CONFERENCE DEVANT L’ASSOCIATION DES ETUDIANTS MANAGERS (ASEMA) DU CESAG "Problématique du développement des micro et petites entreprises au Sénégal" Journée du Manager 2001 1. La Micro, Petite et Moyenne Entreprise, une réalité difficile à cerner : 1.1. Problème de définition : Comme il n’ya pas de définition officielle, nous retiendrons les critères suivants pour cerner la PME au Sénégal : Il s’agit d’une entreprise constituée selon une des formes prévues par la loi ; Son capital est compris entre 1 million et 250 millions CFA, Son chiffre d’affaire entre 20 millions et 2 milliards CFA ; Les immobilisations nettes sont inférieures à 1,5 milliards pour les entreprises de production, Les emplois salariaux sont compris entre 5 et 200 personnes. Les chefs d’entreprises saisissent parfaitement l’inadaptation de ces critères aux réalités qu’ils vivent quotidiennement car, du fait des critères choisis, il ya une foule d’entrepreneurs qui sont laissés pour compte. 1.2. Problème de disponibilité des données statistiques : Selon le diagnostic réalisé dans le cadre d’une étude que nous venons d’achever pour l’ONUDI, au Sénégal: Les entreprises de 0 à 2 employés représentent 43% du secteur moderne qui compte 1290 entreprises. Les entreprises de 3 à 15 employés, représentent 37% Les entreprises de 3 à 50 employés, représentent 54% Donc, à peine 3% des entreprises du secteur moderne ont un effectif supérieur à 50 employés A ces entreprises de 0 à 50 employés, il faut ajouter une multitude de micro et petites entreprises évoluant dans l’artisanat et le secteur informel, car le secteur moderne (1290 entreprises) ne représente que 3% des entreprises immatriculées au Centre National d’Identification des Entreprises et des Associations (39 907 entreprises). 2 2. Contraintes de développement des petites entreprises : 2.1. Environnement légal et réglementaire Fiscalité : - La complexité du système déclaratif et la lourdeur de la pression fiscale sont le plus souvent dénoncées par les entrepreneurs. - La mise en place de centres de Gestion agréés visait à résoudre ces blocages. Seul le CGA de Dakar est opérationnel avec l’appui du FAC, mais son efficacité est encore limitée car l’abattement fiscale de 300 000 CFA est jugé insuffisamment incitatif, alors que les craintes d’exigibilité du passif fiscal freinent l’adhésion des opérateurs informels. Formalité d’enregistrement, licences, permis - Dans ce domaine, les mêmes facteurs de complexité et de tracasseries freinent la création d’entreprises et découragent la formalisation des unités existantes. - L’amélioration apportée par le Guichet unique devrait se poursuivre avec le projet de mise en place d’un Centre de formalité à la chambre de commerce de Dakar, disposant d’un accès télématique dans les régions. Système douanier : - Les contraintes administratives handicapent les transactions des MPME à l’importation et à l’exploitation : complexité des procédures, attitudes tracassières des services, manque de transparence. Code du travail : - Cette législation n’a pas réussi à s’étendre pour englober les conditions de travail du secteur informel, lequel, répugne à perdre la flexibilité qui le caractérise. - Cette situation résulte de la vétusté du code de la sécurité sociale et de certaines conventions collectives. Marchés publics : - Les MPME ne parviennent généralement pas à satisfaire aux formalités et normes exigées par les marchés publics dont elles sont de fait exclues. Cadre juridique : - Le manque de ressources de l’appareil judiciaire explique la lenteur des procédures et des décisions de justice. - Le comité de réforme juridique, mis en place avec l’appui de la Banque Mondiale, mène un vaste programme d’évaluation, d’études et de propositions, notamment sur le code des douanes, la législation du travail, les statuts de la micro – entreprise. 2.2. Système bancaire Les MPME peuvent trouver du crédit à court terme pour leurs besoins de trésorerie auprès des différents projets de micro – finance existant dans le pays, 3 ou des nombreuses mutuelles d’épargne et de crédit créées par les opérateurs de base. Par contre pour leurs besoins d’investissement et d’équipement, elles n’ont pratiquement pas accès au crédit à moyen et long terme du secteur bancaire, sinon avec des exigences de garantie dissuasives. 2.3. Structuration professionnelle : Défense des intérêts des MPME : - Les MPME en général ont une assez faible capacité à participer et à se faire entendre dans le débat en cours sur la stratégie de développement du secteur privé et les réformes de son environnement. - En réalité, le mouvement de structuration professionnelle du secteur privé incarne des intérêts différents, voire contradictoires. Grossièrement, il se répartit en trois grandes tendances : les grandes entreprises à forte influence de capitaux français, regroupées au sein du SPIDS, les PME nationales, représentées par la CNES et le secteur informel, représenté par l’UNACOIS. - Ce sont les d’affaires sectoriels, structurés autour d’un métier ou d’une filière productive, qui parviennent le mieux à représenter les intérêts des MPME : Fédération des professionnels de l’habillement, Fédération des bijoutiers etc.