47-51_dossier07_zoom_353 24/03/14 14:53 Page 47 La chélation, du grec « khêlê » qui signifie « pince », est le processus de complexation d’un atome métallique par un ligand ou chélateur. Les futurs agents chélatants sont déjà là Les éléments métalliques de la série des actinides sont des radionucléides dont les propriétés radioactives et chimiques peuvent induire des effets toxiques pour l’organisme. Remédier à la contamination interne n’est pas simple mais reste possible grâce au principe de la chélation. La conception de nouveaux traitements de chélation repose sur un grand nombre de contraintes tant chimiques que biologiques. En voici quelques grands traits. © LBNL/M. STURZBECHER-HOEHNE l’auteur Rebecca Abergel es attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis à l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Dai-Ichi, au Japon, le 11 mars 2011, les événements de cette dernière décennie ont renforcé l’inquiétude du public vis-à-vis du danger que représente la dispersion, délibérée ou accidentelle, de radionucléides dans l’environnement. Le défi de limiter l’exposition d’individus aux radionucléides a suscité un intérêt sans précédent pour le développement de nouvelles approches de traitement de la contamination interne par chélation des radionucléides, ainsi que pour leur séquestration dans l’environnement. D LES ACTINIDES ET LE PRINCIPE DE CHÉLATION La toxicité des 15 éléments de la série des actinides, tous radioactifs, peut être attribuée tant à leurs propriétés radioactives que chimiques. Les membres les plus lourds de cette série étant cependant trop instables pour être isolés dans de plus grandes quantités que quelques atomes à la fois, les éléments qu’il est le plus probable de rencontrer dans des scénarios de contamination sont le thorium (Th), l’uranium (U), le neptunium (Np), le plutonium (Pu), l’américium (Am), et le curium (Cm). À l’inverse de certains métaux lourds*, les actinides ne possèdent aucune fonction biologique naturelle et ne peuvent, de plus, pas être métabolisés comme le sont un grand nombre de molécules organiques. En cas de contamination, ces éléments radioactifs sont partiellement retenus par la plupart des organismes vivants. L’immobilisation des actinides dans le corps entraîne alors l’émission répétée et localisée de particules α, ce qui présente un risque particulier de cancer en raison des doses de rayonnement absorbées par les tissus concernés. * Le terme « métaux lourds » est jugé incorrect par l’Union internationale de chimie pure et appliquée (IUPAC) car souvent utilisé de manière incohérente (1). Il reste cependant pratique pour dénoter les métaux à forte masse volumique. Indépendamment de la voie de contamination (inhalation, ingestion ou blessure), les actinides sont absorbés et transportés par le sang avant d’être déposés dans les organes cibles (os, foie et reins), dans lesquels ils sont stockés avant d’être lentement et partiellement excrétés par l’urine et les fèces. Si les biocinétiques des actinides après inhalation, ingestion et injection ont été relativement bien étudiées au cours des 50 dernières années (lire p. 27), très peu de progrès on été faits en matière de traitement de la contamination interne. Les traitements disponibles varient principalement en fonction de la voie et du niveau de contamination, de la substance chimique associée au contaminant radioactif et du temps d’intervention après l’incident ou l’accident (2). Deux catégories de méthodes de traitement des personnes contaminées sont aujourd’hui recommandées. La première regroupe des procédures de lavage qui visent à réduire le déplacement des radionucléides à partir du site d’entrée (poumons, estomac ou plaie) et sont applicables a tout Division des sciences chimiques Lawrence Berkeley National Laboratory, Berkeley, États-Unis AVRIL 2014 • BIOFUTUR 353 < 47 47-51_dossier07_zoom_353 24/03/14 14:53 Page 48 > © LBNL – R. ABERGEL DES CRITÈRES DE PRÉDILECTION… Coordination d’un actinide formant quatre cycles chélates avec un ligand octadenté (à gauche) ou avec deux ligands tétradentés (à droite). Exemples d’agents chélatants pour les actinides En rouge, les atomes se liant au métal. Une fonction chélatante par ligand est encerclée. radionucléide ou toute espèce radioactive. La seconde comprend les traitements dits de décorporation, dont le but est d’empêcher les dépôts d’actinides dans les tissus en accélérant leur élimination de l’organisme par voie naturelle. Le principe de