Gomme xanthane : agent viscosant et stabilisant

Gomme xanthane : agent viscosant
et stabilisant
par
Jean-Luc SIMON
Directeur des recherches techniques de l’usine Rhodia-Food de Melle (79)
1.
Structure ....................................................................................................
2.
2.1
2.2
2.3
Biosynthèse ...............................................................................................
Production de biomasse .............................................................................
Production de gomme xanthane................................................................
Extraction de la gomme xanthane .............................................................
—
—
—
—
2
3
4
4
3.
Propriétés physico-chimiques ..............................................................
—
4
4.
Applications ..............................................................................................
—
5
5.
Mise en œuvre...........................................................................................
—
8
6.
6.1
6.2
Perspectives ..............................................................................................
Avenir de la gomme xanthane ...................................................................
Autres polysaccharides ...............................................................................
—
—
—
8
8
8
Pour en savoir plus...........................................................................................
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Doc. F 4 300
a gomme xanthane est un hétéropolysaccharide synthétisé par une bactérie
« Xanthomonas campestris ».
Ce polymère est commercialisé essentiellement sous forme d’une poudre
obtenue par précipitation du polysaccharide contenu dans le moût de fermentation à l’aide d’un solvant organique polaire.
Bien que son prix soit relativement élevé, la gomme xanthane trouve des
applications industrielles nombreuses et variées, grâce à ses propriétés rhéologiques exceptionnelles. Le marché mondial, estimé à plus de 30 000 t/an, connaît
une croissance soutenue de plus de 5% par an.
La gomme xanthane est utilisée pour la récupération du pétrole, dans la
confection des ciments et mortiers pour le BTP, dans l’industrie des cosmétiques, notamment dans les shampoings et les gels de douche pour faciliter l’utilisation des détergents, dans la formulation des peintures, etc.
Mais c’est dans les industries alimentaires que les propriétés rhéologiques de
la gomme xanthane trouvent leurs principales applications. Cet article se propose de les passer en revue.
L
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GOMME XANTHANE : AGENT VISCOSANT ET STABILISANT _____________________________________________________________________________________
1. Structure
glucose
acide glucuronique
mannose
La gomme xanthane est une substance sécrétée par une bactérie
(cf. encadré « Historique »). C’est une énorme molécule. Sa masse
moléculaire est estimée entre 1,5 × 106 et 5 × 106 daltons, soit 1,5 à
5 t/mole ! Sa formule brute approximative et moyenne est la
suivante :
n = 830 à 2 800
(C67H102O56)n
■ La structure primaire de la gomme xanthane consiste en une
chaîne principale de cellulose, c’est-à-dire de monomères β-D-glucose liées entre eux par liaison O-glycosidique (1-4). Cette chaîne
porte un branchement latéral triosidique tous les 2 glucose. Ce branchement est constitué d’un α-D-mannose lié à la chaîne principale
par liaison osidique (1-3), d’un acide β-D-glucuronique lié au
1er mannose par liaison osidique (1-2) et d’un β-D-mannose lié à
l’acide glucuronique par liaison osidique (1-4). Le 1er mannose est le
plus souvent acétylé en position 6 et le 2e mannose peut être pyruvylé par liaison cétalique en position 4 et 6.
Ainsi, la gomme xanthane est un polymère constitué d’une unité
pentasaccharidique branchée, acétylée et pyruvylée.
Deux groupements carboxyliques confèrent à la gomme xanthane
un caractère anionique. Les contre-ions les plus couramment rencontrés sont Na+, K+ et Ca2+. Cette unité est décrite sur la figure 1.
■ La structure secondaire de la gomme xanthane fait encore l’objet
d’un débat controversé.
● À l’état solide, la chaîne principale se présente sous forme
d’une hélice droite dont le pas mesure 4,7 nm et totalise 5 unités
répétitives (figure 2). Les chaînes ramifiées (≈ 60 % de la masse
totale) sont repliées le long de la chaîne cellulosique, constituant
ainsi un 2e brin discontinu.
Glucose
CH2OH
O
CH2OH
O
O
OH
O
OH
OH
AcOCH2
CH2OH
O
O
OH
OH
AcOCH2
O
Acide
pyruvique
M OOC O
OH
HO
COO M
O
OH
CH2
O
O
OHOH
O
Mannose
acétylé
Acide
glucuronique
● En solution aqueuse, 3 conformations sont possibles. La gomme
nouvellement biosynthétisée se trouve à l’état natif dans le moût. Cet
état correspond à une structure hélicoïdale. Cette conformation est
modélisée par des bâtonnets semi-rigides. La structure native est
dénaturée lorsque l’on augmente la température ou que l’on abaisse
la force ionique. La plage de température de changement conformationnel se situe habituellement entre 40 et 100 °C. La transition se fait
de façon irréversible. L’état dénaturé correspond à une structure
désordonnée en pelote. Après refroidissement, on passe à un état
renaturé, différent de la conformation native. La structure, à nouveau
ordonnée et hélicoïdale, peut être représentée par des bâtonnets plus
étendus d’une longueur de plusieurs dixièmes de micromètre. Le
passage entre les états dénaturé et renaturé est réversible.
Historique
Dans les années 1940, le département américain de l’ Agriculture de
l’Illinois s’intéresse à la cause d’une maladie affectant certains végétaux,
notamment les crucifères. Les chercheurs isolent une bactérie qui
excrète une substance visqueuse obstruant les pores des feuilles de
choux (Brassica spp). Ce biofilm visqueux permet à la bactérie d’adhérer
au support et de capturer les nutriments nécessaires à sa croissance.
Mise en culture sur milieu solide, la bactérie présente un aspect mucoïde.
En culture submergée, le milieu devient rapidement visqueux. La bactérie est baptisée Xanthomonas campestris et la substance excrétée
« gomme xanthane ». Le micro-organisme fut déposé au Northern Regional Research Laboraty sous le code NRRL B-1459 dans les années 1950.
