Robert Molhant Les catholiques et le cinéma Une étrange histoire de craintes et de passions EDITIONS OCIC BRUXELLES 2 Robert Molhant Les catholiques et le cinéma Une étrange histoire de craintes et de passions EDITIONS OCIC BRUXELLES 3 Edité par l’OCIC Organisation Catholique Internationale du Cinéma et de l’Audiovisuel 15, rue du Saphir 1030 Bruxelles Belgique Janvier 2000 4 Avant-propos « Ce ne sont pas les idées qui mènent le monde. Mais c’est parce que le monde a des idées (et parce qu’il en produit continuellement) qu’il n’est pas mené passivement par ceux qui le dirigent ou ceux qui voudraient lui enseigner ce qu’il faut penser une fois pour toutes. » 1 Michel Foucault Il y a plus de cent ans que le monde catholique s’intéresse au cinéma. Certains, parce qu’ils étaient exploitants de salles, d’autres producteurs, d’autres encore journalistes ou éducateurs, se sont trouvés sur les terrains professionnels de cette curiosité de foire qui allait devenir une industrie et même un art. Quand le cinéma a gagné de vastes publics, quand il est devenu un média de masse touchant des millions de spectateurs, les autorités civiles et religieuses se sont inquiétées de son influence. L’Eglise catholique, par ses plus hautes autorités, s’est prononcée, d’abord pour condamner, puis peu à peu pour reconnaître les aspects positifs du film qui 1 Les reportages d’idées, Corriere della Sera, 12 novembre 1978, cité par Didier Eribon, Michel Foucault, Flammarion, 1991, p. 299 5 pouvait sainement détendre, mais aussi éduquer et même évangéliser. Le cinéma a occupé une place importante dans l’action des catholiques et dans les préoccupations de l’Eglise. De nombreuses initiatives se sont développées, qui couvrent tous les champs de l’activité cinématographique, depuis la production, la distribution, l’exploitation par ses réseaux de salles, l’éducation et la culture cinématographique, jusqu’à la classification morale des films, qui est souvent le seul aspect auquel on a tendance à réduire l’action du monde catholique. La rapide évolution des médias, l’arrivée de la télévision, de la vidéo, les développements de l’électronique, de la digitalisation des images, des sons et du texte, l’univers des nouvelles technologies ont resitué le cinéma dans un paysage médiatique beaucoup plus diversifié. Les sociétés ont évolué. Les Eglises, dans plusieurs pays du monde, ont perdu une part notable de leur influence. Celle qu’elles exerçaient sur le cinéma et ses spectateurs, ne serait plus pensable aujourd’hui. Ce qui amène parfois les autorités de ces Eglises à renoncer à toute action et à abandonner les engagements pris pour soutenir des institutions qui ont été parmi les fleurons de la culture cinématographique. Les catholiques et l’Eglise ont contribué et contribuent toujours au monde des médias, à leur développement au service de plus de justice, à la reconnaissance de la dignité de chaque être humain. Mais le monde des médias a changé. Il faut donc que les formes de présence des catholiques et de l’Eglise changent elles aussi. Elles sont d’ailleurs en pleine évolution. On en verra le signe dans les modifications qui marquent deux des organisations internationales catholiques des médias, celle de 6 la radio et de la télévision (Unda) et celle du cinéma (OCIC), qui ont décidé de fusionner. Mais développer une nouvelle vision, bâtir de nouvelles formes de présence dans un univers si complexe, est un défi qui, pour être relevé, doit pouvoir cueillir les fruits du passé, un passé si riche, mais souvent ignoré par les acteurs d’aujourd’hui. Voilà pourquoi nous publions cette série de brochures consacrées à l’histoire de la contribution du monde catholique au cinéma. Elles viennent compléter un livre portant sur l’histoire de l’OCIC, publié à l’occasion du 70ème anniversaire de cette organisation 2 . Ce livre proposait une lecture très documentée de la vie même de l’organisation internationale qui a coordonné les activités du monde catholique dans le domaine du cinéma. Il ne pouvait donner l’aperçu de toutes ces initiatives nées dans chacun des pays, et dont l’OCIC ne pouvait être que le prolongement international. Nous avons tenté, dans cette série de brochures – dont voici la première – de relever brièvement l’information qui était en notre possession. Mais elle est évidemment fragmentaire. Notre espoir, c’est qu’en faisant circuler ces brochures parmi nos membres et un public intéressé, nous pourrons rassembler bien davantage d’informations et fournir ainsi, plus tard, un aperçu plus vaste des contributions du monde catholique au cinéma. C’est donc en attendant vos réactions et commentaires que nous vous souhaitons bonne lecture de la première brochure d’une série qui devrait en comporter huit. 2 Léo Bonneville, , Soixante-dix ans au service du cinéma et de l’audiovisuel – OCIC, Fides, Québec, 1998 7 8 1. Dès les débuts : des initiatives multiples 1895 - 1935 « I believe, as I have always believed, that you control the most powerful instrument in the world for good and evil. » Edison 1924 Dès les débuts du cinéma, des catholiques vont s’y intéresser. D’abord pour accueillir les premières projections jusque dans les églises mêmes, ensuite pour utiliser les films pour la détente des enfants et adultes, ou pour l’enseignement religieux. D’aucuns vont vouloir produire eux-mêmes des films, en particulier des films religieux ou édifiants. Ils connaîtront peu de succès dans ce domaine. Mais le sentiment va grandir que le cinéma est un danger, principalement pour la jeunesse. Il faut la protéger. Il faut aussi faire pression sur la production cinématographique, particulièrement celle d’Hollywood, pour qu’elle produise 9 des films respectueux des mœurs. L’occasion est offerte aux catholiques américains d’écrire un « code » pour l’industrie cinématographique américaine, code qui sera endossé par Hollywood même. Mais ce code n’est pas respecté par les studios. Aussi, l’Eglise catholique américaine va se lancer dans une vaste campagne de pression sous forme de la Légion pour la décence. Les catholiques vont prêter serment, s’engageant à ne pas aller voir les films que l’Eglise leur déconseille. En 1935, ils ont gagné une première bataille. Les studios d’Hollywood vont davantage respecter le code. Ils pensent avoir assaini le cinéma qui passe de l’époque du muet à celui du parlant. C’est le moment choisi par le Pape pour proposer la démarche des Américains comme modèle aux catholiques du monde entier, dans son encyclique Vigilanti Cura. Pendant que l’Eglise met l’accent sur l’aspect moral et joint sa voix aux différentes initiatives de censure, des catholiques s’intéressent à la culture cinématographique, à toute la richesse créatrice que ce nouvel art peut offrir à l’homme. Dès les débuts du cinéma, des clivages s’instaurent. On les retrouve jusqu’au cœur des débats de la Légion pour la décence : faut-il promouvoir les bons films et ne pas mentionner les mauvais ? Les autorités ecclésiastiques se prononcent pour une action qui vise surtout à condamner les mauvais. Officiellement, la première attitude des catholiques vis-àvis du cinéma est surtout négative. Mais dans les faits de tous les jours, les connivences se multiplient. 10 O n l’ignore très souvent, mais les chemins de l’Eglise et du cinéma se sont rencontrés très tôt, dès les tout débuts de ce qui allait devenir le septième art. Le 28 décembre 1895, dans les salons du Grand Café, les Frères Lumière présentent leur invention au public parisien. Le succès est immédiat. Mais Louis Lumière pense que le cinématographe n’a aucun avenir. Il est persuadé qu’il s’agit là d’une curiosité de foire qui disparaîtra dès que l’effet de surprise sera passé. Aussi veut-il l'exploiter au plus vite, avant que les images animées ne cessent d'intéresser le public. Voilà pourquoi, dès 1896, il engage des opérateurs, qui vont à la fois filmer les premières bandes cinématographiques et les projeter… avec le même appareil, puisque le cinématographe est à la fois une caméra et un projecteur! Ils seront bientôt une cinquantaine d'opérateurs à parcourir le monde. C'est ce qui explique qu'à peine né, le cinématographe se retrouve en février 1896 à Bruxelles et Londres, en avril à Vienne, Madrid et Berlin, en mai à Saint-Pétersbourg, à Cardiff, à Amsterdam. En juin à Belgrade et déjà à Bombay et New York; en juillet à Buenos Aires…en août à Venise. C'est en Italie, que les chemins du cinématographe vont croiser semble-t-il ceux de l'Eglise, puisqu'on apprend, par les lettres d'un des opérateurs, Pierre Chapuis, que faute de salles, il installe ses représentations dans les églises. 3 3 Jacques Rittaut-Hutinet, Le cinéma des origines, Les Frères Lumière et leurs opérateurs, Editions du Champ Vallon, 01420 Seyssel, 1985, p. 84. 11 En juin 1896, un autre opérateur, Félix Mesguich, qui a été envoyé aux Etats-Unis, organise une projection dans une église de Baltimore. 4 Il semble bien que les projections dans les églises se soient multipliées au point que certains exploitants de salles aient considéré qu’il y avait là pour eux un grave danger de concurrence. Ainsi, dans Ciné-Journal, l’organe hebdomadaire de l’industrie cinématographique, publié à Paris, son directeur, G. Dureau écrit la 1er juin 1912 : « Il s’agit bien plutôt pour nous de savoir si l’entrée régulière, officiellement reconnue par le Pape, du cinématographe dans les temples jusqu’ici réservés au culte, constitue un nouveau péril professionnel et menace les intérêts de nos exploitants. Je crois pouvoir dire tout de suite que cet accès de modernisme ne met pas en danger nos exploitations françaises, mais qu’il peut en être autrement pour l’Italie, l’Espagne et quelques pays de l’Amérique du Sud sur lesquels la main du clergé a gardé une prise certaine. Les prêtres français que l’évêque autorise à donner des représentations cinématographiques à l’église ont assez le respect qui convient aux Saints Lieux pour ne présenter que des films essentiellement religieux ou tout au moins d’un caractère confessionnel. » Il faudra le décret de la Sacrée Congrégation Consistoriale, le 10 décembre 1912, pour interdire toutes les projections et représentations cinématographiques – même de caractère strictement religieux – à l’intérieur des églises et des chapelles, ouvertes au culte : et cela, afin de préserver le caractère sacré des dits édifices. En France En mai 1896, à Paris, rue Bayard, la Maison de la Bonne Presse fonde son service des projections lumineuses, sous la responsabilité du P. Vincent de Paul Bailly de Surey, qui confiera la gestion du service à Georges-Michel Coissac. 