décorporation repose sur l’utilisation rapide de ligands organiques de faible poids moléculaire qui peuvent former des complexes solubles et facilement excrétables avec les radionucléides incorporés. Ce processus de complexation est ce que l’on appelle la chélation, du grec « khêlê » qui signifie « pince », en référence à la manière dont le ligand – ou chélateur – se lie au métal. © LBNL – R. ABERGEL > 48 > BIOFUTUR 353 • AVRIL 2014 Pour complexer efficacement les actinides et promouvoir leur excrétion rapide, la structure moléculaire d’un agent chélatant doit remplir des critères précis qui reposent sur des principes élémentaires de chimie de coordination mais prennent aussi en compte plusieurs facteurs biologiques. Les actinides étant des cations électropositifs durs, ils se lient plus facilement à des ligands organiques dont les fonctions chimiques contiennent des atomes donneurs d’électrons tels que l’oxygène (3). Leur nombre de coordination peut varier de 6 à 12, en fonction de leur état d’oxydation, ce qui favorise les ligands polydentés qui peuvent former un plus grand nombre de liaisons avec le métal. Par exemple, un ligand qui contient quatre fonctions chélatantes portant chacune deux atomes d’oxygène peut ainsi former quatre cycles chélates avec un métal dans un complexe mononucléaire stable de stœchiométrie 1:1 (ligand:métal), ce qui est préférable à un ligand contenant seulement quatre atomes donneurs et nécessitant une deuxième molécule pour former un complexe de stœchiométrie 2:1 (ligand:métal) (figure ci-dessus). La géométrie du complexe formé avec l’actinide ainsi que sa stabilité en conditions physiologiques dépendent également du type de fonctions chélatantes incorporées dans le ligand et du squelette carboné qui les relie. Idéalement, un bon ligand doit avoir une plus grande affinité pour les ions actinides au pH physiologique que les autres espèces biochimiques complexantes qui les lient dans les tissus et les fluides corporels. Il doit aussi avoir une faible affinité pour les ions métalliques essentiels tels que le calcium (Ca), le sodium (Na), le potassium (K), le fer (Fe) ou le zinc (Zn). Enfin, un agent chélatant conçu à des fins thérapeutiques doit présenter une faible toxicité chronique à une dose efficace et ne doit pas être métabolisé et dégradé avant d’atteindre l’actinide ciblé. D’autres paramètres tels que la biodisponibilité, la solubilité et la lipophilicité d’un chélateur jouent certainement aussi un rôle quant à son efficacité, tout comme son potentiel d’utilisation comme médicament oral. … À LA SYNTHÈSE DE NOUVELLES MOLÉCULES Bien que l’idée d’utiliser des agents chélatants pour accélérer l’élimination des actinides chez l’homme date des années 1950, peu de recherches ont été menées dans la poursuite de nouvelles voies thérapeutiques et le traitement médical de référence reste l’acide diéthylène triamine pentaacétique (DTPA), la première molécule à avoir été conçue à cet effet, en 1954 (figure ci-dessous). Le DTPA est un ligand polyamino-carboxylate linéaire octadenté, développé sur le modèle de son équivalent hexadenté, l’acide éthylène diamine tétra-acétique (EDTA), en s’appuyant sur le principe que l’efficacité de complexation s’accroît avec la denticité du ligand. Plusieurs modifications de la structure de ces deux composés ont été entreprises, comprenant, entre autres, l’élongation du squelette ou l’addition de groupes amino-carboxylates, mais n’ont pas abouti à une amélioration de l’efficacité observée avec le DTPA (4). Une seconde approche menée par des équipes américaines a été l’élaboration d’une famille de nouveaux ligands biomimétiques, analogues des sidérophores, les composés organiques produits par les plantes et bactéries pour transporter le fer. Cette stratégie s’appuie sur des analogies chimiques mises en évidence entre les ions physiologiquement pertinents, Fe3+ et Pu4+ – dont les rapports charge/rayon (z/r) donc les propriétés sont équivalents –, et exploite la forte affinité pour ces cations de fonctions chélatantes telles que les groupes catécholamides et hydroxypyridinones. En faisant principalement varier la géométrie et la flexibilité du squelette carboné, et en examinant l’effet de substituants sur l’électropositivité des fonctions chélatantes, ce sont près d’une soixantaine de composés qui ont été synthétisés et testés au cours des 30 dernières années, aboutissant à la sélection de deux ligands multidentés hydroxypyridinonates comme candidats médicaments