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OCTOBRE 2014 • LA JAUNE ET LA ROUGE
92
MUSIQUE EN IMAGES
ARTS, LETTRES
& SCIENCES
VIRTUOSITÉ BAROQUE, ŒUVRES DE VIVALDI, CORELLI, SCARLATTI
parfait représentant, et mériterait grandement
d’être bien plus connu. Le Palais-Royal est
un des ensembles les plus marquants de la vie
musicale française, et son chef Jean-Philippe
Sarcos est un orfèvre très insuffisamment
reconnu. Jugez-en en voyant ce concert.
Le Palais-Royal, dir. Jean-Philippe Sarcos
1 DVD Bel-Air Classiques BAC099
Voici un concert d’un des orchestres français
les plus emblématiques de la vivacité de la vie
musicale en France.
L’ensemble professionnel Le Palais-Royal se
consacre à l’interprétation des répertoires
baroque et classique. Pour chaque époque, les
musiciens utilisent des instruments différents.
Au-delà de la haute exigence musicale de JeanPhilippe Sarcos, leur chef depuis le début, les
œuvres sont chantées par cœur et souvent en
pupitres éclatés afin de favoriser l’expressivité et
l’engagement de chacun au service du sens du
texte et de la musique. Du fait de la fraîcheur
des voix, Le Palais-Royal possède une couleur
unique parfaitement adaptée aux répertoires
anciens qui étaient, originellement, le plus
souvent interprétés par des enfants.
Autre originalité, Le Palais-Royal s’engage
intensivement au service de la jeunesse, d’une
part en fournissant l’ossature de l’Académie
de musique, chœur et orchestre d’étudiants
encadrés par les professionnels du Palais-Royal
qui se produisent une dizaine de fois par an,
et d’autre part en animant les concerts « coup
de foudre », destinés aux jeunes de quartiers
défavorisés qui n’ont généralement pas accès à
la musique classique, dans le cadre des Cordées
de la réussite.
Le DVD publié cet été par Bel-Air Classiques
(l’éditeur français de DVD musicaux, au
catalogue d’une richesse, d’une qualité et
d’une diversité incroyables) nous restitue un
concert donné en octobre 2010 dans la chapelle de l’École militaire à Paris. Construit
autour du fameux Stabat Mater à dix voix de
D. Scarlatti (1685-1757), avec des œuvres
de Vivaldi et Corelli, le programme, intitulé
Virtuosité baroque, est une pure merveille.
On montre ici la virtuosité non pas comme
une technique développée au seul service de
la gloire de l’interprète, mais comme un des
moyens géniaux dont usèrent les artistes italiens pour traduire les mouvements passionnés
de leur âme (virtuosité vient du latin virtus
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Un second DVD du Palais-Royal paru cette
année est édité par le festival de Souvigny.
Le Palais-Royal en 2013 a joué le Requiem
de Campra (et le Super Flumina Babylonis de
Delalande). Ce même programme a aussi été
un des succès du festival de la Chaise-Dieu cet
été 2014. L’énergie et enthousiasme du PalaisRoyal y ont triomphé, et on les retrouve tout à
fait dans ce DVD que le festival de Souvigny a
eu le bon goût de filmer et d’éditer. Q
qui lui-même renferme vir : l’homme. Virtus
désigne donc les qualités qui font la valeur de
l’homme, moralement et physiquement. Le
mot se traduit par courage, mérite, hauts faits
mais également vertu, perfection morale). Le
programme montre aussi la diversité de ses
formes : virtuosité instrumentale avec Corelli,
virtuosité vocale avec Vivaldi mais aussi virtuosité du compositeur avec l’exceptionnelle
maîtrise de Scarlatti qui atteint des sommets
d’émotion grâce à la prouesse d’écriture des
dix voix superposées, et non malgré elle.
