Tâche et activité Comment les élèves construisent leurs compétences Comment les élèves se représentent les tâches que proposent les enseignants ? Quelle activité engagent-ils pour résoudre les problèmes qui se posent à eux ? Stage PRF du 17 au 19 septembre 2014 (Bogota - Colombie) Michel BOURBAO - Conseiller pédagogique zone AMSUD & docteur en Sciences de l’éducation 1 Plan Une culture partagée au sein de la zone AMSUD Les concepts de tâche et d'activité (approche ergonomique) La tâche selon Famose (approche EPS) Les mutations de la tâche (entre ce que souhaite l’enseignant et ce que les élèves réalisent effectivement : l’activité réelle de chacun) Les situations problèmes (approche mathématique) ZPD et étayage Discussion, échanges Michel Bourbao - Bogota 2014 2 Tâche et activité (approche ergonomique) Ombredane et Faverge (1955) ont été les premiers à distinguer ce que doivent faire les individus : le quoi, de ce qu’ils font réellement : le comment. « Qu’est ce qu’il y a à faire et comment les travailleurs que l’on considère le font-ils ? » Leplat et Hoc (1983) ont affiné cette distinction en distinguant la tâche de l’activité. « La tâche indique ce qui est à faire, l’activité, ce qui se fait. La notion de tâche véhicule avec elle l’idée de prescription, sinon d’obligation. La notion d’activité renvoie, elle, à ce qui est mis en jeu par le sujet pour exécuter ces prescriptions, pour remplir ces obligations » Michel Bourbao - Bogota 2014 3 Tâche et activité (2) Les tâches se dissimulent derrière la consigne… La tâche correspond donc à ce qui est à faire, elle est définie par un but à atteindre et les conditions dans lesquelles ce but doit être atteint (dispositif à respecter, opérations à réaliser…). La tâche est plus ou moins ouverte ou fermée. Énoncer des critères de réussite aide l'élève à percevoir ce qui est attendu de lui. L’activité correspond à ce qui est effectivement mis en œuvre par l’élève pour exécuter la tâche prescrite. Michel Bourbao - Bogota 2014 4 La tâche en EPS Selon Famose Tâche : fermée semi fermée semi ouverte ouverte dispositif X X X X but X X X critère(s) de réussite X X opération(s) à réaliser X 1) exemple 1 : traversez sur la poutre, en marchant lentement (pieds nus), sans poser le pied par terre et en s'équilibrant avec les deux bras ouverts. 2) exemple 2 : traversez la salle (sans poser le pied par terre), en utilisant le matériel que vous voulez. 3) exemple 3 : utilisez ce gros tapis en mousse incliné. Michel Bourbao - Bogota 2014 5 Passation de consignes D’après des observations de Joël Clanet (2002), les enseignants formulent environ 24 consignes par heure (minimum : 0, maximum : 92). Soit en moyenne une consigne toutes les 2 minutes 30 secondes. Les consignes ne sont pas toutes liées aux situations d’apprentissage. Elles concernent très souvent la conduite de classe et les comportements des élèves. Michel Bourbao - Bogota 2014 6 Le point de vue de l'élève « L’activité, ce n’est pas simplement l’application des prescriptions, c’est la capacité donnée à ceux qui travaillent de faire du prescrit en le redéfinissant comme une ressource pour faire ce qu’ils ont à faire quand ils travaillent et pas forcément, d’ailleurs, ce qui avait été prévu. » (Ouvrier-Bonnaz, 2007) Léontiev (1984) définit la tâche comme le rapport entre des buts (ce que je veux faire, ce que je vise) et les moyens dont je dispose pour atteindre les buts que je me fixe. Michel Bourbao - Bogota 2014 7 La tâche à réaliser (attendue) La tâche à réaliser ou tâche attendue (conçue pour les élèves) relève de la compétence de l’enseignant. Elle correspond à ce qu’il imagine que les élèves vont devoir ou pouvoir faire. « La tâche à réaliser est une notion hypothétique : c’est ce que celui qui a conçu ou qui gère la tâche attend de celui qui va la réaliser. » (Leplat, 1997, 18). Elle correspond au contenu réel des attentes du prescripteur (Rogalski, 2003, 350). La tâche à réaliser par les élèves est alors conçue par l’enseignant à partir de l’interprétation qu’il se fait de la prescription qu’il reçoit : a priori les programmes... Michel Bourbao - Bogota 2014 8 La tâche prescrite C’est une formulation de la tâche à réaliser destinée à celui qui doit l’exécuter. « La tâche prescrite porte la marque de la représentation que se fait son concepteur des opérateurs qui vont l’exécuter. En particulier, la manière