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Les
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thématiques
PRINTEMPS 2014
La diversité ?
Prenez en de la graine ! (1
“La bonne plante au bon endroit”. Depuis 1982, cet “adage”
résume l’implication de la filière horticole et botanique
présente aux Journées des Plantes de Courson – des
pépiniéristes aux collectionneurs de plantes – afin de
sauvegarder la diversité végétale sans laquelle les
jardins cultiveraient la monotonie. Des végétaux qui,
des espèces botaniques au répertoire illimité des
cultivars, sont recherchés, élevés, testés en fonction
des sols et des climats par des professionnels soucieux
de répondre au plus près aux attentes des jardiniers.
Plantes adaptées aux terrains calcaires, aux sols acides,
ou encore aux terres argileuses, résistantes aux rigueurs
de la montagne, aux morsures du soleil méditerranéen,
aux fortes amplitudes thermiques des régions continentales, à l’hygrométrie et à la salinité des régions
côtières… La variété des écosystèmes en France
renvoie, naturellement, à la diversité des plantes et,
dans le cas précis du jardin, à la multiplicité de l’offre
des plantes ornementales.
Alerte
Depuis mai 2013, une proposition émanant de la
Commission Européenne vise à imposer un règlement
unique de commercialisation “ relatif à la production
et à la mise à disposition sur le marché de matériel
de reproduction des végétaux ”. Outre l’ensemble
des plantes de la production agricole, les plantes
ornementales sont désormais dans le collimateur
des techniciens de Bruxelles. Il est important d’insister
sur le fait qu’il s’agit bien d’un projet de règlement et non
d’une directive comme celle qui concernait jusqu’alors
la commercialisation des matériels de multiplication
ère
partie)
des plantes ornementales en place depuis le 20 juillet
1998. Pour information :
“ Les règlements sont comparables aux lois nationales,
à la différence qu’ils s’appliquent dans tous les États
membres. Les directives établissent des principes fondamentaux, mais les États membres doivent les transposer
dans leurs législations nationales. ”
Un mot l’un après l’autre, une phrase l’une
après l’autre… (Not a light bedtime reading !
selon Graham Spencer, ardent défenseur de la diversité
végétale et animateur en Grande Bretagne du site Plants
for Europe). À elle seule, la lecture du projet de ce
règlement requiert une attention plus que soutenue
et une certaine dose “ d’humilité ” de la part du lecteur
appartenant au commun des mortels qui, dès la première
page, peut se sentir dépassé par la rhétorique pratiquée
par ces législateurs anonymes œuvrant pour… le bien
commun des citoyens européens ? Au terme de la lecture
des 99 pages de textes et des 58 pages d’annexes,
ce projet ne manque pas de susciter nombre de questions
sans réponses, révèle des imprécisions pour le moins
inquiétantes comme “ … il convient d’établir des règles
proportionnées et durables pour les activités à petite
échelle portant sur du matériel de reproduction des
végétaux adapté aux conditions locales et mis à disposition
sur le marché en petites quantités. ”. Pour ne reprendre
que les mentions de “ petite échelle ” et “ petites quantités ”,
celles-ci demanderaient à être accompagnées de chiffres.
Quant à la précision faisant état que “ le matériel ne devrait
être mis à disposition sur le marché que dans des
emballages à la taille clairement définie. ”, elle a tout…
d’une vision surréaliste !
Une lecture en forme de jeu de piste
L’absence de clarté ou l’énoncé confus d’une proposition peuvent être dus à différents
facteurs allant du noyage du poisson pour mieux l’endormir à la méconnaissance, toute ou
partie, du sujet. Ici, la succession d’articles énoncés puis développés à grand renfort d’annexes
renvoyant à des alinéas épars tout au long du document, le vocabulaire employé, semblent
plaider autant pour un obscurantisme volontaire que pour une certaine ignorance manifeste
à l’encontre des métiers visés par ce règlement. Maintes fois citée, l’expression “ végétaux
de niche ” ne s’appliquant pas à un régime végétarien spécial canin, mais bien aux créations
et productions végétales relevant d’“ activités à petite échelle ”, pourrait laisser penser que
ce règlement serait magnanime en accordant des dérogations spécifiques aux “ exploitantsobtenteurs ou […] jardiniers-obtenteurs, qu’ils soient ou non des opérateurs professionnels.
