l’opinion publique. Pour répondre aux craintes
des usagers et électeurs, certaines mairies appliquent le principe de précaution, en
interdisant la viande de bœuf au menu, dans les cantines. Ces précautions prisent
par certaines mairies allaient à l’encontre, de la décision du gouvernement. L’AFSSA
n’ayant pas encore rendu son rapport, le Premier ministre demande alors aux mairies
de remettre le bœuf au menu des cantines. Un numéro vert est alors mis en place pour
répondre aux préoccupations des citoyens.
Cet exemple montre à quel point la médiatisation rend la crise complexe et difficile
à gérer, lorsqu’elle est installée.
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19
III. Prévenir la crise
A. Le principe de précaution
Selon Thierry Libaert, « une crise se gagne avant son émergence. » 19
(19) Communication de crise, Thierry Libaert.
Une crise n’est pas toujours évitable. Mais la gestion de celle-ci peut se préparer en
amont. « Bien souvent des signaux avant-coureurs existent. Mais ces signaux n’ont pas
trouvé place dans un circuit d’information interne efficace. » 20 Les risques peuvent être
identifiés par les décideurs. Selon la définition du dictionnaire Le Robert, le risque est
« un danger éventuel plus ou moins prévisible ».
(20) La communication de crise, Michel
Ogizek et Jean-Michel Guillery
Le principe de précaution consiste à prendre des mesures préventives consistant à
suspendre ou arrêter la diffusion d’un produit, l’application d’un procédé technologique…
En 1987 lors de la deuxième Conférence internationale sur la protection de la mer
du Nord, il est proposé qu’une « approche de précaution s’impose afin de protéger la
mer du Nord des effets dommageable éventuels des substances les plus dangereuse.
Elle peut requérir l’adoption de mesures de contrôle des émissions de ces substances
avant même qu’un lien de cause à effet soit formellement établi au plan scientifique. »
Le principe est adoptée lors de la Conférence de Rio, en 1992.
En France, des affaires telle que le traumatisme « du sang contaminé » ont accéléré
l’utilisation du principe de précaution.
Ainsi les politiques, ont décidé en fonction des risques potentiels, de formuler plusieurs
hypothèses et d’imaginer plusieurs scénarios en fonction des situations.
Mais le principe de précaution peut entraîner une situation « crisogéne », comme en
juillet 2009, lorsque 94 millions de vaccins avaient été commandés afin de faire face à
la pandémie annoncée de grippe H1N1. La grippe A s’étant finalement révélée moins
grave que prévu, les Français n’avaient été que 6 millions à se faire vacciner.
B. Anticiper la communication
Michel Ogizek et Jean-Michel Guillery proposent (en 1997) la mise en place de cellule
de veille. « Il s’agit de former une structure légère, composée de quelques responsables dont
la fonction est d’identifier et d’évaluer rapidement tout signe d’alerte qui peut survenir. » La
mise en place d’une cellule de veille, permet à l’organisation de se prémunir des risques, et
« d’attendre une crise qui ne vient jamais, et lorsqu’elle arrive, d’être surpris car l’attention est
depuis longtemps retombée… » (Patrick Lagadec). Cette cellule de veille est transposable au
secteur public, d’ailleurs mise en place au sommet de l’état.
20
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III. Prévenir la crise
Les pouvoirs publics ont compris les enjeux liés aux médias et ont mis en place des outils
de veille et d’information. La collaboration avec les médias (presse, télévision, radio) est
étroite. De plus la généralisation d’internet a globalement intensifié la communication
dans l’ensemble de ses disciplines. Notamment la communication de crise.
Grâce à la rapidité de diffusion de l’information, Internet a permis d’importants
changements dans le mode de fonctionnement des pouvoirs publics. Ainsi les pouvoirs
publics se sont adaptés à l’évolution des nouvelles technologies de l’information, et
ont créé des sites internet dédiés à la gestion des risques, comme le site internet :
www.risques.gouv.fr. En cas de crise, des plate-formes d’information sont mises en
place sur internet, et une forte présence des pouvoirs publics sur les réseaux sociaux
est constatée.
Conclusion
Il est indéniable que la communication joue un rôle crucial, en situation de crise, pour
les organisations, qu’elles soient publiques ou privées. La communication est sollicitée
pour informer, rassurer la population, et rétablir la confiance. Mais la crise peut être
créée par la communication elle-même. Lorsque les stratégies de communication et les
messages, sont mal adaptés, comme cela a été le cas dans le passé. De nombreuses
évolutions sont constatées depuis l’émergence de la communication de crise dans
les années 1980, jusqu’à aujourd’hui. Les différents épisodes en communication de
crise ont montré que les pouvoirs publics ont compris les enjeux liés à la composante
médiatique. Les médias sont de plus en plus associés à la communication. Ces liens avec
les journalistes, permettent d’établir des relations de confiance, et de transparence chers
au public. Avec la multiplication des crises, le public n’est plus seulement simple témoin
de la « société du risque », il est devenu un spectateur averti. Grâce au développement
des nouvelles technologies de l’information, le public est de plus en plus informé.
La communication de crise ne semble plus avoir l’impact souhaité sur le public. C’est
du moins, ce que tentent de montrer, Didier Heiderich et Natalie Maroun. D’après
eux, la communication de crise doit se renouveler et évoluer vers les « relations publiques
de crise ». Ainsi « il était nécessaire de réinventer la communication en situation de crise,
pour en changer les fondamentaux, face à des publics qui de plus en plus, prennent
part à la construction de la communication de crise et sont en rupture de confiance. »
Cette nouvelle tendance menée par les spécialistes de la communication de crise
eux-mêmes, nous amène à nous poser la question suivante : la communication de crise
serait-elle en situation de crise ?
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