5 « Cet organisme religieux 4 Id. p. 166 L’Année 1913 en France, numéro hors série de l’Association française de recherche sur l’histoire du cinéma, Paris, 1993, article 5 12 consacre d’abord tous ses efforts à la fabrication, la location et la vente de plaques en verre et de lanternes de projection (il s’agit de lutter contre la grande vogue des projections laïques). La Maison de la Bonne Presse dénonce l’immoralité du cinématographe, mais constate son immense pouvoir ‘fascinateur’ auprès des masses. Aussi, dès 1897, Coissac, le frère Basile et Albert Kirchner dit Léar, tournent une première Passion. Mais les films de la Bonne Presse ne connaîtront jamais une grande audience. Paul Féron-Vrau, directeur de la revue Le Fascinateur, créée en 1903, déclare en avril 1906 que la réalisation de scènes morales ou religieuses est trop coûteuse… » Entre 1897 et 1914, la Bonne Presse (devenue aujourd’hui Bayard Presse) va réaliser un certain nombre de films religieux, parmi lesquels : La Passion de Nancy (1904) ; la Passion de NotreSeigneur (1906) ; La sortie du consistoire au Vatican (1908) ; La Samaritaine au puits de Jacob (1908) ; Les Apparitions de Lourdes (1909) ; Bernadette et les apparitions de Lourdes (1911) ; Jeanne d’Arc (1911). Là où l’évêque l’autorisera, ces films seront présentés dans les églises. Par deux fois, Paul Féron-Vrau et Michel Coissac se rendront à Rome, auprès de Pie X, pour présenter leurs programmes et obtenir l’approbation officielle pour cette forme moderne d’apostolat. 6 Ce qui n’empêchera, en décembre 1912, la publication du décret de la Sacrée Congrégation Consistoriale, interdisant les projections dans les églises. En 1912 et 1913, par sa revue Le Fascinateur, la Maison de la Bonne Presse s’attaque à l’immoralité des films, en particulier à la popularité de la bande à Bonnot, « ce Napoléon du banditisme de Thierry Lefebvre et Laurent Mannoni, « Annuaire du commerce et de l’industrie cinématographiques (France – 1913) », p. 43 6 Une invention du diable ? Cinéma des premiers temps et religion, publié sous la direction de Roland Cosanday, André Gaudreault, Tom Gunning, Les Presses de l’Université Laval, Sainte-Foy, Québec, 1992, p. 53 13 moderne. Etonnez-vous après cela qu’il y ait aujourd’hui tant de déséquilibrés, de névrosés et d’apaches ». 7 En mars 1913, Michel Coissac écrit : « Personne ne met plus en doute aujourd’hui l’influence néfaste du cinéma et l’on ne compte plus les municipalités qui ont interdit l’accès de leurs villes ou villages au film immoral et grivois. L’antidote ne sera réellement efficace que le jour où nous pourrons pourchasser, pied à pied, de bourg en bourg, le cinéma ambulant qui y fait tant de ravages. » 8 Mais la même année encore, le ton va changer. Dès novembre, Michel Coissac écrit : « Il nous faut aujourd’hui donner du cinéma ». L’ère des projections fixes dans les paroisses semble révolue. La guerre de 1914 empêchera le lancement d’une campagne d’un « cinéma éducateur ». Après la guerre, de nouvelles initiatives voient le jour. Née à Lyon, la maison de production et de distribution Etoile Films couvre bientôt la France de ses six agences. En 1927, dans le cadre de l’Action catholique, se crée le Comité Catholique du Cinématographe, en vue de coordonner les initiatives d’information et de formation prises en France par des chrétiens passionnés de cinéma 9 . C’est le chanoine Reymond qui en devient le secrétaire général. Dès septembre 1927, il crée une revue qui s’appelle Les dossiers du cinéma, qui paraîtront jusqu’en janvier 1932, date à laquelle ils sont remplacés par une revue pour grand public : Choisir, qui deviendra bien vite hebdomadaire. Cette revue « se résigne à une classification des films » en six catégories : pour les enfants, pour les salles familiales, pour les familles, réservés aux personnes formées, films présentant des dangers, films mauvais à rejeter. 10 A partir d’octobre 1934, la revue Choisir aura des Fiches du cinéma en supplément. Le 7 Le Fascinateur, n° 116-117, août-septembre 1912, cité dans « L’année 1913 en France », op. cit. p. 43 8 Le Fascinateur, mars 1913, p. 68 9 Marcel Béguin, Le cinéma et l’Eglise, 100 ans d’histoire(s) en France, Les Fiches du cinéma, Paris, 1995, p. 24. 10 Marcel Béguin, op. cit. p. 26. 14 chanoine Reymond organise également à Paris la messe du cinéma, célébrée dans l’église de la Madeleine. En Suisse A Bâle, en Suisse, dès 1902, un certain abbé Joseph Alexis Joye (1952 – 1919) découvre les premières bandes filmées des frères Lumière et s’enthousiasme pour le cinéma dans lequel il voit un extraordinaire moyen d’éducation, y compris d’enseignement religieux. N’y a-t-il pas, parmi les premiers films Pathé, une Annonciation, tournée en 1907, où l’orchestre des anges entonne un « Hosanna in excelsis Deo »? Et comme au tout débuts du cinéma les bandes filmées se vendent – la distribution n’était pas encore organisée par la location de copies – l’abbé Joye se met à acheter des films et à les utiliser pour animer des groupes d’enfants, de jeunes gens et d’adultes. 11 Il disposera pour cela d’une salle de 550 places, inaugurée en 1898 sous le nom de Vinzentianum (renommée Borromaeum en 1905). Il y mêlera les projections fixes et animées. Il aurait disposé d’une collection de quelques 16.000 plaques pour lanterne magique ! Lorsque, à la fin de l’année 1907, le parc bâlois des salles fixes est en plein développement, Joye veille à offrir dans sa salle des spectacles qui ne seront pas de moindre qualité. Ses relations avec les exploitants de salles lui permettront d’ailleurs d’accroître son stock de films. On découvrit chez lui, quarante ans plus tard, une extraordinaire collection des premières œuvres historiques du cinéma 12 . Ce trésor, au grand dam de la cinémathèque suisse, repose aujourd’hui à Londres, au National Film Archive. 11 Voir Léo Bonneville, Soixante-dix ans au service du cinéma et de l’audiovisuel – OCIC, Fides, Québec, 1998, p. 10. 12 Un inventaire réalisé en 1942, révéla que l’abbé Joye possédait 1540 films, 720 films de fiction et 820 documentaires. Parmi ceux-ci figuraient la majorité des premières œuvres des Frères Pathé, Gaumont, Eclair, Eclipse (France), de Cines, Ambrosio (Italie), Urban (Grande-Bretagne), Edison, Vitagraph, Imp (USA), Messter, Welt-Kinematograph (Allemagne) et Nordisk (Denemark). Cette collection reflétait l’essentiel de la production présente sur le marché européen pour les années 1907 à 1912. Une présentation des films de 15 Méfiances et condamnations Le cinéma attire bien vite les foules et les spectacles qu’il montre ne sont pas toujours édifiants. Aussi, en 1909, le cardinal Gaspari, vicaire de Rome, rappelle dans un décret que le clergé doit s'abstenir des salles publiques. Il demande en particulier aux ecclésiastiques de ne pas assister aux spectacles qui se déroulent dans les cinémas publics de Rome. 13 La méfiance des autorités ecclésiastiques vis-à-vis du cinéma ne va cesser de grandir. On en trouve trace dans des textes dont la virulence prête aujourd’hui à sourire. Ainsi, en 1919, l'archevêque de Cambrai, Mgr Chollet, écrit: "Fuyez les cinémas, éloignez-en vos enfants. Ces représentations sont contraires à l'hygiène du corps et à la santé de l'âme; elles ébranlent la sensibilité et la troublent, excitent d'une façon immodérée la nervosité, souillent trop souvent l'imagination et déposent dans l'esprit des idées qui, par le jeu de la vie, cherchent à se réaliser et à jeter les hommes dans le vice ou dans le crime dont les tableaux les ont frappés." 14 Des textes de cette nature sont nombreux. Citons celui assez métaphorique de Mgr Charost, évêque de Lille, qui vers 1920 s'étonne: "Que la nature humaine est misérable, puisqu'une toile où courent des ombres qui n'y laissent même pas une trace devient un écran entre le peuple chrétien et le ciel où il est appelé!" 15 Ou encore celui publié par les archevêques et évêques d'Irlande qui déclarent en 1927 : "…le cinéma est plus souvent que de juste un principe de démoralisation… Il y a donc très vraisemblablement une forte dose l’année 1910 a paru dans KINtop Schriften 1, Welcome Home, Joye ! – Film um 1910, Aus der Sammlung Joseph Joye (NFTVA, London), von Roland Cosandey, Stadtkino Basel, Stroemfeld/Roter Stern, 1993. 13 Groupe Médiatech de la Faculté de théologie de Lyon, Les médias, textes des Eglises, Centurion, Paris, 1990, p. 23. 14 Groupe Médiatech, op. cit. p. 31. 15 Groupe Médiatech, op. cit. p. 34. 16 de vérité dans l'assertion suivante: le cinéma est une école où les garçons apprennent à voler et à faire le coup de poing." 16 La même année pourtant, le cardinal Piffl, archevêque de Vienne, écrit: "Il faut donc se réjouir beaucoup de voir ces derniers temps de grandes entreprises de cinéma, qu'on doit consolider comme sérieuses et ayant conscience de l'importance de leur mission, se préoccuper avant tout d'instruire et d'élever le peuple. Les films qui ne visent qu'à flatter les instincts grossiers des masses ou à exciter d'une façon raffinée les nerfs des spectateurs ne trouvent d'ailleurs plus l'accueil désiré auprès d'une grande partie du public."17 En Italie La méfiance des autorités ecclésiastiques ne va pas empêcher que des chrétiens s’intéressent au cinéma, cherchent à produire des films, à organiser des projections et même des concours. Ainsi, dès 1904, à Milan, dans la paroisse de Santa Maria alla Porta, un prêtre crée une première association coopérative chargée de fournir des films aux « oratoires », qui sont des groupements d’enfants et de jeunes. Au cours de leurs réunions, on projette des films. Ce sont les ancêtres des « cinémas paroissiaux italiens», dont le premier s’ouvrira à Monza, en 1906. En 1909, toujours à Milan, se crée la Fédération cinématographique diocésaine 18 et se tient le premier concours mondial de films à contenu moral et religieux. Dès cette époque, les responsables se demandent comment choisir les films à projeter dans les oratoires et les salles paroissiales. Des prêtres forment une commission chargée de sélectionner les films. Ils publieront les listes de leurs choix dans l’Eco degli Oratori. En 1910 ils publieront également des listes de films à conseiller au grand public des salles commerciales. 16 Groupe Médiatech, op. cit. p. 45. Groupe Médiatech, op. cit. p. 46. 18 Dario Viganò, Un Cinema Ogni Campanile, Chiesa e Cinema nella Diocesi di Milano, Editrice Il Castore, Milano, 1977, p. 20 17 17 Dans les années 1906-1910, en Italie du Nord, des groupes de laïcs bien pensants militèrent dans des Ligues pour la moralité. Lors d’un congrès tenu à Milan, leur leader, le comte Angelo di Valmarana, voulait qu’une action soit menée « contre les mutoscopes, les cinématographes, les cartes postales et toute manifestation publique immorale ». 