OCTOBRE 2014 • LA JAUNE ET LA ROUGE 92 MUSIQUE EN IMAGES ARTS, LETTRES & SCIENCES VIRTUOSITÉ BAROQUE, ŒUVRES DE VIVALDI, CORELLI, SCARLATTI parfait représentant, et mériterait grandement d’être bien plus connu. Le Palais-Royal est un des ensembles les plus marquants de la vie musicale française, et son chef Jean-Philippe Sarcos est un orfèvre très insuffisamment reconnu. Jugez-en en voyant ce concert. Le Palais-Royal, dir. Jean-Philippe Sarcos 1 DVD Bel-Air Classiques BAC099 Voici un concert d’un des orchestres français les plus emblématiques de la vivacité de la vie musicale en France. L’ensemble professionnel Le Palais-Royal se consacre à l’interprétation des répertoires baroque et classique. Pour chaque époque, les musiciens utilisent des instruments différents. Au-delà de la haute exigence musicale de JeanPhilippe Sarcos, leur chef depuis le début, les œuvres sont chantées par cœur et souvent en pupitres éclatés afin de favoriser l’expressivité et l’engagement de chacun au service du sens du texte et de la musique. Du fait de la fraîcheur des voix, Le Palais-Royal possède une couleur unique parfaitement adaptée aux répertoires anciens qui étaient, originellement, le plus souvent interprétés par des enfants. Autre originalité, Le Palais-Royal s’engage intensivement au service de la jeunesse, d’une part en fournissant l’ossature de l’Académie de musique, chœur et orchestre d’étudiants encadrés par les professionnels du Palais-Royal qui se produisent une dizaine de fois par an, et d’autre part en animant les concerts « coup de foudre », destinés aux jeunes de quartiers défavorisés qui n’ont généralement pas accès à la musique classique, dans le cadre des Cordées de la réussite. Le DVD publié cet été par Bel-Air Classiques (l’éditeur français de DVD musicaux, au catalogue d’une richesse, d’une qualité et d’une diversité incroyables) nous restitue un concert donné en octobre 2010 dans la chapelle de l’École militaire à Paris. Construit autour du fameux Stabat Mater à dix voix de D. Scarlatti (1685-1757), avec des œuvres de Vivaldi et Corelli, le programme, intitulé Virtuosité baroque, est une pure merveille. On montre ici la virtuosité non pas comme une technique développée au seul service de la gloire de l’interprète, mais comme un des moyens géniaux dont usèrent les artistes italiens pour traduire les mouvements passionnés de leur âme (virtuosité vient du latin virtus JR698.indd 92 Un second DVD du Palais-Royal paru cette année est édité par le festival de Souvigny. Le Palais-Royal en 2013 a joué le Requiem de Campra (et le Super Flumina Babylonis de Delalande). Ce même programme a aussi été un des succès du festival de la Chaise-Dieu cet été 2014. L’énergie et enthousiasme du PalaisRoyal y ont triomphé, et on les retrouve tout à fait dans ce DVD que le festival de Souvigny a eu le bon goût de filmer et d’éditer. Q qui lui-même renferme vir : l’homme. Virtus désigne donc les qualités qui font la valeur de l’homme, moralement et physiquement. Le mot se traduit par courage, mérite, hauts faits mais également vertu, perfection morale). Le programme montre aussi la diversité de ses formes : virtuosité instrumentale avec Corelli, virtuosité vocale avec Vivaldi mais aussi virtuosité du compositeur avec l’exceptionnelle maîtrise de Scarlatti qui atteint des sommets d’émotion grâce à la prouesse d’écriture des dix voix superposées, et non malgré elle. Le concert lui-même est superbe, à tout point de vue. L’impact est très fort, de ce chœur grandiose soutenu par un ensemble instrumental réduit mais au niveau musical très élevé. Notons en particulier le violon vertigineux et extrêmement vivant de la grande Tami Troman, premier violon régulier de l’ensemble. Comme les instruments d’époque, les tenues rouges que revêtent les chanteurs du Palais-Royal pour interpréter ces œuvres sacrées rappellent celles de leurs prédécesseurs dans les chapelles royales. Ces mêmes tenues sont encore aujourd’hui portées par