…. Représentativité des organisations professionnelles vis à vis des MPME - Les organisations professionnelles sont généralement dominées par un groupe restreint de leaders influents dont les MPME ne font pas partie. - A titre d’exemple, les chambres de Métiers, après 20 ans d’existence, ne regroupent toujours que moins de 10% des artisans. 2.4. Système de valeurs et esprit d’entreprise : L’entreprise européenne en s’implantant en Afrique, a imposé ses propres normes d’organisation et de production sans tenir compte des réalités sociales et culturelles du milieu. Elle a ainsi renforcé l’écartèlement des sociétés africaines entre la tradition et la modernité. Cette situation de conflit culturel explique les difficultés de gestion de l’entreprise africaine. Assumer les décisions qui assurent la pérennité de l’entreprise, tout en résistant aux pressions du milieu social, tel est le problème qui se pose aux dirigeants d’entreprises africains. Cependant, pour être performante, l’entreprise africaine doit se doter nécessairement de systèmes de décision, de planification et de contrôle efficaces et les dirigeants doivent intérioriser les valeurs d’accumulation, d’investissement et de compétition qui sont souvent en conflit avec celles de solidarité familiale élargie, de partage et d’appartenance religieuse, issues de leur éducation. Une nouvelle race d’entrepreneurs est en train d’opérer une synthèse dynamique. Elle demande à être soutenue en matière de formation et de création d’un cadre juridique qui tient compte des spécificités du milieu social et apporte une solution au statut de la micro – entreprise ainsi qu’aux problèmes de succession dans un contexte de polygamie. 4 3 Stratégie nationale de développement des micro et petites entreprises 3.1. Dialogue Etat / Secteur Privé Les décennies précédentes ont vu un désengagement excessif de l’Etat vis à vis de son rôle de promoteur d’une stratégie concertée de développement du secteur privé, se traduisant par différents dysfonctionnements, tels que l’absence d’une vision et d’objectifs consensuels, le manque d’articulation entre les différents cadres de concertation nationale et les perturbations liées à l’intervention non coordonnée des bailleurs. Conscientes de cette situation, les organisations du secteur privé ont mis en œuvre ces dernières années un important effort de concertation visant à renforcer le dialogue avec l’Etat et à élaborer conjointement une vision stratégique. Celle – ci est basée sur un nouveau paradigme de développement où l’Etat joue un rôle de facilitateur et d’arbitre impartial en relation au marché, pour éliminer ses défaillances et fournir les biens publics et les institutions indispensables. Ces travaux de concertation se sont déroulés à différents niveaux (commissions thématiques, réunions informelles, rencontres structurées avec le Gouvernement) avec notamment l’appui du Groupe de Réflexion sur la Compétitivité et Croissance (GRCC), espace de dialogue proposé par la Banque Mondiale, qui a mis un fonds d’étude à disposition des participants. Toutes les composantes du secteur privé, regroupées dans un collectif CPDS – GES – UNACOIS, ont pu ainsi contribuer à l’élaboration d’une stratégie de développement du secteur privé débouchant sur un Plan d’actions prioritaires proposé au Gouvernement, qui l’a entériné officiellement en avril 99. Cependant, l’inexistence d’un espace de dialogue spécifiquement réservé aux MPME ou d’une organisation patronale parlant particulièrement en leur nom, n’a pas permis à cette réflexion stratégique de grande envergure, d’examiner plus précisément les intérêts propres à ce segment du secteur privé. 3.2. Stratégie d’appui au secteur privé : Le Plan d’actions prioritaires, retenu dans le cadre de cette nouvelle stratégie de développement du secteur privé, s’articule sur 4 composantes, chacune sous la responsabilité d’une commission chargée de son suivi : a) Modernisation du dispositif d’appui (création de l’Agence de promotion des Investissements et des Exportation – APIX, de l’Agence de Développement des PME – ADPME et restructuration des domaines industriels) ; rationalisation du financement par la création d’une cellule de Coordination du Financement (CCF). b) Renforcement des capacités du secteur privé (renforcement des organisations professionnelles et consulaires et ajustement interne des entreprises). c) Simplification des procédures administratives et judiciaires. 