Opposition de principe ou soutien critique ? Une perspective de sociologie politique sur le positionnement de l'industrie pharmaceutique face à l'évaluation médico-économique. CYRIL BENOIT* Version (très) provisoire – Ne pas citer Introduction La mise en œuvre de l’évaluation médico-économique des produits pharmaceutiques offre un débouché d’enquête privilégié à qui souhaite étudier la transformation des relations établies entre régulation publique et entreprises privées dans le domaine de la santé. Le déploiement de cette nouvelle procédure dans l’accès au marché des médicaments au sein d’agences administratives dédiées s’inscrit en effet dans le contexte de modifications des équilibres entre l’industrie pharmaceutique et les Etats, à l’aune de mutations qui, bien que disposant de leurs dynamiques propres, n’en demeurent pas moins interdépendantes les unes des autres. Deux principaux mouvements doivent préalablement être identifiés. Depuis le début des années 1990, la croissance des dépenses de médicament en Europe se traduit par une pression de plus en plus forte exercée sur les comptes de santé nationaux (Smith, 2013). Causes rituellement invoquées pour expliquer des hausses comparables durant les décennies précédentes, le vieillissement de la population et le progrès de l’innovation médicale semblent ici ne nourrir que subsidiairement la tendance constatée (HERC, 2013). Celle-ci trouve plus volontiers son fondement dans le ralentissement progressif de la croissance économique des principaux pays européens – facteur mécanique de baisse du rendement des cotisations sociales (régime Bismarckien) ou de l’impôt (régime Bévéridgien). Sur la même période, et parallèlement à cette évolution, le modèle d’affaire de l’industrie du médicament opère une transformation critique1. Autrefois basé sur la production de molécules phares, assurant à la firme exploitante de grasses rentes de monopole, le développement du secteur va graduellement s’enrayer sous l’effet d’une difficulté chronique à maintenir le processus d’innovation à flot. Pour sécuriser ses marges et rémunérer un actionnariat de plus en plus présent dans le financement de son activité, l’industrie va progressivement adopter un biais en faveur de la production de traitement dits « de niche », destinés à des populations de patients plus restreintes et proposés à des prix extrêmement élevés (Gagnon, 2009 ; Montalban, 2007, 2008). Le champ pharmaceutique peut dès lors être vu comme parcouru de tensions contradictoires : des dépenses de moins en moins supportables du côté de la demande, et une tentative de sécurisation des profits par la maximisation des marges réalisées sur les produits du côté de l’offre. Reposant majoritairement sur un mode de financement public, les régimes d’assurances sociales ou les systèmes nationaux de santé d’Europe Occidentale apparaissent comme les plus touchés par les récentes évolutions de ce marché2. * Sciences Po Bordeaux Centre Emile Durkheim, UMR CNRS 5116 Doctorant en Science Politique sous la direction de Andy Smith (Sciences Po Bordeaux) et Colin Hay (Sciences Po Paris) [email protected] Séminaire d’Economie Politique de la Santé (SEPOSA) 2013-2014 14 Mars 2014 – "Big Pharma et la politique du médicament" Maison des Sciences Economiques, Paris CYRIL BENOIT 2 Cette situation a amplement favorisé la mise sur les agendas gouvernementaux de la question de la « soutenabilité » des dépenses pharmaceutiques à moyen et à long terme, en légitimant le recours à différents instruments visant à maîtriser l’inflation des dépenses. En référence à cette problématique, la plupart des pays européens se dotent ainsi, entre le milieu des années 1990 et le début des années 2000, d’agence d’évaluation des technologies de santé en complément ou en réforme de structures bureaucratiques existantes3. Composées de médecins, de managers ou d’économistes, ces dispositifs ont pour première caractéristique de se présenter comme promouvant un éclairage de la décision publique par une approche scientifique des choix budgétaires en matière de santé (Gorry et al., 2012). En dépit de leurs singularités, ils partagent un certain nombre de missions analogues, leur principale consistant en la réalisation, sur la base de protocoles standardisés, d’une évaluation à dominante thérapeutique ou économique des médicaments en préalable de la fixation définitive de leur prix. Celle-ci a pour but d’établir la valeur sociale des produits faisant l’objet d’une prise en charge totale ou partielle par la collectivité, donc, de ceux prétendant au remboursement. Qualifiée ciaprès de médico-économique4, consistant généralement en une mesure d’efficience, cette nouvelle expertise vient s’ajouter aux critères déjà requis pour l’accès d’un médicament à la consommation. Avant d’être prescrit, un nouveau produit devait jusqu’alors satisfaire un certain nombre d’exigences en termes de sécurité et d’efficacité sanitaire. Généralement réalisé par l’Agence Européenne du Médicament, l’European Medicines Agency (EMA, voir Permanand, 2006), ce premier examen donnait lieu à la délivrance ou non de l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). Celui-ci est désormais soumis à la seconde appréciation des organismes d’évaluations médico-économiques nationaux qui se prononcent sur les conditions de son remboursement, voire des modalités de la fixation de son prix. Ce changement n’est pas anodin. Le résultat du test effectué lors de cet étape n’est plus seulement fonction de l’efficacité ou de l’innocuité du médicament, mais de son efficacité relative, ou, plus précisément, de sa rentabilité thérapeutique ou économique, en considération des stratégies de soins alternatives comparables. Dans le domaine pharmaceutique sous tension évoqué plus haut, la mise en œuvre de cette nouvelle procédure n’est pas allée sans controverses et oppositions entre les différentes parties impliquées (Benoît, 2014), incluant de manière majoritaire, quoique non exclusive, les industriels du médicament et leurs représentants – voyant en ce nouveau système de régulation un obstacle substantiel à la pénétration de leurs produits sur des marchés considérés jusque-là comme relativement « sûrs »5. Balisées de longue date (voir Carpenter, 2010), les voies d’accès au patient des médicaments reposant sur des évaluations exclusivement sanitaires reflétaient en effet la composition d’un lien historique noué entre l’industrie pharmaceutique et les Etats, fondé sur un compromis entre rentabilité, d’une part, et santé publique, de l’autre (Pignarre, 2003, voir également Chauveau, 1999). Le déploiement de l’évaluation médico-économique vient réformer ce rapport en lui adjoignant un troisième paramètre, celui du coût des produits comme condition de leur prise en charge. De fait, on ne saurait réduire les enjeux charriés par ces dispositifs à leurs seules dimensions administratives. Les mécanismes de justification résultant d’une volonté d’allocation alternative des ressources se heurtent à des intérêts industriels établis et organisés. Ainsi, les agences d’évaluation médico-économique contribuent également à réformer un ordre économique sectoriel, qui ne manque pas de se mobiliser pour infléchir ou peser sur la forme prise par les évaluations. Par cet investissement, les agents économiques en viennent donc à pénétrer des espaces de luttes politiques. Un double questionnement peut être déduit de ce constat. D’une part, on peut s’interroger sur la place occupée par les industriels du médicament dans un processus de réforme de l’accès au marché de leurs produits ; de l’autre, en fonction des prises de OPPOSITION DE PRINCIPE OU SOUTIEN CRITIQUE ? L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ET L’EVALUATION MEDICO-ECONOMIQUE 3 position observées, il est également possible de réfléchir aux conséquences induites par cette transformation sur les relations entre acteurs publics et privés dans ce domaine. Formulée de la sorte, cette problématique comporte néanmoins une difficulté théorique de taille : comment envisager les conséquences industrielles d’un dispositif public, sans opposer en préalable de l’analyse les dimensions économiques et politiques de l’objet ? Un recours peut être trouvé dans la mobilisation d’une grille de lecture constructiviste et institutionnaliste (Hay, 2006) centrée sur le travail opéré par les acteurs industriels pour peser sur le cadrage et la définition des institutions définissant le périmètre de leurs activités (Jullien & Smith, 2008). Elle nous permettra d’examiner plus précisément l’attitude adoptée par les acteurs industriels face à la mise en pratique de l’évaluation médico-économique en France et au Royaume-Uni – terrains privilégiés par cette recherche (encadré 1). L’élaboration de notre grille d’analyse occupera la première partie de notre contribution. Elle apportera notamment un démenti aux approches usuelles des relations entre l’industrie pharmaceutique et l’Etat, partagées entre un courant partisan de la thèse de la corruption des institutions par les acteurs privés, et un autre soulignant l’autonomie des décisions publiques par rapport aux intérêts de l’industrie pharmaceutique. Le terrain privilégié fera ensuite l’objet d’un bref exposé, détaillant les singularités et les proximités des cas français et britanniques. Un point de divergence majeur sera relevé entre les deux modèles, ceux-ci adoptant en effet des conceptions opposées de la valeur dans l’évaluation des produits. A l’appui des résultats d’une enquête en cours (encadré 2), la discussion de la problématique abordée en introduction fera l’objet de la seconde partie de notre développement. Le raisonnement comparatif permettra notamment de mettre en avant le rôle joué par la mise en rapport des différents contextes nationaux dans les argumentaires mobilisés par les industriels ; ainsi que de souligner la place déterminante occupée par la temporalité des réformes nationales dans les effets de positionnements relevés (voir Palier & Surel, 2010). 