EBATS de SENS N°19

ACTUALITÉS DU MOMENT Août 2014
EBATS DE SENS
19
EDGE
«Red
Freestyle»
Les carnets de brouillon
de la galerie Sens Intérieur
«La vie est un brouillon qu’on ne mettra jamais au propre»
Wolinski
Aérosol,
huile &
acrylique
sur toile
120*120
cm
Du 8/08 au 4/09/2014 : Art Graffiti (exposition en galerie
& hors les murs en partenariat avec SOKO LODGES)
DIZE & NEBAY accompagnés de AZTEK, CUBS, DEREK,
EDGE, FYRZE, MEDRA, SOKLAK, YOME & Benoît TABARY (sculpteur)
Vernissage le vendredi 8 août à partir de 19 h
Le vendredi 22 août à partir de 19 h et autour d’un
cocktail : Conférence «Jean-Michel BASQUIAT»
par Joëlle EYRAUD précédée et suivie d’un moment
musical (Jean-Marc EYRAUD à la guitare, Nans EYRAUD à
la basse, Yannick NURY aux percussions), inspiré du film
«Downtown 81» (J. M. BASQUIAT, sous le pseudo de
SAMO, en graffiti de rue sur fond de culture ultra-hip de
l’ère post-punk à Manhattan)
EDITORIAL
Cette cinquième exposition
de la saison est essentiellement
consacrée à l’art graffiti, comme de
tradition tous les deux ans depuis
l’ouverture de la galerie.
Cette année, 10 artistes
graffiti couvriront non seulement les
murs de la galerie, mais également
ceux de 10 chalets du camping
SOKO LODGES, situé à deux pas de
la galerie.
Cette opération «hors les
murs», idée de la galerie Sens
Intérieur, a reçu le plein
consentement et le soutien financier
du gestionnaire du camping, David
LUFTMAN, désireux de créer du lien
social.
Cette exposition graffiti tout
particulièrement chaude en couleur,
accueillera, de volonté délibérée, les
sculptures gris-métal-froid de Benoît
TABARY.
Enfin je vous recommande
de réserver votre soirée du 22 août
pour ce qui sera le point d’orgue de
cette exposition : la conférence sur
Jean-Michel BASQUIAT et les
moments musicaux qui
l’accompagneront en «live».
Vous remonterez ainsi au
Big Bang des arts issus de la rue, arts
aujourd’hui aux cimaises des plus
grands musées du monde.
Bruno BERNARD
PENSÉES DU MOMENT Août 2014
AZTEK - «Bipolaire» (Diptyque : Pole 1) - 50*100 cm
DEREK - «Cityvandal 13» - Bombe,
gouache & acrylique - 89*116 cm
FYRZE
«So Much Troubles» - 116*89 cm
SOKLAK - «Orbit double» - 110*110 cm
MEDRA
«Free Style»
100*100 cm
CUBS
«Just said I love you»
116*73 cm
YOME
«Bella Donna»
40*30 cm
ACTUALITÉS DU MOMENT Août 2014
AZTEK
CUBS
DIZE
DEREK
FYRZE
YOME
MEDRA
EDGE
NEBAY
SOKLAK
ANALYSE D’UNE OEUVRE Août 2014
Analyse d’une oeuvre :
celle de DIZE
Né en 1974 à Tahiti, DIZE découvre le tag
à la fin des années 80 et commence sa vie d’artiste
«graffiti» en 1990 avec les 90DBC (Bears) et les CP.5.
(K.son).
Il crée avec Kaor le groupe VMD qui fédère
d’autres tagueurs tels que AKIZE, WIRE et FENX.
Ensemble, ils créent un graffiti dont le style
et la dynamique font toujours école de nos jours et
continue d’être propagé depuis par plusieurs
nouvelles générations d’artistes tels que RUES,
POES et TOMEK.
En 1995, il rejoint les groupes UV et TPK
(RAP, FUZI, EYONE) dont l’objectif est de ramener
le graffiti à sa forme la plus pure, dans la lignée des
artistes de New York des années 70.
Il tag et peint avec acharnement la ligne de
Paris- St. Lazare.
Ce travail de rue, sur voies, trains et
métro résonnera à travers toute l’Europe.