5 d) Réforme du système de formation professionnelle (amélioration de l’environnement, création d’un fonds de promotion, mise en place des organes de coordination). L’exécution de ce Plan d’action prioritaire n’a pas suivi le calendrier espéré. Un premier pas a été fait cependant avec la création de l’APIX, rattachée directement à la Présidence de la République, et chargée également de l’adjudication des Grands Travaux. Les travaux du Comité de Réforme Juridique (CRJ), soutenus par la Banque Mondiale, contribuent à la composante 3. Pour rendre ce Plan d’action prioritaire plus opérationnel, l’ONUDI a fourni son assistance au Gouvernement Sénégalais pour élaborer un programme intégré de développement industriel qui comprend 7 volets : a) L’élaboration et la mise en place d’une stratégie industrielle « vision 2020 » (439 000$) b) La mise en place du réseau d’information basé sur l’Observatoire de l’Industrie (856 000$) c) Le développement de la Micro, Petite et Moyenne Entreprise (1 910 000$) d) Le développement de la sous – traitance et du partenariat industriel (BSTP) (1 371 000$) e) La promotion de la qualité, normalisation et métrologie (960 000$) f) La promotion d’un environnement industriel respectueux de l’écologie (511 000$) g) La mise à niveau des entreprises dans les secteurs prioritaires retenus par le Conseil Supérieur de l’Industrie (CSI) (2 545 000$). Pour sa part l’ONUDI a décidé d’appuyer ce programme intégré à hauteur d’un million d’US $ d’assistance technique, ce qui a permis de préparer la mise en œuvre des volets 2 et 4. Des intentions de financement complémentaires sont notées de la part de la BOAD, de l’Autriche, du Japon et du PNUD. Depuis l’avènement du Nouveau Gouvernement, la Direction de l’Industrie se concentre, quant à elle, sur 4 activités majeures. La mise en place d’un cadre permanent de concertation « les lundis de l’Industrie », La mise en œuvre du Programme intégré de développement industriel initié avec l’ONUDI La création de l’Agence Nationale d’Encadrement de la PME et de l’Artisanat La réhabilitation des 5 domaines industriels et la création d’un nouveau parc à Dakar, avec l’appui de la Coopération Chinoise (qui apporte également une ligne de crédit et le soutien à une maison de l’Entreprise). 3.3. Stratégie spécifique en faveur des MPME et de l’Artisanat : Les petites entreprises à potentiel de croissance opèrent de façon relativement isolée, fragmentée et sans soutien de leur environnement : elles ont très peu accès aux services 6 financiers et non financiers ; elles sont peu organisées à la base et faiblement représentées par les organisations professionnelles. Leur environnement d’affaires comporte de nombreuses lourdeurs ou déficiences qui leur sont particulièrement défavorables. En conséquence une très large fraction de cette catégorie d’entreprises reste dans une situation informelle. Elles ont donc de nombreux besoins sur lesquels il est nécessaire d’intervenir : accès à la formation professionnelle et aux services conseil, accès à l’information économique et technique, accès au crédit, renforcement des groupements d’affaires. La décision de créer ADPME, l’Agence Nationale d’Encadrement de la PME et de l’Artisanat, exprime clairement l’intérêt du nouveau Gouvernement pour le développement du secteur des petites entreprises, considéré à la fois comme un important gisement de création d’emplois et comme une base productive qu’il s’agit de renforcer pour rééquilibrer le modèle de développement industriel du Sénégal. Dans sa nouvelle politique d’industrialisation le Gouvernement souhaite en effet promouvoir une meilleure répartition de la production de valeur ajoutée manufacturière, actuellement fortement concentrée dans le segment des grandes entreprises. Selon la Direction de l’Industrie, cette Agence aurait pour mission d’intervenir sur tous les facteurs de développement des PME et de l’Artisanat : le renforcement de leurs capacités de gestion, la réponse à leurs besoins en information, formation et appui, leur accès au crédit, l’amélioration de leur environnement d’affaires et le développement d’infrastructure de soutien. Son action devrait permettre à la fois de rationaliser l’action des nombreuses structures de soutien à ce segment du secteur privé et donner l’occasion d’unifier au sein d’une même structure les missions d’appui conseil et de financement. Cette fonction de coordination des actions semble indispensable et correspond bien au rôle d’arbitre de l’Etat. Par contre on peut se demander, au vu de la définition précédente des fonctions, si cette Agence aura mandat à fournir directement des services financiers et non financiers, ou à coordonner des projets qui en sont chargés. L’option de « centralisation des services » risquerait, en effet, de constituer une sorte de régression méthodologique et de perte d’impartialité. Car on sait aujourd’hui, en tirant les leçons des expériences d’appui aux PME menées depuis 30 ans, qu’au lieu de promouvoir de façon volontariste l’offre de services d’une institution créée à cet effet, il est beaucoup plus efficace de soutenir le développement d’un marché privé des services financiers et non financiers tiré par la demande, en évitant tout lien obligé entre ces deux catégories de service, et en stimulant le jeu concurrentiel des multiples fournisseurs de services privés existants. Au regard de cette préoccupation méthodologique, il est donc très important de rester attentif aux conditions exactes dans lesquelles cette nouvelle Agence va être lancée. 