à développer : le 3,4,3-LI(1,2HOPO) (figure p. 48, en bas) et le 5-LIO(Me-3,2-HOPO) (5,6). Plus récemment, des recherches effectuées par plusieurs équipes françaises se sont concentrées ches ipes rées 14:53 Page 49 sur deux autres familles d’agents chélatants ayant pour cible l’ion uranyle (UO22+), forme la plus courante de l’uranium en milieu physiologique. La première utilise des structures macrocycliques telles que les calixarènes, les éthers couronnes et les cryptands qui constituent d’excellentes plateformes de préorganisation pour la séquestration de l’uranium et sur lesquelles il est possible de greffer plusieurs fonctions chélatantes. Le 1,3,5-OCH3-2,4,6-OCH2COOHp-tertbutylcalix[6]arène est une des structures dont la forte affinité vis-à-vis de l’uranium a été exploitée a des fins thérapeutiques (figure p. 48, en bas) (7). La seconde famille récemment mise en avant pour ses propriétés remarquables de chélation de l’uranium est la famille des acides diphosphoniques. En partant d’une simple structure diphosphonate, l’acide éthane hydroxydiphosphonique (EHDP) (figure p. 48, en bas), la combinaison de techniques modernes de modélisation moléculaire et de criblage à haut débit a permis d’assembler et d’étudier un grand nombre de molécules pouvant former de très stables complexes d’uranyle (8). Enfin, une nouvelle approche concertée de méthodes d’ingénierie rationnelle et combinatoire de protéines vient d’être appliquée à la conception de protéines présentant de très fortes affinités pour l’ion uranyle et permettant la capture sélective de l’uranium dans des milieux biologiques variés (9). L’utilisation de tels outils modernes de criblage en chimie organique et biologie moléculaire ouvre ainsi la voie à la découverte de nouvelles molécules ayant des propriétés inégalées pour la chélation des actinides. ÉVALUER CES AGENTS CHÉLATANTS L’affinité chimique d’un ligand pour les actinides ou d’autres ions métalliques peut être quantifiée à partir de mesures de constantes d’équilibre thermodynamique en utilisant des méthodes de séparation par chromatographie ou électrophorèse capillaire couplées à des techniques d’analyse telles que les spectrométries d’absorption, d’émission et de masse. Ces méthodes peuvent aussi permettre d’établir les paramètres cinétiques de complexation des différents cations. Les constantes de stabilité et de vitesse ainsi déterminées sont particulièrement utiles pour comparer des ligands entre eux ou avec des ligands biologiques, mais aussi pour comparer les mécanismes de complexation d’un ligand avec différents métaux ou éléments essentiels (sélectivité). Il est, par exemple, démontré que l’affinité du DTPA pour les actinides Th, Pu et Am est de 107 à 1015 fois plus élevée que celle de la transferrine, un des ligands biologiques le plus souvent cités, confirmant le haut potentiel du DTPA comme agent chélatant (10). En revanche, l’affinité du DTPA pour des métaux essentiels tels que le zinc est aussi très élevée, ce qui implique un possible déficit en zinc au cours d’un traitement chronique et a mené à l’élaboration du sel ZnNa3DTPA comme forme thérapeutique préférable pour compenser cet effet de perte. Néanmoins, il est important de noter que ces constantes sont établies in vitro, dans des conditions expérimentales qui ne reproduisent pas tous les facteurs rencontrés en milieux biologiques. L’expérimentation in vivo est donc préconisée pour évaluer le potentiel thérapeutique de nouvelles molécules, démontrer l’efficacité de décorporation d’un ligand ne pouvant rigoureusement être effectué que chez l’animal. Les modèles de contamination par voie intraveineuse ou pulmonaire chez la souris, le rat et le chien sont les plus communs (11) . La radioactivité intrinsèque des actinides est alors facilement détectable et permet non seulement d’identifier les organes cibles, mais aussi de quantifier les changements de distribution et d’élimination dus à un traitement par chélation. Ce sont les résultats de multiples expériences de décorporation qui ont permis d’identifier le 3,4,3-LI(1,2-HOPO) comme l’un des nouveaux agents chélatants les plus prometteurs : administré par voie intrapéritonéale, ce ligand induit, en effet, l’excrétion de plus de 80 % du Pu, de l’Am ou de l’U injectés à la souris, 24 heures après contamination, ce qui représente à peu près le double de l’excrétion induite par le DTPA dans les mêmes conditions (figure ci-dessus) (6). Il apparaît aussi que le ratio de contaminant éliminé