” Soit des “ opérateurs professionnels employant au maximum dix personnes et dont
le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan n’excède pas deux millions d’euros ”.
Le prix à payer
Les pépiniéristes obtenteurs visés appartiennent, d’ores et déjà, à une catégorie souvent
dans l’incapacité de payer un enregistrement coûteux – actuellement la protection d’une
variété revient à : 650 € (taxe de demande) + 1160 € à 2500 € (taxe d’examen) + 240 € (taxe
de rapport) + 250 € (taxe annuelle) + éventuellement : 1500 € (taxe de recours) + 1500 €
(taxe pour l’instruction de requêtes spécifiques) + 100 € (demande au titre de diverses
inscriptions)… (à consulter sur le site de l’OCVV, Office Communautaire des Variétés Végétales,
rubrique : Tarifications).
Certains d’entre eux en sont passés par cet investissement qui leur garantit une forme
de protection, de droit d’auteur ; pour d’autres, il n’est pas rare qu’une de leurs créations
non protégée soit reprise par un opérateur professionnel bénéficiant des moyens nécessaires
pour reprendre à son compte cette obtention, la fasse protéger et la rebaptise sous un
nouveau nom, détenant ainsi le monopole commercial sur cette variété.
Selon ce nouveau règlement, une foule de variétés sera désormais protégée selon des
descriptions drastiques qui, à elles seules, feront l’objet d’examens détaillés à l’extrême
pour un coût en rapport avec le temps passé par les hommes de l’art chargés de ces
études. Graham Spencer cite le cas de la variété de lavande ‘Hidcote’, une parmi les 300
variétés de lavandes en vente en Grande Bretagne et dont la description, pour être reconnue
selon le nouveau règlement, devrait sans aucun doute mentionner le nombre, la couleur
et la taille des petits poils de ses feuilles… Autant dire que ce type de description aura un coût
qui sera pris en compte dans la vente au détail de cette lavande.
Questions sans réponses
Dans le cas d’une obtention d’un des pépiniéristes appartenant à la “ niche ”, qu’en sera
t-il si une pépinière, une jardinerie ou tout autre structure commerciale “ hors la niche ”
décident de la commercialiser ? Et surtout, que restera-t-il de la diversité végétale proposée
aux consommateurs ? Qui, en dehors des opérateurs professionnels et des laboratoires
de multiplication des variétés, proposera cette même diversité ? Qu’en sera-t-il du hasard,
du métier et de l’observation patiente, souvent désintéressée, des pépiniéristes qui
travaillent seuls ou en couple pour donner naissance, au bout de dix ans parfois, à des
plantes qui seront éventuellement reconnues car toujours plus belles, toujours plus
résistantes, toujours mieux adaptées aux micro paradis que sont les jardins ?
Il est encore temps d’agir
Depuis novembre 2013, ce projet se propage dans la filière horticole européenne à la façon
d’une trainée de poudre. Actuellement la date à laquelle il sera soumis au Parlement
Européen et au Conseil de l’Europe n’est pas connue et l’échéance électorale du 22 au 25 mai
2014 devrait permettre de gagner un temps précieux pour exiger qu’il soit revu afin
d’être précisé et surtout pour qu’il ne cause pas la disparition des entreprises dites
de “ niche ”, garantes de la diversité.