7 3.4. Contenu de la stratégie en faveur des MPME Le segment cible est caractérisé par des pratiques individualistes et un relatif isolement des entreprises. L’environnement leur apporte peu de soutien tandis que le contexte social valorise peu l’esprit d’entreprise. Pour stimuler des synergies capables de briser ce climat d’isolement, la stratégie appliquée doit provoquer des dynamiques de structuration à tous les niveaux : entreprises, organisations professionnelles et société. Au niveau de la petite entreprise Le soutien à l’organisation de groupements d’affaires et à la mise en œuvre de leurs projets collectifs, permet aux petites entreprises, associées : de résoudre une bonne partie de leurs problèmes par le simple fait d’échanger entre opérateurs confrontés aux mêmes difficultés. de faire appel collectivement à des services d’appui (formation, conseil), à un coût unitaire beaucoup plus bas. de trouver la solution à un problème économique considéré comme prioritaire par la mise en œuvre d’un projet collectif, (groupement d’achat, par exemple) Au niveau des organisations professionnelles En s’appuyant sur le travail précédent de structuration à la base, il s’agit ensuite de renforcer la capacité des Organisations Professionnelles existantes à répondre aux besoins des Petites Entreprises. Ce deuxième niveau de la stratégie d’intervention est en phase avec les résolutions de la Stratégie de Développement du Secteur Privé qui précise que : « les organisations du secteur privé doivent s’assigner les deux objectifs majeurs que sont (1) l’amélioration des services aux entreprises adhérentes et (2) le renforcement des capacités de propositions et d’analyse. Les moyens de parvenir à ces objectifs sont attendus du secteur privé mais aussi de l’Etat et des partenaires au développement. L’importance des organisations patronales et professionnelles justifie la mise en place d’un programme de renforcement de leurs capacités ». Au niveau national : Il est crucial que les Petites Entreprises puissent participer, à travers leur représentants mandatés, au dialogue croissant entre pouvoirs publics et secteur privé, qui devrait déboucher sur d’importantes réformes de l’environnement des affaires et du dispositif national d’appui. Le troisième niveau de la stratégie proposée vise à leur donner les moyens de faire valoir leurs intérêts spécifiques dans ce contexte, à travers la création et l’animation, par le biais des médias publics, d’un « espace de dialogue des Petites Entreprises ». 8 4 Conclusion : Le Sénégal est caractérisé par un fort taux de croissance démographique (2,9% par an), qui devrait porter sa population à 12,5 millions d’individus en 2001. Les urbains représenteront 25% de cette population dont plus des 2/3 seront concentrés à Dakar. Il résulte de ce phénomène de croissance accélérée de la population, un accroissement de la demande d’emplois ; chaque année, le marché de l’emploi enregistre plus de 100 000 nouveaux demandeurs. Ces nouveaux demandeurs d’emploi, eu égard à la faiblesse des possibilités offertes par les grandes entreprises du secteur moderne, trouvent principalement refuge dans le secteur informel et dans les petites unités industrielles. Le passage en revue des caractéristiques des MPE a permis de déceler un certain nombre de faiblesses qu’il convient cependant d’appréhender à leur juste mesure. En effet, à bien des égards, les MPE constituent des centres d’apprentissage de l’entrepreneuriat moderne où les entrepreneurs se familiarisent avec les dures réalités du monde des affaires auxquels ils n’étaient pas nécessairement préparés. Ce passage, par un phénomène de sélection naturelle, permettra d’écarter les MPE les moins efficaces tandis que les « success stories » pourront prospérer et constituer l’ébauche d’un tissu industriel. On note d’ailleurs une évolution positive dans la perception des services (conseil, assurances, informations commerciales...) dont les entrepreneurs les plus avertis ont conscience de ne pouvoir faire l’économie. L’autre fait encourageant est que l’on assiste à un début de structuration d’organisations professionnelles et de micro – entrepreneurs, ce qui favorisera, à terme, la création de groupements d’affaires, les relations de sous – traitance, l’accès aux marchés publics et internationaux, la diffusion de l’innovation technologique ainsi que le développement de la compétitivité des entreprises locales, grâce à la sensibilisation sur la qualité et les normes en vigueur. Tijane SYLLA, mba-hec ASEMA-Cesag - 2001
© Copyright 2024 ExpyDoc