claude vivier chants… éd i t io n 3|9 noyé dans son chant qui se meurt 11 | 17 drowned in his dying song 19 | 25 le mot a son parfum, sa couleur, son âme 27 | 33 the word has its own scent, its colour, its soul 34 | 37 chants 40 | 53 love songs 54 | 75 journal 76 | 76 les jeunes solistes 77 | 77 the young soloists 79 | 79 rachid safir 80 | 80 france télécom, mécène de la musique vocale 81 | 81 france telecom, a patron of song Les enregistrements se sont déroulés en l’Église Réformée de l’Annonciation, rue Cortambert à Paris les 8 et 9 avril 2002 : Love songs du 27 au 31 mai 2002 : Journal le 31 mai 2002 : Jesus erbarme dich les 1er et 2 juillet 2002 : Chants Prise de son, direction artistique et montage : Joël Perrot cd1 1 jesus erbarme dich (1974) 03 : 09 éditeur : gordon v. thompson, toronto (1977) soprano : brigitte peyre et chœur 2|6 chants (1973) 20 : 55 édition transatlantiques - paris (1973) brigitte peyre, raphaële kennedy, sandra raoulx, julie hassler, anne-marie jacquin, els janssens et martine guilbaud 7|9 love songs (1977) 22 : 08 isabelle fallot, raphaële kennedy, brigitte peyre, sandra raoulx, adrian brand, jean-christophe jacques et jean-louis paya DURÉE TOTALE 46 : 12 cd2 journal (1977) textes du compositeur, avec extraits de mark twain, lewis carroll, friedrich von hardenberg (novalis)… et de la liturgie soprano : brigitte peyre, contralto : els janssens, ténor : laurent david, basse : jean-christophe jacques, chœur, percussions : fabrice marandola 1|4 l’enfance 09 : 25 5|8 l’amour 16 : 39 9 | 10 la mort 13 : 05 11 après la mort 06 : 29 DURÉE TOTALE 45 : 38 noyé dans son chant qui se meurt jean-noël von der weid Plein d’angles et d’épouvantes, pourtant ébloui par le bouillonnement de feux exacts, Claude Vivier fut homme que la vie suffoqua. Car la vie, quand elle n’est pas lourde d’ombre, de musique, et peuplée d’amples cœurs, impose trop de croupissements pour qu’on puisse la supporter très longtemps. Il naît trois fois. Écrit-il le 20 mars 1975 : « À Montréal en 1948, à la musique avec Gilles Tremblay en 1968, à la composition avec Stockhausen en 1972. » Toute la vie de Vivier renvoie à son œuvre qui se réfléchit dans ses marches : point d’anecdotes gourmeuses ou de colique nombriliste, mais la recherche d’une identité, d’une langue à lui, de ses origines, de fraternité et d’amour, la traque passionnée de l’éternité mystique, (« […] parfois je voudrais mourir regarder l’éternité en face sentir la nuit et palper ses étoiles mystiques je voudrais l’héroïsme de Zorro et mourir cent fois pour une belle Espagnole ich liebe die Nacht mystiche und unerklärbare 1 j’aurais un atomiseur et je pourrais détruire tous les méchants qui empêchent la bonté de survivre Er sagte “Glaubst du an die Unsterblichkeit der Seele” “Ja” sagte ich “ich möchte mich sogar ertrinken”. ») – une quête hantée par l’indétachable mort, toujours, la voracité du réel, l’opaque de l’espace. « La vie du créateur, écrit-il, doit vibrer en harmonie parfaite avec les lois cosmiques souvent incompréhensibles. Il doit traduire ses visions d’univers chimériques – il voit non pas avec ses yeux mais au travers d’eux ! (…) Il doit accepter totalement ses coordonnées cosmiques, terrestres et humaines. Produit d’une terre, d’un pays et d’une culture, il n’en est que l’humble représentant. (…) Le fait de savoir, dès 6 ans, que je n’avais ni père ni mère m’a procuré un univers de rêve mer1. Texte trouvé dans les notes de composition de Glaubst du an die Unsterblichkeit der Seele (« Crois-tu en l’immortalité de l’âme »), dernière œuvre, inachevée, pour chœur, 3 synthétiseurs et 2 percussions. Traduction de l’allemand : « J’aime la nuit mystique et indéchiffrable (…) / Il dit / “Crois-tu en l’immortalité de l’âme” / “Oui”, dis-je / J’aimerais même me noyer. » 3 veilleux ; je façonnais mes origines comme je le voulais, feignais de parler des langues étranges. La réalité que je côtoyais chaque jour était hélas d’un commerce très dur, musclé. (…) Vint alors la grande période mystique de ma vie, je découvrais que ma souffrance avait enfin un sens, que ma vraie mère devait ressembler à la Vierge Marie, ma sensibilité se raffinait de plus en plus, je tirais un voile autour de moi ; j’étais enfin protégé ! » Images « touchantes », « naïves », « gentilles », gazouillent force commentateurs érudits (la musique, hop ! dans la même moulinette). Il n’est que de lire et d’écouter Claude Vivier avec contention pour que s’esquissent les échafaudages de déserts noirs en préparation. Au juvénat de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal, il poursuit des études qui le destinent à la prêtrise : catholicisme intolérant et lubrique ; flegme enjoué de la Vierge au corsage blanc boutonné, léger comme une fumée, qui fait valser les sons et va fleurant l’encaustique et l’encens. Il persévère dans sa formation musicale, touche l’orgue, compose des préludes, mieux, « rencontre » la musique lors d’une messe de minuit, alors que des taches de lune s’écrasent sur nef et jubé. Sa vie fait peau neuve : « Inconsciemment, j’avais trouvé l’instrument idéal pour exprimer ma recherche de pureté et aussi la raison même de mon existence future. » Et : « En fait, ma propre formation, mon enfance, m’avait formé surtout sur la mélodie et l’harmonie, et aujourd’hui [dix ans plus tard] ma musique est construite sur la mélodie et l’harmonie ! J’avais appris ce jour-là une grande leçon : moi, le mélodiste découvrais que comme une mélodie peut contenir une harmonie qui est inhérente, elle peut aussi contenir des mélodies complémentaires – ces mélodies complémentaires étant directement reliées à la mélodie principale par des liens tout aussi inhérents et “naturels” (…). Ce type de pensée permet, entre autres choses, de structurer simultanément les rapports verticaux et horizontaux de la musique. » Voilà où se niche la complexité de cette musique, la richesse de la mélodie, sa subtilité irrésistiblement magique. On lit, dans le texte de Kopernikus, Opéra-rituel de mort : « Une mélodie sera ton guide et l’ardeur du soleil changeant lentement te transformera. » Lonely Child, sa pièce la plus personnelle et la plus connue, « n’est qu’une mélodie ». – Le chant rêveur de Schumann. Mais, en juin 1975, au bout de deux ans, fin des études religieuses : on l’expulse pour « manque de maturité ». La religion, elle, ne le quittera plus, à quoi il donne une nouvelle dimension : « La musique est d’es- 4 sence religieuse. » Et : « La conscience musicale (…) est le reflet exact d’une réalité spirituelle. » Et puis : Liebesgedichte est une œuvre « contenant l’amour de Dieu pour les humains et aussi l’amour des humains pour Dieu ». Ou encore : « Après avoir terminé une œuvre ou une partie d’œuvre, la réflexion qui me vient est la suivante : “Me sentais-je comme au jour de Noël ?” » Claude Vivier décide d’entrer au conservatoire de Montréal, y étudie quatre ans, jusqu’en 1970, la composition avec Gilles Tremblay, le piano avec Irving Heller. « Mais reste un élément encore non exprimé : ma sexualité. Encore catholique, il m’est difficile de croire que je sois homosexuel. Mais de plus en plus une autre certitude grandit en moi : je suis un compositeur ! et le transmetteur que je suis ne peut s’embarrasser d’un problème somme toute mineur. Car maintenant c’est la musique qui a besoin de moi. » Vivier écrit alors les premières œuvres qui le feront connaître, en particulier le post-sérialiste Prolifération, où il appareille vers ses langues, vers une pullulation grouillante de mots et phonèmes. Exemple, plus tard, dans Chants : « La majorité des textes ont été écrits par moi au fur et à mesure de la composition, dans une langue inventée, basée davantage sur le contenu émotif des sons que sur des systèmes de transformation. » Dans Prologue pour un Marco Polo : « Trois niveaux de langage sont utilisés : le français littéraire, une langue qui parle plus de Polo qu’elle ne le fait parler et aussi une langue qui, par l’écriture musicale, nous guide vers une autre langue : la langue inventée et cette langue est surtout celle de l’incompréhension générale à laquelle se buta le pauvre Marco… ; enfin un troisième niveau : une discussion des deux protagonistes de l’œuvre, le compositeur et l’auteur [le poète Paul Chamberland], sorte de réflexion en temps sur un être hors temps. » En 1971, nouvelles illuminations : une bourse lui permet de gagner l’Europe, d’y étudier à l’institut de Sonologie d’Utrecht avec Gottfried Michael Koenig ; la note de programme, due à Vivier, de la première œuvre composée en Europe, semble-t-il, Musik für das Ende, pour 20 voix mixtes, comprend ce qui pourrait être la formulation poétique de son histoire : « Arrive de quelque part un être seul, perdu dans l’étrange cérémonie qu’il voit se dérouler devant lui ; il cherche, il veut naître, et c’est en assumant la musique de l’être qu’il s’est formé (,) qu’il naîtra. » ; à Paris il travaille avec Paul Méfano; à Cologne auprès de Richard Toop (assistant), Hans Ulrich Humpert (électroacoustique) et Karlheinz Stockhausen (composition), lequel exerça une influence décisive sur ses œuvres vocales, chorales surtout (Stockhausen compose Stimmung en 1968). Là, Vivier fait la connaissance d’autres étudiants : Peter Eötvös, Klarenz Barlow, Julian Bibby, 5 Robert HP Platz, ou Walter Zimmermann qui partageait sa chambre. Il renonce à une écriture structuraliste, ou «conceptuelle » – « cet adorable impondérable, vivant seul dans le castel de sa Vérité hégélienne » –, développe un style hautement personnel, plus épuré, sans aliénante grenaille. Naît alors la mort. La mort, à rien ne peut se comparer, parce qu’elle ne ressemble à rien : « J’ai peur, se lamente-t-il, je ne vois plus rien, plus rien que le reflet de mes yeux, mes yeux dans le vide. » Maurice Blanchot a raison : la mort n’est pas la mort et c’est cela qui est terrible. Concept vide, elle glace de stupeur, féconde et attise une terreur sans point d’ancrage, errante et hagarde. Elle ouvre des gouffres qui s’ouvrent les uns sur les autres, qui se dévorent les uns les autres. Vivier tout à la fois refuse avec rage la douleur absolue, semble fuir un indicible pressentiment, désirerait sa propre mort (il fut sauvagement assassiné à Paris). L’année de sa mort, en 1983, il écrit à son amie Thérèse Desjardins : « Je ne sais pas pourquoi – il me semble que je veuille vaincre la mort sur son propre terrain, la rendre libératrice de l’être ouvert sur l’éternité sans passer par la mort, sans payer un tribut au vieux Passeur de l’Achéron.» Ou au « Miracle aisé de la Mort » d’Emily Dickinson. Les œuvres qui naissent ne constituent pas un « précis de décomposition », des œuvres mercenaires ou des charniers de notes, non plus que des passions pathétiques ou boursouflées. Elles clament plutôt, étrangement, comme le Virgile de Hermann Broch : « Rire sous la voûte de la mort, quand, transformée en rocher, elle descend vers la mer scintillante. » Ce rire affleure, en catimini, tout paré de chatterie, dans le voluptueux mais inquiet d’intervalles serrés et d’agrégats, Jesus erbarme dich (l’accelerando « tu/ ta/ ti/ tu/ ta/ ti/ tu/ ta/ ti ») ; il se moque dans le tintinnabulement des grelots indiens de Chants, annonce les sombres ricanements de la mort dans le martèlement de gong de Journal – s’étouffent et se perdent au loin les cliquetis d’osselets des csardas macabres de Liszt… Mais Chants, outre sa « teinte surréaliste » et maint pigments issus de Momente de Stockhausen, est un « véritable rituel de la mort », dévoile Vivier, un « requiem, trois femmes en présence de leur mort et leurs ombres, la septième voix étant ma voix au milieu de ce rite de la mort » ; un alter ego, « une sorte de personnage à la Beckett », spécifie le compositeur. De retour au Canada en 1974, Claude Vivier peine à trouver des points de repère dans une culture musicale jeune, vaste, mais congestionnée d’influences extérieures. Aussi cherche-t-il l’ailleurs ailleurs. 