Un autre clone
fut déposé à l’American Type Culture Collection sous
le code ATCC 13951.
Le polysaccharide commence à être commercialisé dans les années
1960 pour ses propriétés rhéologiques. C’est alors le 2e polysaccharide
microbien à être exploité industriellement après le dextrane. La gomme
xanthane sera approuvée pour son usage alimentaire par la FDA (Food
and Drug Administration) en 1969 puis, progressivement, par de nombreux pays (numéro E 415 dans la CEE en 1980). Son développement
industriel n’aura de cesse de se poursuivre. La gomme xanthane deviendra le polysaccharide microbien de loin le plus vendu.
Le micro-organisme a été amélioré selon différents critères : stabilité
sur plusieurs dizaines de générations, résistance aux bactériophages
(virus), conversion rapide et quasi totale de matières premières disponibles et bon marché en biomasse et gomme xanthane, aptitude à conférer
au moût de fermentation une capacité de transfert d’oxygène plus élevée
et aptitude à utiliser d’autres accepteurs d’électrons, résistance au
cisaillement… Le procédé a également fait l’objet de nombreuses recherches en vue de sélectionner des matières premières économiques,
d’assurer les transferts de matière efficacement et au meilleur prix,
d’économiser le solvant d’extraction, d’améliorer les échanges thermiques, d’assurer la stérilité, de séparer au mieux les phases aqueuses et
organiques de la gomme, de diversifier les grades en vue de répondre,
de façon plus appropriée, aux besoins spécifiques des différentes applications.
O
O
C
CH3
OH
O
O
OH
CH2OH
O
OH
OH
O
OH
HO
COO M
CH2OH
O
Figure 2 – Structure secondaire de la gomme xanthane à l’état solide
OH OH OH
Mannose
2. Biosynthèse
O
Ac = CH3CO
M = contre-ion Na+, K+, Ca2+
Figure 1 – Structure primaire de l’unité pentasaccharidique
de la gomme xanthane
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La gomme xanthane est synthétisée et excrétée par la bactérie
Xanthomonas campestris. Ce micro-organisme est strictement aérobie (il ne se développe qu’en présence d’oxygène) et se présente
sous forme de coques ou de petite bâtonnets de taille moyenne
(0,5 × 1,3 µm). Les industriels ont amélioré progressivement les performances de la souche par des techniques classiques de mutagenèse et de sélection bactérienne. Les critères d’amélioration sont,
entre autres, ceux qui ont été cités dans l’encadré Historique.
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Source de
carbone
Source
d'azote
Sels
Antimousse
Source de Source Sels Antimousse Eau Vapeur
carbone d'azote
Eau
Stérilisation
Stérilisation
Suspension de
micro-organisme
Inoculum primaire
Source de Source Sels Antimousse Eau Vapeur
carbone d'azote
Stérilisation
Inoculum secondaire
Fermenteur de production
Traitement thermique du moût
Isopropanol
Précipitation de la gomme xanthane
Séparation liquide/solide
Eau
Isopropanol
Séchage des fibres de xanthane
Eau
Isopropanol
Tamisage poudre xanthane
Refus tamis
Broyage des fibres de xanthane
Tamisage poudre xanthane
Refus tamis
Conditionnement poudre de xanthane
Figure 3 – Schéma-bloc de principe de production de la gomme xanthane
La production industrielle de gomme xanthane se fait dans de
gros réacteurs dont le volume peut aller jusqu’à plusieurs centaines
de mètres cubes. Le procédé est le plus souvent discontinu (batch)
pour des raisons de facilité de mise en œuvre et de maintien de la
stérilité. On peut distinguer 2 phénomènes dans cette « fermentation » :
— la production de biomasse ;
— la synthèse de gomme xanthane.
Le principe du procédé est décrit sous forme d’un schéma-bloc
sur la figure 3.
2.1 Production de biomasse
Chaque bactérie est censée produire de la gomme. Pour obtenir
une productivité maximale, on a intérêt à faire travailler le plus
grand nombre de bactéries. Par contre, la croissance bactérienne
nécessite des nutriments. Plus elle sera importante, moins le rende-
ment global de conversion des nutriments en gomme sera élevé.
C’est donc l’optimum économique entre productivité et rendement
qui dictera le niveau de biomasse à atteindre.
Les bactéries sont stockées dans des tubes sous forme lyophilisée
ou congelée dans les vapeurs d’azote liquide (– 170 °C). Leur
concentration est de 109 à 1010 cellules /cm3 et leur métabolisme est
arrêté (conservation à long terme). Un tube de 1 mL suffit à l’ensemencement d’une opération industrielle. La reproduction des bactéries est asexuée, elle se fait par division cellulaire. Si l’on veut
atteindre une concentration en micro-organismes élevée, 1010 cellules/cm3 dans un réacteur industriel de 100 m3, par exemple, il faudra
concentrer la population bactérienne 100 millions de fois, soit lui
faire subir 26 générations de croissance (2n = 100 × 106). Au cours
des différentes étapes de croissance dans des réacteurs de plus en
plus gros, il est indispensable de maintenir la stérilité et d’éviter la
dégénérescence du micro-organisme. Cette production de biomasse nécessite l’apport de matière énergétique et l’apport de
matières constitutives et fonctionnelles. Il faudra au moins une
source de carbone, d’azote, de phosphates et de quelques ions
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(Mg2+…) ainsi que de l’oxygène, le tout introduit dans une phase
aqueuse diluée (plus de 90 % d’eau). Les substrats industriels sont
des matières premières disponibles, peu onéreuses, faciles à mettre
en œuvre, reproductibles et, en général, riches en constituants. On
peut citer : glucose, saccharose, hydrolysats d’amidon, mélasses,
soja, extraits de maïs, levures… L’oxygène, très peu soluble dans le
moût (< 10 mg/L), doit être apporté en continu. La température et le
pH sont des paramètres critiques qu’il faut réguler.