1. Cas comparés Etudier le lien entre marché et santé à l’aune de l’évaluation médico-économique suppose de sélectionner des terrains où cette nouvelle régulation du secteur fit l’objet de controverses directes entre opérateurs privés et régulateurs publics. En effet, il a été démontré qu’une relation inverse peut être établie entre les facultés d’un Etat à structurer une expertise dans le domaine de la médicoéconomie et la présence d’une industrie pharmaceutique exportatrice sur son sol (Benoît et al., 2013). Il s’agit donc de retenir des cas-exemples où l’enjeu de la réduction des dépenses de médicaments put être envisagée comme comportant le risque d’affaiblir les intérêts d’une industrie nationale jugés comme prioritaire dans les agendas de la politique industrielle du pays considéré (création d’emplois, rôle positif du secteur sur les exportations, soutient à l’innovation). La France et le Royaume-Uni correspondent à ces critères. Le secteur pharmaceutique y revêt une importance stratégique ; les deux pays se sont dotés, à 4 ans d’intervalle, d’agences d’évaluation des technologies de santé. Leurs systèmes de santé sont toutefois suffisamment contrastés pour assurer la viabilité de la comparaison, de part leur modèle (Bévéridgien au Royaume-Uni, Bismarckien en France) ainsi que leurs « styles » de régulation différents. 2. Méthodes et Moyens Les résultats présentés ici reposent sur les données d’une enquête qualitative en cours, réalisée dans le cadre du travail de thèse dont cet article est issu. 30 entretiens semi-directifs ont été utilisés. Ceuxci ont été réalisés en France (pour la majorité) et au Royaume-Uni auprès d’experts, d’acteurs publics, d’industriels et d’organisations représentatives. Les populations concernées sont représentées en des proportions comparables. Une analyse documentaire vient compléter ces résultats. CYRIL BENOIT 4 I. Eléments pour une lecture constructiviste du changement institutionnel Dans cette première partie, nous élaborons un cadre théorique à même de résoudre les nœuds critiques posés par notre terrain d’enquête. En plaçant les firmes au cœur de notre grille d’interprétation, nous positionnons celle-ci en rupture avec les littératures existantes, qui traitent l’industrie pharmaceutique comme partie prenante d’un jeu politique où ses intérêts seraient soit corrupteurs systématiques des organismes publics de régulation, soit comme dilués au sein de jeux de pouvoirs dont elle ne serait pas en mesure de dominer les aboutissants. Privilégiant une démarche de comparaison intersectorielle, la perspective retenue favorise une représentation des firmes à la manière d’acteurs politiques, mettant à profit les ressources de leurs environnements respectifs pour obtenir un arbitrage qu’elles estiment favorables de leurs activités (I. a.). Elle nous permet de préciser le problème engendré par la mise en œuvre de l’évaluation médicoéconomique : celle-ci représente-t-elle un changement pour l’ordre institutionnel du secteur pharmaceutique ? Si oui, quel est-il ? Dans un second volet, nous examinons les agences française et britannique étudiées afin de répondre à cette interrogation (II. b.). a. Qui (Que) gouverne l’industrie pharmaceutique ? Des limites d’une approche en termes « d’intérêts » et de « régulation » des industries En dépit de la qualité des travaux consacrés à cet objet, force est de reconnaître que le débat académique concernant la place de l’industrie pharmaceutique vis-à-vis de ses audiences (patients, régimes d’assurances, professions médicales, organismes de régulation) tend à reproduire certaines catégories d’analyse du sens commun. La question de la représentation et de la confrontation des intérêts « publics » (usuellement traduits en termes de « santé publique ») et « privés » (confondus avec les intérêts « économiques ») font l’objet de polémiques rituelles entre les partisans de thèses antagonistes, qui trouvent leur prolongement dans des débats et des questionnement le plus souvent structurés à la marge du raisonnement sociologique. A la fin des années 1990, les recherches de John Abraham et de Graham Lewis apportent une contribution d’ampleur à la thèse de la « corruption institutionnelle ». Pour ces auteurs, le rôle déterminant de cette industrie dans l’approvisionnement du marché des soins lui offrirait une rétribution symbolique et financière telle que ses représentants jouiraient de marges de manœuvre considérables pour détourner l’expertise publique des médicaments à leur avantage, notamment à l’échelle de l’Union Européenne. Du fait de la production de biens à très forte valeur ajoutée, l’emprise des firmes s’étendrait au delà du seul champ de la santé, pour peser jusque dans les orientations données à des politiques industrielles nationales, ou à la recherche dans certains domaines (voir notamment Abraham & Lewis, 2000 ; Abraham, 2002). A l’opposé de ces travaux, des analyses plus récentes mettent en avant la complexité des processus décisionnels en matière de santé, ainsi que la rigueur qui caractérise généralement l’évaluation des médicaments – permettant selon eux de mettre en doute la mainmise supposée des industriels sur la standardisations des protocoles. Philippe Urfalino dénonce ainsi une « théorie du complot » récurrente dans le cadre du traitement de cet objet d’étude, préférant souligner les capacités des agences d’évaluation (sanitaire) à contraindre les firmes par leur expertise (Urfalino, 2005). A sa suite, l’enquête de Boris Hauray sur le développement de l’Agence Européenne du Médicament vient renforcer cette critique de la thèse de la corruption institutionnelle. L’auteur insiste sur les forts liens d’interdépendance qui lient les autorités nationales, rendant délicat pour les industriels d’outrepasser des normes sanitaires dont la qualité tend, à l’échelle de l’Union Européenne, à se niveler vers le haut (Hauray, 2005, voir OPPOSITION DE PRINCIPE OU SOUTIEN CRITIQUE ? L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ET L’EVALUATION MEDICO-ECONOMIQUE 5 également Hauray & Urfalino, 2007). Il apparaît difficile de prendre position au milieu de lignes de front si solidement ancrées et qui structurent, aujourd’hui encore, une forte majorité des recherches portant sur le secteur pharmaceutique. Néanmoins, qu’elles lui donnent du poids ou marginalise son influence sur les processus liés à sa régulation, ces deux approches comportent la même limite, celle de ne mentionner qu’incidemment la structure des rapports établis entre l’industrie pharmaceutique et les autorités en charge de sa régulation antérieurement au changement considéré. Ce positionnement théorique est malheureusement caractéristique de nombre de travaux qui, en Sociologie comme en Science Politique, tendent à évacuer la question du gouvernement des secteurs économiques en lui préférant l’étude des mécanismes de prises en charges de leurs intérêts. Ce faisant, ils contribuent de manière plus ou moins avouée à réifier une division classique entre démarches pluralistes et néo-corporatistes (voir sur ce point Roger, 2012)6. Les processus de reproduction ou de changement des pratiques de régulation ne sont ainsi que très rarement étudiées au regard de leur impact sur un certains nombres de dispositions instituées, ces dispositions n’étant qu’occasionnellement étudiées pour ellesmêmes. Plusieurs contributions théoriques récentes ont proposé de dépasser ce blocage, en laissant de côté le débat sur la domination du régulateur publique sur l’entrepreneur privé (ou inversement), pour remettre au cœur du questionnement l’étude de relations plus profondes, non-réductibles au seul jeu des intérêts et de leur représentation. Bien que l’industrie pharmaceutique ne soit pas au cœur des travaux en termes de Variété de Capitalismes (Hall et al., 2001), ceux-ci ont néanmoins permis de briser des cloisonnements analogues à ceux mentionnés plus haut en éclairant, sous un jour nouveau et à l’échelle de « capitalismes » nationaux, les relations entre Etat et secteurs économiques. En plaçant explicitement l’étude des firmes au cœur de leur analyse (ibid., p.4) les auteurs de ce courant ont mis en avant le rôle actif d’institutions nationales dans la coordination des secteurs économiques, dont l’agrégation permet de dégager des modèles, différents d’un pays à l’autre – l’approche retenue donne en effet un poids déterminant aux rapports noués au sein du cadre national, du à la forte influence de variables historiques sur la forme des coordinations. Etat et industrie ne sont plus envisagés en termes de relation de complicité ou d’opposition, mais dans un rapport d’interrelations complexes nouées autour d’institutions structurantes. Sans épuiser la totalité des amendements et des critiques dont ces travaux ont fait l’objet, force est néanmoins de reconnaître que pour notre analyse, ceux-ci tendent à générer à leur tour des blocages, et ce en dépit du renouvellement de perspective salutaire qu’ils apportent. En accordant une place trop importante à la composante historique inhérente à toute régulation, les auteurs de ce courant tendent à souligner de manière systématique la lenteur, voire l’impossibilité du changement. Si ce postulat peut ponctuellement se révéler justifié, il empêche néanmoins d’étudier le procédé même par lequel des pratiques routinières en viennent à être remises en causes – et ce, en dépit de la recomposition des institutions postérieurement à cet épisode7. Malgré l’introduction du facteur « politique » dans