par voie fécale ou urinaire varie en fonction de l’actinide ciblé ou du ligand. Et bien que le principe de ces expériences soit simple, un grand nombre de variables doivent être contrôlées, comme le ratio isotopique et la forme physicochimique du contaminant, la quantité de contaminant et la dose de rayonnement associée, la durée entre la contamination et le traitement, la quantité de ligand dispensée ou encore le type, la fréquence et le nombre de traitements. Un traitement par voie orale au 3,4,3-LI(1,2-HOPO) entraîne une perte d’efficacité, due > des érer chez 950, nées lles aiteeste ntaière à cet ous). olyctae de cide que rinexaé du ons ompren du upes ’ont n de A (4). née es a e de ues, les uits pour égie chintre perles onc ts –, pour élaaténes. arier é du misur ons une ont ours utisands ates ents 1,2) et 24/03/14 © LBNL – R. ABERGEL 47-51_dossier07_zoom_353 Biodistribution des actinides (Pu, Am et U) 24 heures après injection chez la souris Lorsque le traitement est administré par injection ou par voie orale, une heure après la contamination, le taux d'actinide décroît, montrant l’efficacité décorporante du ligand 3,4,3-LI(1,2-HOPO). D’après (6). AVRIL 2014 • BIOFUTUR 353 < 49 47-51_dossier07_zoom_353 24/03/14 14:53 Page 50 à la faible absorption orale de cette molécule, qui peut cependant être compensée par une augmentation de la dose administrée. DU CHÉLATEUR AU MÉDICAMENT (1) Duffus JH (2002) Pure Appl Chem 74, 793-807 (2) Bair WJ et al. (2008) NCRP Report No. 161 (3) Pearson RG (1963) J Am Chem Soc 85, 3533-9 (4) Durbin PW (2008) Health Phys 95, 465-92 (5) Gordon AEV et al. (2003) Chem Rev 103, 4207-82 (6) Abergel RJet al. (2010) Health Phys 99, 401-7 (7) Spagnul A et al. (2011) Eur J Pharm Biopharm 79, 258-67 (8) Sawicki M et al. (2008) Eur J Med Chem 43, 2768-77 (9) Zhou L et al. (2014) Nature Chem 6, 236-41 (10) Ansoborlo E et al. (2007) C R Chimie 10, 1010-19 (11) Stradling GN et al. (2000) Radiat Prot Dosimetry 87, 19-28 (12) Shankar GN et al. (2012) Drug Dev Res 73, 290-98 (13) Cassatt DR et al. (2008) Rad Res 170, 540-48 (14) Yang YT et al. (2014) Pharm Dev Tech 19, 806-12 (15) Gervelas C et al. (2007) J Control Release 118, 78-86 (16) Phan Get al. (2006) Biochimie 88, 1843-9 (17) Kaur Met al. (2013) Environ Sci Technol 47, 11942-59 (18) Kim YS et al. (2012) Tumor Biol 33, 573-90 Une fois leur potentiel décorporant et leur efficacité in vivo déterminés, il est important d’évaluer le devenir dans l’organisme (pharmacologie) et la toxicité éventuelle (toxicologie) de nouveaux agents chélatants, ainsi que d’établir des méthodes fiables d’analyse, de certification, de fabrication à grande échelle et de stockage. Il faut aussi rendre les chélateurs administrables sous une forme galénique adaptée – gélule ou comprimé pour la voie orale, solution pour la voie intraveineuse, poudre sèche pour la voie pulmonaire, patch ou crème pour la voie cutanée... –, sachant qu’une modification de la formulation pharmaceutique peut altérer le métabolisme d’un agent chélatant mais aussi permettre de mieux le diriger vers les sites de dépôt des actinides ciblés, améliorant ainsi son efficacité. Le DTPA est la seule molécule à avoir obtenu, depuis 2008, une autorisation de mise sur le marché au niveau international, sous forme de solution injectable et d’aérosol. Il est donc naturel que la plupart des programmes actuels de développement de formulations pharmaceutiques pour la chélation des actinides soient concentrés sur cette molécule. Des efforts sont ainsi en cours pour en préparer des formes galéniques destinées à une administration orale, sous forme de tablettes comprenant un cocktail d’excipients (12), sous forme de nanocapsules lipidiques (13) ou encore sous forme de prodrogues (14). Toutes ces stratégies ont pour but d’augmenter l’absorption orale du ligand mais sont plus ou moins fructueuses, comme l’attestent des études menées sur des rats et des chiens. En parallèle, une poudre sèche a aussi été développée par atomisation-séchage pour améliorer l’efficacité du DTPA après une contamination pulmonaire au plutonium, limitant le transfert de l’élément des poumons vers le foie et le squelette dans des expériences menées chez le rat (15). Enfin, l’encapsulation du DTPA dans des liposomes a permis de modifier de manière significative les profils de circulation et de rétention du DTPA après une injection intraveineuse, permettant en particulier de réduire la rétention du plutonium dans le foie chez le rat (16). D’autres