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La parole à la diversité,
les exposants pépiniéristes
de Courson s’expriment
Bénédicte Bachès, P résidente de P lantes et C ultures
( association
professionnelle regroupant
25
pépiniéristes )
“ Dans la graine, réside la diversité
Chaque semis est porteur d’espoir pour une nouvelle vie – différente. Nous tentons d’être
à la hauteur de ce défi. Notre travail consiste à proposer nos compétences de producteurs,
paysagistes, botanistes et “ conservateurs “ avec l’exigence et la rigueur nécessaires pour
tendre vers une excellence, celle d’offrir au plus grand nombre le patrimoine, la richesse,
la beauté et le plaisir de la diversité végétale. La diversité c’est comme la vie, c’est
compliqué. Si on la restreint, cela revient à tuer la vie. De plus en plus, les génomes
“ font la loi ” pour de pures raisons mercantiles : produire des fruits sans pépins, calibrés
pour le transport… Ce type de manipulations génétiques ne laissent plus de place aux
hybridations spontanées ou pratiquées au sein des petites pépinières, et referment
la porte de la liberté de créer au nom de l’uniformisation ”.
arbres , arbustes
Franck Sadrin, U n J ardin au M ont -B lanc , R hône A lpes
( cerisiers
du
J apon ,
arbres , arbustes et vivaces rares d ’A sie et des
É tats -U nis )
“ Créer envers et contre tout ”
Avant de fonder sa pépinière en 2009, Franck Sadrin a voyagé aux États-Unis et en Asie
à la recherche de plantes rares. Spécialisée dans la production d’arbustes ornementaux
(Malus, Prunus,…) obtenus par greffage, la pépinière s’est également lancée dans la création
de variétés par semis. À propos du projet de Règlement, Franck Sadrin évoque son activité
de créateur en soulignant qu’elle ne peut être réduite au fait d’inscrire une nouveauté
dans un catalogue ou dans des cases préétablies. Le problème d’une “ petite ” pépinière
– l’une des fameuses “ niches ” du Règlement – est que si elle crée une plante, elle ne
peut la protéger en raison du coût que cela suppose. Le risque, encouru et courant, étant
de la présenter lors d’une fête des plantes ou en pépinière et qu’elle soit achetée anonymement,
pour ensuite être multipliée à grande échelle par des professionnels peu scrupuleux
qui en changent la nomenclature, et bien sûr, payent les droits de protection en leur nom.
Anne Dano, P épinière L e T ry , B elgique
( arbustes
et petits arbres à fleurs )
“ Semences : suspens et différences !
Nous produisons beaucoup de plantes par multiplication végétative afin qu’elles conservent,
à l’identique, leurs caractéristiques. Mais pour toutes les raisons contraires nous
semons ! Qu’ils soient dans la nature, dans les arboretums ou dans notre pépinière,
les semis sont extrêmement précieux. L’observation du développement des nouveaux-nés
issus de semis nous permet de découvrir de nouvelles formes, de tester leur résistance
aux maladies mais aussi leur adaptation à différentes situations... Autant de critères
qui les rendent indispensables. Ils constituent la “ sève neuve ” participant de l’évolution
des espèces. Après, le pépiniériste armé de son infinie patience doit souvent attendre
plusieurs années avant de découvrir de nouvelles caractéristiques. Ainsi, dans le jardin
de notre pépinière, avons nous dû attendre quatorze ans avant de voir fleurir le Cornus
kousa nommé ‘LT Christine’ tel un bouquet de mariée. Mais quelle magnifique expérience !
D’autres Cornus à fleurs sont ainsi nés au gré du merveilleux hasard de la vie : C. florida ‘LT
Soleil printanier’, C. kousa ‘LT Délicatesse’ ou encore, notre petit dernier C. kousa ‘LT Alice’. ”
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Jean-Paul Agier, Pascal Lecerf, J ardins en M arche , L imousin
( arbres
et arbustes rares )
“ L’aubépine, un maillon de la diversité.
Bien que de nombreux groupes botaniques que nous produisons soient concernés
par le thème de la diversité, nous avons mis l’accent sur les aubépines*, genre encore
méconnu même s’il parle à tout le monde et qui caractérise bien notre travail sur le retour
d’un style naturel dans les parcs et jardins.