la régulation des activités économiques, ces recherches conçoivent le rôle des Etats en des termes extrêmement statiques. Thatcher fait ainsi remarquer que cette approche considérera systématiquement que l’objectif du régulateur sera de soutenir l’industrie nationale, en défendant ses intérêts si ceux-ci apparaissent menacés (Thatcher, 2007). Si les approches citées précédemment confondaient de manière récurrente les intérêts et leur représentation, en occultant l’étude de leur formalisation et de leur reconnaissance, force est également d’admettre que l’approche en termes de Variété de Capitalismes, bien que résolvant cet écueil, génère en retour une vision particulièrement étroite du politique, assimilé de manière récurrente au « conflit » ou à « l’Etat » (Hall et al., 2009). Néanmoins, il est possible de tirer trois enseignements des travaux se réclamant de ce CYRIL BENOIT 6 courant – celui du rôle déterminant joué par les firmes dans la production des normes qui régissent toute activité économique ; le rôle particulièrement déterminant de l’Etat dans la réalisation des arbitrages et des compromis qui en résultent ; l’influence, à relativiser néanmoins, de normes et de pratiques historiquement déterminées qui orientent ce type d’interactions. Vers une sociologie politique du gouvernement des secteurs économiques Prenant acte des limites découlant des applications d’approches en termes de représentation ou de promotion des intérêts, ainsi que de la vision « régulationniste » développée par Peter Hall, Andy Smith et Bernard Jullien proposèrent une nouvelle conceptualisation du rôle des acteurs économiques dans la définition des normes qui régissent leur secteur d’activités en combinant, à l’institutionnalisme « historique » de Hall, une perspective résolument constructiviste des transactions opérées entre les différentes parties impliquées dans la production de l’ordre d’un secteur – définit ci-après comme un ordre institutionnel. L’approche ne prend plus comme cadre d’interprétation des éléments préconstruits tels que l’Etat, la firme ou ses représentants désignés8. Un glissement s’opère vers des catégories analytiquement plus robustes. Pour ces auteurs, les niveaux macro ou micro privilégiés par l’approche économique standard ne sont opérants que dans la théorie qui les consacre. Dès lors, il leur préfèrent une vision « méso », l’économie se produisant et se reproduisant selon eux au sein de secteurs, définit comme des « assemblage(s) de rôles sociaux structurés autour d’une logique verticale et autonome de reproduction » (Jobert & Muller, 1987, p. 18). L’autonomie d’un secteur en même temps que son interdépendance (Hay, 2010) avec d’autres tient de sa structure, qui repose sur des institutions, « éventails de règles, de normes et de conventions »9 qui définissent sans déterminer les positions, les préférences et les perceptions des agents impliqués dans leur reproduction. Le secteur peut dès lors être problématisé à la manière d’un ordre institutionnel, « forme stabilisée mais dynamique de mise en cohérence de rapports institués fondamentaux » (Jullien & Smith, 2008b). Si l’approche se réclame du constructivisme, c’est que celle-ci ne considère pas les normes comme des contraintes systématiques de l’action. Postulant que l’action politique est bien davantage le reflet de la contingence que le simple lieu d’expression des nécessités (voir Hay, 2006 ; Hay, 2007), Smith et Jullien affirment que les normes sont également habilitantes, ainsi qu’elles permettent les interactions. De fait, celles-ci portent également en elles-mêmes le « programme » potentiel de leur propre dépassement. La distinction entre intérêts publics et privés est délaissée au profit d’une analyse qui se focalise sur les acteurs prenant part à la reproduction ou au changement d’institutions, qui elles-mêmes, ne sont pas nécessairement le fruit de compromis réalisés au sein d’un cadre national. Fig. 1 : Un ordre institutionnel, d’après Jullien et Smith (2008) Relation d’emploi Relation de financement Relation d’achat Firmes et industrie : articulation de 4 RI dans les organisations et la concurrence Relation commerciale OPPOSITION DE PRINCIPE OU SOUTIEN CRITIQUE ? L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ET L’EVALUATION MEDICO-ECONOMIQUE 7 Les auteurs font observer que les ordres institutionnels des secteurs économiques, donc des industries, reposent sur l’articulation de quatre rapports institués (RI) (Fig. 1). Dans cette approche, tout secteur économique est donc structuré par des grappes d’institutions qui, si elles ne sont pas complètement autonomes les unes des autres, n’en demeurent pas moins relativement indépendantes. Ainsi, les différentes rapports institués sont en permanence institutionnalisés, désinstitutionnalisés et ré-institutionnalisés par un travail politique constant, celui-ci étant mené par l’ensemble des agents participants à la reproduction des institutions d’un ordre institutionnel donné. Ces relations donnent sa forme au gouvernement d’une industrie (ou, on l’aura compris, d’un ordre économique sectoriel) dont les contours se modifient ou s’altèrent au gré des interactions entre les parties prenantes. Le travail politique en constitue le point nodal, puisque c’est par ce biais que les enjeux liés à la reproduction, la production ou le changement des institutions acquièrent une matérialité en dehors des seules transactions sectorielles entre les agents. Ce concept permet en effet de capter le rôle joué par l’action collective autour ou au sein même de l’activité économique, en vue de la perpétuation ou de la rupture de la façon dont celle-ci est pensée, vécue, déterminée par les agents. Une telle mobilisation ne saurait être fonction d’intérêts agrégés, ou préalablement déterminables par le chercheur. Ils sont en réalité composés via le travail politique, la rationalité dont découle les argumentaires défendus au cours de ce processus étant toujours le produit de postulat de valeurs initiales perçues comme faisant écho au système de légitimités du « domaine » dans lesquels elles se survivent, face aux valeurs auxquelles elles se confrontent (Lebensbereiche ou Lebenssphäre chez Max Weber, voir Kalberg, 2010, p. 122-129). Les réalités effectives du travail politique déployé depuis un ordre institutionnel donné se posent avec une remarquable acuité lorsqu’il a pour objet le changement institutionnel, soit qu’il cherche à l’infléchir, soit qu’il tente de le provoquer. Plusieurs choix sont potentiellement possibles pour les acteurs, dont on ne saurait déterminer les effets en préalable de leurs agissements (Fig. 2). Fig. 2 : Un modèle d’analyse du travail politique, d’après Smith (2009) Construction d’arguments Composition d’alliances Enjeux « politiques » ; « économiques » ; « juridiques » ; théories de l’action publique évocations symboliques Groupes d’intérêts ; autorités publiques ; communautés industrielles ; réseaux transindustries Activation des arguments et des alliances au travers de la Problématisation Politisation Technicisation Changement ou reproduction des institutions De manière quasiment systématique, le travail politique constitue un processus qui s’opère au travers d’étapes. Celui-ci ne suit pas nécessairement la voie schématisée plus haut de façon linéaire - les raisons du succès d’une entreprise politique étant imprévisibles en amont de leur réalisation. Lorsque des acteurs économiques se mobilisent pour rompre ou maintenir la perpétuation de rapports institués encadrant et définissant leurs activités, cette mobilisation prend toutefois la forme générique d’un double mouvement CYRIL BENOIT 8 de définition d’argumentaires cohérents et de compositions d’alliances infra ou inter sectorielles. Cette impulsion duale est génralement guidée par la logique de la politisation, telle que définit par J. Lagroye (« requalification des activités sociales les plus diverses, qui résulte d’un accord pratique des agents sociaux enclins, pour de multiples raisons, à transgresser ou à remettre en cause la différenciation des espaces d’activité́ » - Lagroye, 2003). Ce n’est qu’au moment de l’activation des arguments et de leur problématisation que ceux-ci peuvent conserver leur dimension « politique » ou prendre une ampleur « technique » (on parle alors de technicisation). Cette étape correspond le plus souvent à celle de la lutte multisectorielle, entre les agents économiques coalisés et ceux impliqués dans les secteurs concernés par la mobilisation en question – le secteur « bureaucratique » composé de garants légitimes de « l’intérêt général » étant le plus usuellement concerné par ces tentatives (Jullien & Smith, 2011). Il en découle la reproduction ou le changement de la forme institutionnelle concernée. Cette approche représente un apport certain vis-à-vis des travaux qui mettent en avant la prévalence de la représentation d’un intérêt sur un autre, ou face à celles qui, tenant compte de rapports plus fins entre les firmes et l’Etat, tendent à amoindrir le rôle de mécanismes politiques complexes dans la réalisation de ces interactions. A l’appui de ce cadre d’analyse, il est possible d’envisager le positionnement de l’industrie pharmaceutique face au développement de l’évaluation médicoéconomique avec davantage de circonspection. Il semble approprié de considérer cette nouvelle disposition comme un changement affectant l’ordre institutionnel de ce secteur. Afin d’en examiner les conséquences, il importe alors de préciser les rapports institués concernés par cette transformation, avant d’étudier, dans la seconde partie de cette contribution, les formes adoptées par le travail politique opéré par les industriels. b. Cas d’étude : l’évaluation médico-économique en France et au