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00_P55_UnePalaceCMok_11mm:Palace
13/11/14
Modes,
arts et
créations
à Paris
Bérénice Bejo
Julianne Moore
Brad Pitt
Laura Smet
Tahar Rahim
Jessica Chastain
Spécial
Glamour
Mais c’est quoi
le glamour?
Le glamour flou
Mode au
Moulin Rouge
La poésie du
mauvais temps
Palacescope
l’agenda
très parisien
N U M É R O
5 5
English
Text
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10 ans
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DjemilaKhelfa
ans les landes de la vieille Ecosse, un
“glamer” était un sortilège, un envoûtement qui n’est pas sans rappeler le chant
magique du Carmen latin. Un amoureux allait
trouver la sage doyenne du village et la rétribuait
pour envelopper sa promise d’un charme d’invisibilité qui empêchait les autres jeunes gens de la
convoiter. Puis, est née une seconde légende outreAtlantique cette fois: les écrans de Hollywood scelleront pour l’éternité le «pou poupidou» de Marilyn
ou le sex-appeal de Lauren Bacall, l’une des femmes
les plus glamour du cinéma américain, distillant
avec une précision chirurgicale ce subtil mélange de
décence et d’audace, de sensualité suggestive et de
maniérisme vertigineux, de séduction apprêtée et
sage se disputant un prestige érotique insolent.
Dans le panthéon de ces tentatrices, citons encore
Lana Turner, épouse torride et manucurée, maîtresse d’un mécano-pompiste dansLe facteur sonne
toujours deux fois(1946, Tay Garnett). Toutes ces créatures avaient le charme et l’arrogance de celles qui
savent que leur état de grâce ne durera que le temps
de leur jeunesse.
Puis, Marlon Brando s’est féminisé en créant le
glam rock’n’roll, ruisselant de sueur sous un teeshirt déchiré avec les dents! Le glamour sexy est né
avec sa faune indomptée: et Dieu créa la bombe
Bardot. Avec ses obus, elle a pulvérisé la morale sous
nos yeux pétrifiés devant l’aplomb de cette Lolita
garçonne qui enfourchait les hommes et les Harley,
en cuissardes effrontées et mini-jupe ras l’outrage.
BB allait libérer la femme plus que ne le fera une
décennie de MLF.
Hollywood Boulevard a fait des émules sur la scène
rock : Vince Taylor, forçat du rock, débarque sur la
scène de l’Olympia en1961, gainé de cuir noir, le cou
lesté d’une lourde chaîne. Le glamour exulte au son
de Brand New Cadillac, bien plus érotisé cette fois. Les
New York Dolls et T-Rex androgynisent les salles de
concert de leur glitter rock, David Bowie immortalise l’hermaphrodite Ziggy, Brian Ferry ressuscite
Oscar Wilde, le dandysme rock triomphe, Mick
Jagger se déhanche surHot Stuff, joue les allumeuses
et méduse jusqu’à Diana Vreeland de ses lèvres “djemiliennes”, Iggy Pop invente «l’idiot» bestial, Lou
Reed enflamme la gent gay en tee-shirt et jean noir
moulants sur la pochette de l’album au titre prophétique Transformer… le glam s’essouffle avant d’expirer, Sid Vicious etMy Way l’exécuteront définitivement d’une overdose punkglamort!
Pour mon propre glamour, j’ai de longue date
franchi le mur du sexe tout comme le Rafale passe le
mur du son. Hommes, femmes, jeunes et vieillards,
l’hécatombe sur mon passage entre des maîtres
aussi éclectiques qu’Helmut Newton, Serge Kruger,
Thierry Mugler et James Brown, j’ai su faire la synthèse. Saint Thèse, priez pour nous!
DJEMILA KHELFA est directrice artistique, styliste et
auteur du blog www.djemila-k.com .
“In the wilds of old Scotland a ‘glamer’ was a spell, a
charm reminiscent of Carmen’s magic song. A lover
would go the village sorceress and pay her to envelop
his betrothed in an invisibility spell that would stop
any other young men coveting her” —Djemila Khelfa,
fashion journalist
Marc-Antoine Coulon
Les légendes du glamour
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Marc-AntoineCoulon
«Pas de glamour sans
une certaine forme
d’érotisme»
L
e glamour est une alchimie très particulière, qui peut se définir surtout par son
empreinte. Une femme qui vous subjugue
laissera derrière elle une fragrance, le souvenir d’un
battement de cil, le souffle d’une voix encore suspendu dans les airs, alors qu’elle est déjà partie.
C’est d’ailleurs là toute la beauté du souvenir, de la
persistance rétinienne engendrés par cette apparition. Une sorte d’irrésistible mélange de beauté
incarnée et éthérée tout à la fois. Comme le parfum
que l’on garde au cou après un baiser. Ou comme la
trace d’un rouge à lèvres sur la joue après une
étreinte – une signature attestant du passage du
mystère sur votre peau. Car la femme est mystère.
Truffaut a magistralement défini cette troublante
ambiguïté, dans Baisers volés, avec la tirade de Delphine Seyrig venue retrouver Jean-Pierre Léaud
dans sa chambre: “Je ne suis pas une apparition,
je suis une femme.”
elle qui représente pour moi le mieux cette
idée pourrait être Catherine Deneuve. Elle
évolue tout armée de son mystère. Le silence qui suit
Catherine Deneuve est encore Catherine Deneuve.
Je reste marqué par cette scène deManon 70, film
pourtant mineur mais délicieux où, dans un battement de paupière fardée, elle adresse un souriant
“je ne vous aime pas” à son amant futur, qu’elle
détruira.
Je n’ai jamais considéré une femme glamour
comme un objet. Je pense, au contraire, que cette
femme-là, si elle peut sembler offerte, en fait dirige,
décide. Elle choisit ce qu’elle donne, à un moment
précis. Sous le fard s’affirme la femme de pouvoir.
Il n’y a guère plus charmant spectacle que celui
d’une femme qui se maquille. Le regard qu’elle
s’adresse dans le miroir est d’une vérité absolue. Les
gestes précis, délicats, presque professionnels, soulignent, caressent les contours de son visage. Je
pense qu’il n’y a pas de glamour sans une certaine
dose d’érotisme. La chevelure onctueuse comme
une coulée de miel, les délices de la féminité
C
assumée, dans ses formes, dans ses postures, dans
ses parures, invitent à un plaisir sensuel, que l’on
cueille ou pas cette femme corolle.
MARC-ANTOINE COULONest illustrateur de mode
et portraitiste.
“There is hardly more charming spectacle than a
woman putting on her make-up. The way she looks
at herself in the mirror contains an absolute truth.
There’s no glamour without a certain amount of
eroticism. Smooth hair like a river of honey, the
delights of a lived-in femininity, its shapes, its
postures, its finery, all invite the viewer to a sensual
pleasure, whether or not this female flower is
picked” — Marc-Antoine Coulon, illustrator.
PA LACE COST ES NOVEMBRE / DECEMBRE 2014
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“Je n’ai jamais
considéré
une femme glamour
comme un objet.
Je pense, au contraire,
que cette femme-là,
si elle peut sembler
offerte, en fait dirige,
décide.”
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