15 JEUDI 27 NOVEMBRE 2014 BUSINESS Choisis ton camp camarade ! Avec des taux d’adhésion de 60 à 100%, les syndicats de sportifs en France séduisent leurs troupes… quand ils existent. Tour d’horizon des disciplines plus ou moins motivées. ON LES MONTRE du doigt.On les dit déconnectés de la réalité, privilégiés et égocentriques. Pourtant les sportifs enFrance affichent des taux de syndicalisation à faire pâlir les syndicats traditionnels (seuls 7,7 % des salariés français sont syndiqués en 2012 selon l’OCDE). Dans les années 1960, les footballeurs et les cyclistes ont ouvert la voie. Sous l’influence de la tradition familiale, pour ces fils d’ouvriers, et de l’esprit d’équipe qui imprègne leur discipline. Ce n’est pas un hasard si un des rares sports individuels motivés (*) est aussi celui où l’on partage ses prix avec le mécano, les assistants… Pour mobiliser et faire évoluer le statut des sportifs, il faut aussi de l’argent ou des bénévoles, du temps et des locomotives comme N’Jo-Léa, Fontaine (football), Bobet, Anquetil (cyclisme), Monclar, Dacoury (basket), Ntamack, Simon (rugby)… C’est ce qui manque au volley, seul sport co majeur jamais syndiqué. CYCLISME UNION NATIONALE DES CYCLISTES PROFESSIONNELS Taux de syndicalisation : 100 % des coureurs professionnels. Création : 1957 (UCPF) puis 1963. Adhérents : 140. Cotisation automatique : financée par 3 % des prix distribuées sur le territoire français et par l’intégralité des primes distribués lors des Championnats de France. Président : Pascal Chanteur. Budget : 100 000 euros. (*) En tennis, l’UNJPT, présidée par Nicolas Escudé et l’UTF (Camille Pin) regroupent plus de cent adhérents. FOOTBALL UNION NATIONALE DES FOOTBALLEURS PROFESSIONNELS Taux de syndicalisation : 95 % en Ligue 1. Création : 1961. Adhérents : 1 850 (en cours). Cotisation volontaire : 290 €. Président : Philippe Piat. Budget : 9 M€. LUNDI ENTRETIEN N MARDI AUTOMOBILE E MERCREDI PORTRAIT JEUDI BUSINESS VENDREDI PHOTOMONTAGES Si tous les joueurs présentés sont bien adhérents des syndicats auxquels nous les avons reliés, les cartes et numéros d’adhérents reproduits sont fictifs. BASKET NOSTALGIE RENDEZ VOUS Les démotivés Les motivés LES CYCLISTES font l’objet d’une syndicalisation… obligatoire. « C’est une population jeune. Souvent certains jouent sur leur immaturité, observe Pascal Chanteur, président de l’Union nationale des cyclistes professionnels (UNCP). À vingt ans, vous pensez plus à votre état de forme qu’à la défense de vos droits. Ils sont dilettantes et ce modèle leur convient tout à fait. » L’UNCP se veut « un syndicat de services ». Il revendique, pour les cyclistes français (1), « la meilleure garantie salariale du peloton international », intervient sur des dossiers d’équipes mettant la clé sous la porte (Véranda Rideau-U, Sojasun…) et, comme les autres, a développé un volet reconversion. Faute d’un budget suffisant, l’UNCP n’a pas de salariés. L’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP) en compte une cinquantaine et ses délégués visitent les clubs de L1 et L2 quatre à cinq fois par an. Parmi les services mis en place en un demi-siècle : l’assurance, après la mort de l’international Omar Sahnoun en 1980 (2), ou le placement financier, après la ruine de joueurs par des margoulins... Dans ses locaux parisiens, l’UNFP héberge ses homologues du hand (AJPH) et du basket (SNB), dont le directeur Jean-François Reymond boucle sa tournée d’adhésion des trente-six clubs l Pierre Lahalle, Franck Faugère, Alain Mounic, Richard Martin, Stéphane Mantey L’Équipe professionnels entamée le 17 août. Tout en suivant l’affaire du jeu vidéo NBA 2K 2015, qui utilise l’image des joueurs, ou les dossiers de joueuses enceintes « dont on suspend le contrat de travail ou à qui l’on enlève les avantages en nature. » Pour le rugby, un vrai métier depuis seize ans, Provale cible ses actions sur la gestion financière ou la santé. « Est-ce que nos joueurs dans vingt ans seront en bonne santé ? » interroge ainsi son directeur Gaël Arandiga. (1) Les cyclistes étrangers des équipes françaises ne sont pas concernés. (2) Lors d’une crise cardiaque à l’entraînement avec les Girondins. Les pas motivés LA PLUPART des sports individuels ignorent le syndicalisme. Chez les nageurs, Frédérick Bousquet a participé à une manifestation aux Jeux de Sydney 2000 (banderole de soutien à Roman Barnier contre la Fédération) et à une grève à l’Open de Paris 2008 pour protester contre l’absence de Marseillais dans le staff aux Jeux : « Ça n’a pas vraiment pris. On a déjà du mal à afficher une volonté commune sur certains points vis-à-vis de la