Pour nous, l’aubépine est un emblème de la biodiversité. C’est une espèce si variable,
flirtant parfois avec les formes sauvages de pommier, de poirier ou de néflier, s’hybridant
si aisément qu’elle est un véritable casse-tête pour le botaniste. Impossible de s’accorder
sur le nombre de formes qui se situerait entre 200 et 1000 : l’aubépine déborde
de tous les cadres. De nouveaux groupes ont été récemment décrits aux États-Unis et
les botanistes russes découvrent encore de nouvelles variétés sur les territoires immenses
d’Asie centrale. Sa production considérable de fleurs et de fruits la place au centre
d’écosystèmes où, grâce à elle, l’équilibre est maintenu. Dans des environnements
hostiles, elle remplit une fonction déterminante pour la survie de la faune locale en fournissant
le gîte et le couvert...
Historiquement, l’aubépine a occupé les territoires où l’homme s’est installé. C’est
la déforestation de l’Amérique du Nord par les pionniers qui a permis sa formidable
évolution variétale. L’aubépine aime la compagnie de l’homme, de son agriculture, de ses
troupeaux. On pourrait presque parler de symbiose si la disparition progressive du “tiers
paysage“ (cf G. Clément) et autres haies bocagères ne la menaçait, en même temps que
l’ensemble de la biodiversité.
Il y a beaucoup à observer dans la relation entre les aubépines et les oiseaux frugivores.
Les variétés d’aubépines nourrissent 1559 espèces d’oiseaux dans les régions tempérés
de l’hémisphère nord. C’est un record dans le monde végétal. Les variétés nord américaines
représentent à elles seules 9 mois de fruits à disposition, en particulier au moment des
grandes migrations, et un couvert pour la nidification.
Nous avons choisi de faire connaître la diversité de ce genre si précieux dans la nature
parce que son importance est la même à l’échelle du jardin. Butinée par les abeilles et bien
d’autres insectes, ses fleurs en bouquets produisent facilement des centaines de fruits,
très bons crus, séchés ou transformés en gelées, en farine... et quel plaisir d’observer
les étonnantes variations d’aspect de son écorce en hiver, la formes et la couleur des ses
feuilles en automne. ”
* Aubépines, Prix des Collections décerné à l’unanimité par le CCVS à Jardins en marche en octobre 2013.
Pascale et MarieLaure Gombault, Pépinière des Laurains, Champagne – Ardenne
( conifères )
“ À l’heure où la conformité s’accumule dans nos tiroirs, où l’uniformité nous gagne,
il est essentiel de pouvoir agir en proposant de la rareté.
Semis, bouture ou greffe, aucune méthode de multiplication n’est délaissée pour multiplier
l’extrême diversité des conifères. Parfaitement ignorée, celle-ci reste un vrai défi à relever tant
dans sa connaissance que dans sa diffusion. Glorifié à l’approche de Noël et jeté sans
vergogne quelques jours plus tard, le sapin Nordman a pourtant bien d’autres atouts.
Ainsi il va se décliner rampant, compact, jaune d’or et miniature… (Abies nordmanniana,
A. n. ‘Musterland’, A. n. ‘Robusta R’, A. n. Aurea’, A. n. ‘Compacta’…). Ainsi des milliers
d’exemples, à travers notre collection qui s’étoffe jour après jour de notre passion et de nos
observations, avec pas moins de 650 taxons multipliés chaque année pour conserver et diffuser
cette incroyable richesse. Si nos conifères sont d’exception c’est qu’ils répondent en tout
point à l’urgence de préserver la diversité, de lutter contre la facilité. ”
4
Dominique Brochet, P épinières B rochet -L anvin , C hampagne -A rdennes
( arbustes
calcicoles , roses anciennes )
“ Pas facile la diversité mais ça, on le savait déjà !
La diversité est un thème qui englobe moult concepts et définitions dans lesquels on
se noie plus ou moins volontairement avec les lobbyings de toutes sortes et les conflits
philosophiques et juridiques qu’ils génèrent dont les protagonistes s’affrontent ou s’accordent
au gré de procès et de colloques.