La formule brute de la biomasse, dont on a extrait la gomme
xanthane qu’elle renferme, est la suivante :
C4H7,4O1,8N
La stœchiométrie liant le substrat carboné à la biomassse est la
suivante :
1,2 C6H12O6 + 2,25 O2 → C4H7,4O1,8(N) + 3,2 CO2 + 3,5 H2O
Le rendement massique théorique maximal de conversion de la
source de carbone en biomasse est donc d’environ 45 %.
2.2 Production de gomme xanthane
La voie de biosynthèse a fait l’objet de nombreuses publications ces
dernières années, mais il subsiste encore de nombreux points obscurs.
Les monomères osidiques sont d’abord activés sous forme de
nucléosides phosphorylés (guanylate (G) ou uridylate (U)) dans le
cytoplasme des cellules au contact avec la membrane interne.
L’hydrolyse des liaisons anhydride-acide phosphorique générera
l’énergie nécessaire à l’assemblage des oses de façon ordonnée.
Les enzymes qui catalysent les réactions de phosphorylation sont
très spécifiques des substrats.
L’assemblage de l’unité pentasaccharidique acétylée et pyruvylée
se fait selon un ordre très strict sur un long transporteur lipidique
isoprénoïde phosphorylé de 55 atomes de carbone. La spécificité
des enzymes (transférases, acétylase, kélatase) permet cet assemblage ordonné.
Le greffage de cette unité pentasaccharidique sur le polysaccharide en cours de formation se fait par liaison O-glycosidique (1-4)
entre l’extrémité non réductrice du pentasaccharide (4) et l’extrémité réductrice de la chaîne principale du polysaccharide (1). À ce
moment, le transporteur est libéré avant d’être recyclé pour la synthèse d’une nouvelle unité pentasaccharidique. Cette polymérisation est catalysée par une polymérase membranaire non spécifique
puisqu’elle accepte un substrat dont la taille augmente progressivement. Le mécanisme d’excrétion du polymère est mal connu. Le
transport du polysaccharide au travers de la paroi est énergétivore.
La taille du polymère varie peu. Le nombre d’unités pentasaccharidiques dépasse généralement 2 000 et excède rarement 4 500.
L’augmentation de la concentration en gomme s’accompagne
d’une élévation de la viscosité du moût, qui rend le mélange des
constituants de plus en plus difficile. Le coefficient de transfert
d’oxygène diminue au cours du temps et la solubilité de l’oxygène
également. De plus, la gomme étant pseudoplastique, on assiste à
un gradient de viscosité apparente allant de l’extrémité des pales
d’agitation (où le cisaillement est maximal) à la paroi du fermenteur.
Il en est de même lorsque l’on s’écarte en hauteur des mobiles
d’agitation. Il en résulte une hétérogénéité des conditions hydrodynamiques dans les fermenteurs de grande taille. De plus, les cellules s’entourant progressivement d’une gangue de gomme sont
confrontées à des micro-environnements très pénalisants. L’agitation joue, par le cisaillement, un rôle clef dans la levée des limitations des transferts de matières locaux. Pour pallier ces
phénomènes, c’est-à-dire maintenir des profils optimaux de concentration en constituants indispensables ou toxiques (ceux générés,
comme le CO2, ou l’antimousse qui est ajouté localement), l’homme
de l’art a optimisé les conditions d’aération (géométrie, débit), de
pression et d’agitation (nombre, type et taille des mobiles, vitesse
d’agitation, présence de contre-pales…) ainsi que la géométrie du
réacteur. Il est évident que l’obtention d’une productivité élevée
s’accompagne d’une dépense énergétique très importante. La fermentation xanthane est l’une des plus « énergétivores » qui soient.
La gomme xanthane contenue dans le moût de fermentation doit
ensuite être extraite.
2.3 Extraction de la gomme xanthane
En fin de fermentation, la gomme est fortement liée aux bactéries
(slime). Pour les grades commerciaux standards, il n’est pas nécessaire de séparer la biomasse de la gomme. Un traitement de stérilisation du moût précède les phases d’extraction. Il a pour but de tuer
les Xanthomonas et les éventuels contaminants et de dénaturer les
enzymes exogènes qui peuvent gêner l’utilisation de la gomme en
formulation (exemple, la cellulase dans les mélanges carboxyméthylcellulose-xanthane). La gomme est alors précipitée par un
solvant polaire (éthanol, isopropanol). Le solvant est partiellement
recyclé par distillation. Les fibres de xanthane sont débarrassées de
toutes traces d’eau et d’alccol par des opérations classiques mais
énergiques de séparation solide/liquide. Les fibres sèches sont
broyées et tamisées pour répondre aux spécifications granulométriques des clients.
3. Propriétés
physico-chimiques
La régulation de cette machinerie étonnamment reproductible est
mal connue.
La réaction stœchiométrique de conversion du substrat carboné
en gomme xanthane est approximativement la suivante :
13 C6H12O6 + 13,5 O2 → C67H102O56 + 11 CO2 + 27 H2O
Le rendement massique maximal de conversion du substrat en
gomme est de 77 %. Dans les conditions industrielles, seuls la biomasse, la gomme et le CO2 sont synthétisés. Les rendements sont
proches des valeurs théoriques maximales.
La biosynthèse de la gomme xanthane se fait préférentiellement
pendant la phase exponentielle de croissance mais également en
phase stationnaire. Le milieu de culture doit présenter un rapport
C/N très élevé et une limitation de la croissance (liée à l’azote ou à
d’autres composés tels que les phosphates) pour dévier le métabolisme vers la synthèse de xanthane. L’oxygène est apporté en
continu. Le pH et la température doivent être régulés autour de
valeurs de consigne qui ne sont pas nécessairement celles qui sont
optimales pour la croissance. Le métabolisme est générateur
d’énergie [ environ 850 kcal par kg de gomme formée (soit 3 553 kJ)]
qu’il faut évacuer en continu.