Le concert lui-même est superbe, à tout point
de vue. L’impact est très fort, de ce chœur
grandiose soutenu par un ensemble instrumental réduit mais au niveau musical très
élevé. Notons en particulier le violon vertigineux et extrêmement vivant de la grande
Tami Troman, premier violon régulier de
l’ensemble. Comme les instruments d’époque,
les tenues rouges que revêtent les chanteurs
du Palais-Royal pour interpréter ces œuvres
sacrées rappellent celles de leurs prédécesseurs
dans les chapelles royales. Ces mêmes tenues
sont encore aujourd’hui portées par de grands
chœurs à travers le monde, comme le chœur
de la chapelle Sixtine et les prestigieuses formations chorales des cathédrales anglaises,
autrichiennes ou allemandes.
Un grand concert de musique vivante à voir,
par un ensemble dynamique qui en est un
Marc Darmon (83)
BRIDGE
Gaston Méjane (62)
ÉNONCÉS
Ce mois-ci une donne de la finale
du Comité interclubs d’Anjou
à Saumur.
NORD
{ 8
x A V 4
z R D 10 3
y A D 5 4 2
SUD
{ R V 10 6 4 3 2
x –
z V 7 5
y R 10 8
S
3{
–
O
–
–
N
4{
E
–
Ouest entame cœur pour l’As,
on défausse un y, on joue {, le 5,
le 10 et le 9. Les { sont 4–1 avec A
D 7 5 en Est. Peut-on gagner 4{ ?
Solutions page 94
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OCTOBRE 2014 • LA JAUNE ET LA ROUGE
DISCOGRAPHIE
93
ARTS, LETTRES
& SCIENCES
DÉLICES ET ORGUES
Ciel : Lieu de délices que l’on dit être
le Paradis et d’où nous arrivent aussi
la pluie, la foudre, la grêle et les bombes.
ALBERT BRIE, Le Mot du silencieux
Que les orgues se voient prêter un caractère
céleste, rien d’étonnant à cela : c’est dans
les églises qu’on les trouve en général, alors
qu’elles ont déserté aujourd’hui les grands
cinémas qui en étaient pourvus à l’époque
du muet. Du coup, les compositeurs ont
souvent consacré leur musique d’orgue à
des œuvres liturgiques ; souvent, mais pas
toujours, comme on peut le constater dans
deux enregistrements récents.
du facteur Cavaillé-Coll, installé en 1869
(et classé monument historique). De Liszt,
une œuvre étrange, Les Morts – Oraison,
un Ave Maria von Arcadelt minimaliste
et séraphique, enfin Einleitung, Fuge und
Magnificat aus der Symphonie zu Dante
Divina Commedia, puissant mais austère,
témoignent d’un art de l’orgue très novateur, peu soucieux de plaire, parfois à la
limite de l’atonalité.
Les Improvisations et Fantaisies de SaintSaëns du second disque sont de petites
pièces peu connues, musique exquise qui
ne se prend pas au sérieux et qui constitue
un pendant bienvenu aux œuvres profondes et sérieuses précédentes.
musiques occidentales et orientales et parcourt la Méditerranée dans le sillage du
père Enfantin… et de Delacroix. Son
œuvre, dont une « ode-symphonie », Le
Désert, comprend de nombreuses mélodies ; le ténor Artavazd Sargsyan accompagné par Paul Montag au piano vient
d’en enregistrer une quinzaine 3. Le style
est assez proche de celui de Gounod : une
musique caractéristique des salons bourgeois de la deuxième moitié du XIXe siècle,
sans aucune recherche harmonique ou
autre, mais agréable, à écouter en jouant au
pharaon ou au whist, en buvant du punch
– brûlant, bien entendu. Q
Jean Salmona (56)
FRANCK, LISZT ET L’ORGUE
CAVAILLÉ-COLL D’ÉPERNAY
Franck, on le sait, était organiste et professeur d’orgue au conservatoire de Paris,
tandis que Liszt, pianiste, ne s’intéressait à
l’orgue, avant de devenir abbé, qu’au fil des
visites d’églises de ses voyages. Tandis que
les pièces pour orgue de Liszt sont essentiellement liturgiques, Franck, lui, a composé surtout des œuvres sans référence religieuse. Liszt
écrit pour
l’orgue tantôt comme
pour
le
piano, tantôt
comme pour
l’orchestre,
sans se soucier de la
registration, alors que Franck indique avec
précision les registres à utiliser. Un enregistrement récent par Odile Jutten présente
une anthologie d’œuvres des deux compositeurs 1, qui étaient contemporains, et
illustre parfaitement bien la différence de
traitement de l’instrument. De Franck, le
superbe Prélude, fugue et variations en si
mineur, la Pastorale, la Fantaisie et le Final
en si bémol majeur font appel à toutes les
ressources de l’instrument grandiose de
Notre-Dame d’Épernay, un des plus beaux
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C’est sur l’orgue de Saint-Omer que Joris
Verdin a enregistré un ensemble d’œuvres
posthumes et inédites de Franck 2.