6 En 1976, dans la louche mythologie hindoue de Siddhartha, de Hermann Hesse, qui suscitera la pièce homonyme pour grand orchestre (que n’a-t-il choisi Le jeu des perles de verre ! – que Stockhausen dit lire encore). La même année, il s’embarque pour l’Orient, court ce monde (de 1976 à 1977, Japon et le théâtre kabuki, Thaïlande, Iran, Java), séjourne trois mois à Bali. Le polyglotte Vivier apprend « l’indonésien et deux niveaux de balinais », affine encore sa musique, non en s’abouchant à un pseudo-folklorisme ou à une philosophie de la vie dite orientale, mais en « s’intégrant », au point qu’on lui donna le nom balinais de Nyoman Kenyung (« le troisième né riant »). Une expérience et des retombées analogues à celles d’Antonin Artaud – qu’il avait lu dès 1971. Artaud assiste à une représentation du Théâtre Balinais pendant l’Exposition coloniale qui se tint à Paris, au bois de Vincennes, de mai à novembre 1931. Quand il évoque ce spectacle comme « une sorte d’orchestre de modulations et de gestes, semblable à l’orchestre instrumental qui lui sert comme de tissu ou de fond », ne peut-on penser à Journal, à son début principalement ? Et ne perçoit-on pas, intrigué, quelque assonance entre ces mots d’Artaud : « Il y a en outre le rythme large, concassé de la musique, – une musique extrêmement appuyée, ânonnante et fragile, où l’on semble broyer les métaux les plus précieux, où se déchaînent comme à l’état naturel des sources d’eau, des marches agrandies de kyrielles d’insectes à travers les plantes 2 (…) », et les précisions de Vivier, sur le rythme comme série d’équilibres et de déséquilibres autour d’un pôle, le « concept tridimensionnel » : « ici les changements sont symétriques mais ils pourraient être asymétriques, ces niveaux pourraient être multiples et appartenir à une organisation elle-même tridimensionnelle, et ce moment est ressenti physiquement chez le musicien car en plus, ce moment correspond souvent (…) aux moments rythmiques en équilibre » ? Ou entre la «prodigieuse mathématique » du théâtre balinais, et la subtilité du kotekan, une technique de contrepoint enchevêtré, dévidée dans Kopernikus par exemple (au second acte principalement). Ce voyage en Orient 3 entraîne l’éclosion de nouveaux effets sonores, de timbres caractéristiques, traits hardiment forcés par Vivier, mais qui paradoxalement, ouvrent d’une part sur un nouveau dépouillement de l’expression, de l’autre sur une conception très personnelle du phrasé, du rôle social et concret de la musique (l’artiste comme assise de l’organisation sociale). Ici, pas de suintements nouvellement simples, pas de fricoteries spectrales non plus que de messianismes multicartes, mais de l’in2. Antonin Artaud : Le théâtre et son double, « Sur le théâtre balinais », in Œuvres complètes, t. IV, Gallimard, Paris 1978, p. 56. 3. Pour d’autres retombées de l’effervescence orientale, lire la correspondance de Gérard de Nerval, datée du début des années 1840, ou celle de Gustave Flaubert, allant de 1849 à 1851. 7 telligibilité, de la densité – la clarté de l’eau de l’émeraude. – Une vague sans ressac. Claude Vivier devient ce qu’il est le plus. En 1977 4, deux œuvres, parmi d’autres, Love Songs et Journal, étroitement enchaînées, témoignent de cet art neuf. Love Songs, « un carnet de voyage intérieur » (le voyage à Bali, lui, ne fut « finalement qu’un voyage au fond de (lui)-même »), fait partie de pièces qui puisent à des sources extra-musicales telles que Hölderlin (Wo bist du Licht!), Thomas Mann (Lonely Child), le poète de la Comédie (Lettura di Dante). Dans Love Songs, Roméo, Merlin l’Enchanteur, Peter Pan, une comptine anglaise escortent Virgile, Shakespeare, Hesse, Novalis ; moins le Novalis des Hymnes à la Nuit et de Heinrich von Ofterdingen, le révélateur de l’âge d’Or ou le chevalier lézardé aux yeux piqués de fleurs d’azur, que l’encyclopédiste, l’auteur des « Fragments logologiques », de « Pollens » et des « Poéticismes », pour qui « le génie est suprêmement poétique », pendant que « chaque germe est une dissonance – une relation déficiente qui doit peu à peu se compenser ». Dans le très autobiographique Journal, on retrouve de nombreux personnages de la mythologie ou de contes enfantins, comme Merlin, Mister Pickwick, Pinocchio, la fée Carabosse, Bruder Jakob ; on croise des personnages historiques tels que Roméo et Juliette, Tristan… Des astres ressurgissent : épris d’astronomie, profondément marqué par « la poésie des espaces sidéraux de la musique de Stockhausen », Vivier espère, dans Kopernikus, « jouer à saute-mouton de galaxie en galaxie, que (ses) cheveux serviront de sentier aux mains des planètes joyeuses » ; dans Journal, « Je vous salue être des dimensions éthérées ! Et Véga et Dened (sic), Arcturus Toutes les étoiles Véga Dened Toutes les étoiles dimensions éthérées Hé ho, hé ho, musiques subtiles Subtiles, subtiles Emplissant mon âme Mon âme mon âme Soudain l’amour devient possible 8 4. L’année où George Crumb signe sa vaste « parabole » Star Child, qui succède à Ancient Voices of Children, laquelle s’achève sur cette éloquente prière : « Je monterai jusqu’aux étoiles pour demander au Christ, Notre Seigneur, qu’il me rende mon ancienne âme d’enfant. » Devient possible musiques subtiles ». S’y dévoilent aussi des textes et des poèmes de son invention ou en langue inventée; on tombe sur Novalis à nouveau, et, dans la troisième partie, intitulée La mort, sur Maïakovski, dont le nom, plusieurs et plusieurs fois, est évoqué et invoqué, épelé, martelé et cajolé, puis ponctué par l’éclatant fracas du tam-tam – une détonation. Vivier trouve un frère en ce monolithe cosmique, émerveillant artiste, baladin de langues bâties, «éternel blessé d’amour », et révolutionnaire n’affichant que gluant mépris pour le fixe arpentage du monde. « Hélas, clame Vivier, l’homme refuse ses rêves et agit en fonction de critères extérieurs, cadrés, comptés, cadastrés, acceptés par la société. La société refuse son délire. » Les poissons ont leurs ailes brisées, l’immense rapetisse, les canailles paradent sous le ciel et ses loupiotes. Mais : « Je sais la force des mots je sais le tocsin des mots Pas de ceux que les loges applaudissent Des mots qui font surgir les cercueils pour marcher sur leurs quatre pattes de chêne (…) Je sais la force des mots. Un rien semble-t-il un pétale tombé sous les talons d’une danse Mais l’homme avec son âme ses lèvres sa carcasse 5. » Vivez vos ombres, avant que le tutoiement de la mort passe dans toutes les veines et qu’il se répande comme lèpre en catacombes. 5. In Vladimir Maïakovski. Du monde j’en ai fait le tour. Poèmes et proses. La Quinzaine littéraire, Louis Vuitton, coll. « Voyager avec…», Paris 1998, p. 341. 9 drowned in his dying song jean-noël von der weid Full of angles and frights, yet dazzled by the seething of exact fires, Claude Vivier was a man suffocated by life. For life, when not weighted down with darkness, music, and peopled with vast hearts, imposes too many stagnancies to be tolerated for very long. He was born three times, as he wrote on 20 March 1975: ‘In Montreal in 1948, in music with Gilles Tremblay in 1968, in composition with Stockhausen in 1972.’ Vivier’s whole life refers to his work, which is reflected in his marches: no racy anecdotes or selfcentred colic, but the search for an identity, a language all his own, a search for his origins, fraternity and love, the impassioned tracking of mystical eternity, (‘[…] sometimes I would like to die looking eternity in the face feeling the night and fingering her mystical stars I would like to have Zorro’s heroism And die a hundred deaths for one Spanish beauty ich liebe die Nacht mystiche und unerklärbare 1 I would have an atomiser And could destroy all the evildoers Who prevent goodness from surviving Er sagte “Glaubst du an die Unsterblichkeit der Seele” “Ja” sagte ich “ich möchte mich sogar ertrinken ”’) – a quest haunted by undetachable death, always, the voracity of the real, the opaqueness of space. ‘The life of the creator’, wrote he, ‘must vibrate in perfect harmony with the cosmic laws that are often incomprehensible. He must translate his visions of chimerical universes – he sees not with his eyes but through them! (…) He must totally accept his cosmic, terrestrial and human co-ordinates. Product of a land, a country and a culture, he is but their humble representative. (…) The fact of knowing, as of the age of 6, that I had neither a father nor a mother brought me a marvellous dream universe; I fashioned my origins as I pleased, pretending to speak foreign languages. The reality that I 1. Text found in the composition notes of Glaubst du an die Unsterblichkeit der Seele (‘Do you believe in the immortality of the soul’), his final, unfinished work, for chorus, 3 synthesisers and 2 percussionists. Translation from the German: ‘I love the mystical, incomprehensible night (…) / He says / ‘Do you believe in the immortality of the soul?’ / ‘Yes’, say I / ‘I would even like to drown myself.’ 11 encountered every day was, alas, very hard, brutal company (…) Then came the great mystical period of my life, when I discovered that my suffering finally had a sense, that my true mother must resemble the Virgin Mary, my sensibility was becoming increasingly refined, I was drawing a veil around me; I was finally protected!’ ‘Touching’, ‘naïve’, ‘nice’ images, babble a goodly number of erudite commentators (music, hup! under the same scrutiny). It is only by reading and listening to Claude Vivier with support that the scaffoldings of black deserts in the pipeline can be detected. At Saint-Vincent-de-Paul School in Montreal, he continued his studies, intending to enter the priesthood: intolerant and lubricious Catholicism; cheerful composure of the Virgin with her white bodice buttoned, as light as smoke, which makes the sounds fly and goes smelling of wax polish and incense. He perseveres in his musical training, playing the organ, composing some preludes. Even better, he ‘encounters’ music at a midnight Mass, when splashes of moonlight crash into the nave and onto the rood-screen. His life adopted a new image: ‘Subconsciously, I had found the ideal instrument for expressing my search for purity and also the very reason of my future existence’. And: ‘In fact, my own training, my childhood, had formed me, especially on melody and harmony, and today [ten years later], my music is built on melody and harmony! That day I had learnt a great lesson: I the melodist was discovering that, just as a melody can contain an inherent harmony, it can also contain additional melodies – those additional melodies being directly connected to the main melody by links just as inherent and “natural” (…). Amongst other things, this type of thinking allows for simultaneously structuring the music’s vertical and horizontal relationships.’ That is where the complexity of this music is lodged, the richness of the melody, its irresistibly magical subtlety. In the text of Kopernikus, Ritual-Opera of Death we may read: ‘A melody will be your guide and the heat of the slowly-changing sun will transform you’. Lonely Child, his most personal and best-known piece, is ‘only a melody’. – Le chant rêveur de Schumann. But, after two years, his religious studies came to an end: he was expelled for ‘lack of maturity’. But religion does not abandon him, and he would give it a new dimension: ‘Music is of religious essence’. And: ‘The musical conscience (…) is the exact reflection of a spiritual reality’. And further: Liebesgedichte is a work 12 ‘containing God’s love for humans as well as humans’ love for God’. Or yet again: ‘After having finished a work or part of a work, the following thought comes to me: “Did I feel as I did on Christmas Day?”’ Claude Vivier decided to enrol at the Montreal Conservatory, where he studied for four years, until 1970: composition with Gilles Tremblay and piano with Irving Heller. ‘But there remains an element not yet expressed: my sexuality. Still a Catholic, it is hard for me to believe that I am homosexual. But increasingly another certitude is growing in me: I am a composer! and the transmitter that I am cannot be bothered by a problem that is, when all is said and done, minor. For now it is music that needs me.’ Vivier then wrote the first works that would make him known and, in particular, the post-serialist Prolifération, in which he cast off towards his languages, towards a teeming multitude of words and phonemes. Example, later, in Chants: ‘Most of the texts were written by me as the composition progressed, in an invented language, based more on the emotional content of the sounds than on systems of transformation.’ In Prologue pour un Marco Polo: ‘Three levels of language are used: literary French, a language that speaks more about Polo than it makes him speak, and also a language that, by the musical writing, guides us towards another language: the invented language and this language is above all the general incomprehension which the poor Marco ran up against… finally, a third level: a discussion of the work’s two protagonists, the composer and the author [the poet Paul Chamberland], a sort of reflection in time on a being outside time.’ In 1971, new illuminations: a fellowship allowed him to go to Europe and study with Gottfried Michael Koenig at the institute of Sonology in Utrecht; the programme note written by Vivier for the first work composed in Europe, Musik für das Ende, for 20 mixed voices, would seem to include what might be the poetic formulation of his history: ‘Arrives from somewhere a being alone, lost in the strange ceremony he sees taking place before him; he seeks, he wants to be born, and it is by assuming the music of the being that he formed himself (,) that he would be born’. In Paris, he worked with Paul Méfano; in Cologne with Richard Toop (assistant), Hans Ulrich Humpert (electroacoustic) and Karlheinz Stockhausen (composition), the latter exerting a decisive influence on his vocal, and especially choral works (Stockhausen composed Stimmung in 1968). There, Vivier met other students: Peter Eötvös, Klarenz Barlow, Julian Bibby, Robert HP Platz and Walter Zimmermann, with whom he shared a room. He abandoned structuralist or ‘conceptual’ writing – ‘that adorable imponderable, dwelling alone in the mansion of Hegelian Verity’ –, developed a highly personal, more stripped down style, without alienating shot. 13 Then is born death. Death can be compared to nothing, because it resembles nothing: ‘I’m afraid,’ he lamented, ‘I don’t see anything, nothing more than the reflection of my eyes, my eyes in the void’. Maurice Blanchot is right: death is not death, and that is what is terrible. An empty concept, it chills in stupor, enriches and kindles a terror without an anchorage point, wandering and distraught. It opens up chasms that open on to one another, devouring each other. All at the same time, Vivier, infuriated, refuses absolute suffering, seems to flee an unspeakable premonition and would desire his own death (he was brutally murdered in Paris in 1983). The year of his death, he wrote to his friend Thérèse Desjardins: ‘I don’t know why – it seems to me that I want to defeat death on its own terrain, make it the liberator of the being open to eternity without going through death, without paying a tribute to the old ferryman of the Acheron.’ Or ‘through gentle miracle of death’ (Emily Dickinson). The works that result do not constitute a ‘handbook of decomposition’, mercenary works or mass graves of notes, any more than pathetic or bloated passions. Rather, they proclaim, strangely, like Hermann Broch’s Virgil: ‘Laugh under the vault of death, when, transformed into rock, it descends towards the shimmering sea.’ This laughing comes to the surface on the sly, all decked out with dainty morsels, in the uneasy voluptuousness of tight intervals and aggregates, Jesus erbarme dich (the accelerando ‘tu/ ta/ ti/ tu/ ta/ ti/ tu/ ta/ ti’). It mocks in the tintinnabulation of Indian bells in Chants, announces the sombre snickering of death in the gong pounding in Journal – the clicking of knucklebones of Liszt’s csardas macabres are muffled and die out in the distance… But Chants, aside from its ‘surrealistic tinge’ and numerous pigments derived from Stockhausen’s Momente, is a ‘veritable ritual of death’, discloses Vivier, a ‘requiem, three women in the presence of their death and their shades, the seventh voice being my voice in the middle of this death rite’; an alter ego, ‘a sort of Beckett character’, specifies the composer. Upon returning to Canada in 1974, Claude Vivier had difficulty finding points of reference in a vast young musical culture, which was nonetheless congested with outside influences. Thus did he seek the elsewhere elsewhere. In 1976, in the dubious Hindu mythology of Hermann Hesse’s Siddhartha, which would give rise to the homonymous piece for large orchestra (thankfully, he had not chosen The GlassBead Game…that Stockhausen says he still reads). 14 The same year, he left for the Orient, travelled that world (Japan and kabuki theatre, Thailand, Iran, Java), staying in Bali (1976-77). The polyglot Vivier learned ‘Indonesian and two levels of Balinese’, further refined his music, not by making contact with a pseudo, so-called ‘oriental’ folklorism or philosophy of life, but by ‘integrating himself’ to the extent that he was given the Balinese name of Nyoman Kenyung (‘the laughing third-born’). An experience and consequences analogous to those of Antonin Artaud – whom he had read back in 1971. Artaud attended a performance by the Balinese Theatre during the Colonial Exhibition that was held in Paris, at the Bois de Vincennes, from May to November 1931. When he mentions this show as ‘a sort of orchestra of modulations and gestures, similar to the instrumental orchestra that acted as a fabric or background’, might one not think of Journal and primarily its beginning? And does one not perceive, intrigued, some assonance between these words of Artaud: ‘There is, in addition to the broad, crushed rhythm of the music – an extremely emphatic, droning and fragile music, in which one seems to grind up the most precious metals, in which, as in the natural state, springs of water are unleashed, expanded marches of streams of insects through the plants 2…’, and Vivier’s pieces of information on rhythm as a series balances and imbalances round a pole, the ‘three-dimensional concept’: ‘here the changes are symmetrical but could be asymmetrical, these levels could be multiples and belong to an organisation that is three-dimensional itself, and this moment is felt physically by the musician since, moreover, this moment often corresponds (…) to rhythmic moments in equilibrium’? Or enters the ‘prodigious mathematics’ of Balinese theatre, and the subtlety of kotekan, a technique of entangled counterpoint, unwound in Kopernikus, for example (primarily in the second act). This journey to the Orient 3 brought with it the appearance of new sound effects, characteristic timbres, boldly exaggerated by Vivier, but which, paradoxically, open a new spareness of expression on the one hand and, on the other, a highly personal conception of phrasing, and of the social and concrete role of music (the artist as the basis of social organisation). Here, no newly simple oozings, no spectral crookedness nor any multi-firm messianism, but intelligibility and density – the clarity of emerald water. – A wave without undertow. 2. Antonin Artaud : Le théâtre et son double, ‘Sur le théâtre balinais’, in Œuvres complètes, vol. IV (Paris 1978), p. 56. 3. For other consequences of oriental effervescence, read the correspondence of Gérard de Nerval, dating from the early 1840s, or that of Gustave Flaubert, from 1849 to 1851. 15 Claude Vivier became what he was most. In 1977 4, two closely connected works, amongst others, Love Songs and Journal, attest to this new art. Love Songs, ‘an inner travel log’ (the journey to Bali was, ‘finally, only a voyage to the depths of (him)self’), is one of the pieces that draw from extra-musical sources such as Hölderlin (Wo bist du Licht!), Thomas Mann (Lonely Child) and the poet of The Comedy (Lettura di Dante). In Love Songs, Romeo, Merlin the enchanter, Peter Pan and an English nursery rhyme escort Virgil, Shakespeare, Hesse, Novalis – less the Novalis of the Hymns to Night and Heinrich von Ofterdingen, the revealer of the Golden Age or the cracked knight with eyes stuck with azure flowers, whom the encyclopaedist, author of Pollen and Fragments, for whom ‘genius is supremely poetic’, while ‘each seed is a dissonance – a deficient relationship that must gradually compensate’. In the highly autobiographical Journal, we again find numerous characters from mythology or children’s tales, like Merlin, Mister Pickwick, Pinocchio, the wicked fairy, Bruder Jakob; we cross historic figures such as Romeo and Juliet, Tristan… Stars resurface: enamoured of astronomy and profoundly marked by ‘the poetry of outer space of Stockhausen’s music’, Vivier hopes, in Kopernikus, to ‘play leapfrog from galaxy to galaxy, that (his) hair will serve as a path for the hands of joyous planets’; in Journal, ‘I hail you, being of ethereal dimensions! And Vega and Dened (sic), Arcturus All the Vega Dened stars All the stars ethereal dimensions Hey ho, hey ho, subtle musics Subtle, subtle Filling my soul My soul my soul Suddenly love becomes possible Becomes possible subtle musics.’ Here texts and poems of his own invention or in invented language are also revealed; we again come across Novalis and, in the third part, entitled ‘Death’, Mayakovsky, whose name is evoked and invoked several times, spelled, hammered and cajoled, then punctuated by the shattering crash of the tam-tam 4. The year George Crumb wrote his vast ‘parable’, Star-Child, which followed Ancient Voices of Children and ends with this eloquent prayer: ‘I will climb up to the stars to ask Christ, our Lord, for Him to give me back my child’s soul.’ 16 – a detonation. Vivier finds a brother in this cosmic monolith, an artist who fills with wonder, a strolling player of built languages, ‘eternal casualty of love’, and a revolutionary displaying only slimy disdain for the fixed surveying of the world. ‘Alas’, exclaims Vivier, ‘Man refuses his dreams and acts in accordance with external criteria, conforming, counted, surveyed and registered, accepted by society. Society refuses his ravings.’ The fish have their wings broken, the immense gets smaller, the rabble parade about under the sky and its little lights. But: ‘I know the force of words I know the tocsin of words Not of those that the box seats applaud Words that make coffins spring up To walk on their four oaken legs (…) I know the force of words. A mere nothing, it seems a petal fallen under the heels of a dance but man with his soul his lips his carcass. 5 ’ Live your shadows, before familiar terms with death pass throughout all the veins and spread like leprosy in catacombs. 5. In Vladimir Maïakovski. Du monde j’en ai fait le tour. Poems and prose (Paris, 1998), p. 341. 17 le mot a son parfum, sa couleur, son âme 1 christine mennesson Une cascade de mots et de sons enchevêtrés : mots symboles, mots rythmes, mots timbres, mots gestes,… et aussi mots détournés, meurtris, rompus, hurlant ou chuchotant, raillant ou tendres – rarement paisibles –, la musique de Vivier est une déferlante. Immergés dans un univers fait de « la rudesse du ton parlé, des sonorités grinçantes ou rauques, d’images brutales aiguës comme des cure-dents » 2 nous ne pouvons qu’être saisis par cette musique plus théâtrale que le théâtre. Œuvres où frissonnent des milliers de questions souvent sans réponses, ces symphonies verbales témoignent d’une quête désespérée vers la lumière : pouvoir enfin se saouler de lumière « à l’abri des palais de cristal », chanter le « sourire des étoiles », entrer « enfin au temple des musiques somptueuses », que les « yeux touchent le flot infini de Dieu », rêve le compositeur dans Journal. D’une écriture organique, mouvante et sans régularité, jaillissent des formes totalement imprévisibles faites de pics et de précipices tailladés à grands cris qui, parfois, ouvrent sur une oasis sculptée de sons vallonnés où vibre le souffle inaliénable de l’éternité… En opposition à l’intellectualisme académique en vogue à l’époque (Jesus erbarme dich et Chants datent de 1973 ; Love songs et Journal de 1977), cette musique qui confère à l’émotion un rôle structurel, trouvera un grand écho chez ses contemporains. Le paysage sonore de chacune de ces quatre partitions souligne leurs caractéristiques : Jesus erbarme dich, partition au graphisme traditionnel toute en sons résonants, sans intervention aucune de sons parlés ni de bruitages, nous convie à « entrer en musique comme on entre en prière ». Une écriture intégrant le sprechgesang est adoptée par ces Chants vibrant d’onomatopées et de bruissements de phrases, tant il est vrai que tout phonème est chant en soi. Aucune hauteur précise dans Love songs où il est demandé aux interprètes « let tones from the others inspire your own » ; le mot doit, en assumant sa propre musique, revêtir sa portée tant émotionnelle que symbolique : « to be felt, not understood,… never follow the signs but only their spirit » 3 précise Vivier sur la première page. Journal présente un tableau qui unifie tous les précédents aspects en une fresque vivace et colorée. À la simplicité du message Jesus erbarme dich (Jesus prend pitié) répond la clarté du discours 1. In Vladimir Maïakovski 2. idem 3. être ressenti et non compris,... ne jamais s’attacher aux signes mais à leur esprit 19 musical. La sobriété des moyens employés renforce l’intensité de la prière et confère à cette œuvre épurée une universalité indéfectible. Cette musique ouvre des espaces de résonances animés de répercussions plus ou moins rapides, qu’elles soient mélodiques lorsqu’elles habillent une longue tenue comme dans le solo initial, ou harmoniques lorsqu’elles palpitent sous forme d’ondulations plus ou moins serrées, comme celles qui conduisent au climax. Un temps lisse, ouvert, frémit d’harmonies immobiles dont les pigmentations varient dès que la voix solo s’enroule autour d’elles. Les changements de registres et de tempi (ainsi dans la partie centrale) dynamisent ce jeu subtil d’irisation harmonique. À propos de Chants, Vivier dit : « …cette œuvre ouvre une période de ma musique où l’expression de l’individu est l’élément dominant. (…) C’est au niveau d’une organisation subtile de la musique, de proportions que l’enjeu d’une nouvelle sensibilité se pose. Et pour la première fois dans ma musique un élément important s’ajoute : les mots. La structure musicale dépend autant du texte que la musique. (…) L’œuvre entière est un rite de la mort et de la naissance à la nouvelle lumière, celle de l’enfance et de toute sa pureté, aussi la lumière de la liberté face à la mort ». Ces phrases, qui peuvent également s’appliquer à Love songs et à Journal, font de Vivier un chorégraphe en prise avec le ballet subtil de l’Émotion : émotion esthétique – musicale ou littéraire –, émotion archaïque – qui fait référence à des réactions guidées par l’inconscient collectif –, émotion religieuse – ici, d’ordre chrétien –, émotion enfantine – colorée de comptes et de comptines –, émotions quotidiennes – rires, cris, moqueries, pleurs –… Cette « nouvelle sensibilité » porte sous les projecteurs des mots qui, pour être souvent désarticulés, n’en sont pas moins unifiés par le rayonnement impalpable de leur musique : texte, voix et hauteurs sont les danseurs étoiles d’une nouvelle « danse sacrale ». Dans cette musique pétrie d’irrégularités articulées en fonction d’un pôle stable, la notion de pôle – qu’il concerne la hauteur (notes ou accords polaires, modes), le rythme (métrique, vitesses, modes rythmiques) ou le texte (mots symboles, mots récurrents, langue référente) – habille le langage de Vivier d’une grande cohérence. La structure de chacune de ces trois œuvres découle de ces considérations d’ordre général. 