Sens, supports et dispositifs : le design des TIC en

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Sens, supports et
dispositifs : le design des
TIC en termes de dessins
et de desseins
Nicole PIGNIER
Thierry GOBERT
Université de Limoges
Université de Perpignan
Laboratoire CeReS
Laboratoires VECT & IRSIC
[email protected]
[email protected]
www.medialogiques.com
Congrès de la SFSIC 2014
« Penser les techniques et les
technologies : apports des SIC et
perspectives de recherches ».
Toulon, 4-6 juin 2014 (France)
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Introduction
Cette présentation questionne les différents moments du
« faire sens » des TIC, en partant des concepts de
préfiguration, configuration, figuration (Goffman,1973) et
(Boutaud, 2005).
1. -
Sens, supports et dispositifs : le design
des TIC en termes de dessins et de
desseins
Comment les sciences numériques préfigurent-elles
des expériences d’information et de communication ?
2. - Comment les supports numériques configurent-ils
les expériences d’information et de communication ?
3. - Comment les usages figurent-ils du sens ?
Nous mettrons en relation deux ancrages théoriques :
1. L’histoire
2. La
du design des TIC ;
sémiotique des supports.
Nous proposerons une modélisation du processus via lequel
les TIC prennent place et sens dans les pratiques culturelles.
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I. Approche croisée entre l’histoire du design
et la sémiotique des supports. Quelle portée
heuristique ?
L’histoire du design des TIC permet de comprendre comment les technologies et les objets informatiques,
puis numériques, relèvent d’une complexité de desseins.
La sémiotique des supports (Fontanille, 2006 ; Souchier, 2000) précise comment les scènes pratiques
d’écriture et de lecture de textes sont orientées par :
1. -
Le support matériel : caractéristiques techniques : volume, poids, taille propres à l’objet-support (Pignier,
2008, 135) ; (Gobert 2003, 240) ;
2. -
Le support formel (Klock-Fontanille, 2005) mode d’organisation des textes dans l’espace de perception ;
3. -
Le support erghodique (Espen, 1997), (Pignier, 2008, 177-198) : « travail dans le texte », fonctionnalités,
modes d’interaction gestuelle. Le terme « ergodique » revoie à une activité plus complète que celui de
« navigation », trop réducteur du fait de sa référence métaphorique.
« Texte » est considéré au sens large de contenus matériels, comportementaux, images, vidéos, écrits, etc.
Par exemple, un danseur qui reproduit le mouvement des planètes dans sa chorégraphie donne à lire une
texte codé de façon spécifique.
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I. Approche croisée entre l’histoire du design
et la sémiotique des supports. Quelle portée
heuristique ?
Dans l’usage, les supports des textes font toujours partie d’un ensemble plus vaste , le dispositif, qu’il
est possible d’appréhender en tant qu’ordre social (Foucault, 1977) et comme ensemble des « conditions de
la communication interprété et approprié par les acteurs sociaux » (Jeanneret, 2005, 51).
Par exemple : les textes sur le Web et les moteurs de recherche. Les journalistes parlent de « du diktat des
moteurs de recherche » (Milicent, 2014) : pour obtenir un référencement correct, un mot-clé doit être répété
dans les titres, dans le corps du texte et mis en lien pour alimenter une structuration hypertextuelle. Ce lien du
texte avec les supports et les dispositifs économique et technique, affecte le parcours de lecture de l’usager
et de création du producteur.
Cette approche croisée permet de modéliser la complexité des designs et des énonciations en jeu lors de
l’usage des TIC dans l’interrelation entre textes, supports et dispositifs (Pignier, 2013a, 156).
Les strates sont des couches successives, ici d’énonciation. Elles sont porteuses de fonctions sémiotiques
comme la préfiguration, la configuration et la figuration du sens.
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I. Approche croisée entre l’histoire du design
et la sémiotique des supports. Quelle portée
heuristique ?
Le design est compris comme un éventail de possibles matériels et comportementaux, d’observables
potentiels et d’actualité. Il n’est pas seulement graphique et donne une forme et un sens aux textes et aux
supports de textes.
Les desseins sont simultanément des schèmes, des objectifs et des finalités, entendues comme
l’objectivation potentielle d’un mieux-être individuel et collectif. Ils constituent un schème nourri par
l’imaginaire, les représentations et les construits de pratiques et d’usages de la technologie. Le dessein, en
tant qu’objectif et finalité, s’exprime ainsi par des dessins (Pignier, 2014).
Les desseins se traduisent par des dessins, c’est-à-dire des schémas, des plans, des représentations
figurées, des structures narratives ou des réalisations matérielles directes du schème où le schéma est une
représentation simplifiée du schème, comme un plan esquisse une maison (Gobert, 2003, 78).
Hypothèse : les textes, supports, dispositifs, les technologies fondatrices des techniques numériques
constituent des strates énonciatives différentes mais reliées entre elles.
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II. processus de figuration du sens des
technologies aux usages.
Strates énonciatives, fonctions sémiotiques et esthésies
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II. processus de figuration du sens des
technologies aux usages.
1. Préfiguration du sens : strate de la conception scientifique et du design théorique
La strate énonciative des technologies (mathématiques, électronique, informatique, cybernétique,
télécommunications) vient préfigurer des scènes d’information-communication spécifiques (Pignier, 2013a,
150) via :
1. Une
générativité (programme capable de générer de lui-même des objets multimédias) ;
2. Une
interactivité (la programmation qui permet l’encodage de données via une interface) ;
3. Une
simulation (tout texte est traduit en langage mathématique, recréé par de l’information calculée) ;
4. Une
temporalité plastique étirable, réversible, due au temps mathématique sans début ni fin ;
5. Une
réticularité ou la mise en réseau (x) des supports numériques.
