CINÉ-TAMBOUR AMOURS PERSANES Mercredi 24 septembre 2014 Soirée en partenariat avec Films en Bretagne, à l'occasion du festival Doc'Ouest [18h] Jasmine, Alain Ughetto Fr., 2013, 1h10, DCP. Si Jasmine d'Alain Ughetto a suscité notre intérêt, c'est parce qu'il présente les qualités esthétiques attendues d'une œuvre documentaire : animée ; cinématographique. Le film soulève de nombreuses questions, à commencer par cette étrange hybridation des genres que l'on appelle le « documentaire animé ». C'est en 2008, avec le long métrage d'Ari Folman Valse avec Bachir, que le débat est relancé. Il semble que « le travail d'animation, où rien n'est spontané, va à l'encontre de l'essence du documentaire », nous dit Folman. Pourtant, et Jasmine le démontre, l'animation comme instrument documentaire non seulement fonctionne mais apporte une touche d'onirisme, d'émotion, ou remplace aussi parfois L'Image Manquante. Porté par la voix de Jean-Pierre Daroussin, Alain Ughetto raconte avec ses mots et avec ses mains. La pâte à modeler donne vie aux personnages, à lui-même et à Jasmine dans les rues de Téhéran. Mais la pâte, surtout, prend vie elle-même, avec sensualité. De nombreuses astuces narratives et poétiques parsèment le film. Pour Alain Ughetto, « on peut tout essayer, essayons ! » et ses images, parfois abstraites, retranscrivent avec intensité les émotions contenues dans le récit. La douceur des images s'oppose au réel : la Révolution Islamique, le destin qui sépare les deux amants. À aucun moment néanmoins, la petite histoire ne semble prétexte à raconter la grande. Quelques extraits proviennent des archives de l'INA, on retrouve aussi des films Super 8 tournés en Iran à cette époque par Alain Ughetto. Mais ces images cèdent la place à la vie des personnages et à leur histoire d'amour. Avec Jasmine, Alain Uguetto excelle dans son geste d'animation. Ses précédents films, des courts métrages comme L'Échelle ou La Boule dont certains furent récompensés à Cannes ou aux César, sont des premiers pas vers le grand œuvre que forme Jasmine. 1 - Sophie Bourdais, « Festival d'animation d'Annecy : le nouvel essor du documentaire animé », Télérama [en ligne]. n°3308 (10/06/2014). Disponible sur : http://www.telerama.fr/cinema/festival-d-animation-d-annecy-documentaire-anime,98522.php Réalisation Alain Ughetto Scénario Films en Bretagne a pour vocation de favoriser le développement de la production et de la création audiovisuelles et cinématographiques en région. Partenaire fidèle du Ciné-Tambour et du département arts du spectacle, les éditions de Doc'Ouest - temps fort autour du cinéma documentaire - sont des occasions pour les étudiants de Rennes 2 de découvertes et de rencontres cinématographiques. Alain Ughetto et Jacques Reboud Production Alexandre Cornu, Micèle Casalta, les films du tambour de soie, Mouvement et Alain Ughetto Lumière Pierre Benzrihem Son et bruitage Ivora Cuzak et Agathe Courtin Montage Catherine Catella, Rémi Dumas Musique Isabelle Courroy Décors Bernard Vezat, Sylvain Tetrel Avec les voix de Jean-Pierre Daroussin, Fanzaneh Ramzi (pseudonyme) CINÉ-TAMBOUR AMOURS PERSANES Mercredi 24 septembre 2014 Soirée en partenariat avec Films en Bretagne, à l'occasion du festival Doc'Ouest [20h30] The Hunter (Shekarchi), Rafi Pitts Iran, 2010, 1h30, 35mm. « En 1979, il y a eu une Révolution. Sa commémoration, le trente-deuxième anniversaire de notre révolution iranienne, se tiendra le 11 février 2011. Je vous rappelle ces faits car j’ai l’impression que vous en avez oublié les causes. Je me trompe peut-être, ou peut-être devriez-vous vous expliquer. Vous avez peut-être votre propre définition de notre révolution… Dans ce cas, je pense que vous devriez répondre à la question : “Pourquoi avonsnous eu une révolution en 1979 ?” » (Extrait d'une lettre de Rafi Pitts adressé à Mahmoud Ahmadinejad) Un coup de feu et des silences.. Là est l'art de Rafi Pitts avec the Hunter, film en forme de véritable bombe à retardement qui exprime à lui seul la colère d'une génération iranienne réduite au silence et à qui l'on a soutiré la révolution. The Hunter est le témoin d'une époque, d'un désenchantement violent. Et Pitts questionne, il questionne l'humain mais aussi la privation de la liberté d'expression dans un contexte politique en proie à l'explosion, et il le fait subtilement en proposant aux spectateurs un objet qui, en plus d'être travaillé formellement, fourmille d'une multitude de pistes de réflexion. Par l’intermédiaire de son personnage, Ali (interprété par le réalisateur), qui après un court séjour en prison trouve un travail de gardien de nuit qui ne lui sied guère et ne lui permet pas de voir sa famille, Pitts filme une vie qui fait du surplace en privilégiant une répétition des scènes de quotidien jusqu'à l'instauration d'un élément dramatique et déclencheur qui va faire basculer le film dans un climat de tension oppressant. Ali est à bout et son mutisme, ses silences, sa solitude, accompagnés par des plongées récurrentes, racontent et condensent dans chaque parcelle du film une société implacable créant des êtres en perdition, poussés à leurs limites. La pression monte crescendo, le pari du film est déjà gagné. En brouillant peu à peu les pistes, le réalisateur qui n'exprime jamais frontalement sa critique du régime, crée une richesse inouïe et marque son œuvre d'une puissante amertume. Parcourue par la caméra, une photo à la Easy Rider semble porter les cendres de la révolution. Tout reste à changer, semble t-elle dire. L'épure stylistique, grande force du film, guide le public dans sa découverte plutôt que de l'enfermer dans l'imposition d'une idée ou tendance politique. Et si le film fonctionne, c'est particulièrement grâce à l'intelligence du réalisateur qui laisse au spectateur sa liberté d'ouvrir le débat en déchiffrant les signes disséminés tout au long du film. La compréhension d'une situation politique n'est jamais aisée, vu le nombre de sources croissantes et disparates dans le bourbier médiatique actuel. Mais ici Pitts réussi un exploit appréciable : celui de rendre intelligible une situation sans totalement la démocratiser, il joue avec la curiosité du spectateur et reste aujourd'hui un de ces cinéastes qui porte une véritable réflexion forte de sens. Si Ali est le miroir d'une génération qui se tait, Rafi Pitts quant à lui est le prisme d'une génération dont l'expression peut exister par le médium cinéma Cela est un petit pas certes, mais un pas définitivement marquant. S.L.P. Réalisation et scénario Rafi Pitts LA SEMAINE PROCHAINE : Une Soirée organisée avec le département des Arts Plastiques 18h : Écrans Variables - présentation des génériques de Saul Bass par Jean-Pierre Berthomé 20h30 : Vertigo, Alfred Hitchcock, 1958, 2h07, DCP Photographie Mohammad Davudi Montage Hassan Hassandoost Direction artistique Malek Jahan Kazai Production Thanassis Karathanos et Mohammad Rez Takhtkesian Avec Rafi Pitts, Mittra Hajar, Ali Nicksaulat, Malek Jahan Kazai, Gholamreza Rajabzadeh ...
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