En 2001, il intègre le groupe GT : Grim
Team (CHAZE, CREEZ, TURS, PRO, GOZE) avec
qui il réalisera notamment de nombreuses fresques
murales.
DIZE
«Silver
Shot»
130*97
cm
DIZE : Collection DIZASTER
aussi dans la création haute couture
Ses compositions, associant une parfaite
maîtrise des lettres, des couleurs et de la culture
Comics US, lui assureront une reconnaissance
mondiale.
Puis il intègre le collectif 156, fondé par
JONONE.
Une grande partie de ses oeuvres a
aujourd’hui intégré de grandes collections privées.
DIZE, DEAS, DYZ, DIZER,
DIZASTER ...
Autant de pseudonymes «graffiti» que d’évolutions,
de révolutions dans son art calligraphique.
DIZE est avant tout un tagger. Il peint vite,
avec des gestes mécaniques, instinctifs qui feraient
oublier un immense travail d’investigation
stylistique. Ses carnets personnels en témoignent.
Il est considéré aujourd’hui comme l’un des
graffeurs français les plus créatifs et prolifiques de sa
génération.
Ces créations les plus récentes ont un
substrat «organique» et un dépouillement «aérien».
PENSÉES DU MOMENT Août 2014
La créativité comme moteur
essentiel ... et même existentiel
( Suite ... sans fin ... des EBATS de SENS précédents )
« Le street art au tournant – Reconnaissance
d’un genre» - 2013
d’éruptions artistiques d’une tectonique des plaques
culturelles.
de Christophe GENIN (Professeur à la
Sorbone, agrégé de philosophie, travaille sur
les cultures émergentes et populaires)
BANKSY a même retourné l’objection : le
vandalisme n’est pas le fait des graffiti artists mais des
marques publicitaires qui envahissent l’espace public
et les cerveaux, ce qu’il nomme du mot-valise
brandalism, le vandalisme des marques.
Extraits :
L’art urbain relève de deux sources.
D’un côté, une pratique contestataire d’origine
européenne, affirmée dès le milieu des années 1950
par des artistes sortis des écoles d’art ou des
universités, fait converger intention politique et acte
artistique pour changer de système économicopolitique, et inscrit sur les murs des propositions, des
symboles et des pochoirs engagés. Cette lignée
situationniste, anarchiste, communiste, perdure dans
les mouvements alternatifs et antipub, et recourt
majoritairement à la proposition, au pochoir, à
l’affiche.
D’un autre côté, une pratique protestataire, d’origine
nord-américaine, née à la toute fin des années 1960
dans des groupes d’autodidactes en graphisme, mêle
individualisme et communautarisme, aspirant a
posteriori à réformer le système pour être reconnue
par lui, s’y intégrer, en profiter.
Ces deux perspectives ont des façons différentes de
s’approprier l’espace urbain et de lui donner sens.
Se disséminant de rue en rue, de paroi en paroi, ces
marques prolifèrent en multipliant les gestes
artistiques : writings pour les lettrages, tags pour les
signatures, graffs pour les frises murales, stencils pour
les pochoirs, post-it war pour les mosaïques de blocnotes, adbusting pour le détournement publicitaire,
flash-mobs pour les performances collectives
téléphonées, paintlighting pour les jeux de lumière
graphiques, et même tricot-graffiti pour les mailles
radicales et militantes.
Art ou vandalisme ?
Les graffitis de Paris en 1968, ceux d’Athènes en
1973, ceux de Berlin en 1985, ceux de Gaza en 2005,
ceux du Caire en 2012 n’ont rien de politiquement
répréhensibles, puisqu’ils proclament une liberté
d’expression.
Bon nombre de tagueurs de New York luttent pour
une reconnaissance par le système, mais non contre
le système.
Encore aujourd’hui bon nombre de graffitis et de
peintures murales surgissent aux points de friction, de
contradiction de deux aires de civilisation, sorte
Comme le notait KANT, le propre de l’invention
artistique est de faire école et de constituer de
nouveaux repères de jugement.
Contrairement à l’idée reçue, les divers graffitis ne
contribuent pas à dégrader un bâtiment et à le ruiner.