de grands chœurs à travers le monde, comme le chœur de la chapelle Sixtine et les prestigieuses formations chorales des cathédrales anglaises, autrichiennes ou allemandes. Un grand concert de musique vivante à voir, par un ensemble dynamique qui en est un Marc Darmon (83) BRIDGE Gaston Méjane (62) ÉNONCÉS Ce mois-ci une donne de la finale du Comité interclubs d’Anjou à Saumur. NORD { 8 x A V 4 z R D 10 3 y A D 5 4 2 SUD { R V 10 6 4 3 2 x – z V 7 5 y R 10 8 S 3{ – O – – N 4{ E – Ouest entame cœur pour l’As, on défausse un y, on joue {, le 5, le 10 et le 9. Les { sont 4–1 avec A D 7 5 en Est. Peut-on gagner 4{ ? Solutions page 94 24/09/14 11:13 OCTOBRE 2014 • LA JAUNE ET LA ROUGE DISCOGRAPHIE 93 ARTS, LETTRES & SCIENCES DÉLICES ET ORGUES Ciel : Lieu de délices que l’on dit être le Paradis et d’où nous arrivent aussi la pluie, la foudre, la grêle et les bombes. ALBERT BRIE, Le Mot du silencieux Que les orgues se voient prêter un caractère céleste, rien d’étonnant à cela : c’est dans les églises qu’on les trouve en général, alors qu’elles ont déserté aujourd’hui les grands cinémas qui en étaient pourvus à l’époque du muet. Du coup, les compositeurs ont souvent consacré leur musique d’orgue à des œuvres liturgiques ; souvent, mais pas toujours, comme on peut le constater dans deux enregistrements récents. du facteur Cavaillé-Coll, installé en 1869 (et classé monument historique). De Liszt, une œuvre étrange, Les Morts – Oraison, un Ave Maria von Arcadelt minimaliste et séraphique, enfin Einleitung, Fuge und Magnificat aus der Symphonie zu Dante Divina Commedia, puissant mais austère, témoignent d’un art de l’orgue très novateur, peu soucieux de plaire, parfois à la limite de l’atonalité. Les Improvisations et Fantaisies de SaintSaëns du second disque sont de petites pièces peu connues, musique exquise qui ne se prend pas au sérieux et qui constitue un pendant bienvenu aux œuvres profondes et sérieuses précédentes. musiques occidentales et orientales et parcourt la Méditerranée dans le sillage du père Enfantin… et de Delacroix. Son œuvre, dont une « ode-symphonie », Le Désert, comprend de nombreuses mélodies ; le ténor Artavazd Sargsyan accompagné par Paul Montag au piano vient d’en enregistrer une quinzaine 3. Le style est assez proche de celui de Gounod : une musique caractéristique des salons bourgeois de la deuxième moitié du XIXe siècle, sans aucune recherche harmonique ou autre, mais agréable, à écouter en jouant au pharaon ou au whist, en buvant du punch – brûlant, bien entendu. Q Jean Salmona (56) FRANCK, LISZT ET L’ORGUE CAVAILLÉ-COLL D’ÉPERNAY Franck, on le sait, était organiste et professeur d’orgue au conservatoire de Paris, tandis que Liszt, pianiste, ne s’intéressait à l’orgue, avant de devenir abbé, qu’au fil des visites d’églises de ses voyages. Tandis que les pièces pour orgue de Liszt sont essentiellement liturgiques, Franck, lui, a composé surtout des œuvres sans référence religieuse. Liszt écrit pour l’orgue tantôt comme pour le piano, tantôt comme pour l’orchestre, sans se soucier de la registration, alors que Franck indique avec précision les registres à utiliser. Un enregistrement récent par Odile Jutten présente une anthologie d’œuvres des deux compositeurs 1, qui étaient contemporains, et illustre parfaitement bien la différence de traitement de l’instrument. De Franck, le superbe Prélude, fugue et variations en si mineur, la Pastorale, la Fantaisie et le Final en si bémol majeur font appel à toutes les ressources de l’instrument grandiose de Notre-Dame d’Épernay, un des plus beaux JR698.indd 93 C’est sur l’orgue de Saint-Omer que Joris Verdin a enregistré un ensemble d’œuvres posthumes et inédites de Franck 2. Il s’agit d’une quarantaine de pièces courtes, de 17 secondes à 6 minutes, presque toutes à usage liturgique cette fois. Même mineures, elles constituent, pour ceux qui s’intéressent à la musique de Franck, un joli florilège d’une facette méconnue de sa musique. FÉLICIEN DAVID Après plus d’un siècle d’oubli, on redécouvre aujourd’hui le compositeur Félicien David (1810-1876), personnage hors du commun. Ce Provençal renonce à une carrière de notaire pour la musique, « monte » à Paris, devient un saint-simonien actif, se passionne pour le rapprochement entre les 1. 