Il s’agit d’une
quarantaine de
pièces courtes,
de 17 secondes
à 6 minutes,
presque toutes à
usage liturgique
cette fois. Même mineures, elles constituent,
pour ceux qui s’intéressent à la musique de
Franck, un joli florilège d’une facette méconnue de sa musique.
FÉLICIEN DAVID
Après plus d’un siècle d’oubli, on redécouvre aujourd’hui le compositeur Félicien
David (1810-1876), personnage hors
du commun. Ce
Provençal
renonce à
une carrière
de notaire
pour la
musique,
« monte »
à Paris,
devient un saint-simonien actif, se passionne pour le rapprochement entre les
1. 2 CD TRITON.
2. 2 CD RICERCAR.
3. 1 CD PASSAVANT.
RÉCRÉATIONS
SCIENTIFIQUES
Jean Moreau de Saint-Martin
(56)
[email protected]
1. SEGMENT PAR TROIS
Sur un segment d’un mètre,
on prend au hasard deux points,
partageant le segment en trois
morceaux.
Quelle est la longueur moyenne
du morceau le plus petit des trois ?
et du plus grand ?
2. RESTES PEU VARIÉS
Quelles sont les valeurs possibles
pour le reste de la division
de (n – 2)! par n ?
3. ARÊTES TANGENTES
À quelles conditions existe-t-il
une sphère tangente aux 6 arêtes
d’un tétraèdre ?
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OCTOBRE 2014 • LA JAUNE ET LA ROUGE
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BIBLIOPHILIE
ARTS, LETTRES
& SCIENCES
PSALMANAZAR : LE FAUXRMOSAN
En 1704 parut à Londres un ouvrage
intitulé An Historical and Geographical
Description of Formosa. L’auteur de cette
monographie n’avait jamais mis les pieds
sur l’île qu’il prétendait décrire, c’est-à-dire
Taïwan, dont ce Français probable se disait
de plus originaire. Nous le désignerons
par le nom figurant dans ses mémoires
posthumes, publiés en 1764, George
Psalmanazar. On ignore sa véritable identité.
Innes et Psalmanazar se rendirent à
Londres, où le premier fit passer le second
pour un Formosan qu’il avait détourné
du paganisme et persuadé d’embrasser la
confession anglicane. Psalmanazar s’était
inventé des souvenirs et une culture devant
lui permettre de faire illusion. C’est ainsi
qu’il produisit notamment un alphabet
formosan sorti tout droit de son imagination, se contraignant à de laborieux
exercices afin de maîtriser l’écriture cursive
de son prétendu pays natal –
écriture alphabétique tracée de
droite à gauche. Il inventa assez
de grammaire ainsi qu’un vocabulaire suffisant pour tenir un
discours cohérent et ne pas se
contredire de façon flagrante.
D.R.
Psalmanazar décrivait Formose
comme japonaise, soutenait
que les bonzes japonais s’enseignaient mutuellement le grec
et que les Jésuites, après avoir
établi la religion chrétienne au
Japon et y avoir converti jusqu’à
l’empereur Tampoussama, n’en
avaient été chassés qu’après la
découverte d’une conspiration
visant à faire passer la couronne
de ce dernier sur la tête du roi
d’Espagne. Ses lecteurs apprenaient de plus qu’un dieu cruel
exigeait des Formosans qu’ils
lui sacrifiassent dix-huit mille
de leurs enfants mâles chaque
année.