19 Le 5 janvier 1920, le pape Benoît XV approuve chaleureusement l’Institut cinématographique de St Marc, créé à Brescia pour diffuser à travers le monde des pellicules faisant connaître la pensée chrétienne. A Milan, l’abbé Canziani fonde en 1928 la Rivista del Cinematografo. En Belgique La première projection des films Lumière avait eu lieu le 13 novembre 1895, au Musée de physique, de l’Université Catholique de Louvain. Il ne s’agissait pas encore d’un spectacle public, mais plutôt de la présentation d’une découverte scientifique. Entre 1900 et 1908, la Belgique connaît surtout le cinéma ambulant. Quelques dizaines d’exploitants parcourent le pays. Ils cherchent à s’allier l’appui des autorités civiles et religieuses. Ils offrent des projections gratuites aux orphelinats. Ils choisissent alors dans leur répertoire plutôt des films comme la Passion d’Oberammergau, une procession à Lourdes ou des vues de Rome. En 1900, Henri Opitz, avec du matériel de l’American Biograph, filme La procession du Saint Sang de Bruges avec cortège historique. De 1910 à 1913, la Belgique va voir se développer les salles de cinéma, au point d’en compter quelque 650, pour une population qui 19 Les catholiques et l’avènement du cinéma en Italie, article de Aldo Bernardini, dans Une invention du diable ? Cinéma des premiers temps et religion, publié sous la direction de Roland Cosandey, André Gaudreault, Tom Gunning, Editions Payot, 1992, p. 5 18 s’élevait alors à 7.500.000 habitants. Il s’agissait la plupart du temps de salles de fêtes ou de cafés transformés en salles de projection, mais disposant toujours d’un débit de boissons. C’est d’abord le danger d’alcoolisme qui va conduire la bonne société à qualifier ces cinémas de « lieux de perdition ». Le 10 janvier 1912, plus d’une centaine d’hommes d’œuvres se réunirent, à Bruxelles, dans la salle du cinématographe chrétien, rue du Miroir, dénommée « Cinéma des Familles ». Cette salle était attenante au Collège Saint-François-Xavier. En cours de réunion, on constata que 52 salles catholiques étaient déjà en activité. 20 Ces salles ayant de plus en plus de mal de se procurer des films destinés aux familles, des catholiques belges créent en 1920 la compagnie de production Brabo Films. La Belgique va également jouer un rôle particulier dans la création de la Fédération Internationale de la Presse Cinématographique (Fipresci). L’idée d’une telle fédération avait pris corps à Paris, en 1926, à l’occasion d’un congrès tenu à l’Institut International de Coopération Intellectuelle. La séance constitutive devait avoir lieu à Bruxelles, en janvier 1927. Mais les hésitations de plusieurs associations reportèrent l’idée à 1930, lors du congrès international du cinéma, tenu à Bruxelles. Des journalistes français, italiens et belges décidèrent de la fondation de la Fipresci. Une deuxième assemblée se tiendra en mai 1931, à Rome. Un troisième congrès aura lieu en juin 1932, à Londres. En janvier 1933, au cours du quatrième congrès, à Paris, la Belgique se voit confier le secrétariat général et la trésorerie de la Fipresci. Ce congrès décidera de la création d’un insigne et d’une carte internationale de journaliste cinématographique. Le cinquième congrès aura lieu à Bruxelles, en 1935, à l’occasion de l’Exposition Universelle. Il engage les sections nationales à organiser la présentation de bons films, notamment ceux susceptibles de provoquer le rapprochement des peuples. 20 Guido Convents, Les catholiques et le cinéma en Belgique (18951914) in Une invention du diable ? Cinéma des premiers temps et religion, op. cit., pp. 22 à 43. 19 Nous verrons plus tard qu’en 1928, les catholiques engagés dans le domaine du cinéma vont créer à La Haye l’Office Catholique International du Cinéma (OCIC). La Belgique va être amenée à y jouer un rôle important. En effet, dès 1933, le prêtre belge, Abel Brohée, sera le président international de cet Office. En Autriche et en Allemagne Déjà vers 1910, en Autriche, un maître de chœur de Klosterneuburg, Petrus Rummler, constitue un réseau de salles catholiques et s’engage dans la production de films. A partir des années 30, le centre de pastorale du diocèse de Vienne crée un Institut Cinématographique, dirigé par le Dr. Gesek. Cet Institut va publier une revue sous le titre Le bon cinéma . En 1938, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne mettra fin à cet Institut. 21 En 1912, à Munich, la centrale des associations catholiques allemandes du sud du pays fonde un institut « Lichtbilderleihinstitute » chargé de la distribution de diapositives et de films, mais aussi de la vente de matériel cinématographique pour la projection. C’est ainsi qu’en 1913, lors d’une rencontre, à Offenburg, cet Institut organise une exposition de matériel cinématographique. Dès 1914, il dispose d’un cinéma ambulant qui circule dans les villes et villages qui n’ont pas de salles. Cet Institut sera repris en 1917 par la LeoFilmgesellschaft, laquelle poursuivra ses activités entre les deux guerres, jusqu’à sa liquidation en 1933. 22 A côté de l’initiative prise par les catholiques de Bavière, dès mai 1909, à Mönchengladbach, le reste de l’Allemagne se dotait d’une société catholique de l’image lumineuse, la Lichtbilderei GmbH. Celle-ci allait jouer un rôle important dans la création d’une véritable politique communale du cinéma, ainsi que dans la diffusion des films 21 Dr. Rudolf et Dr. Richard Emele, L’effort catholique en Autriche, in Revue Internationale du Cinéma, n° 11, 1952, p. 54. 22 Heiner Schmitt, Kirche und Film, Kirchliche Filmarbeit in Deutschland von ihren Anfängen bis 1945, Harald Boldt Verlag – Boppard am Rhein, 1997, p.39 20 dans les écoles et les paroisses. Jusqu’en 1911, cette société s’occupa uniquement de la production et de la distribution de diapositives, avant de se lancer dans la distrubution de films. Le rapport publié par la Lichtbilderei GmbH, en 1912, indique qu’elle est, à l’époque, la seule firme nationale de distribution de films. Cette année-là, Lorenz Pieper devenait le dirigeant de cette société. Dès mars, il publiait la revue Bild und Film. Zeitschrift für Lichtbilderei und Kinematographie. Cette publication paraîtra de mars 1912 à septembre 1915. Toujours en 1912, Lorenz Pieper lançait lui aussi un cinéma ambulant. Il proposait, dans son catalogue, plus de 700 titres de films, mais enrichissait sa collection d’une trentaine de films par semaine, estimant à la fin de l’année pouvoir offrir 900 titres. Il fournissait des programmes réguliers à une centaine de salles qui s’ouvraient soit en semaine, soit le dimanche seulement. Pieper ne pensait pas pouvoir lancer son institution catholique dans la production de films. C’était là une entreprise trop hasardeuse. Ayant contribué à fonder le premier cinéma communal d’Allemagne, à Eickel, Pieper sera amené à collaborer à la politique des salles communales, lesquelles sont une particularité de la distribution et de la culture cinématographique de ce pays. Sa revue Bild und Film deviendra dès la fin de 1912 l’organe officiel de l’action cinématographique du Land de Westphalie. En 1913 et 14, la Lichtbilderei GmbH crée des filiales à Saarbrücken, Munich et Berlin. Elle dispose alors de 500.000 m de films et 450 séries de diapositives couvrant de nombreux aspects des sciences, principalement destinées à l’enseignement. Elle emploie trente-quatre personnes. La première guerre mondiale va avoir une influence déterminante. Si, dans les premiers mois de guerre, des séries de diapositives consacrées aux combats, des films patriotiques et militaires vont s’ajouter au catalogue, si des « cinémas pour soldats » vont s’ouvrir sur les lignes de fronts, puis dans les hôpitaux militaires et vont recevoir des films en provenance de la Lichtbilderei GmbH, celle-ci va entrer peu à peu en crise. Ses filiales vont devoir fermer. Elle va réduire son personnel à 17 membres et connaître des difficultés financières. La revue Bild und Film cessa de paraître en septembre 1915. En mai 1916, Lorenz Pieper quittera la 21 direction de la Lichtbilderei GmbH , qui ira de difficulté en difficulté, jusqu’à son remplacement, en 1921, par une nouvelle firme appelée la Neuland-Kinematographie GmbH. En quelques années pourtant, la Lichtbilderei GmbH avait réussi à faire reconnaître la valeur du film comme moyen éducatif et à poser les fondements du travail cinématographique des catholiques allemands. Ce qui n’était pas sans mérite, car la hiérarchie de l’Eglise catholique d’Allemagne n’était pas favorable au cinéma. Au cours des années vingt, les lettres pastorales qui parlent du cinéma mettent en garde contre le danger des films et appellent à une censure plus rigoureuse. 23 Cette attitude va changer fin 1927 en faveur d’un dialogue beaucoup plus positif. Dans leur lettre pastorale publiée à Paderborn, en 1928, les évêques allemands se prononcent en faveur de la création d’une action catholique dans le domaine de la littérature, du théâtre, du film. 24 En cela, les évêques allemands sont exactement dans la ligne de pensée exprimée fin 1929 par le Pape Pie XI, dans son encyclique Divini illius magistri, où il parle également de la valeur du film pour l’éducation et l’évangélisation. Rappelons que c’est en 1928, à La Haye, que l’on crée l’Office Catholique International du Cinématographe (OCIC), lequel tient son deuxième congrès à Munich, en 1929. C’est l’occasion pour les catholiques allemands de faire le point sur l’action qu’ils ont menée dans le domaine du film, particulièrement dans celui de la critique cinématographique. 23 « Haltet eure Kinder fern vom Besuche der Kino, die durch Aufreizung der Phantasie, durch ungesunde Aufreizung der Nerven, durch sensationslusterne Darbietungen und Mangel an sittlichem Zartgefühl so unheilvollen Einfluß üben“ Hirtenbriefe, Paderborn, 1923, in Heiner Schmitt, Kirche und Film, Kirchliche Filmarbeit in Deutschland von ihren Anfängen bis 1945, Harald Boldt Verlag – Boppard am Rhein, 1997, p.56 24 « ... Wir müssen ernsten Willens mitschaffen am Aufbau einer starken katholischen Literatur-, Kunst-, Theater-, Film- und Rundfunkbewegung.