20 Dans Chants, des systèmes simples unifient un discours structuré par des personnages très différenciés. Les personnages musicaux – style plain-chant (notes tenues avec ou sans répercussions), accords-timbres récurrents (principalement 7), contrepoints très serrés d’où émergent des « pics vocaux » et modes rythmiques – alternent avec les personnages poétiques – phrases, porteuses de sens ou non, et prénoms symboliques – qui émergent de textures de mots parlés, à l’endroit-à l’envers, et de phonèmes. Le choix des articulations, les vitesses prosodiques, les timbres voisé – non-voisé, le choix des résonateurs, les nuances,… mettent en relief divers plans sonores dans une perspective aux innombrables lignes de fuite. Bâtie sur le principe organique accéléré-décéléré/mobile-immobile, plusieurs mots-clés sous-tendent l’œuvre : Maria, Requiem, Populus meus… De Maria, l’auteur tirera des consonances inattendues et douces (a-i-ram ; ria-ria, etc…) quand le mot Requiem, intouché, servira de signal à certaines séquences. La première partie est construite en trois séquences alternant contexte musical et poétique avant de les réunir. La juxtaposition de vitesses très différentes dynamisent ces séquences : au temps suspendu de la première, tissée de lignes contrapuntiques autonomes d’une densité légère, succède une rythmique prosodique au débit rapide ; le plain chant (Requiem et Populus meus) de la troisième séquence qui vibre à l’arrière plan en notes longues puis en lentes ondulations, installe un sentiment hors temps qui fait ressortir la vivacité du premier plan articulé en staccato. La seconde partie, lancée par un décrochage dans l’aigu ƒ, se déroule dans un contexte essentiellement musical. Souvent fixes, parfois mouvantes, des harmonies émanent des longues tenues initiales, en opposition avec l’effervescence des séquences suivantes. Et le timbre si limpide des cymbales antiques… Et le silence, qui frémit au son des grelots… Et la septième voix (que Vivier dit être la sienne) qui s’élève, soutenue par une grosse caisse qui susurre le mot Requiem. Et ce pic, bruit de foule à la Penderecki, ƒƒ, rapide et très rythmé, qui déchire brutalement les harmonies tremblées si belles, si confiantes… Le tout s’évanouit en murmures à peine audibles... 21 Bien que sans percussions la troisième partie est plus symphonique. En un seul tenant, elle résonne de tous les matériaux, chantés, voisés et non voisés, onomatopées, bruitages, etc… alors qu’un tapis sonore calme et stable aux douces harmonies principalement de quartes, quintes, sixtes ou unissons se déroule en notes longues à la Pérotin. Le calme s’installe peu à peu, dans une temporalité de plus en plus lisse, jusqu’au plain chant sur le mot Jerusalem, apaisant. Des glissandi lancent la dernière partie où les mots Requiem et Maria vibrent à nouveau, soutenus par des tenues au timbre modulé dans lesquelles s’immiscent quelques-uns des accords initiaux, dans un temps qui s’étire. Le mot luceat conclut ces Chants en un accord suspensif à côté duquel Vivier, sur la partition, signe Deo gratias. « Un carnet de voyage intérieur – C’est ce que veut “Love songs” Les voyages les grands voyages restent toujours Contemplation des univers intérieurs – La pauvreté qui fait mal Les dictatures qui déshonorent Et le sourire d’un enfant écoutant de la musique Tels sont mes voyages Tels sont mes souvenirs Et mes cris d’horreur ou de tendresse “Love songs” en est un de tendresse » écrit Vivier. Love songs incarne le puissant symbole de l’amour, tant par l’évocation des héros mythiques (Roméo et Juliette, Tristan et Isolde) que par celle de l’enfance, fredonnée en comptes et comptines (de même dans Love, second volet de Journal). Partition de paroles et de gestes : intensité, nuance, ton, rythme, bruitage, mot, phrase, mouvement, vitesse, tout est orchestré et instrumenté de façon à ce que les émotions chantent. Les moyens 22 employés sont de toutes sortes : musicaux, lorsqu’ils se jouent d’ambitus, de nuances et de plans sonores très contrastés (chuchotements recouverts par un « terrible laugh », par exemple), de jeux de timbres (comme celui généré par le sifflement en parfaite homorythmie avec une voix qui chante, ou bien les colorations si variées des trémolos), des vitesses prosodiques (pouvant aller à l’hystérie, comme dans la première partie) donnant l’impression de tempi différents ; poétiques lorsque les émotions (plaintes, rires, peur, amour…), colorées par des sifflements, des respirations ou des toux, structurent l’articulation musicale, lorsque des paroles-gestes ponctuent les séquences (stop ! hu-hum ! appels), ou que les résonances affectives des mots vibrent comme une musique (« don’t leave me alone… ») ; poético-musicaux, lorsqu’ils s’enroulent dans les rythmes répétitifs de l’enfance et fredonnent les refrains de la mémoire collective ; ou bien lorsque les pleurs sont « musicalisés » (à l’envers du style lamento) sur un fond de Requiem aeternam. Et la musique « pure » qui, en trois mélodies, perce ce fond sonore bruissant et souvent fébrile : diffuse et en arrière-plan en ce qui concerne la première, quand les deux dernières, enchevêtrées, avancent sur le devant de la scène, rare guirlande lumineuse dans cette angoissante quête amoureuse. D’un point de vue structurel l’allemand souligne les moments importants (référence à Tristan ?). Présent dès le départ, il ponctue la fin de la première partie et lance la seconde avant de s’évanouir au profit d’une langue slave et d’une langue « inventée »… D’un point de vue compositionnel, les Love songs traitent les éléments vocaux comme des « objets sonores ». La pièce introduit son matériau brut : sons tenus avec ou sans trémolos, toux, phrases, appels, respirations et glissandi. Leurs diverses associations (technique de collage) pulsent ce début. Puis le procédé de boucle s’installe, qui habitera toute la partition : le principe de réitération, clin d’œil à l’enfance, est apaisant en ce qu’il engendre de la stabilité. Dès qu’on les superpose, les boucles gravent une musique où se côtoient plusieurs niveaux d’existence (chaque boucle est un monde en soi), dans une diversité de tempi et d’articulations dont le seul lien est le principe de périodicité ; un agencement étudié des plans sonores peut créer des effets de perspective qui donnent du volume à un espace projeté de façon essentiellement linéaire. Vivier, en faisant du langage un des fondements de sa structure, transcende le naturalisme inhérent à cette démarche en un acte essentiellement musical ; il extirpe des mots leur musique intérieure 23 et les confronte, les fait s’entrechoquer, se superposer, rarement se fondre. De la douceur, point. Sauf dans Varouchka, avant-dernière mélodie, où la musique adopte une courbe mélodique d’une telle tendresse et d’une telle nostalgie qu’elle nous laisse sur un sentiment d’une perte irrémédiable. Car Love songs se termine sur un constat de non-aboutissement. Comme si leur auteur, plein de rêves brûlants et de « planètes rêvées » avait senti en vain bruire un jardin, là, à portée de souffle, sans jamais pouvoir y accéder. Il semble être d’une destinée autre, celui qui sait ouvrir les portes à la luminescence de la vie. JOURNAL Vivier taille la voix comme un diamant qu’il polit avec soin pour mieux capturer la lumière : « la voixgestes (moi, aime, toi, embrasse, prie, partir, mourir), la voix-style (rires, chansons à boire, tendresse, frayeur) » 4 ; mais également voix-réminiscence (moyen-âge), voix-vibration (s’insérant dans les résonances), voix-espace (début de Love), voix-densité (tous plans sonores), en sont les multiples facettes. En quatre volets : Enfance, Amour, Mort, Après-Mort, pour chœur mixte accompagné de quatre solistes, Journal est soutenu par des percussions de la famille des métaux : bol japonais, gongs, cymbales antiques, tam-tam, cloches tubulaires ; seul un tambour de bois fait exception. Ces timbres résonants ouvrent des espaces sans limite. Par ce moyen, le compositeur établit le lien entre « onirisme et vie propre » 5. Toutes les subtilités de timbres vocaux sont ici réunies (fast beating of the tongue against the teeth; hand beating against the mouth with color changing; rolled r with the color of the vowel following, etc…) 6, y compris la diffusion d’harmoniques non écrites (début de Love, qui crée ainsi l’impression de chants diphoniques). Un travail très minutieux en ce qui concerne les durées et leurs proportions, leurs équilibres structure Journal. Des modes rythmiques pulsent le déroulement musical, dont un bâti sur la série de Fibonacci, assurant ainsi une grande stabilité à une musique tout en irrégularité. L’unification de tous ces éléments se fait par la fusion de l’expression musicale et littéraire. Vivier la représente ainsi : Enfance, aigu, si, ordre poétique, bol japonais, femmes ; Amour, medium, fa#, ordre dynamique (double duo d’amour), solo soprano et tenor ; Mort, grave, mib, ordre primaire, tam-tam, hommes ; Après la mort, toutes tessitures, do#, ordre subtil, tous les gongs, tutti. Il y a l’Enfance à cheval sur un bâton « Tom-ti-ki-tom » qui s’envole à l’assaut des « planètes rêvées », lais- 24 4. Extrait des notes de composition du compositeur 5. idem 6. battements rapides de la langue contre les dents ; battements de la main contre la bouche avec changement de couleur ; r roulé avec la couleur de la voyelle qui suit sant derrière elle le maître d’école et ses questions obscures… ; l’Enfance, dans sa légèreté, son insouciance… et cet appel : « Don’t leave me in the dark… ». Il y a l’Amour : Amour-État à la vibration si pleine, sans opacité ; Amour-Souvenance dont les consonances relient à celles des chansons de gestes en des soli recto tono avec répercussions et des duos homorythmiques en mouvements parallèles principalement basés sur des quartes (justes ou augmentées) ; Amour-Vitalité qui perd de sa superbe, de la parade amoureuse noyée sous des réflexions ironiques, au découragement « tout semble si lointain » ; Amour-raillé-par-le-vulgaire-et-le-quotidien où brutalité, insouciance et satisfaction cauchemardesque de l’ignorance se reconnaissent en un premier plan nerveux, excité, agressif, mais n’arrivent pas à masquer le fond sonore, serein comme une promesse… et cet appel : « Don’t leave me in the dark… » puis l’Amour-perte, plainte lancinante en une mélodie réitérative… et les amoureux qui sont obligés de s’envoler : l’Amour, inséparable de la Mort. Et le grand passage, justement : la Mort. Qu’il faut implorer pour que s’ouvre le « portail de lumière ». Deux accords solaires jouent avec les cloches tubulaires et les voix. La Joie, inattendue, semble s’immiscer dans ce « carillon Maïakovski » qui, éclatant, va crescendo. Puis la déploration… et cet appel, toujours : « Ne me laisse pas seul… » Après la Mort, la Lumière. Enfin. Et sa diffraction, glissements imperceptibles de spectres harmoniques (de fa à mi puis à mib). État subtil qui mène à la « contemplation éternelle », état où sons et mots se rejoignent en leur source, la Vibration primordiale. 