Quittant son poste de précepteur, il avait
décidé de se faire passer pour Japonais,
mû par des considérations matérielles.
Le projet réussit, pour surprenant qu’il
puisse paraître aujourd’hui, jusqu’à ce
que la Providence mît l’un de ses serviteurs, Alexander Innes, sur le chemin
de Psalmanazar. Cet aumônier anglican
décela la supercherie mais, plutôt que
d’exhorter le coupable à se détourner des
voies du mensonge, il l’encouragea à s’y
perfectionner.
JR698.indd 94
Si tout le monde ne fut pas dupe,
Psalmanazar trouva des défenseurs, parfois irréductibles, tant dans le clergé que
parmi l’aristocratie. La bienveillance de
l’Église à l’égard du prosélyte Innes le
fit du reste nommer chapelain général
des troupes britanniques au Portugal.
Psalmanazar finit toutefois par révéler
l’escroquerie et connut à la fin de sa vie
Samuel Johnson, qui louait en lui un
homme des plus sages et l’un des étrangers qui sût le mieux l’anglais.
Sur l’initiative de René Viénet, les
Taïwanais du XXIe siècle peuvent lire une
traduction chinoise de la Description et
la revue Monde chinois a publié une traduction d’un extrait des Mémoires. Ces
derniers sont malheureusement toujours
inédits en français, bien que Philarète
Chasles en eût déjà traduit quelques pages.
On n’a de plus peut-être pas assez lu la
Description comme l’œuvre d’un auteur.
Si son intérêt réside avant tout dans la
nature de l’entreprise qu’elle se proposait
d’accréditer, Psalmanazar n’était pas pour
autant dénué d’avis pertinents sur bien
des points, et les considérations qu’il livre
sur la religion, le goût du luxe en Europe,
le système éducatif, les superstitions ou
l’armement ne sont pas sans valeur. Il me
semble qu’on gagnerait à les lire comme
émanant, non du prétendu Formosan,
mais de l’homme dont il a toujours refusé
de révéler l’identité. Q
Jonathan Chiche (2005)
SOLUTIONS DU BRIDGE
On joue z, on donne l’As de z,
Jonathan
Chiche (2005)
on coupe 2 x puis Roi de y, As de y
et Dame de y à 4 cartes, il reste :
NORD
{ –
x –
z 3
y D 5 4
SUD
{ R V 6 4
x –
z –
y –
Est ne fait que 2 atouts.
4{ =
OUEST
{ 9
x D 9 8
z A 6 4
y V 9 7
EST
{ A
x R
z 9
y 9
D 7 5
10 6 4
8 2
6
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OCTOBRE 2014 • LA JAUNE ET LA ROUGE
LIVRES
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ARTS, LETTRES
& SCIENCES
LETTRES À MON MARI
DISPARU (1915-1917)
USAGES ET USAGERS
DE LA ROUTE
Marguerite Cadier-Reuss
Préface de Paul Reuss Jr (60)
L’Harmattan – Coll. « Mémoires du XXe siècle »,
série « Première Guerre mondiale » – 2014
REQUIEM POUR UN MILLION
DE MORTS : 1860-2010
« Je vais peut-être faire quelque chose de très
bête… Chaque soir, je veux copier dans ce
cahier une de tes lettres… »
Après la mort de Paul, son mari tué en
septembre 1914, Marguerite commence
un journal personnel qu’elle mêle avec leurs
lettres d’avant-guerre. Celles-ci sont tendres,
parfois sensuelles. L’écriture de la jeune
épouse est charmante, primesautière. Les
lettres du mari sont plus graves.