Ils viennent ranimer un espace, un habitat déserté,
des endroits désaffectés, des « caries » urbaines, des
espaces pourris qui deviennent des squats où se
réfugient des miséreux. Ces dessins n’augmentent pas
la dégradation. Au contraire ils constituent le chant
du cygne d’un quartier condamné …
La reconnaissance des graffitis comme art doit
beaucoup aux multiples innovations et transgressions
de la peinture du XXème siècle, que ce soit L’œil
cacodylate de PICABIA la gestuelle de HARTUNG,
POLLOCK, MATHIEU ou TWOMBLY , l’art brut
de DUBUFFET dont la série Les Murs en 1945
illustrant un texte de GUILLEVIC, la matière de
TAPIES ou la figuration de COMBAS. Cependant,
un artiste donne explicitement tout son sens et sa
valeur à cette esthétique de défait : VILLEGLÉ. Dès
1956 ses premières affiches lacérées montrent des
lambeaux surchargés de graffitis politiques.
L’Internationale Situationniste vit dans l’inscription
de rue, un activisme politique propre à délier les
consciences comme un art de situation. Ainsi Guy
DEBORD conçut ces pérégrinations urbaines au gré
des signes selon une éthique de la dérive.
Les deux pionniers de l’intervention artistique in situ
sont Ernest PIGNON-ERNEST et Gérard
ZLOTYKAMIEN. Ces deux artistes sont importants
par la césure et l’apport qu’ils incarnent.
Classiquement, l’art représente le pouvoir, qu’il soit
magique, religieux, politique, économique, militaire.
En quittant les salons, les galeries, et en se projetant
dans et par la rue, ils inversent le cours des choses.
Non plus une galerie ouverte sur la rue, mais une rue
faite galerie.
Le street art n’est pas le manifeste d’un groupe, ne
repose pas sur un principe artistique ou politique, n’a
pas un foyer identifié dans le temps et dans l’espace.
Comment le nommer alors ? Un courant ? Je préfère
dire une clameur. Une clameur qui a différentes
phases, différents foyers, et qui gagne le monde.
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PENSÉES DU MOMENT Août 2014
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Même si le street art est indéniablement devenu une
part importante du marché de l’art et un
renouvellement de notre univers visuel, il continue de
témoigner d’une intelligence de la rue comme
rendez-vous de la variété humaine. Des mots
d’amour, jetés à même le sol, aux fresques
monumentales, des œuvres à petit budget aux
enchères internationales de haut vol, il s’agit d’un
phénomène planétaire et contradictoire. Il court dans
tous les pays, des plus développés aux plus pauvres,
comme Madagascar, des plus sages, comme la Suisse,
aux plus turbulents, comme l’Egypte ou la Tunisie.
Dans nos sociétés policées et policières qui font de la
rue un espace sous surveillance, un lieu de contrôle
insidieux pour homogénéiser les comportements et
anticiper toute forme de dissidence, l’art urbain
réintroduit du grain, de la disparité, de la surprise et
de la rencontre, redonnant des occasions de mélange
et d’échange. Il redonne à nos trajectoires, à nos
humeurs, à nos songes cette part d’imprévisible, et
par là même d’incertitude, où flotte un air de liberté.
NEBAY - «Coloriage tenace» - 100*100 cm
Le street art me semble être l’image de notre monde
globalisé : un méli-mélo de courants et contrecourants simultanés projetés sur un même plan, de
cultures métissées ou adoptées.
Quel bric-à-brac visuel ! C’est le nôtre, univers du
sampling, du zapping, des cultures métisses et des
unions mixtes. Le risque est celui d’une
déstructuration de l’esprit dans le clash perpétuel
d’informations hétéroclites ou contradictoires. Mais
c’est le monde tel qu’il nous est donné à recevoir
aujourd’hui, et les artistes, dans ce chaos de formes et
de couleurs, tentent d’en faire une promesse de vie
commune. Ils nous donnent la chance d’une
rencontre heureuse.
Cela fait quelques soixante ans que la jeunesse d’hier
et celle d’aujourd’hui voient dans la rue la source
d’inspiration de l’art. Elle nous donne un autre
monde à penser, celui d’une mondialisation effective,
bouleversant les images et les usages coutumiers. La
jeunesse est avide de s’approprier le monde qu’elle est
amenée à gouverner tôt ou tard. Elle n’est pas si folle
que cela. Elle trace, sous les mille lacis des
entremêlements et des réseaux planétaires, une ville
où vivre, aimer, partager auront toujours du sens.