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La gomme xanthane est commercialisée sous forme d’une poudre de couleur blanc à crème. Le profil granulométrique varie d’un
grade à l’autre mais il est bien contrôlé.
■ Solubilité
La gomme xanthane est un polymère anionique, donc hydrophile.
Elle est soluble dans l’eau dès 10 °C. Par contre, elle est insoluble
dans les solvants organiques. Cette propriété est mise à profit dans
le procédé d’extraction de la gomme à partir du moût de fermentation. Néanmoins, dans certaines formulations, on peut ajouter
jusqu’à 40 % d’acétone, d’éthanol ou d’isopropanol dans un
mélange aqueux sans que la gomme xanthane ne précipite.
La solubilisation de la gomme xanthane en phase aqueuse se fait
en 2 étapes. La première étape consiste en la dispersion des grains
constituant la poudre, c’est-à-dire l’individualisation des particules.
La dispersion sera d’autant plus rapide que la granulométrie de la
poudre est élevée. On trouve même des grades sous forme de granulés qui permettent une meilleure coulabilité, évitent la génération
de poussière et se dispersent très facilement. La deuxième étape est
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l’hydratation. Les molécules d’eau se fixent progressivement sur les
macromolécules et réduisent de ce fait les interactions solutésoluté, jusqu’à l’individualisation des macromolécules. La gomme
présente des groupements hydroxyles et des charges négatives qui
facilitent l’interaction soluté-eau. De plus, les ramifications écartent
les chaînes principales, ce qui facilite l’hydratation. On considère
celle-ci achevée lorsque l’on a atteint un palier de viscosité. Différents facteurs conditionnent la vitesse d’hydratation. L’agitation, la
température et la finesse des grains ont un impact positif. La présence d’électrolytes, compétiteurs vis-à-vis du polysaccharide pour
l’eau, a un effet négatif.
■ Rhéologie
Les propriétés caractéristiques de la gomme xanthane en solution
aqueuse relèvent de la rhéologie. Au-dessous d’une certaine
contrainte de cisaillement, les bâtonnets rigides de gomme xanthane
sont stabilisés par des interactions faibles. Il en résulte un enchevêtrement d’autant plus important que la concentration en gomme est
élevée. Les bâtonnets emprisonnant l’eau ne peuvent pivoter, figeant
le liquide qui prend l’aspect d’un pseudogel. On parle de seuil
d’écoulement, qui correspond à la contrainte de cisaillement minimale nécessaire pour obtenir un début d’écoulement (vitesse de
déformation > 0). À titre indicatif, des seuils de 700, 2 500 et
7 000 mPa ont été déterminés avec un viscosimètre Rhéomat 30
pour des concentrations en gomme de 3,5 et 10 g/L respectivement.
Les seuils sont beaucoup plus faibles pour les autres épaississants
Exemple : à 10 g/L, on trouve, dans les mêmes conditions, 4 000,
830, 410, 360 et 210 mPa pour le guar, l’hydroxyméthylcellulose, la carboxyméthylcellulose, la caroube et l’alginate de sodium respectivement.
Au-delà du seuil d’écoulement, la gomme xanthane va conférer à
la solution des propriétés viscosantes. Les molécules déployées, de
grande taille et rigides, balaient un volume important en tournant,
gênant ainsi la mobilité du liquide. Cette viscosité est élevée dès les
basses concentrations (1g/L) et augmente avec la teneur en gomme
et en électrolytes.
Exemple : avec un viscosimètre Brookfield LVT, tournant à 3 tr/min
à 20 °C, on relève une viscosité apparente de 100, 800, 6 000 et 10 000
mPa.s pour des concentrations en gomme dans l’eau de 1,3, 2,3 et
5 g/L. À titre de comparaison à 5 g/L et dans les mêmes conditions de
mesures, la viscosité apparente est de 1 000 mPa.s pour le guar,
150 mPa.s pour l’hydroxyméthylcellulose, la carboxyméthylcellulose et
la caroube et de 100 mPa.s pour l’alginate de sodium.
La viscosité apparente diminue rapidement lorsque la contrainte
de cisaillement augmente, c’est-à-dire que le rapport contrainte de
cisaillement/vitesse de déformation du fluide diminue. La gomme
xanthane en solution a un comportement pseudoplastique d’autant
plus important que la concentration en gomme augmente. Par
contre, la pseudoplasticité ne dépend pas du taux des groupes
acétyles et pyruvyles. Les bâtonnets rigides s’orientent instantanément dans le sens du cisaillement et cet alignement est d’autant
plus marqué que le cisaillement augmente. De ce fait, le polysaccharide s’oppose de moins en moins à l’écoulement du fluide. Cette
propriété est parfaitement et instantanément réversible. La gomme
xanthane en solution n’est pas thixotrope.
Les propriétés rhéologiques de la gomme xanthane ne sont pas
altérées par un cisaillement prolongé.
La gomme xanthane est compatible avec les sels monovalents. La
viscosité et la pseudoplasticité d’une solution de gomme à 1 g/L augmentent légèrement avec la concentration en sels jusqu’à un optimum de 0,1 % de ces derniers. Certains grades spéciaux sont
nécessaires pour assurer la compatibilité de la gomme avec les
cations trivalents (Al3+, Fe3+). La gomme xanthane, polymère
anionique, sera compatible avec les ingrédients anioniques ou non
ioniques, mais pas avec la plupart des cationiques. Avec ces derniers,
on observera la formation de gels. Elle conserve ses propriétés en
présence des acides organiques les plus couramment utilisés (acétique, lactique, citrique et tartrique). La gomme se dissout facilement
dans les solutions acides, à condition d’incorporer l’acide en dernier.