La partie « journal » est bouleversante. La veuve de
27 ans, mère de trois
enfants, se débat
dans l’épreuve : « La
réalité est si horrible
qu’elle m’écrase. »
Elle assure le disparu
que leur relation reste
vivante : « Tout le temps, je te parle intérieurement… » et fait preuve d’une impressionnante lucidité existentielle : « La mort
est apparue et nous avons compris qu’elle
est souvent moins redoutable que la vie… »
Historiquement, ce livre évoque la vie des
veuves de guerre confrontées à de grandes
difficultés personnelles, sociales et économiques.
Psychologiquement, il témoigne du vécu de
toutes les personnes confrontées au deuil
d’un être cher, surtout un conjoint : révolte,
détresse, difficultés de se détacher du passé.
Existentiellement, il pose la question de la
« présence » du disparu souvent ressentie
par le survivant. Comme si l’amour vécu
autrefois demeurait vivant dans l’épreuve.
Le livre comprend une préface historique de
Paul Reuss Jr, un petit-fils de Marguerite,
et des lettres écrites du front par le mari au
début de la Grande Guerre. Q
François Delivré (67)
L’Harmattan, 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris. www.harmattan.fr
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Jean Orselli (62)
Paris – L’Harmattan – 2011
Il est rare qu’un polytechnicien, ingénieur
des Ponts et Chaussées, soutienne une thèse
d’histoire, comme Jean Orselli, en 2009,
qui en a tiré ce livre. Dans une approche
à la fois technique, économique, sociale,
administrative, politique et statistique, il
examine l’évolution des trafics, la géographie de la motorisation, la coordination des
transports, la réparation des accidents, les
réseaux routiers, l’exploitation de la route,
l’industrie automobile, la fiscalité des véhicules, en terminant par l’histoire des acteurs
qui influencent l’opinion, constructeurs
d'automobiles et leurs alliés industriels,
presse et associations d’usagers.
La partie consacrée à l’époque de la traction attelée et de l’apparition des transports mécaniques routiers (1860-1921) se
nourrit de multiples sources et mentionne
nombre de faits souvent oubliés ou méconnus. Ainsi, à la
fin du XIXe siècle,
la voiture attelée
était bien plus
chère qu’on ne
pourrait le penser,
mais la bicyclette
était bien meilleur marché qu’on
ne l’imagine.
L’accident de la
circulation était presque toujours un « accident à un seul véhicule », les conducteurs
des véhicules auteurs de l’accident représentaient 61 % du total des tués.
L’ampleur de la croissance des déplacements
routiers entre 1939 et 2009 dépend de l’indicateur utilisé : le parc a été multiplié par 14,5 ;
le trafic routier par 20 ; le taux de motorisation par 10 ; la « mobilité tous modes »
d’un individu par 7. Toutefois, la « mobilité
routière » d’un individu entre 1939 et 2009 a
été multipliée par 8,4 (soit un accroissement
de 3,1 % par an), plus lentement qu’au cours
des vingt ans de l’entre-deux-guerres pendant
lesquelles elle a triplé (soit 5,6 % par an).
La sécurité routière occupe une place de
choix dans cette étude. Jean Orselli en
montre les différentes étapes, les diverses
composantes, les doctrines législatives et
institutionnelles. L’indice qu’il emploie,
« usagers des automobiles tués par milliard
de véhicule.km », a chuté de 37,8 à 10,0
entre 1960 et 2000. Il adosse l’histoire
des accidents de la route à l’analyse des
statistiques tenues depuis 1954. Selon lui,
nombre de phénomènes indépendants du
comportement des conducteurs ont été
négligés pour expliquer la baisse du nombre
des victimes, notamment les « facteurs
structurels » : améliorations de l’infrastructure et des véhicules, effets de l’apprentissage
individuel sur « l’apprentissage collectif »,
diminution du « taux d’occupation des
véhicules », amélioration du secours aux
accidentés et du traitement médical des
traumatismes dus aux accidents. Ces mécanismes ont été responsables de bien plus
des deux tiers de l’amélioration de l’indice
de sécurité des usagers de l’automobile
depuis 1960.