dont est exprimée cette tâche, la part d’implicite qu’elle contient dépendent de la compétence supposée de ceux qui auront à la réaliser. » (Leplat, 1997, 19). En fonction des compétences supposées, la tâche prescrite précise plus ou moins ce que l'élève doit faire, ce qu’il y a à faire, le but à atteindre et les conditions dans lesquelles ce but doit être atteint. Michel Bourbao - Bogota 2014 9 La tâche représentée Elle appartient à l’univers mental de chaque élève. Cette représentation s’élabore pendant la passation de consignes mais pas seulement. Chacun possède déjà ses propres savoir-faire liés à son expérience d’élève et de personne. L’élève n’est jamais un simple exécutant, comme l’adulte, chacun se représente ce qu’il y a à faire à partir des indices qui lui semblent évocateurs et pertinents. Il peut se fier à ce qu’il lit, voit, observe, anticipe, croit, imagine, comprend, sait déjà, pressent… La tâche représentée peut ainsi correspondre à la réponse à cette question : « Qu’est-ce que vous croyez qu’on attend de vous ? » (Leplat, 1997, 25). Michel Bourbao - Bogota 2014 10 La tâche redéfinie L’élève et la tâche sont plus ou moins bien adaptés l’un à l’autre. Que veut réellement faire l’élève ? De quels moyens dispose-t-il pour atteindre les buts qu’il se fixe ? Chacun redéfinit sa propre tâche, en partant de la tâche prescrite telle qu’il se la représente. Sont aussi pris en compte : l’envie de faire, les motivations, la confiance éprouvée en soi, la place tenue dans le groupe classe, l’humeur, l’état physique et mental du moment, etc. L’individu arbitre ainsi entre « ce qu’on lui demande de faire et ce que ça lui demande » (Saujat, 2006). Il réalise un compromis entre l’attendu et ce qu’il voudrait faire. Michel Bourbao - Bogota 2014 11 La tâche actualisée Dès que l’élève se met en activité, il se confronte à la tâche et peut se rendre compte que ce qu’il vit réellement est différent de ce qu’il avait imaginé. Il peut ainsi faire évoluer sa représentation de la tâche et la redéfinir une nouvelle fois, voire à plusieurs reprises… La tâche actualisée correspond ainsi au produit de l’interaction entre l’élève et la tâche rendue opérationnelle pour une exécution singulière. L’élève et la tâche s’en trouvent ainsi mutuellement influencés (possibilité d’apprentissage). VIDEO 2’36 Michel Bourbao - Bogota 2014 12 La tâche effective (effectuée et éventuellement observable) Elle correspond à ce que l’élève a effectivement réalisé. Elle peut partiellement être déduite à partir de l’observation de l’activité de l’élève, ce qu’il fait effectivement, ou du produit final de son activité. . Le produit qui est obtenu de l’activité (final ou intermédiaire) peut témoigner des buts et des conditions qui ont réellement été pris en compte par l’élève. Michel Bourbao - Bogota 2014 13 Écarts entre tâche prescrite et tâche effective Les écarts entre les différents types de tâches peuvent avoir plusieurs origines : des écarts sur les buts (ou les sous-buts) ou des écarts sur les conditions d’exécution ; des écarts liés à des anomalies : compétences insuffisantes, événements imprévus survenus en cours d’exécution, mauvaise évaluation de sa propre activité par l’élève qui croit à tort avoir exécuté la tâche qu’il s’était définie… Il peut y avoir écart par réduction, adjonction, ou substitution. Michel Bourbao - Bogota 2014 14 La tâche réalisée (ses effets sur l'élève) L’activité qui vient de s’achever ne se résume pas seulement à ce qui a été fait et réalisé, mais aussi à ce qui a transformé l’élève (apprentissage). L’activité a pu être contrariée, suspendue ou empêchée : « ce qu’on ne peut pas faire, ce qu’on cherche à faire sans y parvenir - les échecs -, ce qu’on aurait voulu ou pu faire, ce qu’on pense ou qu’on rêve pouvoir faire ailleurs. Il faut y ajouter - paradoxe fréquent - ce qu’on fait pour ne pas faire ce qui est à faire ou encore ce qu’on fait sans vouloir le faire. Sans compter ce qui est à refaire. » (Clot, 1999, 119). Michel Bourbao - Bogota 2014 15 Tâche et activité (inspiré de Leplat, 1997) De la tâche « à réaliser » prévue par l’enseignant à la tâche réalisée par/pour l’élève. Michel Bourbao - Bogota 2014 16 Un élève ne fait jamais « n’importe quoi »… Vidéo tournée en mai 2011 pendant le temps d’accueil du matin, dans la classe de MS-GS de Claudy (19’04). Une tâche seconde CP (6’12) Une tâche