techniques ont été exploitées, dont le développement de nano-émulsions de calixarènes pour des traitements cutanés (7) ou encore l’incorporation de multiples chélateurs dans des nanoparticules magnétiques qui peuvent être facilement collectées par aimantation (17). Bien que toutes ces approches soient à la pointe des outils accessibles de nos jours, seuls des essais cliniques pourront confirmer leur succès et la possibilité d’optimiser de nouvelles formes pharmaceutiques d’agents chélatants. Néanmoins, de nombreuses applications autres que la décontamination ont fait surface dernièrement, qui reposent sur l’utilisation de complexes d’actinides et d’autres éléments (métaux rares ou de transition) en imagerie ou pour traiter les cancers (encadré ci-dessous) et les maladies infectieuses, promettant ainsi la continuation d’efforts de recherche et de nouvelles perspectives dans le domaine de la chélation. I Ces dernières années ont vu naître un engouement pour l’utilisation de certains actinides en médecine nucléaire, en particulier pour traiter les α-immunothérapie cancers. L’α repose sur l’usage de particules α pour détruire des cellules cancéreuses en épargnant les cellules saines, contrairement aux thérapies classiques par irradiation ou à la chimiothérapie. Certains isotopes des actinides tels que 225Ac, 227Th et 230U sont des émetteurs de particules α qui, en raison de leur courte demi-vie – quelques jours –, de leur courte portée – 60 à 100 μm – et de leur quantité élevée d’énergie 50 > BIOFUTUR 353 • AVRIL 2014 transférée de la particule ionisante à la matière traversée (transfert linéaire), peuvent délivrer une dose de rayonnement létale sur un parcours de quelques cellules. Conjugués à des anticorps monoclonaux ciblant des protéines de la membrane des cellules tumorales, ces radionucléides sont transportés directement sur les sites cancéreux, augmentant alors considérablement l’efficacité du traitement. La préparation de ces radioimmunoconjugués nécessite un agent chélatant reliant l’actinide à l’anticorps (figure) et répond à des critères de chimie de coordination semblables à ceux désirés pour les © LBNL – R. ABERGEL α-immunothérapie L’α Le principe de l’α-immunothérapie. traitements de décorporation. La plupart des radio-immunoconjugués produits pour des essais cliniques sont formulés à partir de composés de référence comme le DTPA (18). Toutefois, de nombreuses molécules conçues pour la simple chélation des actinides dans le cadre de la décontamination peuvent être modifiées et optimisées pour les vectoriser, ouvrant la voie à de nouvelles thérapies très prometteuses. CA 47-51_dossier07_zoom_353 24/03/14 14:53 Page 51 xxxxx t de une metuire dans utres dont muldes core chéules être mances des urs, ront poselles ents uses ntaièretion s et s ou pour des- uses, tion noudo- © DR CATO, UN PROJET POUR GÉRER LES CRISES Par le passé, nombre de groupes terroristes ont employé ou menacé d’employer des agents nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques (NRBC). Mais il n’y a eu que très peu de réelles tentatives d’attentat de grande ampleur les utilisant. Seules quelques attaques de centrales nucléaires, des menaces non confirmées de déclenchement de dispositifs explosifs contenant un agent NR et au moins un cas de dépôt par des terroristes de césium dans un parc en Russie ont été dénombrées à travers le monde (1). Réduire les conséquences sanitaires et socio-économiques d’un éventuel évènement NRBC nécessite une préparation permanente que l’Union européenne (UE) encourage au travers de projets qu’elle finance. Parmi ceux-ci, le projet CATO* développe une boîte à outils générique, support de la gestion de crise, pour faire face à un acte terroriste impliquant de tels agents. © LBNL – R. ABERGEL Traiter un grand nombre de victimes imple s ion er, es Explosion d’une « bombe sale », contamination de l’environnement, des réserves d’eau ou des aliments, attaque d’une centrale nucléaire… Différents types d’incidents peuvent conduire à une contamination de masse. Les conséquences sur la santé dépendent du type de rayonnement émis, du temps et du niveau d’exposition. On estime à 10 millions environ le nombre de sources radioactives à travers le monde, dont plusieurs centaines de milliers sont suffisamment radioactives pour poser un problème sanitaire. Les sources potentiellement utilisables dans un dispositif de dispersion radiologique comprennent le cobalt-60, le césium137, l’iridium-192, le