2 CD TRITON. 2. 2 CD RICERCAR. 3. 1 CD PASSAVANT. RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES Jean Moreau de Saint-Martin (56) [email protected] 1. SEGMENT PAR TROIS Sur un segment d’un mètre, on prend au hasard deux points, partageant le segment en trois morceaux. Quelle est la longueur moyenne du morceau le plus petit des trois ? et du plus grand ? 2. RESTES PEU VARIÉS Quelles sont les valeurs possibles pour le reste de la division de (n – 2)! par n ? 3. ARÊTES TANGENTES À quelles conditions existe-t-il une sphère tangente aux 6 arêtes d’un tétraèdre ? Solutions page 97 24/09/14 11:13 OCTOBRE 2014 • LA JAUNE ET LA ROUGE 94 BIBLIOPHILIE ARTS, LETTRES & SCIENCES PSALMANAZAR : LE FAUXRMOSAN En 1704 parut à Londres un ouvrage intitulé An Historical and Geographical Description of Formosa. L’auteur de cette monographie n’avait jamais mis les pieds sur l’île qu’il prétendait décrire, c’est-à-dire Taïwan, dont ce Français probable se disait de plus originaire. Nous le désignerons par le nom figurant dans ses mémoires posthumes, publiés en 1764, George Psalmanazar. On ignore sa véritable identité. Innes et Psalmanazar se rendirent à Londres, où le premier fit passer le second pour un Formosan qu’il avait détourné du paganisme et persuadé d’embrasser la confession anglicane. Psalmanazar s’était inventé des souvenirs et une culture devant lui permettre de faire illusion. C’est ainsi qu’il produisit notamment un alphabet formosan sorti tout droit de son imagination, se contraignant à de laborieux exercices afin de maîtriser l’écriture cursive de son prétendu pays natal – écriture alphabétique tracée de droite à gauche. Il inventa assez de grammaire ainsi qu’un vocabulaire suffisant pour tenir un discours cohérent et ne pas se contredire de façon flagrante. D.R. Psalmanazar décrivait Formose comme japonaise, soutenait que les bonzes japonais s’enseignaient mutuellement le grec et que les Jésuites, après avoir établi la religion chrétienne au Japon et y avoir converti jusqu’à l’empereur Tampoussama, n’en avaient été chassés qu’après la découverte d’une conspiration visant à faire passer la couronne de ce dernier sur la tête du roi d’Espagne. Ses lecteurs apprenaient de plus qu’un dieu cruel exigeait des Formosans qu’ils lui sacrifiassent dix-huit mille de leurs enfants mâles chaque année. Quittant son poste de précepteur, il avait décidé de se faire passer pour Japonais, mû par des considérations matérielles. Le projet réussit, pour surprenant qu’il puisse paraître aujourd’hui, jusqu’à ce que la Providence mît l’un de ses serviteurs, Alexander Innes, sur le chemin de Psalmanazar. Cet aumônier anglican décela la supercherie mais, plutôt que d’exhorter le coupable à se détourner des voies du mensonge, il l’encouragea à s’y perfectionner. JR698.indd 94 Si tout le monde ne fut pas dupe, Psalmanazar trouva des défenseurs, parfois irréductibles, tant dans le clergé que parmi l’aristocratie. La bienveillance de l’Église à l’égard du prosélyte Innes le fit du reste nommer chapelain général des troupes britanniques au Portugal. Psalmanazar finit toutefois par révéler l’escroquerie et connut à la fin de sa vie Samuel Johnson, qui louait en lui un homme des plus sages et l’un des étrangers qui sût le mieux l’anglais. Sur l’initiative de René Viénet, les Taïwanais du XXIe siècle peuvent lire une traduction chinoise de la Description et la revue Monde chinois a publié une traduction d’un extrait des Mémoires. Ces derniers sont malheureusement toujours inédits en français, bien que Philarète Chasles en eût déjà traduit quelques pages. On n’a de plus peut-être pas assez lu la Description comme l’œuvre d’un