“ Hirtenbriefe, Paderborn, 1928, in Heiner Schmitt, op. cit. p. 57 22 Depuis 1924, les frères Friedrich et Richard Muckermann avaient publié une revue sous le titre Filmrundschau. Leurs cotations des films étaient reproduites par toute une série de journaux confessionnels et non-confessionnels. Du côté de Munich, en lien avec la Leohaus, paraissait, depuis 1920, un journal dénommé Deutsche Filmzeitung, qui était l’organe officiel des associations catholiques allemandes du cinéma. D’autres publications catholiques consacraient également des articles au cinéma. La tendance générale de cette critique cinématographique était de considérer que les films commerciaux eux-mêmes étaient porteurs de valeurs évangéliques et qu’il ne fallait pas enfermer le monde catholique et l’Eglise dans la production de légendes religieuses ou de programmes hagiographiques. C’est dans cet esprit qu’une association fut créée, en 1926 déjà, pour promouvoir l’action des catholiques dans le domaine du film. C’est ce courant de pensée, représenté par Muckermann et le Dr. Georg Ernst, directeur de la Leo-Film (Munich) qui allait contribuer au premières orientations de l’OCIC, lors des congrès de La Haye et de Munich. Rappelons que le Dr. Georg Ernst fut élu le premier président de l’OCIC. Aux Pays-Bas C’est vraiment une étrange histoire qui va marquer les débuts des relations de l’Eglise des Pays-Bas avec le cinéma. C’est l’histoire d’une invention, d’un brevet et d’une firme qui porte le nom d’Eidophon. Cette histoire commence en fait en Allemagne, en 1926. A l’époque, on y travaillait beaucoup à la découverte de procédés qui allaient permettre de sonoriser les films. Le groupe TriErgon avait découvert un procédé qui permettait l’enregistrement optique du son. Parmi ceux qui cherchaient à l’appliquer au film, il y avait un prêtre, le Dr. Heinrich Könemann. Ses recherches étaient en partie financées 23 par un mécène hollandais, B.J. Brenninkmeyer, le propriétaire de la chaîne de magasins de vêtements connue sous les initiales C&A. 25 Déjà en 1925, ce mécène hollandais avait accordé un don royal pour permettre la constitution de la station catholique de télévision hollandaise, KRO. Grâce à l’argent de Brenninkmeyer, l’abbé Könemann met effectivement au point un procédé de sonorisation de films. Avec ce procédé, Brenninkmeyer tente d’entrer dans le cartel Tobis, où se retrouvent les propriétaires européens de licences de sonorisation de films. Brenninkmeyer veut obtenir pour 800.000 marks d’actions de la Tobis, en échange du brevet de Könemann. Mais sa démarche reste sans succès. En juillet 1930, il est également écarté de l’entente qui réunit à Paris les Européens et les Américains en vue du contrôle des brevets de la sonorisation des films. Cela ne décourage pas Brenninkmeyer qui songe alors à créer un cartel catholique. Il voit dans l’invention de l’abbé Könemann l’occasion de créer une véritable industrie catholique du film sonore. Si les catholiques réussissent à produire des films sonores selon le procédé de l’abbé allemand, les salles de projection devront être équipées du même procédé et l’Eglise pourra ainsi contrôler le marché du film sonore ! Il est suivi dans ce projet par un religieux dominicain, le Père Hyacinth Hermans, lequel fait partie de la Commission hollandaise de censure des films. Celui-ci a, par ailleurs, une influence certaine sur l’épiscopat du pays. Déterminé à lancer une campagne nationale et internationale en faveur du procédé Könemann, le Père Hermans va chercher des appuis auprès du Comité Directeur de l’OCIC, au cours d’une réunion qui se tient en été 1931, à Zürich. Le projet Könemann-Brenninkmeyer-Hermans va provoquer des débats passionnés. Les uns vont s’attacher à la valeur du procédé technique de Könemann et aux chances que représente son brevet. Les autres vont plutôt s’intéresser à la nécessité ou non d’une production catholique, à préciser ce que l’on entend par « film 25 Karel Dibbets, Sprekende films, De komst van de geluidsfilm in Nederland 1928-1933, Otto Cramwinckel Uitgever te Amsterdam, 1998, p. 279 24 catholique », à mesurer aussi la viabilité commerciale de telles productions. Les débats deviennent publics car plusieurs articles de critiques et de cinéastes paraissent dans divers journaux. Pendant que les débats s’animent, le Père Hermans multiplie les contacts avec de riches industriels catholiques, au point que fin 1931, il annonce la création d’une société catholique internationale de production de films, sous le nom de Internationale Eidophon N.V. Könemann et Brenninkmeyer adressent alors à des catholiques fortunés un plan de fondation, indiquant que l’Eglise a pris du retard dans le domaine du film, retard qu’il est urgent de combler en créant une société de production pour laquelle ils cherchent à réunir trois millions de florins. Cette société, à caractère international, produira et distribuera des films « catholiques ». Elle compte aussi, dans une étape ultérieure, exploiter des salles de cinéma. La société mère sera constituée aux Pays-Bas. Des filiales devront naître dans d’autres pays, à commencer par l’Allemagne. Les brevets de Könemann, dont la recherche avait été financée par Brenninkmeyer à raison de 50.000 florins par an, sont transférés à la nouvelle société pour un montant presque symbolique de 1.000 florins. Huit cent cinquante mille florins sont estimés nécessaires pour lancer la société et en garantir les activités au cours de la première année. Un studio complet pourra être repris, à Berlin, de la société Terra Film. Cinq longs métrages devraient être produits au cours des six premiers mois, dont deux sous la responsabilité complète de la nouvelle société et trois coproductions. Le 11 juin 1932, à Amsterdam, la société Internationale Eidophon voit le jour, avec pour président B.J. Brenninkmeyer. Le capital de la société est fixé maintenant à 1,7 millions de florins, dont 357.500 sont effectivement disponibles. On est loin des 850.000 nécessaires pour la première année. Des démarches ont été entreprises, en particulier auprès de l’évêque de Den Bosch, en vue d’obtenir l’appui du clergé. L’épiscopat néerlandais autorise l’appel au clergé, mais insiste pour ne pas être mêlé à la cause. D’autres démarches ont été menées à Rome. En juin 1932, une lettre du Cardinal Pacelli est adressée à Mgr. Janssen, archevêque d’Utrecht. 25 Cette lettre, en latin, apporte – ce qui est exceptionnel - l’appui du Pape Pie XI à l’initiative d’Eidophon. 26 L’appui de Rome donne un courage nouveau aux initiateurs qui relancent la campagne de fonds. Fin 1932, ils doivent constater qu’ils n’ont pu réunir que 570.000 florins. Qu’à cela ne tienne, on commencera à produire des films, l’argent viendra... espère-t-on. Il s’agit de produire des films « catholiques ». Mais qu’est-ce que cela signifie ? Le Père Hermans considère qu’il ne faut pas s’en tenir à des films de « propagande » et cite le chanoine Brohée, responsable de l’action catholique du cinéma en Belgique, qui avait dit, lors d’un congrès de l’OCIC : « Le cinéma, le vrai cinéma, ne doit pas s’afficher catholique. Sa mission au contraire consiste à porter l’influence de l’Eglise là où le prêtre ne peut aller : en l’occurrence sur le Boulevard. » Mais tel n’est pas l’avis de tous les milieux catholiques hollandais, en particulier de producteurs et critiques chrétiens qui estiment que si Eidophon se contente de produite des films sains et de qualité, il ne fallait pas créer de société « catholique » et réunir de l’argent avec l’appui de l’Eglise. Des projets de films sont soumis par un collectif catholique, Hinfilm, mais sans succès. Toujours en 1932, une société allemande d’Eidophon est créée à Berlin (Deutsche Eidophon Film GmbH), au capital de 400.000 marks. Cette société a pour tâche de réaliser deux longs métrages, Das Lied der Schwarzen Berge (Le chant des montagnes noires), de Hans Natge et Das Meer Ruft (La mer appelle) de Hans Hinrich. Elle 26 « Augustus Pontifex hoc gratum habuit atque huiusmodi coeptis iam dehinc felicissima quaeque ominatur. Omni sane laude dignum est expolitioris humanitatis miris inventis sic uti, ut ad Dei gloriam prosequendam et ad christianam fidem confirmandam et dilatandam deserviant. [...] Idcirco inito consilio prosperum secundumque exitum exoptat Beatissimus Pater atque universis qui, Ecclesiae praeceptis et monitis obsequentes, huic operi istituendo et perficiendo labores impendunt, divinorum auxiliorum conciliatricem Benedictionem Apostolicam impertit. » Cité par Karel Dibbets, Sprekende films, p. 286 26 doit aussi tourner un court métrage de Heinrich Köhler, Der Kleine Pit (Le petit Pierre), ainsi qu’un film documentaire intitulé Rorate. Le 26 janvier 1933, dans le Tuschinski Theatre d’Amsterdam, eut lieu la séance de gala au cours de laquelle furent projetés Das Meer Ruft et quelques séquences de Das Lied der Schwarzen Berge. Devant une salle pleine d’autorités ecclésiastiques, le projet d’Eidophon fut à nouveau présenté, mais en précisant que la société allait produire exclusivement des films catholiques... le jour où elle aurait gagné suffisamment d’argent en produisant des films « neutres ». C’est bien ce que la critique engagée reprochera à ces films, c’est d’avoir « gommé » les références catholiques. La société allemande d’Eidophon ne produira plus d’autres films, car Hitler monte au pouvoir. En 1933, Deutsche Eidophon Film GmbH doit cesser ses activités à Berlin. Les espoirs se reportent sur la société mère des Pays-Bas, bien que celle-ci ne dispose plus de fonds, car ils ont été totalement investis dans la production des films à Berlin. Il faut à nouveau réunir de l’argent. On tente d’en demander au clergé, puis en Irlande. Mais en vain. Il faudrait obtenir un prêt de 500.000 florins pour lequel les évêques donneraient leur garantie. L’épiscopat hollandais est disposé à accorder cette garantie, mais veut se couvrir en obtenant de Rome que chaque évêque hollandais puisse garder chaque année dix mille florins des revenus de la collecte du denier de St Pierre ! Ce sont les responsables d’Eidophon qui doivent aller négocier cela à Rome. Brenninkmeyer et Könemann vont à Rome, rencontrent les cardinaux Ottaviani et Pacelli. L’idée que les évêques hollandais financent Eidophon en prélevant l’argent sur le denier de St Pierre est acceptée, à condition qu’il n’y ait pas de lien juridique, car il ne faut pas que l’Eglise ne puisse être atteinte directement par des événements touchant une société commerciale. Le 2 novembre 1933, au cours d’une audience, le Pape Pie XI fit savoir à l’évêque d’Harlem qu’il jugeait bon que les évêques des Pays-Bas retiennent une partie du denier de St Pierre pour financer Eidophon, tout en signalant qu’il ne voulait pas que cela soit considéré comme un don du Pape à Eidophon. Il ne restait plus qu’à combiner le prêt ! 