■ Propriétés d’associations
La gomme xanthane est compatible avec les autres épaississants
et gélifiants industriels (amidons, carraghénanes, pectines, gélatine,
agar, alginate, cellulose et dérivés).
La gomme xanthane, sous sa forme hélicoïdale rigide, a la particularité de s’associer avec les zones lisses (non ramifiées) des galactomannanes (guar, caroube). Ceux-ci sont constitués d’un
enchaînement linéaire de β-D-mannose liés en (1-4) et de branchements d’un α-D-galactose en (1-6). Avec le guar, qui comporte statistiquement (ce n’est pas régulier d’où la présence de zones lisses)
1 galactose pour 2 mannoses, il en résulte une synergie de viscosité,
notamment dans les rapports xanthane/guar de 10 à 30 / 90 à 70.
Avec la caroube, qui est 2 fois moins branchée (1 galactose pour 4
mannoses), on obtient un gel thermoréversible dès une concentration de 2 g/L et dans le rapport xanthane/caroube de 50/50, alors que
les 2 polysaccharides isolés ne donnent pas de gels. Ces synergies
ne s’obtiennent qu’après un chauffage préalable pour dégager les
zones lisses de galactomannanes.
■ Dégradabilité
La gomme xanthane résiste à la dégradation des enzymes les plus
couramment utilisées (amylases, protéases, pectinases, cellulases),
car l’accessibilité des liaisons β(1-4) notamment est difficile dans la
conformation ordonnée. Sous forme de poudre, la gomme xanthane peut se conserver plusieurs années. En solution, il est nécessaire d’ajouter un conservateur non cationique pour des durées de
conservation excédant 24 h.
La gomme xanthane n’a pas de goût et n’altère pas les propriétés
organoleptiques d’une formulation. Elle est très peu digeste. Alors que
sa valeur énergétique potentielle est de 4000 kcal/kg (≈ 16 720 kJ/kg),
sa valeur réelle n’est que de 600 kcal/kg (≈ 2 500 kJ/kg). Elle est biodégradable en 2 jours (selon la norme DIN), grâce notamment à l’action
de différentes enzymes d’hydrolyse appelées xanthanases.
4. Applications
■ La gomme xanthane est classée comme agent de texture, dans la
catégorie des additifs et non des ingrédients, car elle n’est pas assimilable par l’homme.
Les propriétés rhéologiques de la gomme xanthane sont conservées dans une large gamme de pH (3 à 10). La gomme résiste à des
températures élevées. Sa viscosité ne varie pas jusqu’à 70 °C. Au-delà,
elle chute mais retrouve sa valeur d’origine après refroidissement. Elle
supporte un traitement de 130 °C pendant quelques secondes.
Le rôle d’un additif doit être considéré à 2 niveaux :
— au cours du procédé, il peut être ajouté dans le but de faciliter
certaines opérations unitaires de confection du produit. Dans le cas
contraire, s’il n’a qu’un rôle fonctionnel dans le produit fini, il faudra
néanmoins considérer l’impact des propriétés qu’il confère au produit, en cours d’élaboration, sur ces opérations unitaires ;
— dans le produit fini, comme agent conférant une fonctionnalité
(agent stabilisant, agent viscosant…).
Exemple : à titre de comparaison, à 5 g/L avec un viscosimètre
Brookfield LVT, aiguille n° 2 à 60 tr/min, les viscosités du guar, de la carboxyméthylcellulose, de la caroube et de l’alginate de sodium chutent
respectivement à 30 %, 50 %, 60 % et 70 %.
■ La gomme xanthane, seule ou en synergie avec d’autres additifs,
a un ensemble de propriétés caractéristiques. Dans chaque application, une ou plusieurs de ces propriétés seront mises à profit. La
gomme xanthane est en compétition avec d’autres additifs, notam-
Exemple : à 2,5 g/L et à 25 °C, la viscosité passe de 100 mPa.s à
5 mPa.s, lorsque le taux de cisaillement s’élève de 10 s–1 à 1 000 s–1.
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ment les autres polysaccharides. Ceux-ci sont essentiellement d’origine végétale (guar, caroube, carraghénanes, alginates, amidon,
cellulose, gomme arabique, pectines…), mais elle devance de très
loin les autres polysaccharides microbiens (curdlan, acide hyaluronique, succinoglycane, gellane, pullulane…). Pour mettre en compétition ces polysaccharides (ou autres polyacrylamides…), l’utilisateur considère la valeur d’usage des produits, c’est-à-dire le couple
prix unitaire-concentration du polysaccharide correspondant à
l’optimum de la propriété recherchée.
Les propriétés caractéristiques de la gomme xanthane sont les
suivantes.
● Prix de vente relativement élevé
Variable suivant les grades et généralement supérieur à 10 $/kg,
il est, par exemple et en moyenne, plus de 20 fois supérieur à celui
de l’amidon natif, 10 fois supérieur à celui du guar, 2 fois supérieur
à celui des dérivés de cellulose, moins 1,5 fois inférieur à celui de la
caroube… Les facteurs principaux de coût de la gomme sont :
— les amortissements : une installation de quelques milliers de
tonnes nécessite un investissement de plusieurs centaines de millions de francs ;
— les matières premières : la principale perte de rendement est la
synthèse de biomasse. Plus une cellule sera productive, meilleur
sera le rendement ou, à isorendement, meilleure sera la productivité. On recherche donc des milieux favorisant la productivité spécifique des bactéries. Par ailleurs, le prix d’achat des matières
premières est primordial et donne lieu à des négociations avec les
fournisseurs. La variation des prix agricoles a un impact important
sur le prix de la gomme xanthane. L’intégration sur des matières
premières est un atout ;
— l’énergie : les stérilisations, l’aération, l’agitation et les séparations liquide/solide sont très consommatrices d’énergie. L’approvisionnement en énergie moins chère, la recherche de technologies
efficaces (mode de stérilisation, mode de distribution de l’air, types
de mobiles d’agitation, de séparateurs et de sécheurs) et l’optimisation des procédés (récupération d’énergie, optimisation des profils
d’alimentation…) sont les meilleurs moyens de diminuer la facture
énergétique ;
— la maintenance : les machines sont soumises à rude épreuve.