25 the word has its own scent, its colour, its soul 1 christine mennesson A cascade of entangled words and sounds: symbol words, rhythm words, timbre words, gesture words… and also words that are twisted, bruised, broken, screaming or whispering, jeering or tender – rarely peaceful –, Vivier’s music is a crashing wave. Immersed in a universe made of ‘the roughness of the spoken tone, grating or raucous sonorities, sharp, brutal images like toothpicks’ 2, we can only be gripped by this music that is even more theatrical than the theatre. These are works in which thousands of questions – often without answers – rustle, verbal symphonies bearing witness to a desperate quest towards the light: being able to finally get drunk on light ‘sheltered from crystal palaces’, singing the ‘smile of the stars’, entering, ‘at last, the temple of sumptuous musics’, that the ‘eyes touch the unending flow of God’, dreams the composer in Journal. From organic, moving writing without regularity spring forms that are totally unpredictable, made up of peaks and precipices slashed with great cries that occasionally open onto an oasis sculpted from hilly sounds in which the inalienable breath of eternity vibrates… In opposition to the academic intellectualism in vogue at that time (Jesus erbarme dich and Chants date from 1973, Love Songs and Journal from 1977), this music, which gives emotion a structural role, will find a large echo amongst his contemporaries. The sound landscape of each of these four scores underlines their characteristics: Jesus erbarme dich, a work in traditional script all in resonant sounds, without any intervention of spoken sounds or sound effects, invites us to ‘enter into music as one enters into prayer’. Writing that integrates sprechgesang is adopted by these Chants, vibrating with onomatopoeia and rustlings of phrases, since every phoneme is a song in itself. No precise pitch in Love Songs, where the performers are requested to ‘let tones from the others inspire your own’; the word must, in taking on its own music, assume its impact, which is emotional as much as it is symbolic: ‘to be felt, not understood… never follow the signs but only their spirit’ 3, specifies Vivier on the first page. Journal presents a tableau that unifies all the previous aspects in a vivid, colourful fresco. The simplicity of the message Jesus erbarme dich (‘Jesus, have mercy’) is matched by the clarity of 1. Vladimir Mayakovsky 2. idem 3. Taken from Vivier’s composition notes 27 the musical discourse. The sobriety of means used reinforces the intensity of the prayer and gives this purified work an unfailing universality. This music opens up spaces of resonance driven by repercussions that are more or less rapid, whether melodic, as when they adorn a long tenuto as in the opening solo, or harmonic, as when they palpitate in the form of more or less tight undulations, like those leading to the climax. A smooth, open time quivers with motionless harmonies whose pigmentation varies as soon as the solo voice wraps itself around them. The changes of register and tempo (as in the central part) stimulate this subtle play of harmonic iridescence. Concerning Chants, Vivier said: ‘…this work opens a period in my music where the expression of the individual is the dominant element. (…) It is on the level of a subtle organisation and proportions of the music that the stakes of a new sensibility are placed. And for the first time in my music, an important element is added: words. The musical structure depends as much on the text as the music. (…) The entire work is a rite of death and birth in the new light, that of childhood and all its purity, as well as the light of freedom facing death’. These remarks, which can also apply to Love Songs and Journal, make Vivier a choreographer tuned into the subtle ballet of Emotion: aesthetic – musical or literary – emotion, archaic emotion – which refers to reactions guided by the collective unconscious –, religious emotion – here of a Christian nature –, childlike emotion – coloured with tales and nursery rhymes –, everyday emotions – laughter, shouts, mockery, tears… This ‘new sensibility’ shines the spotlights on words that, although often disarticulated, are nonetheless unified by the impalpable radiance of their music: text, voice and pitches are the principal dancers of a new ‘sacred dance’. In this music full of irregularities articulated in keeping with a stable centre, the very notion of a pole – whether concerning pitch (polar notes or chords), rhythm (meter, speed, rhythmic modes) or text (symbol words, recurrent words, referent language) – cloaks Vivier’s language in considerable coherence. The structure of each of these three works ensues from these considerations of a general nature. 28 In Chants, simple systems unify a discourse structured by highly differentiated characters. The musical characters – such as plainchant style (tenuti with or without repercussions), recurrent timbrechords (primarily 7), very tight counterpoint from which ‘vocal peaks’ and rhythmic modes emerge – alternate with the poetic characters – phrases making sense or not, and symbolic forenames – which emerge from textures of spoken words, the right way round/backwards, and phonemes. The choice of articulations, the prosodic speeds, the voiced/unvoiced timbres, the choice of resonators, the dynamics… throw into relief various sound planes in a perspective of innumerable vanishing lines. Built on the organic, accelerated/decelerated, mobile/immobile principle, several keywords underpin the work: Maria, Requiem, Populus meus… From Maria, the composer will draw unexpected, soft consonances (a-i-ram, ria-ria, etc…), while the word Requiem, unaltered, will serve as a signal for certain sequences. The first part is constructed in three sequences alternating musical and poetic context before reuniting them. The juxtaposition of very different tempi energises these sequences: the suspended time of the first, woven with autonomous contrapuntal lines of light density, is followed by a prosodic rhythmic pattern of rapid flow; the plainchant (Requiem and Populus meus) of the third sequence, which vibrates in the background in long notes then in slow undulations, establishes a feeling outside of time, which brings out the vivacity of the foreground articulated in staccato. The second part, launched by a switchover in the upper register ƒ, occurs in an essentially musical context. Harmonies, often fixed, sometimes moving, emanate from the long opening tenuti, in opposition with the effervescence of the following sequences. And the ever-so-limpid timbre of the antique cymbals… And the silence, which quivers at the sound of little bells… And the seventh voice (that Vivier said was his), which rises, supported by a bass drum that whispers the word Requiem. And this peak, crowd noise à la Penderecki, ƒƒ, rapid and quite rhythmic, which brutally tears the trembled harmonies, so lovely, so confident… The whole vanishes in barely audible murmurs... 29 Even though without percussion, the third part is more symphonic. Cast in a single movement, it resonates with all the materials, sung, voiced and unvoiced, onomatopoeia, sound effects, etc., whereas a calm, stable sound carpet of soft harmonies, primarily fourths, fifths, sixths or unisons, unfolds in long notes à la Pérotin. The calm gradually settles in, in an increasingly smooth temporality, until the plainchant on the word Jerusalem brings a sense of peace. Glissandi start the last part where the words Requiem and Maria vibrate one final time, supported by tenuti of a modulated timbre in which some of the opening chords interfere in a time that is stretched out. The word luceat concludes these Chants in a suspensive chord next to which Vivier, on his score, signed Deo gratias. ‘An inner travel diary This is what “Love Songs” wants The voyages the great voyages always remain Contemplation of inner universes The poverty that hurts The dictatorships that dishonour And the smile of a child listening to music Such are my travels Such are my memories And my cries of horror or tenderness “Love Songs” is one of tenderness’ wrote Vivier. Love Songs incarnates the powerful symbol of love, through the evocations of mythical heroes (Romeo and Juliet, Tristan and Isolde) as well as of childhood, hummed in tales and nursery rhymes (as in Love, the second part of Journal). A score of speech and gestures: intensity, nuance, tone, rhythm, sound effects, word, phrase, movement, speed – everything is orchestrated and instrumented in such a way that the emotions sing. 30 The means employed are of all types: musical, when they make light of range, highly contrasted dynamics and sound planes (e.g., whisperings covered by ‘terrible laughs’), plays of timbres (like the one generated by the whistling in perfect homorhythmic style with a voice that sings, or else quite varied coloration of tremolos), prosodic speeds (that can go as far as hysteria, as in the first part), giving the impression of different tempi; or poetic when the emotions (moaning, laughter, fear, love…), coloured by whistling, breaths or coughs, structure the musical articulation, when gesture-lyrics punctuate the sequences (stop! hu-hum! appeals), or that the affective resonance of the words vibrates like music (‘don’t leave me alone…’); poetic-musical, when they roll up in the repetitive rhythms of childhood and hum the refrains of the collective memory; or else when tears are ‘musicalised’ (the other way round of lamento style) against a background of Requiem aeternam. And the ‘pure’ music that, in three melodies, pierces this buzzing and often febrile sound background: diffuse and in the background as concerns the first, while the last two, entangled, advance to the front of the stage, a rare luminous garland in this agonising search for love. From a structural point of view, German accentuates the important moments (a reference to Tristan?). Present from the very beginning, it punctuates the end of the first part and starts the second before fading out in favour of a Slavic and an ‘invented’ language… From a compositional point of view, Love Songs treats the vocal elements like ‘sound objects’. The piece introduces its raw matter: tenuto sounds with or without tremolos, coughs, phrases, calls, breaths and glissandi. Their various associations (collage technique) give a pulsation to this beginning. Then the loop process is established and will inhabit the whole score: the principle of reiteration, an allusion to childhood, is soothing in that it engenders stability. As soon as they are superimposed, the loops etch a music in which several levels of existence rub shoulders (each loop is a world in itself), in a diversity of tempi and articulations whose sole link is the principle of periodicity; a studied arrangement of sound planes can create effects of perspective that give volume to a projected space in an essentially linear fashion. By making language one of the foundations of his structure, Vivier transcends the naturalism inherent in this approach into an essentially musical act; he roots out the inner music of words and con- 31 fronts them, jostling them together, superimposing them, but rarely making them blend. Sweetness? There is none. Except in Varouchka, the penultimate song, where the music adopts a melodic curve of such tenderness and nostalgia that it leaves us with a feeling of irremediable loss. For Love Songs ends with an acknowledgement of failed success. As if the composer, full of burning dreams and ‘dreamt planets’, had felt in vain a garden rustle, there, within reach of breath, without ever managing to accede to it. It seems to be of some other destiny, that which is able to open the doors to the luminescence of life. JOURNAL Vivier hews the voice like a diamond that he polishes with care so as to better capture the light: ‘the gestures-voice (moi, aime, toi, embrasse, prie, partir, mourir), the style-voice (rires, chansons à boire, tendresse, frayeur)’ 4 ; but also reminiscence-voice (Middle Ages), vibration-voice (inserting itself into resonances), space-voice (beginning of Love) and density-voice (all sound planes) are its multiple facets. In four parts – Childhood, Love, Death, After-Death –, for four soloists and mixed chorus, Journal is backed up by metal percussion: Japanese bowl, gongs, antique cymbals, tam-tam, tubular bells, the only exception being a wooden drum. These resonant timbres open up unlimited spaces. By this means, the composer establishes the connection between ‘fantasising and personal life’ 5. All the subtleties of vocal timbres are brought together here (‘fast beating of the tongue against the teeth’; ‘hand beating against the mouth with colour changing’; ‘rolled r with the colour of the vowel following’, etc…), including the diffusion of unwritten harmonics (beginning of Love, which thereby creates the impression of diphonic chants). Extremely meticulous work on durations and their proportions and balances structure Journal. Rhythmic modes drive the musical unfolding, including one built on Fibonacci’s series, thus ensuring great stability for music that is characterised by irregularity. The unification of all these elements comes from the fusion of musical and literary expression. Vivier represents it as followed: ‘Childhood’, high, B, poetic order, Japanese bowl, women; Love, medium, F sharp, dynamic order (double love duet), solo soprano and tenor; Death, low, E flat, primary order, tamtam, men; After Death, all tessituras, C sharp, subtle order, all the gongs, tutti. 