27 La formule choisie fut particulière. La firme C&A (dont Brenninkmeyer était propriétaire) accorderait un prêt de 368.000 florins avec un intérêt de 6% à l’épiscopat, qui devrait le rembourser en dix ans, à raison de 50.000 florins l’an. L’épiscopat transmettrait le prêt à un trust qui le remettrait à Eidophon. Le Pape acceptait que si Eidophon ne parvenait à rembourser le prêt, l’épiscopat hollandais pourrait retenir annuellement 50.000 florins sur la collecte du denier de St Pierre. Ce montage... n’eût pas lieu. Il semble bien qu’à la dernière minute les principaux acteurs aient pris conscience du fait qu’Eidophon était irrémédiablement perdu. Sous la pression de sa famille, Brenninkmeyer quitta Eidophon et transféra ses parts à C&A. La compagnie de vêtements informa tous les porteurs d’action, en mars 1934, qu’Eidophon allait cesser d’exister et s’engagea à les indemniser en rachetant leurs actions. L’éphémère société catholique de production fut liquidée, laissant en tout et pour tout une somme de 12.000 florins qui furent donnés à une société de bienfaisance de Den Bosch, laquelle investit 2000 gulden, en 1938, pour le lancement d’une société catholique de location de films (Gofilex). Les Pays-Bas avaient tenté – avant la deuxième guerre mondiale - de réaliser un projet ambitieux, doter l’Eglise d’une société internationale et commerciale de production de films, au moment précis où le cinéma devenait sonore. Le projet avait échoué. Mais le rêve d’une production catholique va rester vivant. Aux Etats-Unis Quelques mois après Paris, le Cinématographe avait débarqué sur le nouveau continent … pour y entrer rapidement dans ce qu’on a appelé « la guerre des brevets » avec Edison. Dès 1903, les frères Lumière devaient abandonner le terrain, laissant place aux productions de la Biograph, de la Vitagraph et d’autres sociétés productrices qui allaient fournir de courts films à d’innombrables petites salles où les spectateurs ne payaient que cinq cents l’entrée, les fameux « nickel-odeons ». Dès 1908, ces petites salles attiraient 28 à Chicago cent mille spectateurs par jour et deux cent cinquante mille à New York ! 27 Ce chiffre se doublait même les dimanches. Sur l’ensemble du territoire américain, trois mille nickel-odeons attiraient chaque jour plus de deux millions de spectateurs. En 1910, les Etats-Unis comptaient dix mille nickel-odeons ! 28 Des historiens ont montré que les courts films qui étaient présentés dans ces petites salles n’étaient pas tous dépourvus d’intérêt et que certains abordaient des thèmes sociaux. Pourtant, dans l’opinion de la majorité politique, « ces films polluaient l’esprit des jeunes de la même manière que l’air malsain polluait leurs poumons. » 29 Le recteur de la Christ Church, à Brooklyn, le révérend William Shaefe Chase 30 menait campagne contre ces films qu’il nommait « les plus grands ennemis de la civilisation ». Dans certains milieux conservateurs, l’opinion grandissait qu’il fallait contrôler les films, les censurer. En novembre 1907, le département de police de Chicago 31 fut la première instance chargée de censurer les films. A partir de mars 1909 un bureau national (National Board of Review) fut constitué à cette fin. Mais certains lui trouvaient l’esprit trop large, puisqu’il acceptait que des films traitant de prostitution, de corruption « et d’autres vices trop communs dans la société américaine » entrent dans les circuits de distribution. En 1911, l’Etat de Pennsylvanie créait son propre comité de censure, suivi en 1913 par le Kansas et l’Ohio. D’autres Etats allaient faire de même. 27 Bordas Encyclopédie, par Roger Caratini, Volume 14, Beaux-Arts (2), Paris 1973, p. 43. 28 Gregory D. Black, Hollywood Censored, Morality Codes, Catholics, and the Movies, Cambridge University Press, NY, 1994, p. 6. 29 « Sitting passively in the dark, their young minds were being polluted by vile movies just as their lungs were being polluted by unclean air. » Gregory D. Black, op. cit. p. 8. 30 Hollywood Censored, op. cit. p. 10 31 James M. Skinner, The Cross and the Cinema, The Legion of Decency and the National Catholic Office for Motion Pictures, 19331970, Praeger, Westport, Connecticut, 1993, p. 3 29 En 1913, la compagnie productrice Vitagraph quittait New York pour s’installer à Los Angeles. Les autres allaient suivre. De nouvelles compagnies sont constituées, lesquelles vont grandir au point qu’en 1920 MGM, Paramount, RKO, Universal, Fox, Columbia et Warner Bros. vont non seulement produire des films, mais aussi les distribuer et en assurer l’exploitation. C’est que les nickel-odeons ont été remplacés peu à peu par d’immenses salles de cinéma de 1.000, 3.000, et même 6.200 places, comme le fameux Roxy de New-York. Le cinéma américain connaît alors sa grande époque du cinéma muet, avec les films de De Mille, Chaplin, Griffith, Mack Sennett. En Europe, par contre, l’industrie cinématographique va se trouver paralysée dans les pays touchés par la première guerre mondiale. Le National Board of Review, qui avait perdu une large part de sa crédibilité, va sombrer en 1921, accusé de recevoir de l’argent de l’industrie cinématographique et donc de se laisser influencer dans ses jugements. Le monde catholique américain ne s’était, jusqu’à cette époque, que très peu intéressé au cinéma. Il y avait bien, depuis 1922, à New York, une Fédération Internationale des Anciennes Etudiantes Catholiques 32 , qui avait entrepris de juger les films et de les classer en deux catégories, ceux qui convenaient aux cinémas paroissiaux, aux écoles catholiques et aux soirées familiales, et ceux qui convenaient à des publics plus mûrs, mais n’étaient pas adaptés aux salles paroissiales et aux projections dans les écoles. Cette classification ne relevait que les films de valeur et ne citait pas de « liste noire » de films à condamner 33 . Mais c’était là une des rares 32 The International Federation of Catholic Alumnae, IFCA Nous avons retrouvé, dans les archives du secrétariat général de l’OCIC, à Bruxelles, plusieurs textes préparés par ces Anciennes Elèves pour des émissions de radio. Voici des extraits du commentaire radio de Rita McGoldrick, pour l’émission du 2 mars 1932. On remarquera le ton très positif des critiques : « The current month has to its credit several outstanding productions which should satisfy the demand of the most fastidious critic of the screen. Any person who has intelligently planned his evening at the movies might 33 30 initiatives. Citons encore ce groupe de catholiques, à New York, qui avaient fondé The Art Association, laquelle allait produire des films comme Victime et Le transgresseur. A partir de 1929, les choses vont changer. Les catholiques vont jouer un rôle déterminant dans ce qui va devenir le « code Hays » et donner naissance, en 1933, à la Legion of Decency (louée comme modèle par le Pape Pie XI, en 1936, dans son encyclique Vigilanti Cura) et au National Catholic Office for Motion Pictures. Mais n’anticipons pas, revenons-en à l’année 1929 et à un certain Martin Quigley. Directeur du Exhibitors Herald World, publié à Chicago, Martin Quigley doit défendre les intérêts des propriétaires de salles. Mais catholique convaincu, il considère que les films doivent être respectueux d’un certain nombre de valeurs. S’ils ne le sont pas, la censure des Etats intervient, ce qui devrait ruiner la carrière commerciale de ces films. Mais la censure gouvernementale n’est pas efficace. Dans son Etat, toute une série de films condamnés par les censeurs, ont pu être présentés au public grâce à l’intervention de politiciens locaux et de leurs manœuvres. Pour Quigley, c’est l’industrie cinématographique elle-même qui, en cours de production, devrait veiller à la qualité morale des films. On n’aurait plus alors besoin de censure. 34 have seen Metro-Goldwyn-Mayers’s Hell Divers – don’t miss this air epic, it is too magnificent, too splendid to miss : Arrowsmith, United Artist’s finely dramatic human interest story of the doctor whose professional passion eclipsed his personal life ; Warner Brother’s The Man Who Played God, in which George Arliss has given not only a dramatic but a superbly artistic performance… ». Le texte se poursuit en commentant sept autres films et se termine par cette conclusion : « The monthly list of endorsed pictures issued by this Bureau is a current reliable guide to the best things on the screen. » On voit donc que ces anciennes étudiantes catholiques avaient pris pour option de ne parler que des films intéressants qu’elles voulaient promouvoir. 34 Hollywood Censured, op. cit. p. 35 31 Au même moment, Will Hays, l’homme clé de l’association créée par l’industrie cinématographique sous le nom de Motion Picture Producers and Distributors of America (MPPDA), devant les réactions croissantes contre le cinéma, pense également que la solution pour échapper aux attaques constantes des groupes religieux surtout protestants et des décisions de censure des administrations des Etats, serait d’organiser l’autorégulation (ou l’autocensure) de l’industrie cinématographique elle-même. En 1929, il envoie l’un de ses collaborateurs à Chicago, pour rencontrer le comité de censure local. Le jésuite FitzGeorge Dinneen fait partie de ce comité. Il est un des proches de Martin Quigley et du Cardinal George W. Mundelein. Ce jésuite va mettre en relation Quigley, le Cardinal et l’envoyé de Hays. Tous pensent que l’Eglise catholique peut jouer un rôle important dans l’assainissement de l’industrie cinématographique américaine, via l’établissement d’un code moral adopté par l’industrie elle-même. L’Eglise catholique est forte de vingt millions d’Américains, surtout présents dans des centres urbains, disposant de sa propre presse qui touche chaque semaine près de six millions de lecteurs. La Cardinal Mundelein n’a aucun goût pour mener une campagne contre l’industrie cinématographique. Par contre, il apprécie l'idée de Quigley de voir l'Eglise catholique offrir à l’industrie cinématographique un code moral. C’est un autre jésuite, le Père Daniel Lord 35 qui est chargé d’écrire un projet de code. Le texte est rédigé en novembre 1929, transmis à Quigley, qui l’apporte à Hays, lequel est enchanté. Pourtant, le texte insiste à de nombreuses reprises sur la nécessité, pour le cinéma, d’être plus moral que les autres arts, car il touche un très vaste public populaire, il pénètre dans tous les milieux sociaux, il a plus d’influence que le livre. Aussi, le crime ne peut pas être présenté avec sympathie, les tribunaux ne peuvent être critiqués, le péché – en particulier celui qui attire, c’est-à-dire le sexe, le crime organisé, le vol... – doit être évité. La nudité et la semi-nudité, même belle, n’est pas morale. La vulgarité, l’obscénité sont inacceptables… On ne peut se moquer de la religion, de ses représentants… Nous sommes en 1929 ! 