Ces spécificités constituent une « esthésie numérique » : une manière de vivre l’information communication
de façon spécifique. Correspond à la « technesthésie » (Couchot, 1998, 8) et à « l’ontophanie numérique »
» (Vial, 2012, 206) où le numérique change la perception et donc favorise une nouvelle « apparition de
l’être ».
Par exemple : l’informatique rapproche mathématique, logique, linguistique et énergie. Mais il faut être
spécialiste pour apercevoir les choix de design théoriques qui ont été réalisés.
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II. Comprendre le processus de figuration du
sens des technologies aux usages.
2. Configuration du sens : strate de la programmation et du design des objets (choix matériels)
Avec quels « dessein configuration » et « dessein objectif », sont mis en place les dispositifs techniques ?
Cette strate se situe en aval de la conception scientifique, c’est celle qui implique le choix des moyens
techniques pour mettre en œuvre les concepts.
L’histoire du design permet de comprendre la strate énonciative des desseins des supports/dispositifs qui sont
des « orthèses cognitives » (Gobert, 2011, 53). Tandis que les systèmes propriétaires favorisent les
délégations à la technologie de type sociétale, les supports/dispositifs communautaires visent la préservation
des compétences techniques partagées.
Par exemple : la conception du Palm Pilot est fondée sur la contre figuration ou contreperformance que les
cadres américains ont fait des ordinateurs portables avec clavier qui leur donnaient l'impression d'avoir un rôle
de secrétaire.
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II. Comprendre le processus de figuration du
sens des technologies aux usages.
3. Configuration des scènes pratiques : strate de la programmation et du design éditorial des supports
éditoriaux
Enonciation en jeu dans le design éditorial des blogs, sites, applications, réseaux sociaux. Cette strate est
celle où s’extrapolent les comportements des utilisateurs lorsqu’ils seront placés en situation d’utiliser les
dispositifs. Ces anticipations débouchent sur des contrats ou des règles d’utilisation. Toutefois, cela ne
fonctionne pas toujours ; les dévoiement d’usage sont fréquents dans le monde numérique et sont même
considérés comme une forme de créativité.
Par exemple : la configuration des scènes de travail proposée par le design du logiciel libre ne remporte
cependant pas le succès escompté. La majorité des usagers choisissent de contre figurer les valeurs et se
servent du logiciel libre comme d’un logiciel propriétaire de support éditorial souvent gratuit. Ils ne prennent
que très peu part au développement.
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II. Comprendre le processus de figuration du
sens des technologies aux usages.
4. Figuration du sens : la strate de l’usage et du design d’usage
Lors de l’usage final, un choix de supports, qui dépendent des dispositifs, est opéré.
Le design d’usage - ou de non-usage - engage véritablement une figuration du sens de l’information et de la
communication. Il se fonde sur une posture par rapport aux strates précédentes (Pignier, 2013b, 10). C’est
dans l’usage qu’advient la figuration du sens.
Par exemple, en février 2014, une station de ski a choisi de s’équiper d’un avertisseur de vitesse numérique
pour inviter les skieurs à la prudence. Sur l’écran, chacun peut lire la vitesse à laquelle il descend. Le lecteur
peut figurer le sens prévu, souhaité dans le design du support et du dispositif d’usage mis en place. Il peut
aussi le contre figurer, comme ces skieurs qui, en lisant le nombre indiqué sur l’écran, tentent de battre leur
record, ce qui est contraire aux aspirations des initiateurs de l’installation du dispositif.
Toutes les strates sont reliées entre elles. Ex : Big Data (Ibekwe-Sanjuan, 2014 citant Gray 2007).
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II. processus de figuration du sens des
technologies aux usages.
Strates énonciatives, fonctions sémiotiques et esthésies
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Conclusion
Nous avons souhaité interroger les TIC dans leurs différents moments du faire sens.
À la suite de Goffman (1973) et Boutaud (2005), nous avons repris les processus de préfiguration,
configuration et figuration. Par ailleurs, une modélisation du processus via lequel les technologies
d’information communication prennent place dans les pratiques culturelles a été proposée.
Les textes, supports, dispositifs et techniques fondatrices des technologies numériques constituent des
strates énonciatives reliées entre elles qui elles peuvent être associées à des designs d’usage.
Des interrelations sont observables entre les strates énonciatives, leurs fonctions sémiotiques dans
l’expérience d’information-communication des textes et les esthésies concernées. Une strate très profonde
comme celle de préfiguration peut influencer un nouveau paradigme (4e) comme c’est le cas du big data
actuellement.
Chaque strate des objets numériques et des supports éditoriaux est ainsi réénoncée par le design en tant
que dessin et de dessein qui obligent les utilisateurs à sans cesse réorienter leur manière d’agir.
Actuellement, l’invisibilité des interfaces interpelle le chercheur : c’est celle qui relie les usagers finaux aux
algorithmes de traitement de leurs données, dans le cadre d’un big data sur lequel personne n’a de prise.
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En vous remerciant,
Echange avec l’atelier
Nicole PIGNIER
Thierry GOBERT
Université de Limoges
Université de Perpignan
Laboratoire CeReS
Laboratoires VECT & IRSIC
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Congrès de la SFSIC 2014
« Penser les techniques et les
technologies : apports des SIC et
perspectives de recherches ».
Toulon, 4-6 juin 2014 (France)