auteur. Si son intérêt réside avant tout dans la nature de l’entreprise qu’elle se proposait d’accréditer, Psalmanazar n’était pas pour autant dénué d’avis pertinents sur bien des points, et les considérations qu’il livre sur la religion, le goût du luxe en Europe, le système éducatif, les superstitions ou l’armement ne sont pas sans valeur. Il me semble qu’on gagnerait à les lire comme émanant, non du prétendu Formosan, mais de l’homme dont il a toujours refusé de révéler l’identité. Q Jonathan Chiche (2005) SOLUTIONS DU BRIDGE On joue z, on donne l’As de z, Jonathan Chiche (2005) on coupe 2 x puis Roi de y, As de y et Dame de y à 4 cartes, il reste : NORD { – x – z 3 y D 5 4 SUD { R V 6 4 x – z – y – Est ne fait que 2 atouts. 4{ = OUEST { 9 x D 9 8 z A 6 4 y V 9 7 EST { A x R z 9 y 9 D 7 5 10 6 4 8 2 6 24/09/14 11:13 OCTOBRE 2014 • LA JAUNE ET LA ROUGE LIVRES 95 ARTS, LETTRES & SCIENCES LETTRES À MON MARI DISPARU (1915-1917) USAGES ET USAGERS DE LA ROUTE Marguerite Cadier-Reuss Préface de Paul Reuss Jr (60) L’Harmattan – Coll. « Mémoires du XXe siècle », série « Première Guerre mondiale » – 2014 REQUIEM POUR UN MILLION DE MORTS : 1860-2010 « Je vais peut-être faire quelque chose de très bête… Chaque soir, je veux copier dans ce cahier une de tes lettres… » Après la mort de Paul, son mari tué en septembre 1914, Marguerite commence un journal personnel qu’elle mêle avec leurs lettres d’avant-guerre. Celles-ci sont tendres, parfois sensuelles. L’écriture de la jeune épouse est charmante, primesautière. Les lettres du mari sont plus graves. La partie « journal » est bouleversante. La veuve de 27 ans, mère de trois enfants, se débat dans l’épreuve : « La réalité est si horrible qu’elle m’écrase. » Elle assure le disparu que leur relation reste vivante : « Tout le temps, je te parle intérieurement… » et fait preuve d’une impressionnante lucidité existentielle : « La mort est apparue et nous avons compris qu’elle est souvent moins redoutable que la vie… » Historiquement, ce livre évoque la vie des veuves de guerre confrontées à de grandes difficultés personnelles, sociales et économiques. Psychologiquement, il témoigne du vécu de toutes les personnes confrontées au deuil d’un être cher, surtout un conjoint : révolte, détresse, difficultés de se détacher du passé. Existentiellement, il pose la question de la « présence » du disparu souvent ressentie par le survivant. Comme si l’amour vécu autrefois demeurait vivant dans l’épreuve. Le livre comprend une préface historique de Paul Reuss Jr, un petit-fils de Marguerite, et des lettres écrites du front par le mari au début de la Grande Guerre. Q François Delivré (67) L’Harmattan, 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris. www.harmattan.fr JR698.indd 95 Jean Orselli (62) Paris – L’Harmattan – 2011 Il est rare qu’un polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées, soutienne une thèse d’histoire, comme Jean Orselli, en 2009, qui en a tiré ce livre. Dans une approche à la fois technique, économique, sociale, administrative, politique et statistique, il examine l’évolution des trafics, la géographie de la motorisation, la coordination des transports, la réparation des accidents, les réseaux routiers, l’exploitation de la route, l’industrie automobile, la fiscalité des véhicules, en terminant par l’histoire des acteurs qui influencent l’opinion, constructeurs d'automobiles et leurs alliés industriels, presse et associations d’usagers. La partie consacrée à l’époque de la traction attelée et de l’apparition des transports mécaniques routiers (1860-1921) se nourrit de multiples sources et mentionne nombre de faits souvent oubliés ou méconnus. Ainsi, à la fin du XIXe siècle, la voiture attelée était bien plus chère qu’on ne pourrait le penser, mais la bicyclette était bien meilleur marché qu’on ne l’imagine. L’accident de la circulation était presque toujours un « accident à un seul véhicule », les conducteurs des véhicules auteurs de