35 Hollywood Censored, op. cit. p. 37 32 L’enthousiasme de Hays est loin d’être partagé par les industriels d’Hollywood, dont un groupe propose un texte alternatif, acceptant de s’engager seulement à réaliser des films « respectueux du bon goût ». Le 10 février 1930, Lord est invité à rencontrer les responsables de l’industrie cinématographique d’Hollywood et à défendre devant eux le code dont il est l’auteur. Il réussit, contre toute attente, à les convaincre. On s’interroge encore sur les raisons qui ont conduit Hollywood, dont les films touchaient 90 millions de spectateurs par semaine, à accepter les arguments du jésuite, qui les conduisaient aussi à écarter de leurs films d’importants thèmes économiques, sociaux et politiques. A peine accepté par Hollywood, le code va être largement critiqué et interprété. S’agit-il seulement d’indications dont il faut appliquer l’esprit ou doit-il être suivi à la lettre ? Cinq cents films sortaient annuellement des studios d’Hollywood à cette époque. Une toute petite équipe devait contrôler s’ils respectaient le code. Ce qui était impossible. De 1930 à 1933, elle tenta d’en assurer le contrôle, sans y réussir. Aussi, tandis que Will Hays cherchait à défendre son code, de plus en plus de groupes religieux se mobilisaient contre l’industrie cinématographique. Martin Quigley 36 , dans des articles et des éditoriaux fameux de son journal, le Motion Picture Herald, condamna les « scènes osées » du film de DeMille, Le Signe de la Croix. 37 La revue des jésuites, America, joignit sa voix aux critiques. La revue Columbia, publiée par les Chevaliers de Colomb, titrait ironiquement l’un de ses articles : « Quelqu’un sait-il ce qu’il est advenu du code ? » C’est en 1933 que la situation prit un nouveau tournant. L’Amérique était en pleine crise économique. On ne peut dire que la hiérarchie catholique, à l’époque, se préoccupait du cinéma. Elle 36 Dans un ouvrage qu’il publia en 1937, Decency in Motion Pictures, The MacMillan Company, New York, Martin Quigley conclut que le Production Code n’avait pas réalisé ses promesses et qu’il n’avait pu, par ses résultats, s’opposer à la montée croissante des critiques. (p. 77) 37 Soit dit en passant, le film rapporta des millions de dollars au studio Paramount, à un moment où il frisait la banqueroute ! 33 avait d’autres problèmes auxquels il fallait faire face. Pourtant, l’évêque de Los Angeles – ville que certains considéraient comme la capitale du péché -, Mgr John Cantwell, très conservateur et même antisémite 38 fit venir l’un des collaborateurs de Hays, Joe Breen, un catholique, chargé précisément à Hollywood de lire les scénarios et de veiller à leur qualité morale. Mgr Cantwell voulait dénoncer l’inefficacité du code et chercher un remède plus approprié. Il voulait par tous les moyens assainir la production cinématographique, allant même jusqu’à rencontrer le président de la Banque d’Amérique, à Los Angeles, grand financier des studios d’Hollywood, en lui annonçant que l’Eglise allait condamner le cinéma et tous ceux qui le soutenaient, provoquant la panique de ce banquier lui aussi très catholique. On constate parfois, dans l’histoire, qu’il a fallu un étrange concours de circonstances pour qu’un événement se produise. C’est bien le cas ici. En effet, au moment où l’évêque de Los Angeles se mobilise, le cardinal Mundelein, de Chicago, demande au Père Lord, l’auteur du code, de venir faire rapport à la conférence des évêques, réunie à Washington. A cette même période, le nouveau délégué apostolique du Saint-Siège aux Etats-Unis, Mgr Cicognani, dans son premier discours public, invite les catholiques « au nom du Seigneur, du Pape, des évêques… de se mobiliser en vue de la purification du cinéma ». 39 A la réunion de Washington, Lord fait part de toute sa déception. Mgr Cantwell domine les débats et obtient, en décembre 1933, la création d’un Comité Episcopal du Cinéma, dont il sera membre. Mais avant même que le comité ne passe à l’action, 38 L’industrie cinématographique d’Hollywood est entre les mains des Juifs, disait-il, considérant que 75% des « artistes » aux deux côtés de la caméra sont des païens ! 39 « Members of the Church, he intoned, were called by God, the pope, the bishops and the priest to a united and vigorous campaign for the purification of the cinema, which had become a deadly menace to morals. » James M. Skinner, The Cross and the Cinema, op. cit. p.34 – Selon Gregory D. Black, dans Hollywood Censored, Mgr Cicognani aurait rencontré Quigley avant de prononcer ce discours et aurait accepté d’y introduire le passage en question. (op. cit. p. 162) 34 d’autres évêques, gagnés par l’esprit de campagne, prennent des initiatives. Le 25 mai 1934, le Cardinal Dougherty, de Philadelphie, ordonne à tous les fidèles de se tenir éloignés du cinéma, sous peine de péché. 40 Dans le diocèse de Chicago, la censure catholique va jusqu’à condamner des films comme Catherine la Grande et La Reine Cristina, parce qu’ils présentent des femmes dont les comportements ne pourront jamais être considérés comme conformes à la morale chrétienne. C’est alors que le Comité Episcopal pour le Cinéma fait appel à Martin Quigley, lequel met en garde contre une attitude aussi radicale que celle du Cardinal de Philadelphie, car après un moment, il lui semble inévitable que les chrétiens retourneront au cinéma pour voir précisément les films qu’on leur aura dit d’éviter. Il propose plutôt de créer une commission qui serait chargée de dresser une liste de films recommandables et d’inviter les fidèles à ne pas aller voir les films ne figurant pas sur cette liste. Il est d’avis qu’il faut créer un système de classification, par âges, de telle sorte que certains films produits par Hollywood ne soient vus que par des publics adultes. Poursuivant sa réflexion, le comité aboutit à l’idée de créer une « Légion pour la décence », invitant chaque catholique à un serment, celui de n’aller voir aucun film qui ne respecte pas la décence et la morale chrétienne. 41 40 « …stay away from all of them… This is not merely a counsel but a positive command, binding all in conscience under pain of sin. » James M. Skinner, op. cit. p. 35 41 Voici – car c’est une pièce particulièrement révélatrice - le texte original de ce serment : « I wish to join the Legion of Decency, which condemns vile and unwholesome motion moving pictures. I unite with all who protest against them as a grave menace to youth, to home life, to country and religion. I condemn absolutely those salacious motion pictures which, with other degrading agencies, are corrupting public morals and promoting a sex mania in our land. I shall do all that I can to arouse public opinion against the portrayal of vice as a normal condition of affairs and against 35 L’idée aussitôt lancée, des Légions se créent dans plusieurs diocèses, invitant les catholiques à prêter serment, soit lors de la messe du dimanche, soit dans les écoles, soit lors de démarches de porte à porte. Dès la fin de 1934, on estimait que sept à neuf millions de catholiques avaient prêté serment. Des groupes de protestants et de juifs intéressés par la démarche, étaient invités à prêter un serment adapté. Au moment de sa création par le Comité Episcopal, nul n’avait une idée précise à propos de l’avenir de la Légion pour la décence. S’agissait-il d’une action temporaire qui par son ampleur allait obliger l’industrie cinématographique à mieux appliquer le code Hays ? Ou fallait-il mettre en place une institution plus permanente ? D’autres questions cruciales se posaient. Il fallait indiquer aux chrétiens quels films aller voir et quels films ne pas aller voir ? Qui décidait de la valeur des films ? Plusieurs diocèses avaient commencé à publier leurs propres classifications, présentant des jugements différents, parfois contradictoires. Dans leur zèle excessif, certains prêtres condamnaient comme immoraux des films que d’autres jugeaient convenir aux familles. depicting criminals of any class as heroes and heroines, presenting their filthy philosophy of life as something acceptable to decent men and women. I unite with all who condemn the display of suggestive advertisements on billboards, at theatre entrances and the favourable notices given to immoral motion pictures. Considering the evils, I hereby promise to remain away from all motion pictures except those which do not offend decency and Christian morality. I promise further to secure as many members as possible for the Legion of Decency. I make this protest in a spirit of self-respect, and with the conviction that the American public does not demand filthy pictures, but clean entertainment and educational features. » In James M. Skinner, op. cit. p. 37 36 Il était nécessaire de créer une seule classification nationale. Le diocèse de Chicago se disait prêt à assumer cette tâche. Le Père Dineen continuait à y diriger le comité de censure. Il voulait imposer la sienne comme nationale. De novembre 1934 à février 1936, la branche de Chicago de la Légion pour la décence assura effectivement la classification nationale des films. Mais certains, dont Martin Quigley, dénonçaient cette pratique, disant qu’un seul prêtre s’établissait lui-même comme l’unique censeur voulant diriger toute l’industrie cinématographique du pays. Cette question s’envenima de plus en plus lorsqu’on découvrit que le Père Dineen ne connaissait pas les films que sa liste condamnait, car c’était une collaboratrice qui établissait la classification. Elle était par ailleurs membre de la police locale, et, à cause de son origine irlandaise, avait développé une aversion vis-à-vis de tous les films à contenu britannique. Comme Chicago n’était pas le lieu de première sortie des films, et que certains films n’y étaient même pas présentés, les listes de Dineen étaient vieillies et incomplètes. On découvrit même que certains films avaient été classifiés sans que sa collaboratrice ne les ait vus ! Certains s’interrogeaient déjà sur l’influence réelle de la Légion et sur le respect, par les catholiques, d’un serment prononcé dans l’église ou dans la classe, sous la pression du groupe. Ainsi, en août 1934, le film Of Human Bondage commençait sa carrière à Baltimore. Il avait été condamné par le Légion de Chicago et des prêtres faisaient le piquet à l’entrée de la salle. Pourtant, le film bâtit tous les records d’entrée. Ce qui fit écrire par un journaliste du Baltimore Sun qu’à cause des catholiques « il avait eu toutes les peines du monde pour entrer dans une salle de cinéma au cours des trois dernières semaines ». 