BONNES PRATIQUES EXERCICE INCENDIE Organisation incendie au Louvre Les services de sécurité du musée du Louvre ont mené une opération conjointe avec les secours externes en novembre 2013. L Louvre, compagnie de la BSPP rattachée à la direction du musée, et à la caserne Rousseau basée dans le 8e arrondissement de Paris (voir encadré page 43). Une soixantaine de personnes sont présentes afin de tester la coordination entre le personnel du Louvre, les secours extérieurs et les autorités civiles. « L’objectif de l’exercice est d’avoir une vision de sécurité globale », précise le capitaine Laurent Leclercq, comman dant d’unité de la 43e compagnie – Unité élémentaire spécialisée (UES) du Louvre, au SPSI. Le partenariat entre ce dernier et la BSPP a commencé en 2009. L’exercice a évolué au fil des années pour aboutir aujourd’hui à un ensemble cohérent. Le capitaine Leclercq ajoute : « Tous Photos : Musée du Louvre Le musée du Louvre c’est près de 10 millions de visiteurs par an, 73 000 m² de salles d’exposition, 403 pièces, 35 000 œuvres exposées, 14,5 km de salles et de couloirs, 3 000 serrures, une pyramide de 1 000 m2, 1 200 agents de sécurité, 48 sapeurs pompiers. e 26 novembre 2013, le musée du Louvre est en effervescence. Des camions de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) stationnent devant ses murs et balisent un périmètre de sécurité. Dans la cour, des pompiers mêlés aux agents du musée se regroupent, prêts à parer au pire : est-ce un incendie qui vient d’avoir lieu dans le plus grand musée du monde ? Est-ce la Joconde qui fait encore des siennes ? Ou est-ce Belphégor revenu hanter les couloirs du musée ? Un panneau nous délivre la réponse : il s’agit d’un exercice COS (commandement des opérations de secours) réalisé en commun avec le Service prévention sécurité incendie (SPSI) du musée du 42 FACE AU RISQUE n° 500 février 2014 les ans, la BSPP forme ses commandants des opérations de secours pour qu’ils soient aptes à gérer tout type d’intervention. Dans ce cadre, elle a trouvé que le Louvre était un site stratégique pour des simulations ». Explosion criminelle dans les salles italiennes Le scénario est le suivant : une explosion d’origine criminelle suivie d’un feu dans les salles Percier et Fontaine qui abritent les peintures italiennes. L’incendie a entraîné des dégradations d’œuvres et l’évacuation du public mais aussi du personnel des bureaux au-dessus et en-dessous des salles concernées. De nombreuses victimes ont été comptabilisées dans l’enceinte du musée, entraînant la mise en place du plan rouge Alpha et le déclenchement du plan d’établissement répertorié (Etare). « Dans ce genre d ’exercice, il faut que l’ensemble de la chaîne de commandement interne et la BSPP monte en puissance », insiste le capitaine Leclercq. Le SPSI intervient en premier avec les entités du Louvre (conservateurs, services techniques, communication, préventionniste…) avant l’arrivée de la BSPP. Chacun joue son propre rôle. La subtilité est que le SPSI du Louvre est aussi constitué de pompiers de la BSPP. L’ensemble SPSI-BSPP se veut donc particulièrement cohérent. L’exercice repose sur le principe de binôme entre les équipes du Louvre et de la BSPP, fonction par fonction. Ainsi, le chef de la compagnie du SPSI intervient en binôme avec le COS de la BSPP, le responsable communication du Louvre avec le responsable communication de la BSPP… Sont ensuite intégrés dans l’exercice les conservateurs du musée, la direction… afin de prioriser les protections à mettre en place, les évacuations… « La mise en place d’un binôme a pour avantage l ’échange d ’expérience et la discussion entre les différents intervenants. Chaque acteur doit avoir à l’esprit les pensées et les objectifs de l’autre. Il faut comprendre les besoins de chacun pour que tout le monde puisse intervenir dans de bonnes conditions », indique Denis Fousse, sous-directeur de la surveillance extérieure et des accès à la Direction de l’accueil, de la surveillance et de la vente du Louvre. Ainsi, les conservateurs s’intéressent à la préservation des œuvres, les serre-files et guide-files conduisent le public et le personnel vers les lieux de rassemblement en veillant à utiliser les bonnes sorties et les bons escaliers, l’ingénieur en prévention 1 Arrivée au Louvre de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) pour l’exercice. LA COMPAGNIE DES SAPEURS-POMPIERS DU LOUVRE La 43e compagnie des sapeurs-pompiers du Louvre est une unité de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris devenue Unité élémentaire spécialisée (UES) du musée du Louvre depuis 2008. La compagnie est divisée en deux Centres de secours spécialisés (CSS) : un pour le musée du Louvre lui-même et un pour la galerie marchande du Carrousel. Le CSS Louvre est directement rattaché au président directeur du musée et constitue le Service prévention de sécurité incendie (SPSI) de l’Établissement public musée du Louvre (EPML). Le SPSI assure un rôle de conseil en matière de prévention et de sécurité incendie auprès des différents services du musée et participe aux différentes cellules mises en place. Par ailleurs, il forme les agents du musée et accueille, oriente et guide les secours extérieurs au sein du musée. 