L’auteur conclut qu’il reste donc des pistes
inexplorées en France au-delà de la politique
actuelle de durcissement du contrôle-sanction
développée depuis 2002. La mise en place
d’une « route qui pardonne les erreurs » par la
suppression des obstacles de bord de route ou
leur neutralisation par des barrières serait certainement la meilleure des voies pour déplacer
l’asymptote de la courbe d’apprentissage,
comme le montre l’exemple de la Suède.Q
Gérard Blanc (68)
LE BONHEUR REGARDE
À DROITE
Hervé Mariton (77)
Les Éditions du Cerf – 2014
Le temps des ingénieurs en politique ?
Dans son dernier
ouvrage, Hervé
Mariton, député de
la Drôme et candidat à la présidence
de l’UMP, tente de
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OCTOBRE 2014 • LA JAUNE ET LA ROUGE
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LIVRES
ARTS, LETTRES
& SCIENCES
répondre à la question : « Qu’est-ce qu’être
de Droite aujourd’hui ? » La réponse apportée s’inscrit à rebours des grandes catégories
traditionnelles chères à la science politique.
Ce qui l’intéresse, c’est ce qui fait l’unité
de la Droite. Il existe, pour lui, une Droite
du charbonnier, c’est-à-dire un corpus de
valeurs et d’idées qui apparaît comme premier et presque évident aux sympathisants
de Droite sans qu’il soit nécessaire de trop
intellectualiser.
Cette Droite est à la fois libérale et conservatrice. Un libéralisme fondé sur la libre initiative et la responsabilité individuelle, mais
expurgé de toute référence individualiste et
matérialiste. Un conservatisme qui se traduit
avant tout par le respect dû aux constructions
sociales héritées du passé et par une volonté
de les transmettre aux générations suivantes.
Hervé Mariton se pose également volontiers
comme ingénieur en politique. Il souhaite
« éclairer plutôt que briller », « faire plutôt
que faire semblant », convaincu que seul le
travail permet la justesse et la pertinence des
engagements politiques et que si « l’État ne
peut pas tout, l’État, surtout, ne peut pas
faire n’importe quoi ». Sa vision heureuse
de la politique résulte de sa conviction profonde que les cellules de base de la société,
en particulier la famille et l’entreprise, sont
solides et fécondes. L’État doit s’appuyer sur
elles plutôt que de participer à leur affaiblissement, afin de pouvoir construire cette Big
Society, chère à nos voisins britanniques. Q
La première
partie est une
sorte d’éloge
des prépas : au
cours de ces trois
années, Patrice
nous relate comment il a découvert l’amour…
l’amour du travail qui produit des résultats, l’amour de
la vie et la complémentarité des sexes, le
goût prononcé de l’indépendance grâce
à des parents compréhensifs, les prépas
c’est l’antichambre du paradis. Puis c’est
Polytechnique, l’occasion de s’intéresser
à bien d’autres choses qu’aux études, c’est
néanmoins très formateur pour la vie future.
Arrive enfin l’année de service militaire.
Patrice, qui se déclare antimilitariste, rejoint
la Marine. Le passage dans cette arme le
fait changer d’avis, même si ses convictions
restent très fortes.
Ce livre rappellera de nombreux souvenirs
à ceux qui ont fréquenté l’École dans ces
années entre la fin de la guerre d’Algérie
et le déménagement à Palaiseau ; pour les
plus jeunes, ils apprendront des détails
de la vie quotidienne sur la Montagne
Sainte-Geneviève. Le livre offre aussi, sur
de nombreuses personnes, des jugements
parfois sans complaisance. Certainement
à lire ! Q
Jean Netter (65)
Vincent Le Biez (2004)
www.amazon.fr
Éditions du Cerf, 24, rue des Tanneries,
75013 Paris. Tél. : 01 80 05 36 36.
www.editionsducerf.fr
LETTRES À RENÉ-JEAN
1962-1968
BIBLIOTHÉCAIRE,
CRITIQUE D’ART
ET CONSERVATEUR FRANÇAIS
SIX ANS POUR GRANDIR
Patrice Urvoy (65)
Amazon – 2014
Ce livre de notre camarade Patrice Urvoy
est une autobiographie qui démarre avec
les classes préparatoires aux grandes écoles
(lycée Louis-le-Grand) et s’achève six ans
plus tard à l’issue du service militaire d’une
année, qui faisait alors suite aux deux
années d’études à Polytechnique.