42 Hays voulut en savoir plus sur l’influence de la Légion. Il chargea l’un de ses collaborateurs de faire le tour de vingt villes des Etats-Unis pour mesurer les dommages qu’elle causait à l’industrie cinématographique. Ce collaborateur revint de sa mission en concluant que les évêques avaient beau parler de millions de membres, la Légion n’était pour lui qu’un bluff. Seules quatre villes : 42 Hollywood Censored, op. cit. p. 187 37 Philadelphie, San Francisco, Cincinnati et St. Louis avaient des groupes actifs de la Légion. D’ailleurs, à la fin de l’année 1934, les revenus de l’industrie cinématographique américaine dépassaient ceux de l’année précédente. Certains attribuaient à la Légion ce regain d’intérêt pour le cinéma ! Mais Hays ne va pas utiliser cette information pour s’attaquer à la Légion. En fait, il y voit un allié lui permettant d’imposer plus facilement son code aux studios d’Hollywood, qu’il invite à préférer l’autocensure de l’industrie, qu’il représente, plutôt que la censure politique des Etats ou religieuse de la Légion. La classification proposée par le diocèse de Chicago n’étant pas satisfaisante, le Comité Episcopal pour le cinéma chercha une autre solution. En son sein, la conviction grandit qu’il fallait créer un bureau national de la Légion et que le siège de son comité de classification ne pouvait être à Los Angeles, trop près de l’influence d’Hollywood, mais plutôt à New York, ville où avaient lieu toutes les premières sorties des films. D’ailleurs, n’y avait-il pas déjà à New York cette Fédération Internationale des Anciennes Etudiantes Catholiques, qui, depuis 1922, avait acquis une belle expérience en classification des films ? Plus d’une centaine de femmes, appartenant à deux groupes, l’un sur la côte est, l’autre sur la côte ouest, assuraient la critique des films selon les principes de Hays : « Louez les bons films, ignorez les autres ». 43 Le Comité épiscopal décida donc d’ouvrir un bureau national à New York et de confier, à partir de février 1936, la classification des films à ces dames de la Fédération des Anciennes Etudiantes Catholiques. Mais la Légion leur enjoignait d’abandonner la classification positive qui avait été jusque là leur pratique. Il n’était plus question de louer les bons films et de passer les mauvais sous silence. S’il fallait recommander un film, c’était la responsabilité de l’évêque local. Quatre catégories furent imposées à ces dames : « A1 » pour les films qui sans objection pouvaient être présentés à tout public, « A2 »pour les films qui sans objection pouvaient être présentés à des adultes, « B » pour les films qui étaient en partie sujets à caution et « C » pour les films condamnables. 43 Hollywood Censored, op. cit. p. 221 38 En 1936, de nombreux indices permettaient de considérer que la Légion pour la décence avait renforcé l’influence du code Hays sur l’industrie cinématographique. A Hollywood, celui qui devait appliquer le code, Breen, avait pu imposer des règles morales aux producteurs. Cette année-là, avec son équipe, il avait revu 1200 scénarios, tenu 1400 réunions avec les producteurs, les réalisateurs et les scénaristes, visionné 1459 films, écrit plus de 6000 avis. Il n’avait rejeté que 22 scénarios. 44 L’Eglise catholique américaine pouvait se réjouir : sa campagne avait réussi à moraliser Hollywood. Mais sa campagne avait aussi eu d’autres effets. Dans ses rapports à Will Hays, Breen, en 1935, rapportait que 23,5 pour cent des films d’Hollywood abordaient des problèmes sociaux. L’année suivante, le pourcentage tombait à 19,4. En 1938, 12,4 pour cent des films produits en Californie avaient un thème social. En 1939, ils n’y avait plus que 9,2 pour cent des films qui abordaient de tels thèmes. En 1941, Will Hays pouvait annoncer à un sénateur américain que moins de 5 pour cent des films d’Hollywood avaient un contenu politique ou social. Breen avait même réussi à réduire Les raisins de la colère, tiré du roman de critique sociale de John Steinbeck, à une « histoire d’amour maternel ». 45 En même temps, le cinéma gagnait un public de plus en plus large : en 1938, 83 millions d’Américains voyaient un film chaque semaine. Dans le monde, les spectateurs de cinéma s’élevaient hebdomadairement à quelque 220 millions ! 46 On pouvait donc croire, aux Etats-Unis, que la censure garantissait une meilleure qualité des films et qu’elle était source d’un plus grand succès commercial. Lorsque le 29 juin 1936, le Pape Pie XI publia son encyclique Vigilanti Cura (De Cinematographicis Spectaculis), consacrée au cinéma, - inspirée, disent certains, directement par Martin Quigley 47 - les évêques américains d’une part, Hays et Breen d’autre part, 44 Hollywood Censored, op. cit. p. 238 Hollywood Censored, op. cit. p. 287 46 Hollywood Censored, op. cit. p. 239 47 Hollywood Censored, op. cit. P. 238 45 39 pouvaient être heureux. Le Pape lui-même estimait qu’ils avaient réussi à assainir le cinéma 48 . Il invitait les catholiques du monde entier à suivre l’exemple de la Légion pour la décence. Au Québec Comme dans bien d’autres pays, le cinéma va pénétrer dans le public du Canada, et en particulier de la province du Québec, en s’appuyant sur l’Eglise. Les premières projections vont montrer La Passion, dont de nombreuses versions vont être proposées, accompagnées de commentaires à lire au public. Lorsque celui-ci a appris à apprécier ce nouveau média, les sujets de films deviennent de plus en plus profanes. L’attitude de l’Eglise va alors changer. La première difficulté pour l’Eglise, c’est l’organisation de projections cinématographiques le dimanche, qui est le seul jour de congé. Or, l’observance du « jour du Seigneur » est une tradition fort respectée. De 1907 à 1920, une Lord’s Day Alliance va même faire campagne pour le respect du dimanche. Lorsque les salles se multiplient, le clergé va essayer de faire interdire leur ouverture le dimanche. Dès 1907, les salles ouvertes le dimanche devront payer une amende. Cette loi sera en vigueur jusqu’en 1912. Cette année-là, l’archevêque de Montréal, Mgr Bruchési, annoncera qu’il bénira le politicien qui aura le courage de faire interdire le cinéma. 49 48 L’encyclique s’ouvrait par cette phrase : « Nous avons appris l’initiative providentielle, déjà riche de salutaires résultats et pleine de promesses plus heureuses encore, que, voilà plus de deux ans déjà, vous avez jugé bon de prendre et d’appeler Légion de la décence, dans le but d’anéantir, par une croisade sacrée, les pernicieux effets du cinéma. » 49 Voir Germain Lacasse, De Passions en passions : le cinéma des débuts au Québec, in Cosanday Roland, André Gaudreault, Tom Gunning, Une invention du diable ? Cinéma des premiers temps et religion, Les Presses de l’Université Laval, Sainte-Foy, Québec, 1992, pp. 81 à 87 40 En Amérique latine Le Cinématographe des frères Lumière débarque en Amérique latine au cours de l’année 1896, grâce aux opérateurs Gabriel et Bernard Veyre, qui visiteront plusieurs villes du Mexique, de Cuba, de Colombie, de Panama et du Venezuela. 50 Ils rencontrent cependant sur le terrain latino-américain la présence du vitascope d’Edison. A Mexico, en 1896, la projection du Coucher de la mariée provoque l’indignation de l’Eglise et un scandale dans la presse. 51 En 1908, les salles de cinéma se sont multipliées. Les nouvelles salles qui ouvrent leurs portes, comme « La Arcada » annoncent leurs engagements. Il est assez significatif d’y trouver : « la direction est très attentive à ne pas acquérir des vues immorales… » 52 En 1909, un propriétaire de salle, José Alcaide, à Mexico, est le premier à vouloir intéresser le public à des informations sur les films qu’il présente : noms des interprètes, auteur du scénario, directeur du film, de la musique… bref à lancer les premiers éléments des ciné-clubs et de la culture cinématographique. Dès 1912, un mouvement se développe au Mexique pour reconnaître le cinéma non seulement comme un divertissement, mais comme un moyen éducatif. 53 A partir de 1911, après la chute du gouvernement de Porfirio Díaz, une vague de moralisme s’empare du Mexique, et des mesures sont prises pour censurer les films. Mais le coup d’état de 1913 réduit ces mesures. Un décret fut publié pour interdire « les vues qui 50 Fundacion del Nuevo Cine Latinoamericano, Cine latinoamericano (1896-1930), Consejo Nacional de la Cultura (CONAC), FONCINE – FUNDACINE UC, Caracas, Venezuela, 1992 51 Cine latinoamericano, op. cit. p. 233 52 Cine lationamericano, op. cit. p. 240 : « … la gerencia tiene mucho cuidado en no adquirir vistas immorales… » 53 Ibid., p. 244 : « El cine ya no es un medio de diversión sino también de aprender… » 41 montrent des délits, si ces mêmes vues ne contiennent pas le châtiment des coupables ». En 1917, une étrange polémique surgit au Mexique entre le théâtre et le cinéma. Le théâtre est considéré comme un art éducatif, alors que le cinéma corrompt les spectateurs. Ce n’est pas l’opinion de Jacobo Granat, le propriétaire de l’une des salles, le Salón Rojo, qui écrit : « On estime que l’écran ne montre que des crimes, des obscénités, des personnes nues, des scènes d’amours adultères, parce que cela convient à certains intérêts, mais on oublie que c’est au cinéma que l’on doit la révélation des grandeurs humaines, les enchantements de la nature, la reconstruction des épopées et des événements historiques de toutes les époques et la grandeur de la mise en scène impossible à réaliser dans tout autre spectacle, quelle que soit son importance. » 54 En 1918, La Virgen de Guadelupe, réalisée par l’Américain Geo. A. Wright, sort sur les écrans du Mexique. L’annonce du film est accompagnée par une note élogieuse du Vicaire Général de Mexico, qui le recommande « à tous les bons catholiques ». 55 La même année, le Mexique connaît une autre polémique à propos de la censure des films, laquelle est violemment critiquée dans la presse. Un des journalistes écrit : « La morale est quelque chose qui varie selon les âges, le lieu et le contexte ; un concept aussi variable ne peut servir de base à aucun jugement. Comment le gouvernement va-t-il faire pour capter une idée aussi volatile de ce qui est moral ou ne l’est pas afin de l’appliquer aux films ? » 56 En 1920 pourtant, le gouvernement mexicain créera un Département de censure, en argumentant qu’une censure existe depuis plusieurs années aux Etats-Unis. En 1929, un laïc passionné de cinéma, M. Edelmiro Traslosheros, réunit un groupe de Chevaliers de Colomb, avec lesquels il va commencer à classifier les films. Cette classification paraît dès 1931, sous forme de listes miméographiées, lesquelles seront reproduites 54 Ibid., p. 251 Ibid., p. 255 56 Ibid., p. 258 55 42 plus tard, en livres, couvrant la période de 1931 à 1956. M. Traslosheros et ses Chevaliers de Colomb vont, après la parution de l’encyclique Vigilanti Cura, créer la Legion Mexicana de la Decencia. 57 C’est en 1937, que l’épiscopat mexicain mandate officiellement cette organisation pour la sélection des films. La Legion va publier un bulletin hebdomadaire sous le titre Appreciaciones et va fournir des « instructeurs religieux » pour aider les réalisateurs à présenter correctement les scènes religieuses de leurs films. Le texte de la promesse sera présenté au dos d’une image de Notre-Dame de la Guadeloupe. C’est à elle que les fidèles font promesse de s’interdire le spectacle des films proscrits. Le président de cette Legion, M. E. Traslosheros, fera rapidement partie du comité directeur de l’OCIC, et proposera, en 1939, la collaboration de son organisation pour publier la version espagnole du bulletin d’informations internationales. Au Brésil, dès 1919, les catholiques lancent une publication cinématographique qui porte le titre de A Tela (l’écran). 