seconde GS (1’40) Michel Bourbao - Bogota 2014 17 La situation problème (1) Qu'est-ce qu'une situation problème ? • Une situation d'apprentissage • Un moyen d'apprentissage et non le résultat. • Une stratégie d'enseignement qui favorise l'engagement des élèves. • Elle permet la construction des savoirs. • C'est une tâche : globale, complexe et signifiante. « Un sujet, en effectuant une tâche, s'affronte à un obstacle. » Meirieu Michel Bourbao - Bogota 2014 18 La situation problème (2) caractéristiques L’élève doit pouvoir s’engager dans la tâche. commentaires Il peut se représenter la tâche. Il peut la comparer avec une tâche qu'il a déjà exécutée. Les connaissances de l'élève sont en A l'inverse d'un exercice d'application principe insuffisantes pour qu'il où l'élève applique une procédure puisse résoudre immédiatement le déjà connue. problème. La situation-problème doit permettre à l'élève de décider si une solution est convenable ou pas. Avec ses connaissances actuelles, l'élève peut empiriquement valider le résultat. La connaissance visée doit être l'outil l'élève accepte de changer sa façon le plus adapté pour la résolution du de faire seulement s'il est convaincu problème, au niveau actuel de l'élève que la méthode proposée est plus efficace. Michel Bourbao - Bogota 2014 19 La ZPD (zone proximale de développement) La zone proximale de développement (ZPD) correspond à la marge de développement dont dispose un individu si on l’aide (Vygotski). Michel Bourbao - Bogota 2014 20 L’étayage (Bruner) L’étayage désigne « l’ensemble des interactions d’assistance de l’adulte permettant à l’enfant d’apprendre à organiser ses conduites afin de pouvoir résoudre seul un problème qu’il ne savait pas résoudre au départ ». L’adulte prend en charge les éléments de la tâche que l’enfant ne peut réaliser seul. Il a 6 fonctions : L’enrôlement La réduction des degrés de liberté Le maintien de l’orientation La signalisation des caractéristiques déterminantes Le contrôle de la frustration La démonstration ou présentation de modèles Michel Bourbao - Bogota 2014 21 Merci pour votre attention Michel Bourbao - Bogota 2014 22 Bibliographie (1) Bourbao, M. (2008). Peut-on former les maîtres à la conduite de classe ? Interface n° 4, revue de l’association nationale des conseillers pédagogiques, 5-9. Clanet, J. (2002). Gestion et organisation de l’interaction maître-élève. Note de synthèse pour Cognitique, "Programme Ecole et Sciences Cognitives" : Les stratégies de l’enseignant en situation d’interaction. Grenoble, 77109. Clot, Y. (1999). La fonction psychologique du travail. Paris : PUF. Leplat, J. (1997). Regards sur l’activité en situation de travail. Contribution à la psychologie ergonomique. Paris : PUF. Leplat, J., & Hoc, J.M. (1983). Tâche et activité dans l’analyse psychologique des situations. Cahiers de psychologie cognitive, 3, 49-64. Leontiev, A. (1984). Activité, conscience, personnalité. Moscou : Editions du Progrès. Michel Bourbao - Bogota 2014 23 Bibliographie (2) Ombredane, A., & Faverge, J.M. (1955). L’analyse du travail : facteur d’économie humaine et de productivité. Paris : PUF. Ouvrier-Bonnaz, R. (2007). Le métier résiste à l’analyse, il n’est pas simple d’en parler. Conférence à l’Académie de Reims. Récupéré de : Raynal, F. & Rieunier, A. (1997). Pédagogie : dictionnaire des concepts clés. Paris : ESF (4ème édition 2003) Rogalski, J. (2003). Y a-t-il un pilote dans la classe ? Une analyse de l’activité de l’enseignant comme gestion d’un environnement dynamique ouvert. Recherches en Didactique des Mathématiques, 23(3), 343-388. Saujat, F. (2006). Accompagnement des enseignants. Conférence donnée le 13 Septembre au séminaire départemental IEN, CPC, CPD, PIUMF, IPEMF de Haute-Savoie à l’IUFM de Bonneville. Michel Bourbao - Bogota 2014 24 Problème Lors de la fête de la Saint Jean, les scouts de Provence ont organisé un feu sur la place de la commune de Cadenet. Avec le Mistral, des flammes se sont propagées et ont brûlé 100 hectares de pins, un bois de chênes mesurant 500m sur 200m et une hêtraie de 5000 ares. Sachant que le terrain boisé se négocie à 5 euros le m2 et que le terrain défriché vaut 100 euros le m2, calculez le bénéfice que les scouts ont fait réaliser aux promoteurs qui étaient propriétaires des terrains. Michel Bourbao - Bogota 2014 25
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