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Alexis Gritchenko (École de Paris)
Lettres choisies et présentées
par Sylvie Maignan et Jean Bergeron
L’Harmattan – 2014
Après un début de carrière comme peintre et
théoricien de l’art à Moscou, puis quelques
années d’errance, le peintre ukrainien, Alexis
Gritchenko, arriva à Paris au début des
années vingt. Il s’intègre rapidement parmi
les artistes de l’École de Paris et expose au
Salon d’automne. Là, il rencontre RenéJean, critique à Comœdia et par la suite au
Temps puis au Monde. C’est le commencement d’une
solide amitié. Perpétuel
voyageur,
Gritchenko
fait partager
ses enthousiasmes à son
ami parisien et
fait appel à lui
pour résoudre
ses problèmes.
Dans un style
vivant et coloré, ces lettres sont le reflet de la
vie du peintre avec ses succès et ses aléas. Q
Jean Bergeron
et Sylvie René-Jean,
épouse de Maignan (52)
PEAU VIVE
Gérald Tenenbaum (72)
Éditions de la Grande Ourse – 2014
Notre camarade Gérald Tenenbaum (72)
est mathématicien, professeur à l’Institut Élie Cartan Nancy, reconnu pour
ses travaux dans les domaines de la théorie
des nombres et de l’analyse. Mais, et c’est
remarquable, Gérald Tenenbaum mène
en parallèle une carrière littéraire. Publié
depuis 2002 (Rendez-vous au bord d’une
ombre), il publie cette année son 7e roman :
Peau vive.
Extrait du blog Lily et ses livres d’Anne
Cloitre :
« Biologiste à l’INSERM, Ève a trentesept ans. Elle vit seule sans pouvoir toucher
ni être touchée.
Il y a bien André,
l’ami d’enfance,
qui l’attend,
amoureux, mais
pour combien de
temps ?
Peau vive est une
histoire de chair
et d’incarnation.
Comment entrer
26/09/14 13:59
OCTOBRE 2014 • LA JAUNE ET LA ROUGE
97
ARTS, LETTRES
& SCIENCES
dans sa propre vie quand tout un pan du
passé vous l’interdit ?
Les non-dits familiaux se passent de mots
pour devenir des maux qui se transmettent.
Yankel son père qu’on appelle Jean, résistant dès le plus jeune âge et dont les parents
ne sont pas revenus, est quitté par sa femme
sur ces paroles qui pèseront lourd :
– Ces blessures-là ne se referment pas…
Du sang qui part en fumée, je ne sais pas
faire. Vous, vous êtes sa chair, c’est différent.
Vous saurez peut-être… Oui, vous saurez,
forcément.
Et c’est paradoxalement par la force et dans
le feu qu’Ève va trouver une deuxième
chance. En retard à la séance du film La
Dernière Tentation du Christ, elle s’installe
dans une salle voisine mais n’échappe pas
à l’attentat et à l’incendie qui la laissent
inanimée.
Sauvée par ce passant, ombre récurrente
du livre, elle sombre dans le coma. À son
réveil, elle décide d’aller de l’autre côté du
mur de Berlin…
Ève, quasi brûlée vive, garde l’espoir de
retrouver le sens, le goût, une alliance avec
la vie, symbolisée par ces trois petits grains
de beauté tissés sur sa peau, un minuscule
triangle qu’elle porte sur le bras. Ces trois
grains de mémoire qu’elle emporte partout
sont comme les cailloux du conte ou ceux
qu’on pose sur les tombes…
Et l’ange gardien à l’écharpe rouge de
traverser son existence une nouvelle fois
comme par hasard au milieu du chaos.