La recherche de technologie plus fiable et la mise en place de programme d’entretien préventif permettent de limiter les interventions de maintenance.
● Qualité reproductible
Contrairement à certains polysaccharides végétaux (guar et
caroube surtout) qui varient d’un biotope ou d’une année sur l’autre,
le procédé d’obtention de la gomme xanthane est bien maîtrisé par
les producteurs de longue date.
● Possibilité d’obtention de nombreux grades répondant aux
besoins de plus en plus spécifiques des marchés
Grâce à la grande souplesse du procédé (souches différentes,
conditions spécifiques de fermentation, nombreuses opérations unitaires d’extraction), on peut obtenir des changements conformationnels (meilleure coulabilité), purifier plus ou moins le polysaccharide
(enzymes, sels, biomasse), jusqu’aux qualités transparente et filtrable,
modifier la granulométrie (meilleure dispersabilité, absence de poussière), modifier les degrés d’acétylation et de pyruvylation (résistance
à la température, synergie avec les galactomannanes), préparer des
mélanges intimes (avec des tensioactifs, des huiles… pour améliorer
l’hydratation, la compatibilité avec les sels di ou trivalents…), préparer
des systèmes fonctionnels (synergie avec des galactomannanes et
autres). Rhodia commercialise ainsi plus de 40 grades différents.
● Agent stabilisant
Compte tenu de son seuil d’écoulement, la gomme stabilise les
suspensions (solides), les émulsions (liquides) et les mousses (gaz)
ou une combinaison de 2 ou 3 de ces systèmes à la fois. Tant que la
taille et la densité des particules en suspension engendrent une
contrainte de cisaillement inférieure au seuil d’écoulement, les suspensions seront stables. La gomme est efficace à 0,5 % contre au
moins 1 % pour d’autres polysaccharides.
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La propriété de stabilisation est mesurée par la vitesse de décantation de particules standardisées dans une solution de polysaccharide.
Exemple : des particules de sable de 100 à 125 µm sédimentent à
100 % à 20 °C en 5 h avec de l’alginate de sodium à 1 %, en 8 h avec
de la carboxyméthylcellulose à 1 %, en 12 h avec de la caroube à 1 %,
en 18 h avec de l’hydroxyméthylcellulose à 1 %. Alors que la sédimentation n’est que de 5 % après 30 h avec de la gomme xanthane à 0,5 %.
Cette propriété est mise à profit dans de nombreuses
applications :
— en cosmétique, on stabilisera les formules de shampoings
« 2 en 1 » ou les formules de dentifrices avec 0,7 à 1 % de xanthane.
Les émulsions caractéristiques des crèmes seront stabilisées avec 0,2
à 0,5 % de gomme xanthane ;
— les formulations pharmaceutiques seront stabilisées (par
exemple le sulfate de baryum dans les produits opacifiants) avec 0,1
à 0,5 % de gomme xanthane ;
— les pigments contenus dans les peintures à l’eau seront maintenus en suspension avec 0,1 à 0,7 % de gomme xanthane ;
— en alimentation animale, des ingrédients resteront en suspension en présence de 0,1 à 0,4 % de gomme ;
— en alimentation humaine, la gomme sera utilisée :
• en applications pour sauce salade (0,1 à 0,5 %) pour maintenir
les solides (épices…) et les émulsions (huile/eau) ;
• en panification, 0,05 à 0,3 % de gomme permettra le maintien
d’ingrédients solides (noix, raisins…) et la stabilisation de l’air
inclus dans le réseau d’amidon ;
• dans les boissons, les morceaux de fruits seront maintenus en
suspension en présence de 0,05 à 0,2 % de gomme ;
• dans les plats préparés (soupes, desserts), 0,05 à 0,5 % de
gomme xanthane permettra de stabiliser les suspensions ;
• dans les crèmes glacées, 0,05 à 0,2 % de gomme évitera aux
ingrédients solides de décanter. De plus la gomme aura un effet
de protection contre la synérèse lors de la décongélation ;
• les produits laitiers (yaourts, desserts) seront stabilisés avec
0,05 à 0,2 % de gomme xanthane ;
• les plats reconstitués à base de viande (saucisses, jambons)
seront maintenus avec 0,2 à 0,5 % de gomme xanthane ;
• les produits foisonnés (mousses…) doivent leur stabilité à la
présence de 0,05 à 0,3 % de gomme.
Le tableau 1 indique la relation existant entre le taux de cisaillement, la viscosité et l’utilisation résultante pour une solution de
gomme xanthane à 0,25 %.
Le tableau 2 donne les principales applications de la gomme xanthane dans l’industrie alimentaire.
● Agent viscosant
La gomme xanthane a des propriétés épaississantes dès les
basses concentrations (0,1 %).