58 Après la publication de Vigilanti Cura, l’épiscopat brésilien organisera à son tour l’Action catholique cinématographique. Comme dans bien d’autres pays, les premiers films tournés au Pérou relatent des événements religieux, comme cette sortie de messe La salida de misa de la iglesia de San Pedro, enregistrée le 23 février 1904 59 , ou ces Películas de la Corporación en la ceremonia ofrecida para celebrar al Papa, qui datent de 1908. Gabriel Veyre, projectionniste des Frères Lumière, avait présenté le premier spectacle du Cinématographe le 24 janvier 1897, à La Havane. Le 7 février suivant, Veyre filmait les exercices des pompiers de la ville. Ce fut le premier film réalisé à Cuba. En janvier 1914, s’ouvrait à La Havane une salle de cinéma dénommée Le 57 Les catholiques parlent du cinéma, Editions Universitaires, Paris, Bruxelles, 1948, p. 170 58 Les Informations de l’OCIC, Tome V, n°1, juillet-octobre 1944, p.4 59 Giancarlo Carbone, El cine en el Perú : 1897 – 1950, Testimonios, Universidad de Lima, 1991, p. 57. 43 cercle catholique (Círculo Católico), installée dans la rue Egido n°2. Cette salle annonçait des « projections instructives, récréatives et morales ». En 1915, un cercle catholique réservé aux ouvriers offrait des « films strictement moraux ». L’entrée coûtait 10 centavos. 60 60 Walfredo Piñera y Caridad Cumaná, Mirada al cine cubano, Editions OCIC, Bruxelles, 1999 44 Bibliographie Béguin Marcel, Le cinéma et l’Eglise, 100 ans d’histoire(s) en France, Les Fiches du cinéma, Paris, 1995 Black Gregory D., Hollywood Censored, Morality Codes, Catholics, and the Movies, Cambridge University Press, NY, 1994 Bonneville Léo, Soixante-dix ans au service du cinéma et de l’audiovisuel – OCIC, Fides, Québec, 1998 Carbone Giancarlo, El cine en el Perú : 1897 – 1950, Testimonios, Universidad de Lima, 1991 Collectif, Les catholiques parlent du cinéma, Editions Universitaires, Paris, Bruxelles, 1948 Cosanday Roland, André Gaudreault, Tom Gunning, Une invention du diable ? Cinéma des premiers temps et religion, Les Presses de l’Université Laval, Sainte-Foy, Québec, 1992 Cosandey Roland, Welcome Home, Joye ! – Film um 1910, Aus der Sammlung Joseph Joye (NFTVA, London), KINtop Schriften 1, Stadtkino Basel, Stroemfeld/Roter Stern, 1993. Dibbets Karel, Sprekende films, De komst van de geluidsfilm in Nederland 1928-1933, Otto Cramwinckel Uitgever te Amsterdam, 1998 45 Fundacion del Nuevo Cine Latinoamericano, Cine latinoamericano (1896-1930), Consejo Nacional de la Cultura (CONAC), FONCINE – FUNDACINE UC, Caracas, Venezuela, 1992 Groupe Médiatech de la Faculté de théologie de Lyon, Les médias, textes des Eglises, Centurion, Paris, 1990 Piñera Walfredo y Caridad Cumaná, Mirada al cine cubano, Editions OCIC, Bruxelles, 1999 Quigley Martin, Decency in Motion Pictures, The MacMillan Company, New York, 1937 Rittaut-Hutinet Jacques, Le cinéma des origines, Les Frères Lumière et leurs opérateurs, Editions du Champ Vallon, 01420 Seyssel, 1985 Rudolf Dr. et Dr. Richard Emele, L’effort catholique en Autriche, in Revue Internationale du Cinéma, n° 11, 1952 Schmitt Heiner, Kirche und Film, Kirchliche Filmarbeit in Deutschland von ihren Anfängen bis 1945, Harald Boldt Verlag – Boppard am Rhein, 1997 Skinner James M., The Cross and the Cinema, The Legion of Decency and the National Catholic Office for Motion Pictures, 19331970, Praeger, Westport, Connecticut, 1993 Viganò Dario, Un Cinema Ogni Campanile, Chiesa e Cinema nella Diocesi di Milano, Editrice Il Castore, Milano, 1977 46 Index Chollet ...............................16 Cicognani...........................36 Ciné-Journal ......................12 Cinématographe...........29, 43 Círculo Católico.................46 code Hays ....................38, 40 Coissac.........................13, 14 Columbia .....................31, 35 Comité Episcopal du Cinéma .......................................36 Coucher de la mariée.........43 A A Tela................................ 45 Alcaide .............................. 43 America............................. 35 Annonciation ..................... 15 Appreciaciones.................. 45 B Bailly de Surey.................. 13 Baltimore Sun.................... 39 Benoît XV ......................... 18 Bernadette et les apparitions de Lourdes..................... 13 Bild und Film. Zeitschrift für Lichtbilderei und Kinematographie........... 21 Biograph ........................... 30 Bonne Presse..................... 13 Borromaeum ..................... 15 Brabo Films ...................... 19 Breen........................... 35, 40 Brenninkmeyer.......24, 25, 28 Brohée......................... 20, 27 Bruchési ............................ 42 D Das Lied der Schwarzen Berge..............................27 Das Meer Ruft....................28 De Mille.............................31 DeMille..............................35 Der Kleine Pit ....................28 Deutsche Eidophon Film GmbH.......................27, 28 Deutsche Filmzeitung ........23 di Valmarana......................18 Díaz....................................43 Dineen................................38 Dinneen..............................33 Divini illius magistri ..........23 Dougherty ..........................36 Dureau ...............................12 C C&A............................ 24, 29 Cantwell ............................ 35 Canziani ............................ 18 Catherine la Grande ......... 36 Chaplin.............................. 31 Chapuis ............................. 11 Charost .............................. 17 Chevaliers de Colomb....... 35 Choisir .............................. 15 E Eco degli Oratori...............18 Edison ..........................30, 43 Eidophon................24, 27, 28 Ernst...................................24 Etoile Films........................14 47 Exhibitors Herald World... 33 K F Kirchner .............................13 Köhler ................................28 Könemann........24, 25, 26, 28 KRO...................................25 Fascinateur ....................... 13 Fédération cinématographique diocésaine ..................... 18 Fédération Internationale de la Presse Cinématographique ...................... 20 Fédération Internationale des Anciennes Etudiantes Catholiques ............. 31, 40 Féron-Vrau........................ 13 Fiches du cinéma .............. 15 Filmrundschau .................. 23 Fox .................................... 31 L La Arcada ..........................43 La Passion .........................42 La Passion de Nancy .........13 la Passion de Notre-Seigneur .......................................13 La procession du Saint Sang de Bruges avec cortège historique .......................19 La Reine Cristina...............36 La salida de misa de la iglesia de San Pedro ......45 La Samaritaine au puits de Jacob..............................13 La sortie du consistoire au Vatican...........................13 La Virgen de Guadelupe ....44 Le bon cinéma....................21 Le Signe de la Croix. .........35 Le transgresseur ................32 Legion Mexicana de la Decencia ........................45 Legion of Decency .............32 Légion pour la décence.....38, 40, 42 Leo-Film ............................24 Leo-Filmgesellschaft..........21 Leohaus..............................23 Les Apparitions de Lourdes13 Les dossiers du cinéma ......15 Les raisins de la colère ......41 Lichtbilderei GmbH ...........21 G Gaspari .............................. 16 Gesek ................................ 20 Gofilex .............................. 29 Granat................................ 44 Griffith .............................. 31 H Hays .......................32, 33, 34 Hermans .................25, 26, 27 Hinfilm .............................. 27 Hinrich .............................. 28 I Internationale Eidophon N.V ...................................... 26 J Janssen .............................. 26 Jeanne d’Arc ..................... 13 Joye ................................... 15 2 Lichtbilderleih-institute..... 21 Lord............................. 34, 36 Lord’s Day Alliance .......... 42 Lumière ..................11, 30, 43 Películas de la Corporación en la ceremonia ofrecida para celebrar al Papa....45 Pie X ..................................14 Pie XI.........23, 27, 29, 32, 41 Pieper .................................21 Piffl ....................................17 M Mesguich........................... 12 MGM................................. 31 Motion Picture Herald, ..... 35 Motion Picture Producers and Distributors of America ......................... 33 Muckermann ..................... 23 Mundelein ................... 33, 36 Q Quigley ............32, 34, 38, 41 R Reymond............................15 Rivista del Cinematografo .18 RKO ...................................31 Rorate ................................28 Roxy ...................................31 Rummler ............................20 N Natge................................. 28 National Board of Review . 31 National Catholic Office for Motion Pictures............. 32 Neuland-Kinematographie GmbH............................ 22 nickel-odeons .................... 30 S Sacrée Congrégation Consistoriale ..................12 Salón Rojo .........................44 Sennett ...............................31 Shaefe Chase......................30 Steinbeck ...........................41 O OCIC......................24, 25, 45 Of Human Bondage........... 39 Office Catholique International du Cinéma 20 Opitz.................................. 19 Ottaviani............................ 28 T Terra Film ..........................26 The Art Association............32 Tobis ..................................25 Traslosheros.......................44 TriErgon.............................24 Tuschinski Theatre.............28 P Pacelli.......................... 26, 28 Paramount......................... 31 Passion.............................. 13 Passion d’Oberam-mergau 19 U Universal ...........................31 3 V Vitagraph .....................30, 31 Veyre........................... 43, 46 Victime .............................. 32 Vigilanti Cura ........32, 41, 45 Vinzentianum.................... 15 W Warner Bros ......................31 Wright................................44 4
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