l’accident représentaient 61 % du total des tués. L’ampleur de la croissance des déplacements routiers entre 1939 et 2009 dépend de l’indicateur utilisé : le parc a été multiplié par 14,5 ; le trafic routier par 20 ; le taux de motorisation par 10 ; la « mobilité tous modes » d’un individu par 7. Toutefois, la « mobilité routière » d’un individu entre 1939 et 2009 a été multipliée par 8,4 (soit un accroissement de 3,1 % par an), plus lentement qu’au cours des vingt ans de l’entre-deux-guerres pendant lesquelles elle a triplé (soit 5,6 % par an). La sécurité routière occupe une place de choix dans cette étude. Jean Orselli en montre les différentes étapes, les diverses composantes, les doctrines législatives et institutionnelles. L’indice qu’il emploie, « usagers des automobiles tués par milliard de véhicule.km », a chuté de 37,8 à 10,0 entre 1960 et 2000. Il adosse l’histoire des accidents de la route à l’analyse des statistiques tenues depuis 1954. Selon lui, nombre de phénomènes indépendants du comportement des conducteurs ont été négligés pour expliquer la baisse du nombre des victimes, notamment les « facteurs structurels » : améliorations de l’infrastructure et des véhicules, effets de l’apprentissage individuel sur « l’apprentissage collectif », diminution du « taux d’occupation des véhicules », amélioration du secours aux accidentés et du traitement médical des traumatismes dus aux accidents. Ces mécanismes ont été responsables de bien plus des deux tiers de l’amélioration de l’indice de sécurité des usagers de l’automobile depuis 1960. L’auteur conclut qu’il reste donc des pistes inexplorées en France au-delà de la politique actuelle de durcissement du contrôle-sanction développée depuis 2002. La mise en place d’une « route qui pardonne les erreurs » par la suppression des obstacles de bord de route ou leur neutralisation par des barrières serait certainement la meilleure des voies pour déplacer l’asymptote de la courbe d’apprentissage, comme le montre l’exemple de la Suède.Q Gérard Blanc (68) LE BONHEUR REGARDE À DROITE Hervé Mariton (77) Les Éditions du Cerf – 2014 Le temps des ingénieurs en politique ? Dans son dernier ouvrage, Hervé Mariton, député de la Drôme et candidat à la présidence de l’UMP, tente de 24/09/14 11:20 OCTOBRE 2014 • LA JAUNE ET LA ROUGE 96 LIVRES ARTS, LETTRES & SCIENCES répondre à la question : « Qu’est-ce qu’être de Droite aujourd’hui ? » La réponse apportée s’inscrit à rebours des grandes catégories traditionnelles chères à la science politique. Ce qui l’intéresse, c’est ce qui fait l’unité de la Droite. Il existe, pour lui, une Droite du charbonnier, c’est-à-dire un corpus de valeurs et d’idées qui apparaît comme premier et presque évident aux sympathisants de Droite sans qu’il soit nécessaire de trop intellectualiser. Cette Droite est à la fois libérale et conservatrice. Un libéralisme fondé sur la libre initiative et la responsabilité individuelle, mais expurgé de toute référence individualiste et matérialiste. Un conservatisme qui se traduit avant tout par le respect dû aux constructions sociales héritées du passé et par une volonté de les transmettre aux générations suivantes. Hervé Mariton se pose également volontiers comme ingénieur en politique. Il souhaite « éclairer plutôt que briller », « faire plutôt que faire semblant », convaincu que seul le travail permet la justesse et la pertinence des engagements politiques et que si « l’État ne peut pas tout, l’État, surtout, ne peut pas faire n’importe quoi ». Sa vision heureuse de la politique résulte de sa conviction profonde que les cellules de base de la société, en particulier la famille et l’entreprise, sont solides et fécondes. L’État doit s’appuyer sur elles plutôt que de participer à leur affaiblissement, afin de pouvoir construire cette Big Society, chère à nos voisins britanniques. Q La première partie est une sorte d’éloge des prépas : au cours de ces trois années, Patrice nous relate comment il a