4. Excerpt from Vivier’s composition notes 5. idem 32 There is Childhood straddling a staff ‘Tom-ti-ki-tom’ that flies off to attack the ‘dreamt planets’, leaving behind it the schoolmaster and his obscure questions…; Childhood, in its lightness and insouciance… and this appeal: ‘Don’t leave me in the dark…’ There is Love: State-Love of such full vibration, without opacity; Recollection-Love whose consonances links up with those of chansons de geste in soli recto tono with repercussions and homorhythmic duets in parallel motion based primarily on fourths (perfect or augmented); Vitality-Love, no longer quite so high and mighty, the amorous parade drowned under ironic remarks, to discouragement ‘everything seems so far away’; Love-jeered-at-by-the-vulgar-and-everyday-life in which brutality, insouciance and nightmarish satisfaction of ignorance are recognised in a nervous, excited and aggressive foreground but do not manage to mask the background of sound, serene like a promise… and this appeal: ‘Don’t leave me in the dark…’ then Loss-Love, a throbbing moaning in a reiterative melody… and the lovers who are obliged to fly away: Love, inseparable from Death. And the great passage, precisely: Death. Which must be implored in order for the ‘portal of light’ to open. Two solar chords play with the tubular bells and voices. Joy, unexpected, seems to interfere with the brilliant Mayakovsky that goes crescendo. Then the deploration… and still this appeal: ‘Don’t leave me alone…’ After Death, Light. At last. And its diffraction, imperceptible shifts of harmonic spectres (from F to E, then to E flat). A subtle state that leads to ‘eternal contemplation’, a state where sounds and words come together in their source, the primordial Vibration. 33 chants a-i-ram va-nel-el […] sut ki de neb Requiem aeternam dona eis domine Ave Maria gratia plena dominus tecum te ri a ri a ri a […] a ri ri… requiem… Non je ne veux pas mourir j’ai peur… non je ne veux pas mourir j’ai peur les servants de la maison donneront ma chair à paîtr’ à la ter’ mon sang tournera limon des mers maudites mes yeux deviendront bijoux du cou des monstres des océans infernaux le temps engloutira tout’ mes pensées non j’ai peur j’ai peur arrêtez ! Quand j’étais enfant un’ vieill’ fem’ est mort’ j’ai dû traverser trois cathédral’ pour la voir dans sa tombe ell’ me souriait comm’ si ell’ m’appelait. Je ne veux pas mourir, quand j’étais enfant on m’a dit, quand j’étais enfant on m’a dit… que la mort c’était normal que c’était inévitable et vous autr’ vous n’ pouvez pas empêcher cela ? Je ne suis qu’un enfant tout petit, tout petit, tout petit, tout petit… Requiem 34 ae… ne dictus fructus ventris tui jesus sancta maria ri a ri a… ti pe tou […] quo in… populus meus aut in quo contristavi responde mihi populus… aut… in pa ra… in o aphrodici u i ou i oui rou… responde mihi populus meus aut in populus meus… in pa ra in paradisum… ci e aphrodici… hi ha… […] ke te kian… a… é… mamouchka… in civita… yé è i o i mamouchka… i an… péterke […] mi sa iem a a ou… requiem aeternam dona… o o u a o..e e u i i a e a i i a… èis domine… o u a e o u… euiiaeuiia mamouchka ave maria gratia plena… cum benedicta tu in mulieribus… oy né mè tou san lé che min yé vi ro stoy bu toy frè pé dominus te… mulieribus et benedictus fructus ventris tui Jesus… a a a o u a e o u o u… et cum lazaro quondam paupere aeternam habeas requiem ku sa a a nou fâ bouy ké a… o u a e o u… ya mamouchka… requiem aeternam dona eis Domine lux aeterna luceat e… 35 chants a-i-ram va-nel-el […] sut ki de neb Grant them eternal rest, O Lord Hail Mary, full of grace, O Lord te ri a ri a ri a […] ri ri… rest… No I don’t want to die I’m afraid… no I don’t want to die I’m afraid the servants of the house will give my flesh to graze to the eart’ my blood will turn alluvium of the cursed seas my eyes will become jewels of the neck of the monsters of the infernal oceans time will swallow up all my thoughts no I’m afraid I’m afraid stop! ny ti ny ti pe tou […] quo in… my people how have I offended you? answer me, people u i ou i oui rou… answer me my people in my people… in pa ra in paradisum… ci e aphrodici… When I was a kid an ol’ wom’ died I had to cross three cathedral’ to see her in her grave she smiled at me as if she was callin’ me. I don’t want to die when I was a kid they told me, when I was a kid they told me… that death was normal, that it was inevitable and you oth’rs you coul’nt prevent that? I’m only a tiny kid, tiny, tiny, tiny… Rest ae… sed is the fruit of your womb jesus holy mary ry ry ry grant eternal rest 36 hi ha… […] ke te kian… a… é… mamushka… in the city…yé è i o i mamushka… i an… péterke […] mi sa iem a a ou… o o u a o… e e u i i a e a i i a… èis domine… o u a e o u… e u i i a e u i i a mamushka hail mary full of grace… blessed are you among women… oy né mè tou san lé che min yé vi ro stoy bu toy frè pé lord you… women and blessed is the fruit of your womb Jesus a a a o u a e o u o u… and with lazarus, once poor, may thou have eternal rest ku sa a a nou fâ bouy ké a… o u a e o u… ya mamushka… grant them eternal rest o Lord let light perpetual shine on… 37 love songs Tristan ! Juliette ! Wenige wissen Das Geheimnis der Liebe, Fühlen Unersättlichkeit Und ewigen Durst. hop ! (Novalis: Geistlische Lieder / VII - Hymne) Deux fois Puissant’ et bel’ elle dévoil’ à l’est son corps suivant la route de l’ordre elle s’accord’ aux quatres (sic) orients. ewigen Durst! Aber wer jemals Von heißen, geliebten Lippen Atem des Lebens sog, Hickory dickory dock The mouse ran up the clock The clock struck one BANG! The mouse ran down Hickory dickory dock (comptine anglaise) Novalis Peter, Peter, Pumpkin Eater Had a wife but couldn’t keep her. He put her in a pumpkin shell and there he kept her very well. (comptine anglaise) 40 Broke my nice new rattle, Broke my nice new rattle, Broke my nice new rattle, … tweedle dum, tweedle dee, tweedle dum, tweedle dee, tweedle dum, tweedle dee, … peu connaissent le secret de l’amour, ressentent insatiabilité et soif éternelle (Novalis: Geistlische Lieder / VII - Hymne) Few are they who know the secret of love, affected by insatiability and never-ending craving (Novalis: Geistlische Lieder / VII - Hymne) Hickory dickory dock La souris est montée dans l’horloge L’horloge a sonné 1 heure BANG ! La souris est redescendue Hickory dickory dock (comptine anglaise) soif éternelle ! never-ending craving! mais qui jamais ne boivent le souffle de la vie des chaudes lèvres aimées but who never drink the breath of life from hot beloved lips Novalis Novalis Une négresse qui buvait du lait, ah ! se dit-elle, si je le pouvais ! Tremper ma figure dans ce bol de lait : je serais plus blanche que tous les Français ! (comptine anglaise) Cassé, mon beau hochet tout neuf ! Cassé, mon beau hochet tout neuf ! Broke my nice Cassé, mon beau hochet tout neuf !… 41 why do you laugh? This is a sad story! Aber wer jemals Von heißen, geliebten Lippen Atem des Lebens sog, Novalis Où est-elle, ta bien-aimée ? Où est-elle, ta bien-aimée ? … Sa peau est douce comme les nuits de septembre Maître Merlin m’a dit où elle est, mais je ne puis te dire. Son palais de porphyre est sur le mont éternité, ses yeux de diamants Cherche la ! Maître Jakob sait où elle est, mais nous ne pouvons dire où elle est. C’est tout, c’est tout ! Heißere Wollust Durchbebt die Seele, Durstiger und hungriger Novalis 42 Pourquoi riez vous ? C’est une triste histoire ! mais qui jamais ne boivent le souffle de la vie des chaudes lèvres aimées Novalis but who never drink the breath of life from hot beloved lips Novalis her skin is soft like September nights Master Merlin told me where she is, but I can’t tell you. Her porphyry palace is on mount eternity her diamond eyes search for her! Master Jakob knows where she is, but we can’t say where she is That’s all, that’s all! l’âme des assoiffés et affamés animés par une plus chaude volupté Novalis The soul of the thirsting and famished driven By a hotter voluptuousness Novalis 43 One, two, buckle my shoe; Three, four, knock at the door; Five, six, pick up sticks; Seven, eight, lay them straight; Nine, ten, a good fat hen; Eleven, twelve, dig and delve; Thirteen, fourteen, maids a-courting; Fifteen, sixteen, maids a-kissing; Seventeen, eighteen, maids a-waiting; Nineteen, twenty, I’ve had plenty. (comptine anglaise) Please, don’t leave me alone in the dark! I’m afraid! 44 45 Ich bin der Hirsch und du das Reh, Der Vogel du und ich der Baum, Die Sonne du und ich der Schnee, Du bist der Tag und ich der Traum. (Hermann Hesse / Ausgewählte Gedichte - Liebeslied 1) Tristan und Isolde Wenige wissen Das Geheimnis der Liebe, Nachts aus meinem schlafenden Mund Fliegt ein Goldvogel zu dir, Hell ist seine Stimme, sein Flügel bunt, Der singt dir das Lied voll der Liebe, Der singt dir das Lied von mir. (Hermann Hesse / Ausgewählte Gedichte - Liebeslied 1) Twinkle twinkle little bat How I wonder what your’at 46 Huc ades, o formose puer, tibi lilia plenis ecce ferunt Nymphae je suis le cerf et toi la biche, toi l’oiseau et moi l’arbre, toi le soleil et moi la neige c’est toi le jour et moi le rêve. (Hermann Hesse / Ausgewählte Gedichte - Liebeslied 1) I am the stag and you the doe, You the bird and I the tree, You the sun and I the snow You are day and I the dream (Hermann Hesse / Ausgewählte Gedichte - Liebeslied 1) Tristan et Isolde peu connaissent le secret de l’amour, Tristan and Isolde few are they who know the secret of love, la nuit de ma bouche endormie vole un oiseau d’or vers toi claire est sa voix, son aile en couleur, il te chante le chant de l’amour Il te chante le chant de moi. at night from my languid mouth flies a golden bird to you clear is its voice, its coloured wing it sings you the song of love it sings you the song of me. (Hermann Hesse / Ausgewählte Gedichte - Liebeslied 1) (Hermann Hesse / Ausgewählte Gedichte - Liebeslied 1) Scintille, scintille petite étoile Je me demande encore qui tu es … Approche, ô bel enfant : voici que pour toi les Nymphes apportent des lys … Come closer, lovely child: now the Nymphs are bringing lilies for you … 47 calathis; tibi candida Nais, pallentis violas et summa papavera carpens, narcissum et florem iungit bene olentis anethi; tum casia atque aliis intexens suavibus herbis mollia luteola pingit vaccinia caltha. ipse ego cana legam tenera lanugine mala castaneasque nuces, mea quas Amaryllis amabat; addam cerea pruna – honos erit huic quoque pomo – et vos, o lauri, carpam et te, proxime myrte, sic positae quoniam suavis miscetis odores. Up above the world you fly Like a diamond in the sky (comptine anglaise) (Virgile : Deuxième Églogue vers 45 à 55) Ma! reska.... Come, night; come, Romeo; come, thou day in night; For thou wilt lie upon the wings of night Whiter than new snow on a 48 … Au dessus du monde tu voles Comme un diamant dans le ciel (comptine anglaise) … à pleines corbeilles. Pour toi, la radieuse Naïade, cueillant de pâles violettes et d’imposant pavots, y joint le narcisse et la fleur d’aneth odorant ; puis, tissant ensemble daphné et autres herbes suaves, elle ravive d’airelles moelleuses le jaune clair du souci. Moi-même, je ramasserai les fruits au tendre duvet blanc et les noix de châtaigners que mon Amaryllis aimait. J’y joindrai des prunes couleur de cire – honneur sera aussi rendu à ce fruit – et vous, lauriers, je vous cueillerai, avec toi, myrthe, puisqu’ainsi assemblés, vous mariez vos arômes. (Virgile : Deuxième Églogue - vers 45 à 55) … brimming baskets. For you, the radiant Naiad gathering pale violets and imposing poppies, adding the narcissus and the fragrant dill flower; then, weaving together the daphne and other sweet herbs, she brightens up soft cranberries, the bright yellow of the marigold. Myself, I shall pluck the fruits with the soft white down and the chestnuts that my Amaryllis loved. I shall add plums the colour of wax – honour will also be paid this fruit – and you, bay-trees, I shall pick you, with you, myrtle, since thus assembled, you marry your scents. (Virgile: 2nd Eglogue, verses 45-55) Viens, ô nuit ! Viens, Roméo ! Viens, toi qui es le jour de ma nuit ! Car sur les ailes de la nuit tu vas reposer Plus blanc que neige … 49 raven’s back. Come, gentle night, come, loving, black-brow’d night, Give me my Romeo! (William Shakespeare / Romeo and Juliet, Act III, sc.2) Requiem aeternam Dona eis Domine ! (Pleurs)… Twinkle twinkle little bat How I wonder what your’at Up above the world you fly Like a diamond in the sky (English nursery rhyme) and, when he shall die, Take him and cut him out in little stars, And he will make the face of heaven so fine That all the world will be in love with night And pay no worship to the garish sun. O, I have bought the mansion of a love, But not possess’d it, and, though I am sold, Not yet enjoy’d: (Romeo and Juliet, cont'd) Give me my Romeo! Master Merlin! My wooden horse is broken! 