Je situerai ma zone de réflexion et de compréhension – parce que d’utilisation – dans
les actions de la SAJA (Société des Amateurs de Jardins Alpins) et des JBF
(Jardins Botaniques de France et des Pays Francophones) et la possibilité
de partager, sans objectif commercial et grâce à des catalogues de graines,
des plantes peu connues et reflétant une part de biodiversité. Plus que de défense,
il s’agit de promotion et de conservation et quelquefois de spéculation ; l’indice
de rareté conférant au “propriétaire-cultivateur” un statut, à priori digne d’intérêt.
En résumé, je ne commande plus de graines et ne pratique plus de semis.
Ce que peuvent nous procurer les jardins privés ou publics et leurs jardiniers est plutôt
du matériel végétatif dont des boutures pour les saules, spirées et seringats ou des
rameaux à greffer pour les rosiers ; les trois genres Salix, Spiraea et Rosa constituant
la majeure partie de notre travail de conservation de niveau national.
Il est vrai que certaines structures deviennent très pointilleuses quand à la traçabilité
du matériel transitant via les jardins botaniques. Les flux déjà peu significatifs vont
être réduits, cela semble volontaire, entre quelques structures dûment assermentées,
déconnectées plus ou moins volontairement des circuits amateurs ou professionnels.
On peut se poser la question de la pertinence d’une telle “rétention“ évidemment
soutenue par les différentes conférences mondiales successives sur la biodiversité
qui sont le fruit des états et de techniciens pas toujours représentatifs de l’ensemble
de la diversité humaine. Freiner la production d’une ressource n’en a jamais fait
baisser l’attractivité. Pour élargir et conclure, il semblerait qu’on mélange la protection
des espèces et celles des milieux. Ces derniers sont bien plus indispensables à la survie
ou, au minimum, au bon équilibre de l’environnement humain. Ces milieux semblent
malheureusement également soumis à la spéculation due au développement des
technologies et démographies humaines. L’espèce ou la graine ne seraient que les
emblèmes de ces milieux et de leur diversité comme l’edelweiss est celui de la montagne :
on trouve des edelweiss, un peu dénaturés tout de même, chez tous les horticulteurs
de la plaine ; ce qui prouverait que l’espèce n’est pas prête de disparaître. ”
vivaces
Pascal Bartkowski, T ropique P roduction , A quitaine ( plantes tropicales )
P résident
de l ’A s P e C o
regroupant
33
(A ssociation
pépinières )
des
P épiniéristes C ollectionneurs ,
“ En forme de constats.
Même si des nouveautés apparaissent régulièrement, la diversité n’est plus à l’ordre du jour
pour beaucoup de pépiniéristes. En effet, le marché a connu des évolutions extrêmement
rapides ces dernières années : fréquentation en baisse ou en stagnation lors des fêtes
des plantes, moindres connaissances du public de ces dernières, rapetissement des
jardins et offres pléthoriques sur le net avec de plus en plus de difficultés pour les petites
structures à se faire référencer (procédures opaques). Bref, l’heure est à l’efficacité
et nombre de collègues ne s’encombrent plus avec des “moutons à 5 pattes” d’autant
qu’ils demanderaient une action pédagogique avant d’être confiés honnêtement à un client.
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Sur les stands on trouve de plus en plus souvent les choses “qui se vendent”. Ceci pose
de gros problèmes d’ailleurs aux pépiniéristes spécialisés que je représente. Je m’explique :
imaginons une pépinière spécialisée en sauges par exemple. Sur les centaines de variétés
existantes, une dizaine seulement connaissent un succès commercial. C’est justement
grâce à ces variétés-là ET parce qu’il les vend bien qu’un pépiniériste passionné, vraiment
connaisseur du genre, va pouvoir entretenir une collection, amener sur son stand des
raretés et passer du temps agréablement à conseiller ses clients. Or, ces variétés
de sauges qui se vendent bien, seront également proposées sur nombre d’autres
stands de pépiniéristes “plus généralistes” chez lesquels ces plantes se vendront bien,
au détriment du “spécialiste”. À l’arrivée, ce dernier va faire comme les petits copains
et privilégier l’efficacité financière au détriment de la diversité. Par conséquent et pour
contrer cette tendance, nous aimerions vraiment que le “Prix des collections” décerné
à Courson deviennent LE PRIX phare de chaque édition et qu’une très grosse part
de la communication soit faite sur le sujet et les lauréats. L’éventail des possibilités
est très large tant il y a à dire. Pour ce qui est du maintien d’une diversité qui ne serait
pas uniquement un vœu pieux, il serait aussi nécessaire de faire évoluer la fiscalité
de façon à favoriser les producteurs qui sont mis au même rang que les éleveurs.