découvert l’amour… l’amour du travail qui produit des résultats, l’amour de la vie et la complémentarité des sexes, le goût prononcé de l’indépendance grâce à des parents compréhensifs, les prépas c’est l’antichambre du paradis. Puis c’est Polytechnique, l’occasion de s’intéresser à bien d’autres choses qu’aux études, c’est néanmoins très formateur pour la vie future. Arrive enfin l’année de service militaire. Patrice, qui se déclare antimilitariste, rejoint la Marine. Le passage dans cette arme le fait changer d’avis, même si ses convictions restent très fortes. Ce livre rappellera de nombreux souvenirs à ceux qui ont fréquenté l’École dans ces années entre la fin de la guerre d’Algérie et le déménagement à Palaiseau ; pour les plus jeunes, ils apprendront des détails de la vie quotidienne sur la Montagne Sainte-Geneviève. Le livre offre aussi, sur de nombreuses personnes, des jugements parfois sans complaisance. Certainement à lire ! Q Jean Netter (65) Vincent Le Biez (2004) www.amazon.fr Éditions du Cerf, 24, rue des Tanneries, 75013 Paris. Tél. : 01 80 05 36 36. www.editionsducerf.fr LETTRES À RENÉ-JEAN 1962-1968 BIBLIOTHÉCAIRE, CRITIQUE D’ART ET CONSERVATEUR FRANÇAIS SIX ANS POUR GRANDIR Patrice Urvoy (65) Amazon – 2014 Ce livre de notre camarade Patrice Urvoy est une autobiographie qui démarre avec les classes préparatoires aux grandes écoles (lycée Louis-le-Grand) et s’achève six ans plus tard à l’issue du service militaire d’une année, qui faisait alors suite aux deux années d’études à Polytechnique. JR698.indd 96 Alexis Gritchenko (École de Paris) Lettres choisies et présentées par Sylvie Maignan et Jean Bergeron L’Harmattan – 2014 Après un début de carrière comme peintre et théoricien de l’art à Moscou, puis quelques années d’errance, le peintre ukrainien, Alexis Gritchenko, arriva à Paris au début des années vingt. Il s’intègre rapidement parmi les artistes de l’École de Paris et expose au Salon d’automne. Là, il rencontre RenéJean, critique à Comœdia et par la suite au Temps puis au Monde. C’est le commencement d’une solide amitié. Perpétuel voyageur, Gritchenko fait partager ses enthousiasmes à son ami parisien et fait appel à lui pour résoudre ses problèmes. Dans un style vivant et coloré, ces lettres sont le reflet de la vie du peintre avec ses succès et ses aléas. Q Jean Bergeron et Sylvie René-Jean, épouse de Maignan (52) PEAU VIVE Gérald Tenenbaum (72) Éditions de la Grande Ourse – 2014 Notre camarade Gérald Tenenbaum (72) est mathématicien, professeur à l’Institut Élie Cartan Nancy, reconnu pour ses travaux dans les domaines de la théorie des nombres et de l’analyse. Mais, et c’est remarquable, Gérald Tenenbaum mène en parallèle une carrière littéraire. Publié depuis 2002 (Rendez-vous au bord d’une ombre), il publie cette année son 7e roman : Peau vive. Extrait du blog Lily et ses livres d’Anne Cloitre : « Biologiste à l’INSERM, Ève a trentesept ans. Elle vit seule sans pouvoir toucher ni être touchée. Il y a bien André, l’ami d’enfance, qui l’attend, amoureux, mais pour combien de temps ? Peau vive est une histoire de chair et d’incarnation. Comment entrer 26/09/14 13:59 OCTOBRE 2014 • LA JAUNE ET LA ROUGE 97 ARTS, LETTRES & SCIENCES dans sa propre vie quand tout un pan du passé vous l’interdit ? Les non-dits familiaux se passent de mots pour devenir des maux qui se transmettent. Yankel son père qu’on appelle Jean, résistant dès le plus jeune âge et dont les parents ne sont pas revenus, est quitté par sa femme sur ces paroles qui pèseront lourd : – Ces blessures-là ne se referment pas… Du sang qui part en fumée, je ne sais pas faire. Vous, vous êtes sa chair, c’est différent. Vous saurez peut-être… Oui, vous saurez, forcément. Et c’est paradoxalement par la force et dans le feu qu’Ève va trouver une deuxième chance. En retard à la séance du film La Dernière Tentation du Christ, elle s’installe dans une salle voisine mais n’échappe pas à l’attentat et à l’incendie qui la laissent