Royaume-Uni Le prix et le coût : deux conceptions antagonistes de la valeur La Haute Autorité de Santé (France - HAS) et le National Institute for Health and Clinical Excellence (Royaume-Uni – NICE) représentent deux organismes d’évaluation médico-économiques mis en œuvre à six années d’intervalle (1999 pour le NICE, 2005 pour la HAS). En dépit de divergences d’approches fondamentales, dues aux objectifs mêmes conférés par leurs mandats, ces deux dispositifs occupent un positionnement analogue du point de vue de leurs systèmes de santé respectifs (Fig. 3). Fig. 3 : L’évaluation médico-économique en France et au Royaume-Uni Autorisation de Mise sur le Marché (EMA) France Royaume-Uni Agence nationale du médicament (ANSM) Agence nationale du médicament (MHRA) Haute Autorité de Santé Données cliniques Données économiques Evaluation thérapeutique (SMR – ASMR) Recommandation National Institute for Health and Clinical Excellence Données cliniques Données économiques Analyse coût efficacité Décision d’Autorisation / de Retrait de remboursement OPPOSITION DE PRINCIPE OU SOUTIEN CRITIQUE ? L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ET L’EVALUATION MEDICO-ECONOMIQUE 9 Comme on peut effectivement le constater sur ce schéma, les évaluations de la HAS française et du NICE britannique interviennent à la suite de l’obtention d’une AMM par un nouveau produit, soit auprès de l’agence européenne (l’autorisation est dans ce cas valable pour la totalité des pays du continent), soit auprès de son équivalent national (l’autorisation n’étant alors valable que dans le pays auprès duquel a été faite la demande d’évaluation). Cette dernière procédure tend aujourd’hui à occuper une place de plus en plus marginale dans les stratégies des industriels, pour des raisons évidente de fluidité d’accès aux marchés. Le passage par ce type d’AMM concerne essentiellement des produits spécifiques ou des médicaments vendus sans prescription, adaptés au marché ciblé (médicaments dits « Other the Counter » - OTC). L’évaluation médico-économique intervient donc à la suite de cette première évaluation, selon des modalités synthétisées dans les encadrés suivants (3, 4 et 5). 3. L’évaluation des médicaments à la HAS (France) En France, la totalité des médicaments bénéficiant d’une AMM et prétendant au remboursement sont évalués par la Commission Transparence (CT) de la HAS, qui examine le produit à l’aune de deux indicateurs (HAS, 2011a) : • Le Service Médical Rendu (SMR) : le SMR permet de mesurer les bénéfices thérapeutiques d’un nouveau produit. Le résultat est exprimé par un niveau de Service Médical Rendu, qui détermine le taux de remboursement du produit. La gradation va d’un niveau « Important » (taux de remboursement maximal) à « Insuffisant » (pas de remboursement). • L’Amélioration du Service Médical Rendu (ASMR) : quand le niveau de SMR est établit, la CT mesure le niveau d’ASMR du médicament, c’est-à-dire, les bénéfices médicaux que celui-ci apporte en comparaison des alternatives thérapeutiques existantes. Le but de cette évaluation est de fournir au Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) une base pour la négociation du prix. Il existe cinq niveaux d’ASMR, chacun correspondant à un degré de valeur thérapeutique ajoutée. Si le médicament obtient un niveau d’ASMR V (pas d’amélioration), celui-ci n’est pris en charge qu’à condition d’être moins chère que son équivalent (comparateur). Si l’ASMR du produit est comprise entre I et III, celui-ci fera l’objet, avant son passage du CEPS, d’une évaluation médico-économique effectuée par la Commission Evaluation Economique et Santé Publique de la HAS (CEESP). • L’évaluation médico-économique : depuis 2008, la HAS dispose d’une commission multidisciplinaire destinée à l’évaluation médico-économique d’un certain nombre de stratégies thérapeutiques. Un guide méthodologique, régulièrement mis à jour depuis, a été prévu à cet effet (HAS, 2011)b. Cette mission fut renforcée par la Loi de Financement de la Sécurité Sociale (2012), mandatant cette commission pour réaliser une étude d’impact ou une évaluation médico-économique des produits jugés particulièrement innovants et/ou coûteux pour la collectivité. Si cette mission est effective, elle reste pour l’instant marginale, en raison de la faible proportion de médicaments obtenant une ASMR située entre I et III (voir Cour des Comptes, 2011a). Il est important de garder à l’esprit que les avis formulés par la HAS n’ont pas une vocation directement décisionnelle. Les niveaux de SMR et d’ASMR sont certes utilisés par le CEPS (fixation du prix) et l’Union Nationale des Caisses d’Assurances Maladies (UNCAM - taux de remboursement) mais l’évaluation conduite par la HAS ne se substitue pas à ces organismes de régulation. Pour certaines raisons évoquées plus haut, la science économique en tant que discipline est encore peu présente au sein de l’agence. Néanmoins, l’évaluation de la HAS peut être qualifiée d’économique, au sens ou l’expertise réalisée est porteuse de lourdes conséquences pour le prix et la consommation du nouveau médicament (conception fortement relayée par les experts de la Commission de la Transparence). Voir également la note de bas de page n°4. CYRIL BENOIT 10 4. L’évaluation des médicaments au NICE (Royaume-Uni) Au Royaume-Uni, lorsqu’un médicament a obtenu une AMM, son remboursement est acquis de jure. Ce n’est qu’à la suite d’une évaluation de NICE que celui-ci peut se voir inscrit sur une liste noire (« négative »), l’excluant ainsi du remboursement. En pratique, il arrive très régulièrement que les médicaments onéreux soient évalués avant leur accès direct au marché par NICE. Contrairement à la HAS, qui évalue l’ensemble des produits mis sur le marché français, NICE sélectionne lui-même les technologies dont il estime qu’elles requièrent une évaluation10. Si le NICE est composé de médecins et d’épidémiologiste, l’agence se caractérise également par une forte proportion d’économistes dans son advisory board, tout comme au sein des centres de recherches mandatés pour réaliser les évaluations11. Leur but est de permettre la meilleure allocation possible de « l’enveloppe » du National Health System (NHS), afin d’optimiser chaque « utilité individuelle » de façon maximale. L’agence réalise de ce fait une évaluation économique au sens fort, en incluant explicitement la variable des fonds requis pour le financement d’un nouveau produit dans la balance des coûts et des bénéfices médicaux liés à sa prise en charge. La procédure d’évaluation repose sur une Cost-Effectiveness Analysis, qui mesure un indicateur, le QALY (pour Quality Adjusted Life Years) dont le résultat est interprété au regard de l’ICER (Incremental Cost-Effectiveness Ratio) (NICE, 2013) : Cost-Effectiveness Analysis: Etude économique dans laquelle les conséquences de différentes interventions sont mesurés en utilisant un indicateur, usuellement exprimé en unités « naturelles » (par exemple, années de vie gagnées, décès évités, attaques cardiaques évités, ou cas détectés). Les interventions alternatives sont ensuite comparées en termes de coûts par unité d’efficacité. Dans cette procédure, NICE privilégie le calcul du QALY : • Quality-adjusted life years: indice de survie ajusté pour tenir compte de la qualité de la vie des patients durant cette période12. Le QALY incorpore à la fois des changements quantitatifs (longévité/mortalité) et qualitatifs (morbidité, facteurs psychologiques, fonctionnels, sociaux…) de la vie. Il est utilisé pour mesurer les bénéfices dans une analyse coût-utilité. Le résultat obtenu permet de déduire le « Rapport Coût-Efficacité Différentiel » (ICER) par QALY : • Incremental Cost-Effectiveness Ratio: ratio entre les coûts moyens d’une technologie mis en comparaison de leur différence avec la meilleure alternative en termes de résultats moyens (i.e. différence des coûts et des bénéfices entre deux interventions). La décision de NICE est prise au regard d’un seuil arrêté, en termes de coûts/QALY13. Généralement, il est considéré que l’agence admettra un produit au remboursement si celui-ci est inférieur à 30 000£/QALY. Toutefois, celui-ci demeure relativement flexible, voire changeant. Il est généralement admis que les experts de l’agence tendront à se montrer plus ou moins souples dans leur interprétation des résultats selon le type de maladie ciblée par le traitement (voir Dakin et al., 2013). • 5. Evaluation des médicaments et fixation des prix Les évaluations décrites tendent donc à produire, en France comme au Royaume-Uni, des données influençant le remboursement des médicaments davantage que la détermination de leur prix. Néanmoins, comme on a pu le constater, la HAS dispose de son propre indicateur qui permet d’encadrer sa fixation – réalisée par la suite au CEPS, qui tient généralement compte de l’avis formulé. Au Royaume-Uni, le prix du médicament a longtemps été librement fixé par l’industriel, qui, en cas de dépassement d’un certain niveau de profits réalisés grâce à son produit, se devait de reverser une partie de ses bénéfices au NHS. Ce Pharmaceutical Price Regulation Scheme (PPRS) a toutefois été remplacé le 1er janvier 2014 par le Value Based Pricing, un système de négociation du prix entre le NHS et l’industriel. Ce dispositif tend à renforcer le poids de l’expertise réalisé par NICE dans la détermination du prix – bien qu’il soit encore trop tôt pour se prononcer sur les transformations réelles induites par ce nouveau mode de régulation (voir OFT, 2007 ; Dixon et al., 2011, Hugues, 2011 ; Sussex et al., 2013). OPPOSITION DE PRINCIPE OU SOUTIEN CRITIQUE ? L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ET L’EVALUATION MEDICO-ECONOMIQUE 11 L’évaluation médico-économique : nouveau compromis des