strontium-90, l’américium-241, le californium-252, le radium-226 et le plutonium-238. À cette liste des radionucléides d’intérêt qui, avant d’être détournés à des fins terroristes, sont d’abord utilisés en médecine et dans l’indus* CBRN crisis management Architecture, Technologies and Operational procedures trie (radiographie, radiochirurgie, brachythérapie, détecteurs de fumée…), il faut ajouter l’iode-131, l’uranium-235 et le plutonium-239, qui seraient libérés dans l’atmosphère en cas d’attentat sur une centrale nucléaire (1,2). La contamination interne par des radionucléides peut se produire par plusieurs voies : inhalation, ingestion, absorption à travers une blessure et, dans une moindre mesure, à travers la peau saine. Le mode de contamination dépend notamment de la cause de celle-ci et des propriétés physico-chimiques des composés radioactifs impliqués. Par exemple, après l’explosion d’une bombe sale, l’exposition est majoritairement pulmonaire mais aussi au travers de blessures. Les solutions actuelles pour traiter localement une contamination pulmonaire sont limitées et inadaptées au traitement d’un grand nombre de victimes. La Pharmacie centrale des armées, en partenariat avec le Laboratoire de radiotoxicologie du CEA, travaille ainsi à l’optimisation de la formule galénique d’un antidote, l’acide diéthylène triamine penta-acétique (DTPA), pour améliorer son pouvoir décorporant. Cette poudre inhalable ne nécessitant pas de surveillance médicale, elle pourrait être auto-administrée. Si une contamination interne par des radionucléides nécessite une prise en charge rapide, c’est le traitement des blessures potentiellement mortelles qui reste la priorité. Contre-mesures médicales Les connaissances des services médicaux d’urgence sur les traitements des contaminations par des agents NRBC sont, en général, limitées, de même que le nombre de bases de données regroupant les informations utiles et les recommandations de traitement. La boîte à outils CATO met en place une base de connaissances sur les différents agents NRBC et sur les contremesures médicales existantes facilement consultable par les profession- nels de santé. Le choix des produits pharmaceutiques qui y sont répertoriés est fondé sur un consensus des recommandations nationales et internationales, et sur la disponibilité de ces produits dans l’UE. Mais seuls les protocoles thérapeutiques faisant l’objet d’un niveau de preuves scientifiques suffisant sont proposés. Cette base est appelée à évoluer avec les progrès dans le domaine des contremesures médicales, certains NRBC n’ayant pas d’antidote efficace pour le moment. En particulier les radionucléides, pour lesquels l’efficacité d’un traitement est fonction de la forme chimique du contaminant. La pertinence des informations et la convivialité de l’interface ont été testées les 12 et 13 mars derniers, lors d’un exercice, à la suite duquel les participants ont proposé des axes d’amélioration de cette base de connaissances, à savoir continuer à en enrichir le contenu et faciliter son utilisation. l’auteur Alexandra Leiterer Protection sanitaire contre les rayonnements ionisants et les toxiques nucléaires, CEA/DSV, Fontenay-aux-Roses Un support de la gestion de crise La diversité actuelle des intervenants et des structures organisationnelles (police nationale, sécurité civile, SAMU, hôpitaux, préfectures…) entraîne un morcellement des approches et des systèmes se traduisant par des lacunes dans le partage des informations et dans la vision opérationnelle. Pour remédier à ce fractionnement, CATO entend répondre aux besoins de toutes les parties prenantes, des intervenants aux décideurs, et couvrir l’ensemble des phases d’un incident, de la préparation à la remédiation en passant par la détection et la réponse. Ce projet de trois ans, débuté en janvier 2012, regroupe 25 partenaires de domaines variés tels que les technologies de l’information, la direction d’opération de secours, la communication de crise, l’éthique, l’expertise physico-chimique et la médecine. La boîte à outils CATO pourra servir de base à la construction de systèmes logiciels d’aide à la décision adaptés à la structure et aux contraintes des organisations qui en seront équipées. Pour en savoir plus : www.cato-project.eu Le projet CATO est en partie financé par le FP7 de la CE (n°261693) (1) (2) OTAN (2005) Special Report 167 CDS 05 E NCRP (2010) Report No.166 AVRIL 2014 • BIOFUTUR 353 < 51
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