inanimée. Sauvée par ce passant, ombre récurrente du livre, elle sombre dans le coma. À son réveil, elle décide d’aller de l’autre côté du mur de Berlin… Ève, quasi brûlée vive, garde l’espoir de retrouver le sens, le goût, une alliance avec la vie, symbolisée par ces trois petits grains de beauté tissés sur sa peau, un minuscule triangle qu’elle porte sur le bras. Ces trois grains de mémoire qu’elle emporte partout sont comme les cailloux du conte ou ceux qu’on pose sur les tombes… Et l’ange gardien à l’écharpe rouge de traverser son existence une nouvelle fois comme par hasard au milieu du chaos. Quant à la filiation de l’engagement, l’héritage impossible à assumer, le sujet n’avait à son goût été qu’effleuré… En franchissant le mur, Ève affronte sans armure ce qui la maintenait hors du monde. Il y aura bien derrière le mur un rendez-vous. Chaque roman de Gérald Tenenbaum est empreint de son amour des mots et de la poésie, tout résonne et prend sens, les fils tissés serrés entre mémoire, filiation et ouverture aux autres et à la vie. » Q JR Éditions de la Grande Ourse, 39, rue Cortambert, 75116 Paris. www.editionsdelagrandeourse.com JR698.indd 97 SOLUTIONS DES RÉCRÉATIONS SCIENTIFIQUES 1. SEGMENT PAR TROIS Le partage aux abscisses x et y correspond à une répartition uniforme du point (x, y) dans le carré unité. Une fois sur deux, x < y ; une fois sur six, les trois morceaux se rangent en ordre croissant sur le segment. Ces conditions s’écrivent x < y – x < 1 – y et définissent dans le carré unité un triangle de sommets (0, 0), (0,1/2) et (1/3, 2/3) ; son aire est 1/12 et son centre de gravité (1/9,7/18). Les moyennes de x, y – x, 1 – y sont respectivement 1/9, 5/18 et 11/18. Les autres cas se ramenant à celui-là, les longueurs moyennes demandées sont 1/9 et 11/18. 2. RESTES PEU VARIÉS Si n est le produit pq de facteurs inégaux, ceux-ci figurent parmi les facteurs de (n – 2)! qui est donc multiple de n. Si n est un carré r 2 > 4, r et 2r figurent parmi les facteurs de (n – 2)! qui est donc multiple de n, le reste de la division est encore 0. Si n = 4, (n – 2)! = 2 et le reste est 2. Mais si n est premier, les entiers de 2 à n – 2 peuvent être groupés en paires (x, y) avec n divisant xy – 1 ; (n – 2)! est de la même forme kn + 1 que les facteurs xy, d’où le reste 1. Les restes possibles sont donc 2 (n = 4), 0 (n composé > 4), ou 1, qui caractérise les nombres premiers (théorème de Wilson). 3. ARÊTES TANGENTES À chaque sommet correspond une longueur des tangentes menées de ce sommet à la sphère. La somme de ces quatre distances est la somme des longueurs de deux arêtes opposées. Il est donc nécessaire que la somme de ces longueurs ne dépende pas de la paire d’arêtes choisie. Cette condition est suffisante. En effet, elle entraîne que les cercles inscrits aux faces touchent l’arête commune à deux faces au même point : AB + AC – BC = AB + AD – BD, double de la distance de A au point de contact de AB avec les cercles inscrits aux triangles ABC et ABD. Ceux-ci définissent une sphère (centrée à l’intersection de leurs axes) ; elle est tangente aux arêtes autres que CD ; son intersection avec le plan ACD est un cercle tangent à AC et AD aux points de contact du cercle inscrit au triangle ACD : ces deux cercles sont confondus et la sphère est tangente à l’arête CD aussi. POST-SCRIPTUM À « MÉDIASEGMENTS » (LA JAUNE ET LA ROUGE DE JUIN-JUILLET 2014) Jean-Nicolas Pasquay (54) étend la question aux symédianes (symétrique de la médiane par rapport à la bissectrice issue du même sommet) et démontre que si deux symédianes sont égales, le triangle est isocèle. POST-SCRIPTUM À « TRIPARTITION » (LA JAUNE ET LA ROUGE D’AOÛT-SEPTEMBRE 2014) Voici une solution récente en six morceaux (publiée en 2010 par Christian Blanvillain), élégante par sa symétrie. Il en existe d’autres, par exemple une où l’un des trois carrés est formé d’un seul morceau. 24/09/14 11:13
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