marché pharmaceutiques ? Ces deux agences reposent donc sur deux approches différentes de la détermination de la valeur d’un médicament, qui se traduit à la fois dans le périmètre de leur mandat ainsi que dans la formalisation de leur expertise. Si elles se prononcent sur la base des données cliniques fournies par les industriels, les avis formulés divergent donc en nature (tableau 1). Tableau 1 : Les agences d’évaluation française et britannique en comparaison Agence Provenance des données évaluées Mobilisation de données économiques Forme de l’expertise Objectif sousjacent Haute Autorité de Santé Fournies par l’industriel (similaire à la procédure d’AMM) Au cas par cas, selon le niveau d’ASMR fixé par la Commission Transparence ou de la demande de l’industriel Séparation de l’évaluation économique de l’évaluation thérapeutique Enjeux économiques implicitement abordés par l’évaluation thérapeutique Avis non contraignant Permettre un accès à l’innovation dans le contexte de pressions constantes sur les budgets de santé National Institute for Health and Clinical Excellence Fournies par l’industriel (similaire à la procédure d’AMM) Evaluation économique systématique Evaluation thérapeutique à dominante économique Avis contraignant Seuil de remboursement Maximiser la santé de la population dans la limite des ressources disponibles Modélisation « complexe » (nombreux incomes) En dépit des singularités de chaque expérience nationale, la mise en œuvre de ces agences peut être conceptualisée à la manière d’un changement déterminant pour l’ordre institutionnel du secteur pharmaceutique. Les spécificités liées aux types de procédures privilégiées par ces organismes et les principes socio-philosophiques qui les sous-tendent ne suffisent pas à neutraliser le fait que le compromis qui régissait jusqu’alors les rapports institués entre les firmes et l’Etat s’en trouvent sensiblement bouleversé, par l’inclusion d’une approche nouvelle de l’accès des produits à la consommation. La accords de remises du PPRS au Royaume-Uni et la négociation avec les autorités du CEPS en France, prolongements administratifs de la validation de l’innocuité et de l’efficacité du produit par les autorités sanitaires, compose dès lors avec un nouvel opérateur qu’incarnent ces agences d’évaluation. En réformant l’accès au marché des médicaments, elles en viennent à modifier les règles régissant le rapport institué commercial, en incluant la question du coût aux règles de ce RI, qui, comme évoqué en introduction, reposait sur un strict compromis entre rentabilité et santé publique. Rappelons par ailleurs, conformément à la schématisation de la Figure 1, qu’un secteur industriel n’est que rarement concerné dans sa totalité par un changement institutionnel. Ce-dernier ne provoque bien souvent que le réagencement d’une grappe d’institutions particulières, en fonction des caractéristiques des transformations à l’œuvre, et au regard des dispositions antérieurement établies au sein du secteur. Dès lors, il apparaît pertinent de suivre les différents mécanismes de positionnement adoptés par les industriels pour tenter de participer du déploiement de cette régulation, qu’il s’agisse de la promouvoir, de l’infléchir ou d’en amender les principes constitutifs. CYRIL BENOIT 12 II. Les séquences de la mobilisation de l’industrie pharmaceutique vis-à-vis de l’évaluation médico-économique : une lecture du changement institutionnel par ses temporalités Cette seconde partie de notre développement analyse, a partir des cas britanniques et français, les différentes attitudes et dispositions prises par le secteur pharmaceutique à la suite du développement des agences d’évaluation, plus spécifiquement au regard du développement de l’évaluation médico-économique en leur sein. L’expérience britannique étant pionnière dans ce domaine, nous commençons par développer les enjeux propres à ce cas. Il apparaît que l’industrie y a anticipé précocement le développement de l’évaluation médico-économique, en cherchant à s’investir, avec des fortunes diverses, dans sa mise en œuvre. Ce n’est qu’à mesure que se développent les prérogatives du NICE que celles-ci sont l’objet d’une politisation objective de la part des acteurs intéressés ; d’une part, sur la problématique de l’accès des patients à l’innovation (politisation de « l’effet de seuil ») et d’autre part, sur la question du lien entre réduction des dépenses et financement de l’innovation (technicisation autour du débat sur le « reward for innovation ») (I. a.). Ces échanges ainsi que les évolutions du « modèle » britannique vont servir de point de référence aux industriels dans leur mobilisation en France – ceux-ci prenant place avec un intervalle d’une à trois années d’avec les événements se produisant de l’autre côté de la Manche. Le passage vers la médicoéconomie est anticipé très tôt par les industriels français (avec une nette différence néanmoins selon la position de la firme dans le secteur), au point de précéder largement une éventuelle demande des institutions. Un mouvement de recul sur la promotion d’études médico-économiques aux autorités de prix et de remboursement est alors observé. La mobilisation des industriels français n’intervient véritablement que dans un troisième temps, lorsque l’évaluation médico-économique fait son retour sur l’agenda gouvernemental. L’industrie cherche alors à promouvoir un modèle conforme à ses anticipations précédentes en appuyant son argumentaire sur une critique du modèle anglo-saxon (II. b.). a. Royaume-Uni : « Everyone wants to fix the price to the value » Une adaptation précoce des firmes, associée à une posture critique vis-à-vis de l’évaluation En 1999, la majorité travailliste entreprend une réforme du système de santé britannique. Basée sur une nouvelle allocation des ressources, elle s’inscrit dans une plus large tentative de réduction des inégalités d’accès aux soins. En dépit d’une correction à la marge des marchés internes établis par le gouvernement conservateur14, ce programme se veut être une transformation structurelle du NHS (Thayer et al, 2000, p. 67). Un double ressort caractérise les changements apportés. A l’échelle locale, les composantes décentralisées (Primary Care Trust - PCT) disposent de prérogatives élargies, notamment en termes de gestion de leurs dépenses. En retour, celles-ci feront l’objet d’un plus grand contrôle par l’administration, qui fonde à cette fin une agence d’évaluation des technologies médicales: le National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE). Organe indépendant et centralisé, ce dispositif bénéficie à sa création de l’expertise d’une trentaine de médecins et d’universitaires, dont la majorité́ d’entre eux est formée à l’économie de la santé. Leur but est d’établir des normes cliniques d’utilisation des médicaments et des dispositifs médicaux, en s’assurant de leur diffusion auprès des professionnels (Chevrier-Fatome et al, 2002, p. 39). Ce contrôle va de pair avec l’autonomisation des PCT, qui assurent la redistribution de 75% des fonds du NHS. Sa mission médico-économique est, parmi ses prérogatives, celle qui retient le plus OPPOSITION DE PRINCIPE OU SOUTIEN CRITIQUE ? L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ET L’EVALUATION MEDICO-ECONOMIQUE 13 l’attention des industriels britanniques, ainsi que de leurs homologues étrangers qui considèrent cet Etat comme stratégique pour la mise sur le marché de leurs produits. Si le pays ne représente en effet qu’approximativement 10% du total des ventes réalisées dans les « Big 5 » (cf. note n°5), la fluidité de pénétration des médicaments qui le caractérise et la possibilité pour les industriels d’y fixer librement le prix de leurs produits permettaient d’obtenir de confortables marges de manœuvre pour des négociations ultérieures dans d’autres pays réputés plus difficiles ou plus lents d’accès. Ainsi, l’évaluation médicoéconomique de l’agence est d’abord problématisée comme une contrainte pour le secteur. Dit autrement, celle-ci apparaît comme la composante bureaucratique d’un marché qui en comportait jusque-là assez peu. En dépit de cet effet, le secteur pharmaceutique britannique demeure dans un premier temps relativement peu mobilisé. Durant les premières années qui suivent son déploiement, les industriels ne sont en effets que modérément touchés par l’expertise de l’agence. Le NICE se caractérise initialement par la lenteur de ses évaluations, qui restent, pour la première phase d’exercice de son mandat, relativement peu nombreuses. Entre 1999 et 2002, un total de 32 a ainsi été réalisé sur les 50 expérimentations attendues (Towse & Pritchard, art. cit.). Même si cette période ne se démarque pas par une intense démarche de mobilisation, l’industrie ne reste pas inactive. Au cours de cette phase de veille stratégique, les départements d’affaires gouvernementales des firmes connaissent des transformations sensibles. Autrefois dominés par des consultants en relations publiques spécialisés dans la représentation et la défenses des intérêts, ils subissent une assez forte restructuration autour des pôles d’accès au marché (Market-Access). Ces pôles s’articulent autour de deux volets principaux, respectivement P&R (Pricing & Reimbursement), dominés par les problématiques administratives et le dialogue avec les autorités publiques ; et HEOR (Health Economics & Outcomes Research), davantage axés sur la réalisation d’analyses et de prospections concernant l’environnement économique des firmes. Jusque-là plus minoritaire au sein du département d’accès au marché, le volet HEOR va peu à peu y prendre une place centrale. Son expertise va progressivement être réorientée pour répondre aux éventuels besoins et attentes de NICE. On constate alors un