Fédération…» Plus étonnant, le volley, la discipline autoproclamée «sport le plus collectif des sports co», n’a également jamais connu de syndicat. Vincent Duhagon, capitaine du Stade Poitevin, est le dernier à avoir tenté l’aventure, en 2008. Il représentait les joueurs auprès de la Ligue «dans l’idée de faire en sorte que les volleyeurs se regroupent. Trop peu ont répondu. Il est toujours plus facile de consommer que de s’impliquer. Ça vient avant tout d’un manque d’intérêt des anciens, des leaders de l’équipe de France. On n’intègre pas les bons wagons comme le basket et le hand l’ont fait.... On a une génération dorée (la France a terminé quatrième des derniers Mondiaux) et on ne s’en sert pas. » Et en cas de pépin ? L’arrêt brutal de carrière d’un joueur sans assurance ? Son nom ayant circulé, Duhagon a reçu des appels de volleyeurs « alors qu’ils n’avaient jamais répondu à mes sollicitations. C’est toujours pareil, quand on est dans la merde, on s’inquiète. C’est chacun pour sa gueule… » « Hélas, ils « Au début, mon avis ne comptait pas forcément » ÉMERIC PAILLASSON, handballeur du Chartres MHB 28 (Pro D 2) et président bénévole de son syndicat depuis juin 2012, évoque les difficultés qu’il a rencontrées dans cette fonction. « COMMENT ÊTES-VOUS devenu président ? – On m’a plus ou moins demandé si je voulais reprendre le syndicat. Je n’ai pas eu besoin de mener campagne. Faut pas croire que ce soit un poste hyper brigué ! Je me suis lancé parce qu’il y avait des combats à mener (congés payés, assurances, tests médicaux…). Et alors ? – C’est un investissement. Quand je ne suis pas à l’entraînement, je m’occupe du syndicat. C’est un gros mi-temps. Ça, je ne le savais pas forcément. Je me disais que ça me donnerait une expérience et c’est passionnant de fréquenter les institutions, les ministères. Avec quel accueil ? – Mon président (à Chartres) l’a plutôt vu d’un bon œil. Mon club me laisse ma liberté quand je dois aller en réunion. Ils me laissent rater des entraî- nements. Mais quand il y a compétition, mon travail passe en premier. En revanche, trente-deux ans, c’est jeune dans le monde institutionnel. Au début, les présidents de club vous font sentir que vous êtes un joueur et que vous êtes là pour jouer au ballon. Si vous n’êtes pas pertinent d’entrée, ça peut vite être compliqué. Au début, mon avis ne comptait pas forcément. Comment se passent les adhésions ? – Deux personnes embauchées à mitemps visitent les clubs pros de D 1, de Pro D 2 et D 1 féminine. Ils en bavent pour récupérer les adhésions. FAUTE de repreneurs, les syndicats d’athlètes (SAF) et de hockeyeurs (AJHG) sommeillent. Le perchiste Romain Mesnil a présidé le SAF de 2007 à la fin de sa carrière en 2013 : « J’ai essayé de voir si des athlètes étaient intéressés pour le reprendre, mais je n’ai pas de nouvelles, il faut qu’on dissolve. On était une force de proposition auprès de la Ligue pro, on a fait un gros travail lors de la création du statut des Sur quels thèmes les abordez-vous ? – Cette année, on a ciblé sur les risques liés aux paris sportifs et aux mafias qui peuvent être derrière les jeux en ligne. Des risques bien plus graves que ce qu’on a pu connaître avec l’affaire CessonMontpellier en 2012. C’était plutôt le petit garçon pris la main dans le pot de confiture. Là ,c’est le trafic en bande organisée, le délit mafieux, et pour le joueur et sa famille ça peut aller très loin. Quelle avait été votre position sur l’affaire de 2012 ? – Avant, on avait été les seuls à faire le travail de prévention auprès des joueurs. Ni les clubs, ni la Ligue, ni la Fédé n’avaient pris conscience du danger. Dans cette affaire, néfaste pour le hand, on a gagné en crédibilité auprès des institutions. Et sur le dopage ? – Par le biais de la FNASS (Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs), nous contestons le système de géolocalisation qui est trop lourd. Attention, on ne remet pas du tout en cause le principe du contrôle antidopage ! Mais le flicage à 6 heures du matin à la maison est perturbant pour la famille. On s’entraîne une à deux fois par jour dans nos clubs, qu’ils viennent nous trouver là. Autant on a de très bons rapports avec l’Arjel (Autorité de régulation des jeux en ligne), autant l’AFLD (Agence française de lutte contre le dopage) ne veut pas entendre parler P. G. de nous… » sont bien seuls et leur situation tellement précaire... déplore Véronique Barré, coordinatrice ressources humaines de Collectif Volley (*), évoquant « les jeunes aspirants, cinquième roue du carrosse, parfois malmenés (week-end à deux matches, plages de repos non respectées…) ou la « misère