Quant à la filiation de l’engagement, l’héritage impossible à assumer, le sujet n’avait
à son goût été qu’effleuré…
En franchissant le mur, Ève affronte
sans armure ce qui la maintenait hors du
monde. Il y aura bien derrière le mur un
rendez-vous.
Chaque roman de Gérald Tenenbaum est
empreint de son amour des mots et de la
poésie, tout résonne et prend sens, les fils
tissés serrés entre mémoire, filiation et
ouverture aux autres et à la vie. » Q
JR
Éditions de la Grande Ourse,
39, rue Cortambert, 75116 Paris.
www.editionsdelagrandeourse.com
JR698.indd 97
SOLUTIONS DES RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES
1. SEGMENT PAR TROIS
Le partage aux abscisses x et y correspond à une répartition uniforme du point
(x, y) dans le carré unité. Une fois sur deux, x < y ; une fois sur six, les trois morceaux se rangent en ordre croissant sur le segment. Ces conditions s’écrivent
x < y – x < 1 – y et définissent dans le carré unité un triangle de sommets (0, 0),
(0,1/2) et (1/3, 2/3) ; son aire est 1/12 et son centre de gravité (1/9,7/18). Les
moyennes de x, y – x, 1 – y sont respectivement 1/9, 5/18 et 11/18. Les autres cas
se ramenant à celui-là, les longueurs moyennes demandées sont 1/9 et 11/18.
2. RESTES PEU VARIÉS
Si n est le produit pq de facteurs inégaux, ceux-ci figurent parmi les facteurs
de (n – 2)! qui est donc multiple de n. Si n est un carré r 2 > 4, r et 2r figurent
parmi les facteurs de (n – 2)! qui est donc multiple de n, le reste de la division
est encore 0. Si n = 4, (n – 2)! = 2 et le reste est 2. Mais si n est premier, les entiers de 2 à n – 2 peuvent être groupés en paires (x, y) avec n divisant xy – 1 ;
(n – 2)! est de la même forme kn + 1 que les facteurs xy, d’où le reste 1.
Les restes possibles sont donc 2 (n = 4), 0 (n composé > 4), ou 1, qui caractérise
les nombres premiers (théorème de Wilson).
3. ARÊTES TANGENTES
À chaque sommet correspond une longueur des tangentes menées de ce sommet
à la sphère. La somme de ces quatre distances est la somme des longueurs
de deux arêtes opposées. Il est donc nécessaire que la somme de ces longueurs
ne dépende pas de la paire d’arêtes choisie. Cette condition est suffisante.
En effet, elle entraîne que les cercles inscrits aux faces touchent l’arête commune
à deux faces au même point : AB + AC – BC = AB + AD – BD, double de la distance
de A au point de contact de AB avec les cercles inscrits aux triangles ABC et ABD.
Ceux-ci définissent une sphère (centrée à l’intersection de leurs axes) ;
elle est tangente aux arêtes autres que CD ; son intersection avec le plan ACD
est un cercle tangent à AC et AD aux points de contact du cercle inscrit au triangle
ACD : ces deux cercles sont confondus et la sphère est tangente à l’arête CD
aussi.
POST-SCRIPTUM À « MÉDIASEGMENTS »
(LA JAUNE ET LA ROUGE DE JUIN-JUILLET 2014)
Jean-Nicolas Pasquay (54) étend la question aux symédianes (symétrique
de la médiane par rapport à la bissectrice issue du même sommet) et démontre
que si deux symédianes sont égales, le triangle est isocèle.
POST-SCRIPTUM
À « TRIPARTITION »
(LA JAUNE ET LA ROUGE
D’AOÛT-SEPTEMBRE 2014)
Voici une solution récente
en six morceaux (publiée
en 2010 par Christian Blanvillain), élégante par sa symétrie. Il en existe d’autres,
par exemple une où l’un
des trois carrés est formé
d’un seul morceau.
24/09/14 11:13