Là encore je vais illustrer le propos avec une plante que je connais bien: Gunnera manicata.
Cette plante est impossible à reproduire par “in vitro”, difficile à reproduire par semis, bref
un vrai casse-tête. Pourtant c’est une plante qui pourrait se vendre très bien car c’est
une plante “mythique”, présente dans tous les jardins botaniques. De plus, elle est pour
le moins... visible! Les “industriels de la plante” qui savent faire “feu de tout bois”
ne s’arrêtent pas à ce genre de difficultés. Ils ont remarqué que certaines autres
espèces étaient plus facilement reproductibles et que les formes juvéniles étaient très
semblables. Ils reproduisent donc ce qui se reproduit bien, mettent l’étiquette de ce qui
se vend bien et “vogue la galère” !
Les pépiniéristes éleveurs achètent ces plantes et les diffusent en quantité, “semant par
là la confusion sur l’espèce”. Le pépiniériste producteur propose lui des plantes issues
de division ce qui ne procure pas assurément la même rentabilité. Il a toutefois l’honneur
et l’avantage de diffuser la bonne plante sous la bonne appellation. Aujourd’hui cette qualité
dans le travail n’est absolument pas encouragée. Nous avons entamé une réflexion sur
ce sujet et nous ne nous désespérons pas d’être un jour à l’origine d’un processus
de reconnaissance de ce travail de production.
Enfin, concernant le règlement européen en gestation, le constat est le suivant : nos faibles
connaissances règlementaires nous incitent à solliciter une aide à la lecture de la part
de nos services publics de façon à ce que nous comprenions bien tous les tenants
et aboutissants. Car pour le moment, la lecture que nous en faisons est double :
- le projet part d’une bonne intention notamment dans tout ce qui traite de la traçabilité.
Toutefois, comme il est envisagé qu’un service d’État produise des étiquettes officielles,
il va de soit que des coûts supplémentaires vont être générés par ce système.
- le projet ne concerne pas les petites structures et les petites productions. C’est heureux
dans la mesure ou les coûts d’inscription ne sauraient être amortis par la commercialisation
de petites séries. Il y aura toutefois toujours le risque de voir une grosse structure inscrire
une plante et arguer de cela pour empêcher une structure plus petite de vendre cette
même plante en faisant fi, s’il le faut de toute antériorité. Cela s’est vu et se voit encore
dans le domaine des semences.
Nous risquons donc tous au final, petits et grands, de passer sous les fourches caudines
d’une règlementation faite sans la consultation des principaux intéressés. Nous nous disons
toutefois que ce texte doit bien servir quelques intérêts, les règlements européens étant
souvent “inspirés” (quand ils ne sont pas écrits) par des groupes de pression.
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Aurélie Van de Sande, P épinière V ert ’ tige , B retagne
( végétaux
asiatiques adaptés à l ’ ombre )
“ Marche à l’ombre.
Les jardins ombragés sont nombreux : jardins de ville entourés de murs, jardins
où de grands arbres sont déjà présents... Contrairement à beaucoup d’idées reçues,
ils peuvent accueillir de très nombreuses plantes à condition de bien les choisir.