du professionnalisme féminin ». La situation pourrait néanmoins évoluer : ce jeudi, la Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs rend justement visite aux Spacer’s, l’équipe de volley de Toulouse, pour inciter ses joueurs à s’engager. (*) Association d’accompagnement socio-professionnel présidée par Philippe Blain. athlètes. C’est beaucoup d’énergie et ça s’est essoufflé. » Plus tôt, il y avait eu le Groupement des athlètes français. Odile Diagana en a été la première prés i d e n te e n 1 9 9 5 à u n e é p o q u e où « nous étions très peu écoutés. Pendant des années, nous avons eu un poids sur des thèmes comme le statut de l’athlète, le suivi socio-professionnel… On a franchi de grands pas depuis en équipe de France avec la préparation mentale, des bilans de compétence, des modalités de sélection moins subjectives. Mais les athlètes doivent se bouger. » En hockey, il a fallu attendre 2005, un an avant la création d’une Fédération autonome, pour voir apparaître l’Association des joueurs de hockey sur glace (AJHG) dirigée par Stéphane Barin. « On était tous en activité, c’était difficile de s’en occuper, seuls les Français étaient intéressés, se souvient son camarade Fabrice Lhenry, mais on avait le droit d’assister aux réunions, enfin de donner notre avis ! » Notamment sur le statut des internationaux, les contrats types ou les assurances (les dents sont aussi souvent cassées que mal remboursées). Belle avancée dans un sport où, en 1998, deux joueurs amiénois avaient dû adhérer à Force ouvrière (FO) pour défendre les intérêts de leurs coéquipiers. Mais faute de combattants, l’AJHG s’est endormie. PASCAL GLO SYNDICAT NATIONAL DES BASKETTEURS Taux de syndicalisation : 80 % en Pro A. Création : 1988. Adhérents : 320. Cotisation volontaire : 120 € pour une rémunération annuelle supérieure à 80 001 € ; 90 € jusqu’à 80 000 € ; 70 € jusqu’à 50 000 €. Président : Johan Passave Ducteil. Budget : 130 000 €. HANDBALL ASSOCIATION DES JOUEURS PROFESSIONNELS DE HANDBALL Taux de syndicalisation : 70 % en D 1. Création : 1992 (SJHB) puis 2004. Adhérents : 250. Cotisation volontaire : 120 € pour une rémunération mensuelle nette supérieure à 5 000 € ; 90 € à partir de 2 500 € ; 60 € en dessous de 2 500 €. Président : Émeric Paillasson. Budget : 125 000 €. RUGBY PROVALE Taux de syndicalisation : 60 % en Top 14. Création : 1998 (SNJR) puis 2001. Adhérents : 700 (Top 14, Pro D 2, Fédérale 1). Cotisation volontaire : 130 € (90 € Pro D 2). Président : Robins TchaleWatchou. Budget : 900 000 €. LES GRANDES DATES DU SYNDICALISME SPORTIF EN FRANCE 1929 Face au risque et au coût astronomique d’une assurance individ u e l l e , l e s j o c key s d’obstacles créent l’Association d e s j o c ke y s ( A J ) ava n t d’être rejoints par leurs collègues du plat. Une p re m i è re pour des Philippe PIAT sportifs en France. L’AJ, présidée aujourd’hui par Jacques Ricou, revendique 630 adhérents et un taux desyndicalisation de « quasiment 100% ». 1957 Dans sa villa de Fontenay-sousBois, Louison Bobet, son frère Jean et Raphaël Géminiani lancent l’Union des cyclistes professionnels français. La star en est le président, Jean Bobet la cheville ouvrière et maître Jacques Bertand en écrit les statuts. Leur but : réduire les privilèges des coureurs indépendants accusés de concurrence déloyale. En 1963, l’UNCP lui succède. Dès 1898, un syndicat des coureurs avait vu le jour. 1985 Président depuis 1969 – il était footballeur au RC Strasbourg – Philippe Piat obtient que l’UNFP récupère 1,09% de tous les droits versés à la Ligue de football professionnel. « À l’époque, ils lui ont ri au nez », raconte l’un de ses proches. Depuis, le montant des droits télé s’est envolé (748,5 M€ par an de 2016 à 2020). 1992 Alain Giresse est le premier président de la Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs qui réunit aujourd'hui les syndicats des basketteurs (SNB), des cyclistes (UNCP), des footballeurs (UNFP), des handballeurs (AJPH) et des rugbymen (Provale). Présidée par Sylvain Kastendeuch depuis 2008, elle représente 3500 sportifs. 2006 L’UNCP négocie un accord collectif reconnaissant aux pros français un statut et le droit à une couverture sociale unique au monde. Pour illustrer la nécessité d’adapter le code du travail, Jean-Claude Cucherat, secrétaire général, interroge : « Comment faire admettre le principe selon lequel le vainqueur d’une course est celui qui va le plus vite, quand on sait que des heures supplémentaires pourraient être allouées à celui qui, roulant plus lentement, travaillerait plus longtemps ? » P. G.
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