(0)
Tableau 1 – Relation entre le taux de cisaillement
et la viscosité pour une solution aqueuse à 0,25 %
Taux de cisaillement
(s–1)
Viscosité
(mPa.s)
Domaines
d’utilisation
0,01 à 0,1
50 000 à 10 000
Suspension
0,1 à 1
10 000 à 7 000
Suspension
1 à 10
7 000 à 1 000
Coulage
10 à 100
1 000 à 500
Trempage
100 à 1 000
500 à 100
Mélange, pompage
1 000 à 10 000
100 à 1
Pulvérisation
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____________________________________________________________________________________ GOMME XANTHANE : AGENT VISCOSANT ET STABILISANT
(0)
Préparations instantanées (sauces, soupes, potages, boissons)
« Pickles », aspics
0,2 à 1
Plats cuisinés
■
0,1 à 0,2 (1)
■
■
■
Produits laitiers, laits aromatisés
Crème foisonnée, mousses
Dessert instantanés
■
■
■
0,2 à 0,5
Plats surgelés
■
0,2 à 0,5
■
0, 05 à 0,3
■
0,1 à 0,3
■
■
■
■
■
■
■
Produits de cuisson de céréales
(boulangerie, pâtisserie, biscuiterie, biscotterie)
0,05 à 0,2
Boissons aux fruits, concentrés
d’arômes
0,05 à 0,2
■
■
Confitures et gelées, préparation
de fruits, nappages
0,2 à 0,5
■
■
Alimentation animale
0,2 à 0,5
■
■
■
■
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■
■
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■
0,1 à 0,4
■
■
■
■
■
Crèmes glacées, sorbets
■
■
■
0,1 à 0,3 (1)
■
■
■
■
■
Stabilisation
du foisonnement
■
■
Contrôle
de la cristallisation
■
■
Adhérence
■
■
Modificateur
de texture
■
Inhibition
de la synérèse
■
Divers
Solubilité
à froid
■
Galactomannanes
■
■
Température
■
Acides
0,2 à 1
0,1 à 0,4
Sels
Sauces, bouillons, potages
Stabilité
Pseudoplasticité
Sauces pour salades
Dose d’emploi
recommandée
(%)
Viscosité
Produits alimentaires concernés
Pouvoir
de suspension
Rhéologie
Synergie
Tableau 2 – Principales applications de la gomme xanthane en industrie alimentaire
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(1) dans le produit fini
Cette propriété sera mise à profit en industrie alimentaire où le
constituant principal n’est autre que l’eau. Les préparations industrielles nécessitent de compenser certains ingrédients naturels trop
chers, difficiles à mettre en œuvre, détruits lors des opérations de
traitement ou encore trop caloriques, mais qui apportaient par
ailleurs de la viscosité. De plus, de nombreuses préparations qu’il
est impossible à obtenir par des recettes de cuisine classiques,
apparaissent sur le marché grâce au pouvoir épaississant de la
gomme xanthane.
La pseudoplasticité est un atout majeur de la gomme dans le
domaine alimentaire. Lors des procédés de mise en œuvre, de l’utilisation ou encore lors de l’ingestion, le fait de pouvoir fluidifier le produit sous l’effet du cisaillement est déterminant. Ainsi, les potages,
sauces salades, crèmes glacées, aliments pour animaux, seront faciles à préparer et à acheminer (fluidité au mélange et au pompage),
stables au repos, faciles à servir et onctueux lors de l’ingestion.
La gomme xanthane est neutre en goût et non digestible. Elle permet la substitution des graisses texturantes dans les aliments à basses calories. La vitesse de cisaillement en bouche (10 à 50 s –1)
permet un relargage des arômes et donne une impression d’onctuosité et de mouthfeel (corps).
Utilisée dans le domaine pétrolier, la gomme est pompable et
augmente la viscosité de l’eau, ce qui permet, par injection, de faire
remonter les huiles visqueuses. La biodégradabilité de la gomme
est un atout supplémentaire. Le grade transparent confère une
meilleure filtrabilité et évite que les cellules bactériennes ne bouchent les pores de la roche. Cependant, le prix de la gomme xanthane est souvent prohibitif, en particulier lorsque le cours du
pétrole est bas.
Dans le BTP, la pseudoplasticité de la gomme xanthane permet
les mélanges (ciment, mortiers) et sa viscosité assure leur bonne
tenue après projection et avant séchage.
Dans l’industrie des cosmétiques, ces mêmes propriétés sont
appréciées, notamment pour les pâtes dentifrices. La gomme xanthane permet la coulabilité de la pâte lors de la pression sur le tube
et confère de la viscosité au repos sur la brosse à dents.
Dans l’industrie des détergents, le pompage et la vaporisation
des produits sont possibles grâce à la pseudoplasticité. Une fois pulvérisé, le produit adhère à la surface à nettoyer et s’écoule lentement pour une meilleure efficacité des agents lavants (lave-glace,
gels WC…).
●
Autres propriétés
Résistance aux variations de cisaillement, stabilité à la température, au pH, aux enzymes, compatibilité avec les tensioactifs et les
sels, pouvoir rétenteur d’eau, synergie avec les galactomannanes,
solubilité à froid : ces propriétés, non-exhaustives, autorisent
l’emploi de la gomme xanthane dans une gamme très large de
conditions.
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GOMME XANTHANE : AGENT VISCOSANT ET STABILISANT _____________________________________________________________________________________
Exemple : au cours des différents procédés de production ou d’utilisation des produits industriels, la gomme xanthane permettra maniabilité, pompage, transport, injection. Elle résistera à la stérilisation. Elle
protégera les ingrédients lors des cycles de congélation-décongélation.
Elle évitera la synérèse (exsudation des gels). Elle pourra être utilisée
dans des conditions de pH extrêmes (sauces salades, sodas, détergence où les pH sont très bas, BTP où les pH sont élevés). Elle fera
« bon mélange » avec un grand nombre d’ingrédients ou d’additifs,
même avec les cations trivalents (Al3+, Fe3+) dans certaines applications pharmaceutiques. La gomme xanthane dopera le guar, moins
cher, et permettra l’obtention de gel avec la caroube.
5. Mise en œuvre
Les grades granulés (500 à 1 500 µm) sont facilement coulables et
évitent la formation de poussières.
Si c’est l’étape de dispersion qui pose des problèmes (formation
de grumeaux), on peut recourir à une poudre de granulométrie (150
à 250 µm, par exemple) élevée. À défaut (moins de 100 µm, par
exemple), il faudra soigneusement prémélanger les différents ingrédients (sucres, autres poudres…) avec la gomme xanthane. Ensuite,
la solubilisation sera rapide (quelques minutes). Avec une poudre
de granulométrie plus élevée, la solubilisation pourra prendre
30 min à 1 h, suivant les autres composants de la formulation et la
vitesse d’agitation (moins de 1 500 tr/min, par exemple).