À l’ombre, les plantes mettent en place différentes stratégies pour vivre malgré
le manque de soleil. Par exemple, en sous-bois, elles développent des feuillages
souvent plus larges que les plantes de soleil de manière à capter au maximum
les rayons solaires filtrés par les arbres. Elles se permettent aussi des parures que
ne peuvent porter les plantes poussant en situation plus exposée car elles seraient
brûlées par le soleil et le vent. Elles osent alors pour notre plus grand plaisir les panachures
et des textures de feuillages parfois délicates. Les plantes d’ombre ne sont pas en reste
au niveau de leur floraison. Bien que beaucoup moins “ tape-à-l’œil ” que les plantes
de soleil, elles ne sont pas pour autant dénuées d’intérêt en développant souvent de subtils
accords entre inflorescences et feuillage, enrichissant ainsi momentanément le décor
saisonnier créé par les feuillages.
Quelques exemples parmi tant d’autres :
Chloranthus multistachys, une vivace aux larges feuilles brillantes et gaufrées, qui apprécie
les sols frais. Les Epimedium qui offrent une multitude de fleurs à l’ombre, comme
E. baieali-guizhouense aux inflorescences composées de centaines de petites fleurs
blanches ou E. ‘The Giant’ qui, comme son nom l’indique, est un géant qui peut atteindre
2 mètres de haut en fleurs, ou encore E. ‘Arctic Wings’ aux grandes fleurs blanc pur.
Encore trop rare dans les jardins, Saruma henryi est une vivace qui fleurit toute l’année,
une valeur sûre à l’ombre qui atteint environ 60 cm de haut et porte de nombreuses
petites fleurs jaunes de sa sortie de terre en mars jusqu’aux gelées. Son feuillage
duveteux en forme de cœur est d’un joli vert bronze lorsque les feuilles sont jeunes.
Parmi les bulbes d’ombre, les Arisaema aux fleurs et aux feuillages surprenants autant
par leurs formes que par leurs colorations.
La diversité végétale est une richesse à préserver et à mettre en avant, notamment
grâce aux explorateurs qui vont chercher au bout du monde de nouvelles plantes
encore inconnues et aux pépiniéristes qui tentent de proposer toujours des nouveautés.
Il existe encore tant de merveilles à découvrir... ”
Jodie Mitchell, B arnhaven P rimroses , B retagne
( primevères
et auricules )
“ La diversité – Prenez-en de la graine de primevère !
En tant que petits producteurs collectionneurs, nous nous considérons comme un petit
maillon dans une grande chaîne de pépiniéristes, botanistes, amateurs et jardiniers qui
œuvrent pour la défense de la diversité végétale.
Dans les années 1960, lorsque Florence Bellis, la fondatrice de Barnhaven, a pris
sa retraite, elle a refusé toutes les offres des grandes compagnies de graines et
a préféré envoyer la totalité de ses stocks en Angleterre à des clients avec le message
“pour vous, à tuer ou à garder”. Elle savait que, sans ce geste, son rêve de couleurs
élégantes dans tous les tons imaginables, de fleurs parfumées et de plantes vigoureuses
serait bafoué au profit de plantes bon marché, dans des couleurs criardes et monotones,
et sans parfum. Elle avait certainement raison, vu les primevères que nous retrouvons
dans les hypermarchés aujourd’hui. Promouvoir la diversité dans nos jardins, c’est
avant tout informer les jardiniers par tous les moyens que cette diversité existe. Les
personnes que nous rencontrons lors des salons sont toujours surpris d’apprendre
qu’il existe des centaines d’espèces de primevères vivaces et rustiques très bien adaptées
à notre climat, qui fleurissent à toutes les époques de l’année ! Aujourd’hui, nous travaillons
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pour sauvegarder les variétés hybrides de primevères de Barnhaven et nous recherchons
continuellement des nouvelles obtentions dans toutes les gammes de couleurs. Nous
continuons à utiliser la technique de la pollinisation à la main, une opération très onéreuse et
minutieuse, mais qui reste la seule façon de garder une grande variabilité génétique et des
plantes résistantes. Notre but est aussi de protéger des espèces botaniques en gardant
en culture des espèces rares comme les Primula yunnanensis. On sauvegarde et recrée
des variétés anciennes et insolites comme ‘Lady Agatha’, une forme ‘hose-in-hose’ de coucou.