recrutement croissant d’économistes dans ces départements, au détriment des profils de lobbyistes jusque-là privilégiés ; les contours d’une contre-expertise industrielle se dessinent. Parallèlement à cette refonte des moyens d’évaluation internes aux firmes, la production des chercheurs de l’Office of Health Economics (OHE), groupe de travail proche de l’industrie, se transforme également. Leurs publications se concentrent sur les dimensions techniques des procédures d’évaluation qui s’agencent, apportant une réponse aux approches en termes d’économie publique préférées par les économistes œuvrant pour le NICE. Les premiers jalons des mobilisations à venir se déclinent peu à peu, les argumentaires se nouant autour des craintes liées à l’application rigide d’un seuil de décision, ainsi que des risques que feraient peser un mécanisme alternatif d’allocation des ressources sur le financement de l’innovation. Des critiques encore relativement éparses à l’encontre de l’agence traduisent à cet égard le léger « choc écologique » (Carpenter, op.cit.) provoqué par son développement progressif sur l’environnement des firmes ; mais en dépit des reproches adressés, le mouvement ne prend pas encore la forme d’une politisation objective – les nombreuses incertitudes qui planent encore autour des conséquences induites par le changement étant encore assez mal appropriées au sein du secteur, limitant du même coup l’arrimage des prises de positions manifestées à des principes généraux (Roger, 2012). Le travail politique conduit durant ces étapes reste donc relativement dispersé. Deux mouvements vont favoriser son intensification ; l’extension du pouvoir du NICE, d’une part, ainsi que le redéploiement des prises de positions des firmes autour de points d’oppositions mieux identifiés. CYRIL BENOIT 14 Une mobilisation axée sur la politisation de l’« l’effet de seuil » et de la technicisation du « reward for innovation » Un tournant est observé à la suite des réformes de 2006, qui voient les prérogatives de NICE s’élargir de manière considérable (cf. note 10). Le travail politique des firmes va alors s’accroître, pour tenter de peser sur les modalités d’un changement institutionnel désormais assimilé avec davantage de lucidité. De plus fortes coalitions vont graduellement se nouer autour des organismes de représentation de la profession. Un débouché scientifique est trouvé à cette mobilisation grâce à l’OHE, qui apporte son soutien aux prises d’initiatives des industriels à l’appui d’expertises scientifiques ; en complément, les associations de patients viennent ponctuellement relayer les mobilisations des firmes. Deux séries de critiques structurent le passage d’une phase d’adaptation stratégique vers une étape de prise de position, caractérisée par la reformulation des argumentaires dans le champ politique. Celles-ci se focalisent sur des termes particuliers de l’évaluation rencontrés par les industriels au gré des dossiers déposés. En définissant un seuil d’acceptabilité des produits au delà duquel ceux-ci ne sauraient faire l’objet d’un remboursement, NICE contribue à limiter la pénétration sur le marché de certains produits. Les traitements anti-cancéreux sont les principaux concernés par cette limitation. Une recherche coûteuse, au progrès lent caractérise ce domaine ; le changement de modèle productif des firmes n’y est pas étranger. De fait, la plupart des biens proposés par les industriels ne permettent pas de faire gagner au malade plusieurs années de vies en bonne santé, et de satisfaire la « disposition marginale » à payer du NHS incarnée par l’agence (willingness to pay). Il s’agit le plus souvent d’améliorer la durée de vie de plusieurs mois, voire de permettre quelques gains de confort. Jugées trop modestes par le NICE, ces avancées vont régulièrement se voir refuser leur autorisation au remboursement, donc, leur accès facilité à la consommation. Ces refus répétés vont favoriser une première démarche de politisation. La problématisation de cet enjeu et sa légitimation en dehors de l’ordre institutionnel de l’industrie pharmaceutique se base sur une rhétorique de « l’accès à l’innovation » pour les patients, pour lequel NICE, accusé d’adopter un penchant trop utilitariste, constituerait un opposant. Ces critiques se diffusent rapidement aux arènes politiques par le biais de deux canaux véhiculant de manière convergente le problème ainsi formulé : les associations de patients prolongent d’abord ce questionnement, avant que celui-ci ne pénètre par la suite les espaces médiatiques. Les membres du NICE objectent à ces réprimandes le prix trop élevé demandé par les industriels15. Néanmoins, cette réponse ne génère que modérément l’effet escompté. En effet, les industriels articulent par la suite un second argumentaire à leur source de mobilisation précédente, cette fois appuyé sur plusieurs travaux réalisés par les experts de l’OHE. En adoptant une inclinaison général à la baisse du prix remboursable demandée à l’industriel, l’analyse coût-efficacité réalisée par les agents de NICE est disqualifiée au motif que celle-ci ne permettrait ni de rétribuer l’innovation, ni de la récompenser (Upton, 2010). Le risque pointé par l’industrie est alors qu’à force de réduction et de limitation des dépenses consacrées à l’enveloppe du NHS, elle ne serait plus en mesure de dégager les marges suffisantes à la rémunération de la recherche et au développement de nouvelles molécules. Ces mobilisations sont payantes. Plusieurs amendements au guide d’évaluation des technologies produit par NICE sont apportés en coopération avec les représentants de l’industrie (Earnshaw & Lewis, 2008). Un fond spécial est finalement créé pour financer les traitements anticancéreux dont l’innovation reconnue ne leur permettrait pas de passer le seuil fixé par le QALY. Quelques rectificatifs sont portés à la méthode, sans que celle-ci, toutefois, ne soit véritablement remise en cause16. Si le changement institutionnel est avéré, différents mécanismes ont permis aux industriels d’en limiter les effets potentiellement négatif sur OPPOSITION DE PRINCIPE OU SOUTIEN CRITIQUE ? L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ET L’EVALUATION MEDICO-ECONOMIQUE 15 leurs activités17. Leur mobilisation n’a cependant pas conduit à une remise en question radicale des principes qui avaient présidés à leur fondement. Le soutien gouvernemental dont NICE a bénéficié, ainsi que l’appui de son expertise sur une recherche académique très structurée et favorable a son approche constituent deux facteurs d’explication de cet effet ; les débats autour de la mise en œuvre du Value Based Pricing pourraient néanmoins provoquer une modification de ce nouvel équilibre institutionnel à terme. b. France : « Valoriser le produit » Un changement institutionnel anticipé à l’aune des évolutions internationales Lorsque la HAS est institutionnalisée en France en 2005, le principe évaluatif dont sa commission principale est porteuse est déjà bien assimilé par le secteur de l’industrie pharmaceutique. L’attention portée à l’utilité thérapeutique des produits nouveaux en gage de leur remboursement ou comme instrument de fixation de leur prix a fait l’objet d’expérimentations au cours des années 1990, avant d’être rapidement formalisée au sein d’une première mise en pratique de ses outils par le biais d’une inclusion de la Commission Transparence au sein de l’agence du médicament française. Son transfert à la HAS, ainsi que la composition de la majeure partie des activités de la nouvelle agence autour de celle-ci a toutefois impliqué plusieurs adaptations des stratégies d’accès au marché français, le « passage en Transparence » étant explicitement porté par les autorités comme un point fondamental du cheminement d’un nouveau produit vers le patientconsommateur. Celui-ci ne reste qu’une étape, les arbitrages définitifs concernant le remboursement restant l’apanage du directeur de l’UNCAM ; les prix demeurant quant eux négociés au sein du CEPS. Néanmoins, le changement institutionnel n’est pas négligeable. Ces négociations ultérieures tendent en effet à être fortement déterminées par les résultats obtenus lors de l’évaluation de la HAS, même si des marges de négociation subsistent au-delà de cette procédure, notamment au CEPS. Elles peuvent néanmoins s’en trouver sensiblement réduites en cas de niveau d’ASMR insuffisant. Dans un premier temps, et au-delà de quelques mobilisations rituelles, ce déploiement ne souffre d’aucune remise en question majeure, les industriels cherchant davantage à mettre à profit la procédure pour tenter de concurrencer les évaluateurs sur le propre champ d’expertise. Le développement croissant du NICE va néanmoins donner lieu à un certain nombre de stratégies d’anticipation. En effet, les principales firmes du secteur pharmaceutique définissent dans un premier temps l’architecture des différentes manœuvres d’accès au marché à l’échelle globale. Ce n’est que par la suite que cette stratégie générale est adaptée par les filiales en fonction des exigences des payeurs nationaux (ajustement des données, réponse à des demandes administratives particulières, examen du positionnement des concurrents, du système de prix…). Les expertises proposées au NICE reposant sur des données économiques vont, à l’appui des stratégies définis globalement, faire l’objet d’importations et de contextualisations par les départements travaillant pour le marché Français, et ce malgré le fait que celles-ci ne soient pas explicitement requises par les autorités. Le but de cette démarche est double ; d’une part, il s’agit de familiariser les départements français (mais ce cas de figure se présente dans d’autres pays d’Europe) à la présentation de données économiques. Une