50 … fraîche sur le dos du corbeau. Viens, douce nuit ! Viens, amoureuse nuit au front noir ! Donne-moi mon Roméo ! (William Shakespeare / Romeo et Juliette - Acte 3 Scene 2) Scintille, scintille petite étoile Je me demande encore qui tu es Au dessus du monde tu voles Comme un diamant dans le ciel (comptine anglaise) Et quand il mourra, Prends-le, fais de lui mille petites étoiles ! La face du ciel en sera si belle Que le monde entier s’éprendra de la nuit Et cessera d’adorer l’arrogant soleil. Oh ! j’ai acquis une demeure d’amour Sans en avoir pris possession, et j’appartiens moi-même à celui qui n’a encore joui de moi : (Romeo et Juliette - suite) Donnez moi mon Roméo ! 51 I shall tell you where is bruder Jakob workshop but you must answer my question: What is it that walks first on four legs, then on two and finally on three legs? Oh let me think! This is the human beeing that walks first on four legs in his childhood, then on two in his adult time, and then with a walking stick to help the old man. Varushka,… 52 Je vais vous dire où est l’atelier de frère Jacques mais tu dois répondre à ma question Qu’est-ce qui marche sur quatre, puis sur deux, puis finallement sur trois pattes ? Oh laisse moi réfléchir ! C’est l’espèce humaine qui marche d’abord à quatre pattes pendant son enfance, puis sur deux à l’age adulte et puis sur trois avec une canne pour aider le viel homme. Varouchka,… (langue inventée) 53 journal the libretto childhood Twinkle twinkle little bat How I wonder what your’at Up above the world you fly Like a tea-tray in the sky Twinkle twinkle, Et vous donnerez la vie A ces dieux inventés T’was brillig, and the slithy toves Did gyre and gimble in the wabe; All mimsy (Hic) where the borogoves, (Hic) And the mome raths outgrabe (Hic) Beware the jabberwock, my son! (Listen) The jaws that bite, the claws that catch! Beware the Jujub bird (Hey, stop!) Ces planètes rêvées elles existeront The frumious Bandersnach Did he take his vorpal sword in hand? Ces planètes rêvées elles existeront. Ces dimensions espérées elles apparaîtront. Long time the manxome foe he soughtSo rested he by the Tumtum tree, 54 (Ya, listen!) enfance Pomme de reinette et pomme d’api Tapis tapis rouge Pomme de reinette et pomme d’api Tapis tapis gris And you will give life To these invented gods Imposesques, les toves rusâtres Vironnaient en gyrant dans le vosse ; Tout mimieux (Hic) étaient les borogoves (Hic), Les momerains jasurgeaient (Hic). Gare au Jabberwock, mon fils ! (Écoute !) Aux mâchoires qui mordent, aux griffes qui attrappent ! Gare à l’oiseau-jujube ! (Hé ! stop !) These dreamt planets will exist These hoped-for dimensions will appear Au frumieux bandersnatch ! S’est-il emparé de sa vorpaline épée ? These dreamt planets will exist (Ya, écoute !) These hoped-for dimensions will appear Longtemps il traqua le manxome ennemi ; Parvenu auprès de l’arbre à tim-tim, 55 And stood a while in thought. And as in uffish thought he stood The Jabberwock, with eyes of flame Came wiffling through the tulgy wood And burbled as it came! One, two! one, two! and through and through The vorpal blade went snicker-snack! He left it dead, and with its head He went galumping back And hast thou slain the Jabberwock? Come to my arms, my beamish boy! O frabjous day! Callooh! Callay! Lewis Carroll: Alice in wonderland (Jabberwocky) My wooden horse is broken! Et lentement comme des pinochios, tout vivra vraiment. Mister! Mister Pickwick, my wooden horse is broken. - I shall tell you where is bruder Jakob’s Workshop but, you answer 56 (I’m not dead ha ha ha!) Il s’arrêta donc pour songer un moment. Mais tandis qu’il était tout à ses uffiches pensées, Le Jabberwock, l’œil enflammé, Survint en jacassant, Reniflu, par le bois touffi ! Une, deux ! une, deux ! De part en part La vorpaline lame le tailla, zip-zap ! Une fois la bête terrassée, il s’en retourna, caricolant, Avec du monstre la tête pour trophée. As-tu donc tué le Jabberwock ? Dans mes bras, mon fils mirifieux ! Ô jour de gloireté ! Hourri ! Hourru ! Lewis Carroll: Alice in wonderland (Jabberwocky ) Monsieur ! Monsieur Pickwick, voilà mon cheval de bois cassé ! And slowly, like Pinocchios, all will truly live (Je n’suis pas mort ha ha ha !) - Je vais te dire où est l’échoppe de Bruder Jacob, 57 my question: What is it that walks at first on four legs, then on two and finally on three legs? - O let me think This is the man that crawls first on four legs in his childhood, on two legs in his adult time and who finishes his life with a walking stick ! Very good my boy L’atelier de bruder Jacob se logera au soleils des mondes inconnus. Nos yeux discerneront les univers subtils Comme la mort, la conscience nous envahira Et les rois fous gouverneront les firmaments multidimensionnels. Nos mains toucheront les couleurs merveilleuses Nos pensées se mélangeront aux poussières des univers. 58 Mais il te faut répondre à ma question : Qu’est-ce qui marche d’abord à quatre pattes, puis sur deux pattes et enfin sur trois ? - Laisse-moi réfléchir. C’est l’homme qui rampe d’abord à quatre pattes enfant, se tient Très bien mon gars Bruder Jacob’s workshop will find accommodation in the sun of unknown worlds. Our eyes will discern subtle universes Like death, awareness will invade us. And the mad kings will govern the multidimensional firmaments. Our hands will touch the marvellous colours Our thoughts will blend with the dust of universes. 59 love Juliette Isolde Tristan Roméo Bien aimés aimons nous les uns les autres Puisque l’amour est de Dieu (Saint Jean Epître I) J’ai souvenance du miel de tes lèvres Du doux soleil de tes yeux et des caresses de ta voix Où es-tu mon amour? Ces rires autour de moi Ces vieux sages qui ne par-lent plus Mister Pickwick Caro mio, Vieni Bello, Vieni Amore, Vieni (What is he looking for? Sex?) BRUDER JACOB! M! have you got your wooden horse re-paired? You don’t know; e hum, Well, Bye Bye! Take care! 60 (Was sucht er denn?) amour Beloved, let us love one another For love is of God (1st Letter of Saint John) I have a recollection of the honey of your lips Of the soft sunlight of your eyes and the caresses of your voice Where are you, my love? This laughter around me These old sages who no longer speak Mon chéri, viens ! Mon bel ami, viens ! Mon amour, viens ! Come, my darling! Come, my fair friend! Come, my love! (Que cherche-t-il ? Du sexe ?) FRÈRE JACQUES ! M! As-tu fait réparer ton cheval de bois ? Tu ne sais pas ; hum ! eh bien ! salut ! Porte-toi bien ! (Que cherche-t-il ?) (What is he looking for?) 61 Hey my friend, we know where she is; What Really You really know were she is Yes, we know Tell me were she is! She’s not far! No, they don’t know were she is Liebe wo bist du! Liebe! PINOCCHIO! WHERE ARE YOU? Don’t leave me in the dark, you know I’m afraid Tout semble si lointain, lointain, autour de moi, de moi Meuzda yè, meuzda yè jtè Wo bin Ich? Youjto Sey! Hey! mein Freund bist du jetz am traumen? Mein freund! Komm doch in die kneipe ein bier trinken 62 Et ton sexe comme une proue merveilleuse Conduit mon navire au pays du safran et des sages fous J’ai fait toute la ville pour te trouver Et encore palpite en moi ton sexe Où sont les rois fous, les pinochios Et les Mister Pickwick de mon enfance Hé ! mon ami, nous savons où la trouver. Quoi ? Vraiment ? Vous savez vraiment où la trouver ? Oui, nous savons. Dites moi, dites-moi où la trouver ! Elle n’est pas loin ! Non, ils ne savent pas où la trouver. Amour, où es-tu ? Amour ! And your sex like a marvellous prow Leads my ship to the land of saffron and mad sages I searched the whole city to find you And your sex is still throbbing inside me Where are the mad kings, the Pinocchios And the Mister Pickwicks of my childhood Love, where are you! Love! PINOCHIO ! OÙ ES-TU ? Ne me laisse pas dans le noir, tu sais que j’ai peur. Où suis-je ? All seems so far away, far away, Around me, from me Where am I? Hé ! mon ami, tu rêves ? Mon ami ! Viens donc boire une bière au bistro ! Hey! My friend, are you dreaming? My friend! Come have a beer at the bistro! 63 Das ist toll Aber lass mich doch nicht allein Du Weiss dass Ich Angst habe allein zu sein! Hey! amis buvons tous! Look, the world is at your feet, my friend! Ein Bier noch mal bitte! Wir trinken, immer trinken! What does he say? I don’t understand what he says! Ich kan him garnicht verstehen! Que ta main m’amène enfin vers ces contes de fées. Bruder Jacob haben sie der getroffen? Nein! Wo ist meine Liebe hingeblieben? Von mir is die jetz doch weg “Der singt mir das lied von der Liebe” Wo ist dann meine Liebe hingeblieben? Sa peau est douce comme les nuits de septembre Ses cheveux, poussières des firmaments Ses yeux, étoiles polaires 64 C’est chouette ! Ne me laisse pas tout seul ! Tu sais que j’ai peur d’être tout seul ! It’s brilliant! Don’t leave me all alone! You know I’m afraid of being all alone! quoi ? que dit-il ? je ne comprends pas ce qu’il dit ! Regarde, le monde est à tes pieds, mon ami ! Encore une bière, s’il vous plaît ! Et glou, et glou ! Hey, friends, let’s all drink! Look, the world is at your feet, my friend! Another beer, please! Glug, glug! Bruder Jacob, l’avez-vous rencontré ? Non! Let your hand finally lead me towards these fairytales. Bruder Jacob, did you meet him? No! Où se cache mon amour ? Il s’est enfui de mon cœur. « Il me chante le chant de l’amour » Où se cache donc mon amour ? Where is my love hiding? It fled from my heart. ’He is singing me the love song.’ So where is my love hiding? Her skin is as soft as September nights Her hair, the dust of firmaments Her eyes, polar stars 65 Mon ami, nous savons où elle est! Ses mains embrassent toutes les cosmogonies Son aura vibre-t-elle de nos rêves d’enfant Ses seins sont des planètes merveilleu-ses Suis-nous sur ce cheval merveilleux que ce Merlin t’a donné Sa bouche est en demi lune Ouvrez-vous portes des univers chimériques Ouvrez ! Mon enfant, mon ami, mon frère Enfin tu m’as rejointe. Que tes yeux voient, tes oreilles entendent Suis moi donc. Allons chez la fée des étoiles merveilleuses Partons pour la planète des cendrillons et des princes charmants Arrêtons nous, Pinochio nous rejoint A la maison faite en sucre. Mangeons la toute ! Que ces grands mères veillent tendrement sur notre sommeil stellaire Demeurons éternellement Enlacés, à l’om-bre des arbres cosmiques Au point ultime de la conscience. Les amoureux s’envolent au son de la musique du temple de l’au-delà En Jade, en rubis. 