Si notre collection d’auricules nous est si précieuse, c’est aussi parce que nous détenons
des plantes uniques qui pourraient disparaître tout simplement ! Faites donc pousser des
primevères. Collectionnez des auricules, des plantes oubliées. Faites pousser des graines,
donnez-en, parlez-en à vos amis et partagez le plaisir de cultiver de belles plantes,
et prenez conscience que vous aussi, vous contribuez à leur survie.
Laurent Bourgeois, Pépinière Arom’Antique, Rhône – Alpes
(plantes aromatiques médiévales, plantes tinctoriales)
Remerciements
Jean-Paul Agier, Pascal Lecerf,
Jardins en Marche,
“ La sauvegarde d’un patrimoine.
Dans notre pépinière, la diversité végétale s’exprime selon deux axes. Le premier, qui
reste la spécialisation de notre travail, repose sur la culture des plantes aromatiques utilisées
au Moyen-Age. En 1993, au démarrage de la pépinière, nous avons travaillé pendant
trois ans en collaboration avec une historienne, spécialiste de l’époque médiévale,
qui a effectué les recherches pour retrouver les espèces couramment utilisées au
Moyen-Age et oubliées depuis. Nous proposons aujourd’hui, une grande collection de ces
plantes qui trouvent ainsi une réhabilitation souvent méritée (aurone, marrube, cataire,
hysope, livèche, bétoine, rue...). Le second axe relève de la collection de certains genres
comme les menthes, les sauges, les thyms, les agastaches, les romarins, les origans, les
sarriettes, les armoises, les camomilles, les consoudes, les basilics, les lavandes, les mélisses,
les monardes, les alliums, pour lesquels nous proposons parfois jusqu’à 50 taxons différents.
Notre gamme s’étoffe chaque année de quelques petites trouvailles glanées aux 4 coins
de France et ailleurs. La sélection des plantes qui enrichissent notre catalogue, s’effectue
avec le souci permanent de proposer des plantes vraiment particulières, avec des floraisons
bien spécifiques, des goûts ou des saveurs différentes, des ports originaux… Nous proposons
par exemple plus de 50 taxons de menthes avec des parfums étonnants de banane, d’anis,
de citron, d’orange, de gingembre, de lavande, de réglisse, de bergamote, de pamplemousse,
d’ananas, de fraise, de chocolat, des parfums doux et d’autres très épicés, des feuilles
allant du vert clair au pourpre, en passant par des feuillages panachés… Une richesse
infinie ! ”
Bénédicte Bachès,
Présidente de Plantes et Cultures
Pascal Bartkowski, Tropique Production,
Président de l’AsPeCo (ASsociation
des
PEpiniéristes COllectionneurs)
Laurent Bourgeois, Pépinière Arom’Antique
Dominique Brochet, Pépinières Brochet-Lanvin
Une seconde Fiche Courson à paraître en octobre 2014, complètera ces réflexions en abordant le problème des ligneux
(espèces et variétés), des arbres fruitiers, mais aussi des bulbes et des graminées. Elle reviendra également sur
les motivations de ce règlement, en particulier sur le prétexte écologique évoqué. Elle reprendra le critère de stabilité
des espèces et des variétés revendiqué alors même que l’histoire des végétaux est semée de stratégies mises en place
par ces mêmes végétaux pour s’adapter à l’évolution des milieux et aux aléas climatiques.
Anne Dano, Pépinière Le Try
Pascale et MarieLaure Gombault,
Pépinière des Laurains
Dany SAUTOT
Jodie Mitchell, Barnhaven Primroses
Franck Sadrin, Un Jardin au Mont-Blanc
Graham Spencer, Plants for Europe
Aurélie Van de Sande, Pépinière Vert’tige
Éditée en février 2014
© Domaine de Courson
Conférence
de
Courson
V endredi 16
mai ,
Conception : Emilie Babikian
P hoto : Jean-Pierre Delagarde
Impression : AZAPRIM
16
heures
Table ronde sur le thème de la protection de la diversité.