majorité des Big Pharmas considère dès le milieu des années 2000 que dans un contexte de tensions constantes sur les budgets de santé, la plupart des pays européens vont se diriger vers des critères d’évaluation médico-économiques en reproduisant l’approche déjà en vigueur au Royaume-Uni. Ce propos est d’ailleurs avancé par plusieurs universitaires et consultants français proches de l’industrie, qui conseillent alors aux firmes de se préparer au plus tôt à cette nouvelle donne dont le développement en France CYRIL BENOIT 16 leur semble inéluctable. D’autre part, ces données vont venir appuyer, non plus seulement la procédure d’évaluation thérapeutique du produit, mais la négociation de son prix auprès du CEPS. Il s’agit alors de démontrer aux autorités qu’il existe un coût d’opportunité réelle lié à la prise en charge du produit présenté. L’optique retenue consiste généralement à démontrer les économies que la Sécurité Sociale ferait par ailleurs en investissant dans ce médicament, en termes par exemple de réduction de la fréquence des hospitalisations causées par la pathologie concernée. Néanmoins, cette approche est un échec. Les autorités françaises demeurent rétives aux données économiques présentées, continuant à valoriser les critères d’appréciation courants. La création d’une Commission Evaluation Economique et Santé Publique à la HAS en 2008 (HAS, 2012), aurait en apparence pu récompenser ces prises d’initiative, mais ses premiers travaux demeurent axés sur des stratégies thérapeutiques bien davantage que sur les produits de santé en eux-mêmes. Une majorité de firmes repositionne par conséquent ses expertises sur des stratégies « classiques » d’accès au marché français, en freinant peu à peu le recrutement d’économistes enclenché quelques années plus tôt. Les critiques dont le NICE fait l’objet à la même période supplantent peu à peu l’image d’une convergence des modèles, ou du moins, d’une diffusion généralisée des approches alors en vigueur au Royaume-Uni. La référence au modèle britannique et ses implications Le changement institutionnel représenté par le déploiement de l’évaluation médicoéconomique et anticipé par les industriels sur le terrain français va néanmoins se produire à la suite d’une double impulsion donnée de façon successive par l’administration et par le Parlement. En 2011, le rapport de la Cours des Comptes qui précède les débats parlementaires portant sur le vote de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale affirme la dimension « préjudiciable » de l’absence d’évaluation médico-économique en France, « singularisant » le pays par rapport à ses voisins au détriment de la régulation efficiente de ses dépenses (voir Cour des Comptes, 2011b p. 128-143). Ce point soulevé par la Cour va être relevé à l’Assemblée Nationale, qui se prononce au terme des discussions en faveur de la « réaffirmation » de la mission médico-économique de la HAS. Conformément aux recommandations du rapport, une systématisation de la procédure est demandée pour les médicaments les plus innovants (ASMR I-III) qui seront désormais soumis à une étude effectuée par la CEESP, dont elle informera par la suite les autorités concernées de ses résultats. La Commission amende son guide d’évaluation réalisé quelques années plus tôt selon une logique d’échanges tripartis impliquant administration, industriels et économistes de la santé (représenté par sa principale société savante, le Collège des Economistes de la Santé). Face à la consistance prise par ce changement, les industriels adoptent dans un premier temps des postures divergentes. Une corrélation très nette peut être établie entre les positions occupées au sein du secteur et les prises de position qui en découlent ; entre les laboratoires français les moins innovants, très critiques à l’égard des nouvelles dispositions, et les filiales de grands groupes mondiaux prêtes à accorder un soutien sous réserve à cette nouvelle initiative, voyant l’avantage concurrentiel qu’elles pourraient retirer d’une conformation précoce aux standards à venir. Celles-ci vont se montrer les plus actives dans le processus de travail politique qui s’enclenche alors, visant à promouvoir une approche de l’évaluation médico-économique conforme aux anticipations du secteur antérieurement à cette récente promulgation, et soucieuse de limiter l’influence d’une conception « anglosaxonne » de l’approche à privilégier. La mobilisation opérée prend la forme d’une technicisation des enjeux. Des positions analogues aux industriels britanniques sont adoptées par les firmes et filiales françaises OPPOSITION DE PRINCIPE OU SOUTIEN CRITIQUE ? L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ET L’EVALUATION MEDICO-ECONOMIQUE 17 ainsi que par leurs représentants. La référence au modèle expérimenté Outre-Manche structure amplement les débats. Ainsi, les industriels se mobilisent pour contrecarrer d’emblée l’éventualité d’un seuil déterminant l’accès au remboursement. L’argumentaire mobilisé repose explicitement sur la critique de « l’injustice » de l’approche anglosaxonne, reléguée au rang de pratique rétrograde. Une conception plurielle de l’évaluation est défendue ; celle-ci est décrite comme devant tenir compte des dimensions thérapeutiques et économiques du produit, sans que l’une ne vienne intervertir avec l’autre. Un espace de négociation autour du prix doit ensuite être maintenu, les industriels se montrant attachés au système administré de fixation des prix incarné par le CEPS. Un cadre général visant à dégager un maximum de marges de manœuvre à la firme est promu afin de ne pas enrayer le financement de l’innovation par les profits réalisés sur les produits mis sur le marché. Ce positionnement de l’industrie trouve un écho favorable auprès des parties impliquées. Les membres du CEPS tendent à s’opposer au déploiement de seuils qui viendraient contraindre la négociation ; les membres de la Commission Transparence ne s’oppose pas à une évaluation médico-économique, tout en rejetant l’éventualité d’une collusion entre l’évaluation thérapeutique des produits et l’appréciation de leur impact économique ou budgétaire – justifiant ce positionnement par la faillibilité différentiel des preuves entre l’une et l’autre approche de l’évaluation. Pour des raisons en grande partie indépendante des volontés exposées par les industriels, le changement institutionnel opéré en vient ainsi à s’ajuster à leurs propres représentations d’une évaluation vertueuse. Leur mobilisation ne prend pas la tournure d’une politisation générale des enjeux liés à cette transformation. Le débat autour de sa formalisation demeure cantonné à des arènes où un surcroît de légitimation des prises de positions n’est pas exigé ; les échanges autour de l’institutionnalisation du coût comme nouveau compromis entre les firmes et l’Etat ne déborde pas les espaces prévus pour sa négociation. Aucun acteur impliqué n’estime nécessaire de recourir à des références extérieures au champ pharmaceutique pour tenter de prendre l’avantage sur son interlocuteur. L’image de consensus neutralisé qui se dégage de ces interactions ne doit toutefois pas masquer les oppositions réelles et les critiques qui sous-tendent les prises de position observées ; entre les partisans les plus appuyés du développement de l’évaluation médico-économique en France, et ses opposants les plus farouches. Celles-ci sont néanmoins portées en majorité par des acteurs extérieurs aux principaux débats. Conclusion La transformation de l’ordre institutionnel d’un secteur économique donné, par le changement d’une ou plusieurs des règles, normes ou conventions qui le régissent n’aboutie pas nécessairement à la capture d’un intérêt par un autre, pas plus qu’elle ne saurait se déterminer en fonction de compromis antérieurs, négociés au sein du seul cadre national. Le changement institutionnel dispose de son autonomie, ainsi que de sa géographie et de ses propres temporalités. Ce propos a trouvé une illustration dans la comparaison des mobilisations de l’industrie pharmaceutique en France et au RoyaumeUni face au déploiement de l’évaluation médico-économique. Dans un champ parcouru de tensions contradictoires, il a été observé que l’image que les agents se faisaient de leurs propres intérêts, les postulats axiologiques tenus de leur position ainsi que les anticipations tactiques qu’ils opéraient jouaient un rôle important dans le travail politique dont découlait leurs tentatives d’infléchissement du processus considéré. Ainsi, la phase de politisation ou de technicisation qui se succède à une première étape de composition d’alliances ou d’argumentaires doit être étudiée pour elle même, et non à la seule aune de ses causes ou de ses conséquences. CYRIL BENOIT 18 Notes 1. « Industrie pharmaceutique » désignera ci-après les firmes produisant une majorité de médicaments éthiques, i.e. dont la dimension innovante est sanctionnée par un brevet (voir Ellison, 2008). Les firmes produisant des médicaments génériques ne seront donc pas considérées. 