1 2 3 4 des risques accompagne et vérifie les différentes opérations. « Les interventions de chacun doivent s’imbriquer naturellement fonction par fonction », précise Laurent Leclercq. Bien communiquer en cas de crise La communication est intégrée dès la préparation de l’événement. « La communication est un outil qui permet aux intervenants de réaliser leur travail eff icacement en cas de situation de crise », précise Adel Ziane, directeur adjoint à la communication du musée. Les informations doivent être transmises rapidement par un seul canal à tous les intervenants : services de secours, agents du musée, autorités telles que les ministères, la préfecture de police de Paris, le haut fonctionnariat de la Défense du ministère de la Culture… Le rôle de la communication de crise est 2 Les équipes luttent contre les propagations du sinistre vers la Grande Galerie. 3 Le capitaine Leclercq (en gilet orange), commandant de l’Unité élémentaire spécialisée (UES) du Louvre, fait un point de situation. 4 L’exercice repose sur le principe de binôme entre les équipes. Ici, le chef de garde du Service prévention sécurité incendie (SPSI) du Louvre et le chef de garde de la BSPP. FACE AU RISQUE n° 500 février 2014 43 BONNES PRATIQUES EXERCICE INCENDIE également de gérer les médias. Avec une situation géographique au cœur de Paris, le musée du Louvre peut rapidement faire l’objet de toutes les attentions aussi bien des journalistes que des passants qui peuvent diffuser rapidement des informations non vérifiables via les réseaux sociaux. Ainsi, le rassemblement des camions de pompiers le jour de l’exercice a alerté les médias qui pensaient qu’un incendie était vraiment en train de se dérouler. Au Poste de commandement, Denis Fousse, sous-directeur de la surveillance extérieure et des accès, et Adel Ziane, directeur adjoint à la communication du musée (en gilets orange), suivent les opérations. LE MUSÉE DU LOUVRE Le Louvre est considéré comme le plus grand musée du monde en termes de surface (210 000 m²) et de nombres de visiteurs : 9,2 millions de visiteurs en 2013. Près de 2 200 salariés y travaillent. La difficulté repose sur la complexité et la grandeur des lieux. Ce site hors norme a été construit à la fin du 12e siècle pour servir de résidence royale, et ceci jusqu’en 1793, année de l’inauguration du musée. Aujourd’hui, les zones ERP s’entremêlent avec les bureaux administratifs, soumis au code du travail. Un vrai labyrinthe pour les services de sécurité. Photos : Musée du Louvre La sauvegarde des œuvres est particulièrement importante. Chaque exercice fait progresser Cet exercice permet, par la suite, de décliner les actions pour améliorer les compétences de chacun, notamment des conservateurs qui ont des profils et une vision de la sécurité différente selon qu’ils sont spécialisés dans la sculpture ou la peinture. « Les vies humaines sont essentielles en cas d’évacuation mais nous avons une pression supplémentaire à gérer qui est la préservation des œuvres. Ici, au musée, une œuvre, c’est une vie », précise Denis Fousse. Un point de situation est effectué régulièrement. Il concerne les personnes évacuées ainsi que les œuvres, le nombre de victimes, aussi bien visiteurs que salariés. La présence du haut-fonctionnaire de Défense du ministère de la Culture s’avère nécessaire en raison de la présence de visiteurs de nationalités différentes pour lesquels il faudra prévenir les ambassades concernés en cas de blessés. Ici, de par la complexité et la surface hors norme des lieux, une évacuation générale est impensable simultanément. Si un incendie démarre sur une aile du musée, les autres ailes ne seront peut-être pas impactées de suite. « Lorsque les secours extérieurs arrivent, ils n’ont pas cette vision globale. C’est pourquoi, ils doivent s’appuyer sur nos connaissances des lieux et de l ’organisation Au total, une soixantaine de personnes étaient présentes lors de cet exercice. mais également sur le fait que les pompiers du SPSI Louvre sont aussi des pompiers de Paris, militaires mis à la disposition d’un grand établissement », affirme le capitaine Leclercq. Denis Fousse confirme : « Tout est disproportionné au Louvre, même le temps et l’espace. Lors de la préparation du scénario de l’exercice sur le papier, les temps sont très rapides. Or, en réel, ce n’est pas le cas, du fait de la longueur exagérée des couloirs et des espaces d’exposition. Seul, l’exercice permet de nous en rendre compte. C’est un fait prouvé que nous pouvons remettre dans les prochains scénarios ». Le retour d’expérience a permis de nouvelles pistes d’amélioration. Objectif l’an prochain : organiser un exercice conjoint avec les services de police avec une évacuation réelle. Une approche totalement inédite jusqu’à présent. n Valérie Dobigny 44 FACE AU RISQUE n° 500 février 2014
© Copyright 2025 ExpyDoc