Le plus joli coin de Suisse Par Rob Neuhaus L a randonnée de Bergün/Bravuogn à Spinas nous expose aux charmes déroutants d’une nature particulièrement généreuse. Qui plus est, elle nous livre un des plus spectaculaires exemples d’architecture ferroviaire ayant marqué de son empreinte une vallée entière. La ligne de l’Albula, de Thusis à Tirano, a été construite entre 1898 et 1904 et s’est immédiatement fait une réputation de chef d’œuvre de la technique. En 2008, elle faisait son entrée sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Notre randonnée commence à la gare de Bergün/Bravuogn – le musée de la ligne de l’Albula se trouve juste à côté – et traverse le village aux maisons typiques des Grisons. Le Kurhaus (maison de cure) ne passe pas inaperçu. Dès son ou- 26 La randonnée de Bergün/Bravuogn, dans la vallée de l’Albula, à Spinas, en Haute-Engadine, comporte trois variantes: une courte, une longue et une compacte. Toutes trois sont étroitement liées à la ligne ferroviaire de l’Albula et passent par le lac de Palpuogna – élu «le plus joli coin de Suisse». verture, la ligne de chemin de fer a engendré un afflux de touristes exigeants. Ce prestigieux hôtel, construit en style Art nouveau, a été soigneusement restauré voici quelques années. En 2012, il a été couronné « Hôtel historique de l’année». On peut y séjourner en chambre ou en appartement de vacances. Notre sentier continue le long de la rivière Albula dont le murmure nous accompagnera longtemps. Nous retrouvons bientôt la voie ferrée à l’approche de Punt Ota. Deux tunnels hélicoïdaux superposés lui font gagner une bonne centaine de mètres sur une courte distance. Presque à chaque instant on peut voir ou entendre un train en mouvement – un spectacle qui n’interpelle pas seulement les amateurs de trains. Des panneaux d’information ponc- tuent le parcours. Ils nous détaillent le tracé de la ligne et les heures de passage des trains. Preda également est empreint d’histoire ferroviaire. La construction du tunnel a fait de cet alpage un village habité toute l’année. Mais aujourd’hui encore, il abrite un grand chantier : les chemins de fer rhétiques (RhB), qui célèbrent cette année leur 125e anniversaire, y construisent un nouveau tunnel. L’actuel ouvrage date de 1903 et sa réfection s’impose. Or il s’avère plus judicieux de percer une nouvelle galerie. Nous quittons provisoirement le tracé ferroviaire pour nous diriger vers le lac de Palpuogna. Naturel à l’origine, ce lac a été rehaussé par un muret de 30 centimètres pour en faire un lac de retenue devant fournir l’énergie nécessaire à la construction de la ligne. Mais il n’a rien perdu de son étourdissante beauté et s’est d’ailleurs vu attribuer le titre de « plus joli coin de Suisse » par le public de la télévision alémanique, en 2007. Par endroits, le lac laisse échapper des bulles de gaz naturel du fond de ses nombreux gouffres, visibles à travers l’eau cristalline. Il recèle même une grotte sous-lacustre. La baignade y est malheureusement interdite. Plus loin, Crap Alv attire notre regard: l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich y exploite une station de recherche agricole depuis plus de 40 ans. Mais nous voulons aller plus haut encore. Deux variantes s’offrent à nous pour atteindre les lacs de Crap Alv : une douce et une autre plus raide. Ici, le ATE MAGAZINE / SEPTEMBRE 2014 © swiss-image.ch/Christof Sonderegger VOYAGES Randonnée sentier devient quelque peu «aérien » – la prudence est de mise. Et l’attention aussi. En effet, avec un peu de chance, nous pourrons apercevoir des bouquetins, puisque nous entrons ici dans leur royaume. Nous nous laissons charmer par les innombrables merveilles de la nature alpine, des fleurs aux falaises de formes et de couleurs diverses, en passant par les papillons et les marmottes. Les petits lacs à gauche et à droite du chemin, dans lesquels se mirent les sommets environnants, ajoutent une dimension supplémentaire au spectacle. Ils sont aussi les bienvenus pour rafraîchir les pieds du marcheur. Nous attaquons la dernière pente et parvenons à la Fuorcla Crap Alv. A son point culminant, à 2466 mètres d’altitude, nous nous trouvons sur la ligne de partage des eaux: au nord, les gouttes de pluie prennent le chemin de la mer du Nord, par l’Albula et le Rhin, au sud celui de la mer Noire, par le Beverin, l’Inn et le Danube. Le panorama est saisissant. La descente met les genoux à contribution. Mais bientôt, le sentier devient moins abrupte le long du très agité torrent du val Bever, jusqu’à Spinas. De là – pour autant que nous ne négligions pas de presser sur le bouton «Arrêt sur demande» – le train nous ramènera en quelques minutes dans la vallée de l’Albula. Bien entendu, il est aussi possible de faire la randonnée dans l’autre sens. Ou encore de la raccourcir en partant de Preda. En tous les cas, la variante la plus courte ne fait que quelques centaines de mètres : elle mène au musée du chemin de fer de l’Albula. Il ne s’adresse pas exclusivement aux passionnés de trains, mais à toutes personne intéressée par les paysages culturels et la technique. On y trouve une maquette ferroviaire, sur laquelle Bernhard Tarnutzer est à l’œuvre pratiquement 7 jours sur 7, des présentations multimédia, des démonstrations techniques et un poste virtuel de conduite de locomotive qui nous met « aux commandes » d’une crocodile des RhB. Cette option ne rend pas seulement la randonnée de l’Albula attractive pour les familles, mais aussi praticable par tous les temps. Informations utiles Aller: RhB depuis Coire ou depuis l’Engadine pour Bergün/Bravuogn. Retour: RhB depuis Spinas dans chaque direction (arrêt sur demande). Itinéraire : Bergün (alt. 1373 m)–Preda (alt. 1789 m)–Lai da Palpuogna–Crap Alv–Crap Alv Laiets–Fuorcla Crap Alv (alt. 2466 m)–Spinas. Type de chemin : chemin pédestre (Bergün–Preda), depuis Preda sentier de montagne avec balisage et quelques passages escarpés Temps de marche : 6 à 7 heures au total (Bergün–Preda 1h30) Saison: de juin à octobre Cartes: carte nationale 1:25 000, feuillets 1236 (Savognin) et 1237 (Albulapass) Pour plus d’infos : www.berguen-filisur.ch; www.bahnmuseum-albula.ch La vallée de l’Albula est empreinte d’histoire ferroviaire. Le caractère esthétique unique du tracé lui a valu de faire son entrée sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. © swiss-image.ch/Christof Sonderegger Le lac de Palpuogna, près du col de l’Albula à 1918 mètres d’altitude, reflète le majestueux décor environnant. © Rob Neuhaus Il vaut la peine de prévoir plus de temps pour découvrir les informations le long du parcours. ATE MAGAZINE / SEPTEMBRE 2014 27
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