2. Les auteurs qui mobilisent la théorie économique standard reconnaissent depuis Arrow (1963) que la fourniture de services médicaux ne saurait être étudiée à l’aide des outils classiques d’analyse des marchés de biens, en raison de la prévalence de fortes incertitudes liées à l’incidence de la maladie ou des asymétries d’informations qui caractérisent, quelque soit la perspective adoptée, la relation entre l’offre et la demande sur ce marché. En prolongement de ces paramètres initiaux, diverses instances de régulation contribuent à y « socialiser » la consommation (allant des agences délivrant les AMM jusqu’aux prescripteurs), tandis que le rôle joué par l’Etat au cours de ces différentes procédures conduisent de nombreux économistes (y compris ceux se réclamant de l’ « hétérodoxie ») à conclure que le marché de la santé est amplement « administré » (notamment dans les pays où, comme en France, l’Etat fixe les prix des médicaments dans le cadre de négociations avec les industriels). Sans nier ces fondamentaux, la perspective retenue dans cette article se veut critique à l’égard de ce type de postulat – considérant que quelque soit le marché étudié, toute demande est par essence « socialisée », et que tout secteur économique est « administré », de part sa proximité avec le champ bureaucratique – condition de sa survie (Bourdieu, 2001). La spécificité du secteur du médicament tient davantage de l’inclusion de déterminants non-économiques dans le jeu économique de ce champ, que de sa distance mesurable d’avec une approche théorique, par ailleurs discutable. 3. Le recours aux agences d’évaluation médico-économiques ne saurait être envisagé comme une réponse mécanique du législateur à la contrainte exogène des coûts. « L’agencification » du système de santé obéit à des logiques spécifiques, ellesmêmes inscrites dans un contexte de transformation du rôle de l’Etat dans ce secteur – sous l’impulsion notamment de ce que Patrick Hassenteufel qualifie « d’Elites Programmatiques » (2008, 2011). On renverra également à la lecture de la contribution de Daniel Benamouzig et de Julien Besançon in Horizons Stratégiques (2007) sur ce point. 4. Des querelles d’appellation subsistent autour de la dénomination de l’activité de ces nouvelles agences. Dans le discours des acteurs interrogés, la distinction qui fait le plus communément sens est celle qui oppose « évaluation médicale » (ou thérapeutique, distinguée de « l’évaluation sanitaire » des agences délivrant les AMM) et l’évaluation « médico-économique », voire « économique », qui inclue un critère d’utilité dans l’analyse effectuée. La désignation « médico-économique » mentionnée dans notre analyse couvre l’ensemble des agences qui seront étudiées ci-après. On part en effet du principe que quelque soit la méthode privilégiée (introduction ou non du critère d’utilité dans l’évaluation) chaque approche peut alternativement être considérée comme médicale ou économique, en cela que la perspective médicale, commune à toutes les agences, et toujours adoptée en référence à un critère « économique », qu’il soit explicitement formulé ou non dans le protocole d’évaluation. OPPOSITION DE PRINCIPE OU SOUTIEN CRITIQUE ? L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ET L’EVALUATION MEDICO-ECONOMIQUE 19 5. Selon Bernstein Research®, l’Europe représentait en 2012 plus de 30% du marché mondial en valeur. 75% des médicaments commercialisés sur son territoire sont consommés au sein des "Big 5" (Allemagne-Angleterre-Espagne-France-Italie), qui constituent les 5 principaux marchés du continent. Un rapport récent de la même source soulignait le danger représenté par la coordination des politiques d’austérité sur cette consommation. 6. Le modèle pluraliste « amène à considérer que des intérêts objectifs trouvent un prolongement spontané dans des organisations qui s’en font les porte-voix. Leur affrontement direct débouche sur des compromis que l’administration formalise ensuite dans l’élaboration et la conduite des politiques publiques (…) Dans le schéma d’analyse néo-corporatiste, des intérêts stables sont également identifies, mais une concurrence est envisagée entre des porteparole qui se réclament d’une même base. L’administration sélectionne l’un d’entre eux, en fait son interlocuteur privilégié et lui permet de peser précocement sur l’élaboration des politiques publiques » in Roger (2012). 7. Une même objection fut formulée à l’encontre des travaux se réclamant de la Théorie de la Régulation, dont les postulats sont analogues : « Dans chaque cas, l'hypothèses d'un modèle canonique autour duquel graviterait une série de variantes mineures a été démentie au profit d'une vision alternative qui insiste sur une forte dépendance par rapport aux compromis politiques passés » (Boyer, 2003). 8. Ces notions ne sont pas exclues de l’analyse pour autant. Néanmoins, leur sens ou leur signification propres ne sont pas postulées en préalable de leur convocation par les acteurs dans le cadre de leurs interactions. 9. Sur ce point, les auteurs ne remettent donc pas en cause la définition de l’institution telle que donnée par Hall et Taylor (2009). 10. Cela n’a pas toujours été le cas. Lors de sa fondation, l’agence évalue des technologies par saisine des autorités (Towse & Pritchard, 2002). Ce n’est qu’en 2006 que sera conféré à ses membres la possibilité de sélectionner eux-mêmes les objets de leurs évaluations, signe d’un accroissement de sa position dans le système de santé britannique (Linden et al., 2007 ; Pearson & Littlejohns, 2007). 11. La majorité des expertises sont externalisées au sein de centre de recherches universitaires sous contrat avec le NICE. Si chaque centre est à même de répondre à l’ensemble des exigences formulées par l’agence, ceux-ci se sont néanmoins spécialisés au cours du temps, comme indiqué par le tableau suivant (Benoît, 2014, source Scopus® & PubMed®) : University Main area of activity The University of York QALY; Evaluation of Medical devices The University of Sheffield Value Based Pricing The University of Liverpool Modelling, Bayesian Statistics The University of Aberdeen Relations with the Scottish Medical Council The University of Southampton Pharmacology CYRIL BENOIT 20 12. Si on note T l’espérance de vie des patients ; q la “qualité” de l’année t (t∈ [0, T]) t notée entre 0 et 1 (q ∈ [0,1]) : t ! 𝑄𝐴𝐿𝑌𝑠 = !!! 𝑢 qt 1+𝑟 𝑡 Voir Weinstein & Stason (1977) ; Torrance (1986) ; Le Pen (1997). 13. Les controverses éthiques, méthodologiques et politiques de la dimension figée de ce seuil sont l’objet de débats et d’oppositions qui dépassent largement les mobilisations des industriels – sur lesquelles nous reviendront en seconde partie de ce texte – puisqu’elles sont portées par de nombreux acteurs concernés par les évaluations de NICE (associations de patients, patients, économistes, fonctionnaires, hommes politiques…). Pour une synthèse de quelques-unes de ces critiques, on renverra à la lecture de Drummond & Sorenson (2009). 14. Depuis 1991, le système de santé anglais est composé de divers marchés internes distinguant les acheteurs de soins (Health Authorities ou GP fundholders) des producteurs de soins (hôpitaux). En structurant de ce fait une « offre » et une « demande », le gouvernement conservateur espérait générer des mécanismes d’ajustements automatiques des équilibres entre les différents acteurs du système. 15. Si le prix du médicament sur le marché britannique reste théoriquement libre, les études coût-efficacité de NICE sont réalisées à partir des prix pratiqués ou demandés par l’industriel, l’obligeant régulièrement à revoir à la baisse ses prétentions. 16. Des critères telle que l’impact « sociétal » des produits et sont par exemple plus fréquemment mobilisés (« social value judgment »). 17. Plusieurs expertises sont venues nourrir ce propos, impliquant notamment une remise en cause de la conception de l’utilité mise en avant par l’analyse coûtefficacité. Des recherches démontrant que la population serait prête à consentir au paiement d’un traitement « non rentable » dans certaines situation ont par exemple été mobilisées. OPPOSITION DE PRINCIPE OU SOUTIEN CRITIQUE ? L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ET L’EVALUATION MEDICO-ECONOMIQUE 21 Bibliographie Abraham, J. & Lewis, G. (2000) Regulating Medicines in Europe: Competition, Expertise and Public Health. London: Routledge. Abraham, J. 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Pays Construction d’arguments Composition d’alliances Problématisation Changement ou reproduction de l’ordre institutionnel Enjeux « éthiques » Associations de patients Politisation Changement défavorable à l’industrie – amendements favorables après mobilisation (aménagements des critères d’évaluation ; rapidité d’accès au marché préservée) Royaume-Uni Inter-firmes Sociétés savantes Enjeux « économiques » (accès des patients à l’innovation) Technicisation (financement de la recherche) Value Based Pricing? Technicisation France Enjeux « économiques » Théorisation d’un modèle vertueux d’évaluation Majoritairement infra-sectorielle et inter-firmes (référence critique à l’approche britannique – crainte de l’effet de seuil – défense d’une évaluation multidisciplinaire) Annexe 2 : Liste des sigles et abréviations AMM : Autorisation de Mise sur le Marché ANSM: Agence Nationale de Sécurité du Médicament (France) ASMR: Amélioration du Service Médicale Rendu CEESP: (HAS) Commission Evaluation Economique et Santé Publique CEPS: Comité Economique des Produits de Santé CT: (HAS) Commission Transparence EMA: European Medicines Agency HAS: Haute Autorité de Santé Changement favorable aux attentes de l’industrie : préservation de marges de négociation ; évaluations non déterminantes Reproduction d’institutions antérieures OPPOSITION DE PRINCIPE OU SOUTIEN CRITIQUE ? L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ET L’EVALUATION MEDICO-ECONOMIQUE ICER: (NICE) Incremental Cost-Effectiveness Ratio LFSS: Loi de Financement de la Sécurité Sociale MHRA: Medicines and Healthcare products Regulatory Agency NHS: National Health System NICE: National Institute for Health and Clinical Excellence OFT: Office of Fair Trading OHE: Office of Health Economics OTC : Other the counter PCT: Primary Care Trust QALY: (NICE) Quality-Adjusted Life Year SMR: (HAS) Service Médical Rendu UNCAM: Union Nationale des Caisses d’Assurances Maladies VBP : Value Based Pricing 25
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