66 My friend, we know where she is! Her hands embrace all the cosmogonies Her aura does vibrate in our children’s dreams Her breasts are marvellous planets Follow us on this marvellous horse, Which that Merlin gave you Your mouth like a half-moon Open up the gates of chimerical universes Open! My child, my friend, my brother, Finally you have joined me again. May your eyes see, your ears hear. Follow me therefore Let us go see the fairy of marvellous stars Let us set off for the planet of Cinderellas and Prince Charmings Let us halt, Pinocchio is joining us At the house made of sugar Let’s eat it all! Let these grandmothers tenderly watch over our stellar sleep Let us remain forever Entwined, in the shadow of cosmic trees To the ultimate degree of consciousness. The lovers fly off at the sound of the music from the temple of the hereafter In Jade, in ruby 67 death Ouvrez-vous ! Luminescence ! Portail de lumière ! Univers lumineux ! Nun weiß Ich wenn der letzte Morgen sein wird. Wenn das Licht nicht mehr die Nacht und die Liebe scheucht – wenn der schlummer ewig sein wird und nur Ein unerschöpflicher Traum sein wird. Himmlishe Mudigkeit fühl ich in mir. – Weit und ermüdend ward mir die Wallfahrt zum heiligen Grabe. (Novalis: in Hymnen an die Nacht #4) MAYAKOWSKY Requiem Requiem aeternam In paradisum deducante angeli in caelo adventu suscipiante martyres (Trinken bruder! Trinken) Et perducante in civitatem sanctam Jerusalem. Requiem aeternam dona eis domine 68 death mort Open up! Luminescence Portal of light! Luminous universe! Je sais à présent quand se lèvera le dernier matin, quand ni la nuit, ni l’amour ne craindront plus la lumière, quand le sommeil, devenu éternel, ne sera plus qu’un inépuisable songe. Je sens en moi une divine fatigue. Comme il fut harassant, ce lointain pèlerinage au sépulcre sacré. (Novalis : in Hymnen an die Nacht #4) I now know when the final morning will dawn, when neither night nor love will fear the light any longer, when sleep, having become eternal, will no longer be anything but an inexhaustible dream. I feel in me a divine fatigue. How wearing/exhausting it was, that distant pilgrimage to the holy sepulchre. (Novalis, Hymns to the Night #4) Repos, Repos éternel Les anges t’accompagnent au paradis, à ton arrivée, les martyres t’accueillent, et te conduisent dans la cité sainte de Jérusalem. (À boire, frère ! À boire !) Rest, Eternal rest May the angels receive you in Paradise At thy coming may the martyrs receive thee (Drink up, brother! Drink!) Donnes leur le repos éternel, seigneur And bring thee into the holy city of Jerusalem. Grant them eternal rest, Lord. 69 Ne me laisse pas seul ! j’ai peur ! je ne vois plus rien Plus rien que le reflet de mes yeux, mes yeux dans le vide ! C’est vrai que là-bas les palais sont de cristal plus précieux que le sourire des étoiles les soirs de juin ? Est-ce vrai que les rues sont parées de matières plus subtiles que les aurores boréales, que je pourrai boire la lumière ? Que la fée Carabosse y a son château de porphyre, que ses lacquais ont la douceur du saphyre ? Auf wiedersehn! est-ce vrai que les liqueurs y sont plus douces que la peau d’un enfant ? Que les brebis chantent des cantiques merveilleux ? Bist du schon weg? Ya! Ya! es muss doch so sein. Gute Reise Bruder, komm gut nach Heim! Auf wiedersehn Bruder Auf wiedersehn! Kyrie eleison! Lux aeterna luceat ei Domine cum sanctis tuis in aeternam quia pius est. Je vais au pays où les brebis chantent des cantiques merveilleux ; où je pourrai boire la lumière comme les caribous s’abreuvent à l’eau des lacs. 70 Don’t leave me alone! I can’t see anything Nothing more than the reflection of my eyes, my eyes in the void! It’s true that, over there, the palaces are of crystal more precious than the smile of the stars on June evenings. Is it true that the streets are trimmed in matter more subtle than the aurora borealis, that I will be able to drink the light? That the evil fairy has her porphyry castle, that her lackeys have the softness of the sapphire? Au revoir ! Seigneur, aie pitié ! Te voilà déjà parti ? Ya ! Ya ! il le faut bien. Bon voyage, frère ! Bon retour ! Au revoir, frère ! Que la lumière éternelle les éclaire. Seigneur, avec tes saints, pour l’éternité, parce que tu es bon. Goodbye! Lord, have mercy on us! Is it true that the liqueurs there are sweeter than a child’s skin? That lambs sing wonderful hymns? You’ve already left? Ya! Ya! It’s quite necessary. Bon voyage, brother! Return safely! Farewell, brother! I am going to the land where lambs sing wonderful hymns, where I can drink light like the caribou drink of lake water. Goodbye! May the eternal light illuminate them, Lord, With Thy saints, for eternity For Thou art good. 71 after death Luce ! Vienne enfin la lumière pourpre des lointaines constellations ! Luceat ! Que j’entre enfin au temple des musiques somptueuses ! des cités de jade et de diamant ! Mes yeux touchent le flot infini de Dieu ! Des myriades de vaisseaux célestes voguent sur les mers colorées les vagues me balancent de dimensions en dimensions. Luceat ! Pavée de la contemplation des méditants, la voie sacrée demeure silencieuse Par milliards les bergers cosmiques mènent leurs troupeaux subtils vers les planètes abstraites, Luce ! Comme des goélands, mes souvenirs accompagnent mon corps transparent. Mes mains palpent, palpent l’indigo des quatre orients. Les étoiles innombrables flottent autour de moi. Je vous salue être des dimensions éthérées ! Et Véga et Dened, Arcturus Toutes les étoiles. Capelle, Sanopus, Arcturus, Procyon et Véga. Musiques subtiles Bételgeuse, Antarès, Hyades, Emplissant mon âme. Dened, Fomalhaut, Véga. Soudain l’amour devient possible. Véga! Capella! Dened! Arcturus! 72 après la mort after death Lumière ! Light! Finally comes the purple light of distant constellations! Shine! May I at last enter the temple of sumptuous music! Of cities of jade and diamond! My eyes touch the infinite stream of God! Myriads of celestial vessels sail the coloured seas. The waves rock me from dimension to dimension. Shine! Paved with the contemplation of meditators, the Via Sacra remains silent. By the thousand, cosmic shepherds lead their subtle flocks towards the abstract planets, Light! Like seagulls, my memories accompany my transparent body. My hands touch, feel the indigo of the four orients. The innumerable stars float about me. I hail you, being of ethereal dimensions! And Vega and Dened, Arcturus All the stars. Éclaire ! Éclaire ! Lumière ! Subtle music Filling my soul. Suddenly love becomes possible. 73 The merlins from all dimensions of the univers gaze at you and love you! Your eyes are no longer eyes But starry openings Upon fabulous constellations. Yours ears perceive the subtile vibrations of the bodies celestial. Temporal planes Grow within you. The seven fundamental stars Shall guide you towards eternal contemplation COME, LET’S GO! YA! 74 No kazé Di yonopou. Zamoreska oumè zo ta O vay zoko mi ma Komè siké. A! Minayokami, nayokamina Les Merlin de toutes les dimensions de l’univers te regardent, t’aiment ! Tes yeux ne sont plus des yeux, ce sont des ouvertures étoilées sur de fabuleuses constellations. Tes oreilles perçoivent les vibrations subtiles des corps célestes. En toi-même croissent des tranches de temps. Les sept étoiles premières te guideront pour te mener à la contemplation éternelle. ALLEZ ! VIENS ! 75 les jeunes solistes Créer un ensemble en mesure de couvrir l’ensemble du répertoire de la polyphonie vocale de la Renaissance à nos jours, tel est le but de Rachid Safir lorsqu’il crée en 1988 les jeunes solistes ; cet ensemble est constitué de chanteurs professionnels aux sensibilités stylistiques multiples. L’effectif varie de quatre à vingt chanteurs. Des instrumentistes se joignent parfois aux chanteurs pour aborder des répertoires particuliers. Le principe est le « un par voix » qui permet une interprétation modelée et précise. Par vocation, l’activité des jeunes solistes se développe autour de deux axes : - la mise en regard d’œuvres d’époques différentes qui se valorisent ainsi mutuellement, - l’ensemble de solistes qui permet une grande liberté d’expression individuelle, mais qui exige également un travail d’écoute très précis, donc une collaboration durable tant avec et entre les chanteurs qu’avec les compositeurs. Depuis maintenant près de quinze ans d’existence les jeunes solistes ont à leur actif plus de 50 créations et de nombreux concerts de musique ancienne et contemporaine en France, sur des scènes comme le Festival d’Ambronay ou le Festival d’Automne à Paris, et à l’étranger à Madrid, Rome, Venise, Salzbourg, Vienne, Genève, Lucerne, Witten, Bruxelles, Amsterdam, Tampere, Yokohama, Valencia, Bath… La presse et les nombreux compositeurs qui ont écrit pour les jeunes solistes sont unanimes à souligner l’excellence de cet ensemble, instrument précieux au service de l’art vocal. L’ensemble les jeunes solistes est installé comme ensemble résident à la Fondation Royaumont. L’ensemble est aidé par le Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Ile de France, au titre de l’aide aux ensembles conventionnés, et soutenu par la SACEM. Les jeunes solistes sont membres de la FEVIS (Fédération des ensembles vocaux et instrumentaux spécialisés). 76 the young soloists Rachid Safir had a dream: to create an ensemble capable of covering the whole repertoire of vocal polyphony from the Renaissance up to the present. This dream became reality in 1988, when he created les jeunes solistes, a group made up of professional singers of different stylistic sensibilities. The number of singers varies from four to twenty, and they are occasionally joined by instrumentalists for particular repertoires. The ‘one per voice’ principle allows for precise, modelled interpretations. By vocation, the jeunes solistes’ activities develop around two main lines: - the confrontation of works from different periods, thereby enhancing each other, - the group of soloists which permits great freedom of individual expression, but also requires very precise listening work, therefore a lasting collaboration both with and between singers as well as with the composers. In the course of almost fifteen years’ existence, les jeunes solistes have over 50 world premieres to their credit. They have given numerous concerts of ancient and contemporary music in France, at the Festival of Ambronay or the Festival d’Automne in Paris, and abroad in Madrid, Rome, Venice, Salzburg, Vienna, Geneva, Lucerne, Witten, Brussels, Amsterdam, Tampere, Yokohama, Valencia, Bath… The press and numerous composers who have written for les jeunes solistes are unanimous in praising the excellence of this group, a precious instrument in the service of vocal art. Les jeunes solistes are ensemble-in-residence at the Royaumont Foundation, located outside of Paris. The ensemble is subsidised by the Ministry of Culture and Communication – DRAC Ile-de-France (Regional Department for Cultural Action) and also receives the support of SACEM, the French Society of Authors, Composers and Music Publishers. Les jeunes solistes are members of FEVIS (Federation of Specialised Vocal and Instrumental Ensembles). 77 rachid safir Dans toutes ses activités musicales, Rachid Safir s’est attaché à interpréter la musique vocale de solistes de toutes les époques, de Pérotin à Ferneyhough, de Dufay à Schubert. Chanteur, Rachid Safir a travaillé aussi bien avec le Groupe Vocal de France qu’avec le Studio der Frühen Musik ou le Clemencic Consort. En 1978, il fonde A Sei Voci, ensemble avec lequel il chantera plus de dix ans. Plusieurs des enregistrements auxquels il a ainsi participé ont obtenu les plus hautes récompenses. Pédagogue, il a assuré la direction artistique du Centre d’Art Polyphonique de Paris Ile-de-France de 1989 à 1997. et enseigné au Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon et au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Chef de chœur depuis 1970, il crée les jeunes solistes en 1988 afin, avec de jeunes chanteurs professionnels, d’allier le travail polyphonique à celui de solistes In his various musical activities, Rachid Safir has sought to interpret solo vocal music from all periods, ranging from Pérotin to Ferneyhough, Dufay to Schubert. A singer himself, Rachid Safir was a member of the Groupe Vocal de France, the Studio der Frühen Musik and the Clemencic Consort. In 1978, he founded A Sei Voci, an ensemble with which he sang for more than ten years. Several of the recordings he participated in were honoured by the highest awards. He was artistic director of the Centre for Polyphonic Art of Paris Ile-de-France from 1989 to 1997, and he taught at the National Conservatory of Music in Lyons and at the National Conservatory of Music in Paris. A chorus master since 1970, he created les jeunes solistes in 1988 in order to combine both polyphonic and solo work with young professional singers. 79 france télécom, mécène de la musique vocale Du baroque à l’opéra et du jazz aux musiques du monde… depuis 1987, la Fondation France Télécom fait émerger des talents, entendre des voix et partager l’émotion de la musique à un public de plus en plus large. La Fondation soutient la formation de jeunes chanteurs et détecte de nouveaux talents. Elle accompagne le parcours de 15 ensembles vocaux, contribue au rayonnement de 60 festivals et saisons vocales partout en France et encourage la diffusion de productions musicales de qualité. 80 france telecom, a patron of song From Baroque to opera and jazz to world music… the France Telecom Foundation has been fostering talent, making voices heard, and bringing the emotion of music to a growing audience since 1987. The Foundation funds training for young singers and discovers new talents. It actively supports 15 vocal ensembles, plays a role in promoting over 60 vocal music festivals and events throughout France and backs the distribution of high-quality musical productions. 81
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