Un protocole de préparation indicatif peut être le suivant :
— utiliser un mélangeur à haute vitesse (> 1 500 tr/min) ;
— incorporer doucement la gomme xanthane en pluie à la surface du vortex ;
— diminuer la vitesse au fur et à mesure que la viscosité se développe afin d’éviter la formation de bulles d’air.
Une prédispersion de la gomme xanthane dans un liquide miscible à l’eau où elle est insoluble (éthanol, glycol), ou dans un liquide
non miscible (huile végétale) est conseillée lorsque l’on ne dispose
pas d’un mélangeur à haute vitesse.
6. Perspectives
6.1 Avenir de la gomme xanthane
Le marché alimentaire aux États-Unis continue d’augmenter et
l’Europe ainsi que l’Asie et l’Amérique du Sud devraient suivre. En
effet, l’américanisation des habitudes alimentaires et le confort que
procurent les aliments industriels auprès des familles qui consacrent
de moins en moins de temps à la cuisine devraient entraîner le développement de la gomme xanthane. Les ingrédients naturels texturants supportent mal les traitements violents sur les chaînes de
fabrication ou lors des stockages, ne confèrent pas des propriétés
suffisantes pour la stabilité à long terme des aliments et pour satisfaire la créativité des concepteurs de nouveaux produits. De plus, les
consommateurs recherchent de plus en plus des aliments hypocaloriques. Or, ce sont les graisses et les sucres qui jouaient le rôle de texturants. L’incorporation de gomme xanthane non digestible pallie en
partie cet handicap. Les marchés émergents prendront également le
relais de la croissance des pays développés.
Le marché des produits cosmétiques grand public explose aussi.
Les gels douches, crèmes et autres pâtes dentifrices font appel aux
polysaccharides pour assurer leur texture. La gomme xanthane,
notamment dans ses grades différenciés, devrait en profiter.
Les systèmes de délivrance contrôlée des médicaments basés sur
l’enrobage de ceux-ci par les polysaccharides sont amenés à se
développer également.
Actuellement, plus de 1 600 brevets concernant la gomme xanthane ont été déposé aux États-Unis. La gomme xanthane a beau-
F 4 300 − 8
coup de qualités qui sont déjà largement exploitées. Pour élargir
son champ d’application, les recherches s’effectuent suivant quatre
axes complémentaires.
■ Abaissement du prix de revient
Les facteurs limitants sont de deux ordres.
● Génie chimique
Dans les réacteurs de grande taille , l’homogénéité du moût ne
peut pas être assurée convenablement. Les modèles mathématiques
« dits de zones » révèlent la présence de volumes mal exploités. Le
transfert d’oxygène entre les phases gazeuse et liquide y est difficile
et l’accès aux nutriments par transfert liquide/solide au niveau du
slime polysaccharidique est fortement dépendant du cisaillement.
Aussi, la productivité et le coût énergétique peuvent être améliorés
par un meilleur contrôle des interactions biomasse-gomme et de la
viscosité, par un dimensionnement optimal du réacteur et des systèmes d’agitation et d’aération et par l’optimisation des profils d’alimentation des nutriments et de l’oxygène et du profil d’agitation. Les
opérations d’extraction peuvent être améliorées dans le but de les
rendre plus fiables et moins consommatrices en énergie.
● Facteurs physiologiques
L’identification des facteurs physiologiques limitants passe par
une meilleure connaissance des voies de biosynthèse et de leur
régulation. Les mécanismes de transport membranaire des nutriments et de la gomme sont très mal connus. La régulation des
mécanismes d’assemblage des oses et polymérisation reste à étudier. De cette étude physiologique découleront les axes d’amélioration du micro-organisme par mutagenèse classique (cribles dirigés)
ou par génie génétique (clonage, dérégulation…).
Ces études viseront l’amélioration de la productivité. Les rendements de production et d’extraction sont déjà excellents. On peut
néanmoins espérer diminuer le taux de biomasse, ce qui devrait
accroître le rendement en xanthane (plus de 2 g de sucre sont nécessaire pour synthétiser 1 g de biomasse) et faciliter le procédé de clarification de la gomme).
■ Développement de grades différenciés
Une meilleure connaissance des relations structure-fonction permettra de modéliser les structures de gomme idéales pour chaque
application. Ces structures seront obtenues par modification physiologique ou chimique après biosynthèse ou encore par variation
des facteurs environnementaux (température, électrolytes…). Toutefois, les barrières législatives (définition de la gomme xanthane,
utilisation d’OGM) seront un frein à ces développements.
■ Développement de systèmes
Toutes les combinaisons entre les grades différenciés de la
gomme xanthane et les grades différenciés des autres polysaccharides, dans différentes conditions et pour toutes les applications
actuelles et à venir, n’ont pas été étudiées. De nouvelles synergies
(prix, propriétés) peuvent encore apparaître.
■ Service aux clients
Une meilleure connaissance des besoins des clients et de leurs contraintes technologiques de mise en œuvre de la gomme xanthane permettra de proposer le grade le mieux adapté et des conseils pour une
utilisation optimale. Depuis une dizaine d’années, ce souci d’assurer un
service « tout compris » aux clients est entré dans les mœurs.
6.2 Autres polysaccharides
Il existe de nombreux polysaccharides microbiens. Certains ont
été plus ou moins décrits, d’autres sont encore à découvrir dans les
biotopes favorables à leur production (rhizosphère des plantes où
s’établissent des synergies bactéries-plante hôte, zones riches en
métaux lourds toxiques favorisant le développement de bactéries
s’autoprotégeant en s’enrobant de polysaccharides chélatants…).
L’étude systématique de ces polysaccharides serait trop lourde au
regard des enjeux potentiels. Les perspectives d’évolution sont examinées plus en détail en [Doc. F 4 300].
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